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24/01/2013

Quiconque est d'une secte semble afficher l'erreur ....[ce sont ] des aveugles qui marchent sous la bannière d'un borgne

... Ce ne sont pas les "borgnes" qui manquent , erreurs de la nature , maléfiques meneurs d'aveugles dévoués et abusés .

 

borgnes.jpg

 

« A Jean-Joseph Rossignol 1

Aux Délices 6 novembre 1757

Depuis le prince de La Mirandole, monsieur, on n'a jamais soutenu de thèses si universelles . Je vous suis aussi obligé de la bonté de m'en faire part, que je suis étonné de votre immense savoir . Vous qui enseignez tout et votre jeune homme qui apprend tout, vous êtes des prodiges 2. De tels progrès sont non seulement le fruit du génie, mais celui des méthodes qui se sont multipliées dans ces derniers temps . Plus il y a de carrières à parcourir et plus on a eu de secours . On n'en avait aucun du temps de Pic de La Mirandole . Aussi ses thèses ne contenaient aucune vérité . L'immensité de son savoir était dans des mots au lieu que le vôtre est dans les choses .

Ce qui me surprend autant que votre entreprise, c'est ce que vous m'apprenez, qu'il y a encore des péripatéticiens et qu'il subsiste des reste de barbarie dans la seconde ville de France 3. Je croyais qu'à peine il restait des cartésiens . Quiconque est d'une secte semble afficher l'erreur . On dit un platonicien, un épicurien, un péripatéticien, un cartésien pour caractériser des aveugles qui marchent sous la bannière d'un borgne . On ne dit point un euclidien, un archimédien parce que la vérité n'est pas une secte . Aussi en Angleterre et parmi les philosophes comme vous on n'appelle point neutonien un homme qui se sert du calcul intégral ou qui répète les expériences sur la lumière .

Ainsi je suis persuadé que quand vous parlez page 11 de l'explication des phénomènes de l'arc-en-ciel, et de l'aimant, vous ne prétendez pas sans doute de mettre de niveau les démonstrations de Neuton sur les réfractions et la réfrangibilité des rayons dans les gouttes d'eau, avec les systèmes hasardés sur l'aimant , et surement, quand vous vous proposez de défendre en détail le traité d'optique de Neuton vous ne vous proposez que d'expliquer les vérités sensibles qu'il a démontrées aux yeux .

Votre dernière question est certainement aussi embarrassante que curieuse . Nous ne pouvons avoir autant de connaissance sur l'acoustique que sur l'optique . Les sons ne donnent pas autant de prise à la géométrie que la lumière . Cependant il me paraît qu'il y a sur la lumière la même difficulté que vous faites sur le son . Comment notre oreille entend-elle à la fois les quatre parties ? Et comment notre œil voit-il à la fois les points dont les rayons se croisent nécessairement avant de frapper la rétine ? Comment les rayons sonores portent-ils en même temps à cent mille hommes la basse et le dessus ? et comment les rayons visuels apportent-ils en même temps à cent mille hommes ce point rouge et ce point bleu qui doivent s'intercepter cent mille fois ?

Dès qu'il s'agit d'expliquer nos sensations les mathématiciens deviennent impuissants ; et c'est là que nous demeurons dans notre première ignorance après avoir mesuré les cieux et découvert la gravitation de tous les globes . Si quelqu'un monsieur, peut servir à nous éclairer dans cette nuit profonde, c'est vous . J'ai l'honneur d'être avec les sentiments que je vous dois

Monsieur

vôtre …

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi . »

2 Encore un parallèle avec Pangloss et Candide .

3 Lyon .

 

Je ne hais pas d'avoir des doubles de tous les livres d'usage

... Et je vous en félicite mon cher Voltaire ! Mais n'ayant pas vos moyens, ni vos logements, un seul exemplaire de chaque livre me suffit amplement, y compris ceux que vous avez écrit .

En revanche, je ne suis pas contre un double whisky sans glace et un chat truqué

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J'y crois pas , comme dit St Thomas : http://www.youtube.com/watch?v=v4DTR0I7xhA

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 5 novembre 1757]1

Avant d'aller voir des autodafés 2, mon cher éditeur, il faut régler nos comptes . Vous m'avez fourni quelques livres que je vous dois . Je ne hais pas d'avoir des doubles de tous les livres d'usage . J'ai un Shakespeare à Lausanne, un Pope, Warburton, Bolingbroke . Si vous les avez je les prendrai pour mon petit cabinet de livres des Délices . Un nouvel atlas me viendrait encore fort bien . Si vous avez un Lactance 3, un Arnobe 4 et jusqu'à un saint Thomas 5 je m'en accommoderai encore . En un mot je prendrai les livres que vous aurez pour les 291 livres tournois que me doit Mme Dubuisson et pour les 200 livres tournois que me doit M. Jacquier . Cet arrangement peut vous être commode . Je vous embrasse de tout mon cœur .

V. »

1 Sur le manuscrit de cette lettre, Cramer écrit «  J'ai envoyé le 7 9bre 1757, 234 livres de France pour solde ayant rabattu ce que devait Mme Denis, en tout 237 livres de France comme il appert an petit brouillard . »

2 Voir note de la lettre du 1er novembre 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/20/je-vous-aurai-une-tres-grande-obligation.html

La mention des autodafés semble indiquer que Candide est en gestation .

 

23/01/2013

Les héros ressemblent toujours par un coin aux voleurs de nuit , ils vont droit au coffre-fort, après quoi ils étalent de grands sentiments

... Les héros militaires, oui ! les pseudo-héros politiques , oui ! les héros des petits et grands écrans, oui ! les héros du show-biz ( là, je m'enfonce dangereusement dans l'incongruité ), oui ! les zéros du Net, oui ! et j'arrête ici cette liste de "héros" auto-proclamés, sinon je vais m'énerver, et ils n'en valent pas la peine . 

 

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« A Jean-Robert Tronchin

Aux Délices 5 novembre [1757]

Mon cher correspondant, me voici revenu à nos Délices . Le diable m'y berce . Je vous y fais un jardin où vous et vos neveux vous vous perdrez . Si vous voulez y manger de bonnes pêches, de bonnes figues, de bons beurrés gris, souvenez-vous du portier des Chartreux . Seriez-vous homme à m'envoyer par la messagerie cinq douzaines de pitons dorés pour accrocher des estampes ?

Je me flatte que vous avez reçu les 25 000 livres tournois de Laleu pour subvenir à ces frais .

N'attendez-vous pas ainsi que moi quelque rognure de nuestra señora del Pilar arrivée de Valparaiso avec dix-huit cent mille piastres ?

Je ne suis que médicrement intéressé dans cette affaire mais elle paraît meilleure pour le genre humain que tout ce qui se passe aujourd'hui sur l'Elbe, sur l'Oder et sur la Sprée.

Les gens dont je vous parlais 1 dans mes dernières lettres me paraissent toujours dans le plus grand désespoir et se vantent de solutions extrêmes, mais pour se consoler vous voyez qu'ils prennent tout l'argent qu'ils peuvent . Les héros ressemblent toujours par un coin aux voleurs de nuit , ils vont droit au coffre-fort, après quoi ils étalent de grands sentiments . Je n'ai pas encore tiré bien au clair l'affaire de Berlin . Je ne sais si le général Hadish 2 aura pris dans cette ville autant d'argent que les Prussiens en ont tiré de Leipsik .

Au reste je n'aurai de nouvelles des principaux personnages que dans un mois . On a été si occupé qu'on a fait un quiproquo en cachetant . On m'a envoyé une lettre pour une autre . Cette méprise pourrait faire croire qu'elle n'a pas l'esprit bien libre .

Interim buvez à ma santé et ne me sachez pas mauvais gré d'avoir enlevé la belle Pictet à Genève .

L'oncle et la nièce vous embrassent de tout leur cœur .

Pardon mais j'ai quelque souvenir que vous m'aviez flatté de deux cafetières du Levant 3, l'une de trois tasses et l'autre de six . Pardon, pardon . »

1 La margrave de Baireuth et Frédéric II, son frère .

2 Le feld-maréchal austro-hongrois Andréas Hadik qui fit un raid sur Berlin les 16 et 17 octobre et mit la ville à contribution .Voir : http://en.wikipedia.org/wiki/1757_Berlin_raid

 

22/01/2013

Voilà comme il faut en user avec les souverains, et ne jamais dépendre d'eux

 ... Car tout compte fait, leur pouvoir est illusoire si le peuple ne les assiste pas .

Vive le roi ,  qu'il nous fiche la paix et ne nous revienne pas trop cher !

Et encore mieux, qu'il nous rapporte !

Sarko frottant l'émir magique avant de faire ses trois voeux

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Remake de Laurel et Hardy

 

« A M. Sébastien DUPONT,

avocat.

Au Chêne, à Lausanne, 5 novembre [1757].

 Croyez-moi, je renonce à toutes les chimères
Qui m'ont pu séduire autrefois;
Les faveurs du public et les faveurs des rois
Aujourd'hui ne me touchent guères.
Le fantôme brillant de l'immortalité
Ne se présente plus à ma vue éblouie.
Je jouis du présent, j'achève en paix ma vie
Dans le sein de la liberté.
Je l'adorai toujours, et lui fus infidèle;
J'ai bien réparé mon erreur;
Je ne connais de vrai bonheur
Que du jour que je vis pour elle.


Mon bonheur serait encore plus grand, mon cher Dupont, si vous pouviez le partager. Libre dans ma retraite auprès de Genève, libre auprès de Lausanne, sans rois, sans intendant, sans jésuites 1; n'ayant d'autres devoirs que mes volontés; ne voyant que des souverains qui vont à pied, et qui viennent dîner chez moi; aussi agréablement logé qu'on puisse l'être; tenant, avec ma nièce, une fort bonne maison, sans aucun embarras, il ne me manque que vous. Nos spectacles de Lausanne ne commenceront qu'en janvier. C'est malheureusement le temps où vous plaidez
Et pro sollicitis non tacitus reis,
Et centum puer artium. 2

C'est grand dommage que vous soyez à Colmar. Une femme, des enfants et des plaideurs, vous arrêtent dans votre haute Alsace. Vous seriez bien content de la vie de Lausanne et des agréments de ma petite terre des Délices; mais votre destinée vous retient où vous êtes.
Quand je vous dis que j'ai renoncé aux rois, cela ne m'empêche pas de recevoir souvent des lettres du roi de Prusse. Je suis occupé depuis trois mois à le consoler c'est une belle et douce vengeance. Il avoue que je suis plus heureux que lui, et cela me suffit. J'ai fait depuis peu, avec l'électeur palatin, une affaire aussi bonne qu'avec le duc de Wurtemberg. Voilà comme il faut en user avec les souverains, et ne jamais dépendre d'eux. J'embrasse Mme Dupont et vos enfants aimables. Vale, vive felix, et me ama.
Mes respects à M. et Mme de Klinglin. »

1 Allusion aux jésuites Kroust, Merat, etc., dont les intriguesavaientempêché Voltaire, en 1754, de s'établir à Horbourg, prés de Colmar. (Clogenson.)

2 Horace., lib. IV, od. I.:Eloquent en faveur d'accusés inquiets, et adolescent aux mille artifices .

 

20/01/2013

Mais je suis heureux des plaisirs qu'on a

... Et si j'en étais fâché, ou jaloux, je serais doublement idiot, or une seule fois me suffit !

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« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

A Lausanne 3 novembre [1757]

Je suis venu à Lausanne, monsieur, pour voir quelle mine ont deux personnes 1 nouvellement heureuses pour faire ma cour à toute votre famille et en même temps j'arrange mon petit ermitage du Chêne . Mais si votre vilaine bise 2 n'a pas pitié de moi il n'y a pas d'apparence que je sois un de vos acteurs cet hiver à moins que vous n'ayez à me donner quelque rôle de vieux malade borgne et édenté .

J'aurais bien voulu pouvoir vous envoyer les lettres qui ont excité votre curiosité mais quand vous serez à Lausanne vous verrez que cela n'était pas possible . Vous êtes bien bon de supposer que la personne qui m'a écrit 3 ait de l'amitié pour moi . C'est un sentiment que les gens de son espèce ne connaissent guère . Je ne peux que le plaindre de tout mon cœur . Il ne tenait qu'à lui d'être de tous les rois le plus heureux, étant le plus riche, le plus instruit, le plus rempli de goût et de talents . Il s'est perdu et je n'envisage rien que de sinistre . Mme la margrave de Bareith sa sœur me mandait il n'y a pas longtemps qu'elle enviait son sort, elle le trouverait encore plus doux, monsieur, si elle savait combien votre société et celle de toute votre famille est aimable . C'est ma nièce qui jouit actuellement de tous les agréments et de toutes les fêtes du nouveau marié . Je n'assiste ni au bal ni aux soupers . Je suis rencogné chez moi avec un emplâtre sur l’œil comme le valet du retour imprévu 4. Mais je suis heureux des plaisirs qu'on a . L’applaudissement qu'on donne au mariage me flatte beaucoup de sorte qu'il n'y a point de plus heureux malade que moi . Je retourne planter aux Délices après quoi je reviens attendre à Lausanne le jour des rois, jour auquel je rendrai mes respects à Agamemnon et au duc de Foix . Comptez toujours, ma nièce et moi, monsieur, parmi ceux qui sentent le plus vivement tout ce que vous valez et qui vous sont le plus attachés . 

V.»

1 Charlotte Pictet et Samuel Constant .

2 Vent de nord-nord-est qui souffle sur le plateau suisse et prend en enfilade la vallée du Rhône, le lac Léman et le Pays de Gex .

3 Frédéric II.

 

au milieu des intérêts publics je ne dois pas songer à mes chagrins particuliers

... Juste les mettre entre parenthèses ! Faire contre mauvaise fortune bon coeur et espèrer une juste solution des emm.... embêtements que créent des proches mal intentionnés .

Au besoin, montrer les dents

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« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

 Au Chêne à Lausanne [2 ?] novembre [1757]

L'aventure de Berlin, madame, était déjà dans toutes les gazettes et le prince Louis de Virtemberg me l'avait mandée de Lissa, mais non pas avec toutes les circonstances que vous m'apprenez . On ne dit rien du trésor . Apparemment que le sieur Ferdersdorf , ce valet de chambre premier ministre, l'aura fait transporter à Custrin . Mais il y en avait un autre à Potsdam tout en or . C'eût été une assez bonne capture . Il était auprès de la petite salle des soupers de confidence . Il y aura grande apparence qu'à la fin de toutes ces affaires-ci on verra plus d'espèces circuler en Allemagne .

Je me tais sur cette grande révolution . Il m'est seulement permis de remarquer que Frédéric aurait été le plus heureux des rois aussi bien que le plus riche s'il avait été aussi philosophe qu'il a cru quelquefois l'être . Il aurait épargné à l'Europe la guerre de 1741 et celle qui désole aujourd'hui une partie de l'Allemagne .

Je ne peux que le plaindre . Il m'a écrit plusieurs fois et j'ai goûté la vengeance de le consoler . J'aurais souhaité, je vous l'avoue, qu'il eût un peu justifié les sentiments de compassion qu'il m'a inspiré en réparation de la violence inexcusable dont il usa envers ma nièce, envers une étrangère, une sujette du roi de France qui ne lui devait rien et dont il n'avait aucun sujet de se plaindre . J'apprendrai peut-être quelque jour à la postérité que dans Francfort où l'empereur a été élu, un marchand nommé Smith, condamné pour fausse monoye par une commission impériale, et un nommé Freytag condamné dans Dresde à la brouette, ont de leur autorité privée arrêté ma nièce au nom du roi de Prusse dans la rue au milieu de la populace, l'ont conduite à pied en prison, l'ont fait coucher en présence de quatre soldats qui avaient la baïonnette au bout du fusil au pied de son lit, se sont saisis de ses effets et des miens, les ont gardés tant qu'ils ont voulu et m'ont volé des sommes considérables : Mme Denis n'avait d'autres crimes que de m'avoir conseillé plusieurs fois de revenir dans ma famille . Il est bien étrange que le roi de Prusse m'écrive aujourd'hui sans réparer le moins du monde cette action qui n'est pas à sa gloire . Mais, madame, au milieu des intérêts publics je ne dois pas songer à mes chagrins particuliers, et ma nièce heureuse dans ma retraite oublie ce que ce prince n'aurait pas dû oublier . Est-il possible qu'avec tant de talents il se soit attiré tant d'inimitiés personnelles, et que son esprit n'ait servi qu'à son malheur ! Je réfléchis souvent sur ce grand exemple, les malheurs des rois peuvent servir même aux hommes obscurs . Il ne manquerait rien à la douceur de la retraite dont je jouis si vous veniez habiter à Montriond . Mais je ne compte sur rien que sur mon tendre respect pour vous .

V.

Je vous supplie madame, de me mander les suites de la prise de Berlin . Vous m'écrivez sur de grandes feuilles, soit, pourvu qu'elles soient remplies . »

 

Je vous aurai une très grande obligation

... De laisser parfois/souvent un commentaire . Veuillez agréer, mon cher lecteur, etc., etc.

 

 

« A M. Gabriel Cramer

l'ainé .

[vers le 1er novembre 1757]

Je vous demande en grâce avant de partir 1, mon cher éditeur, de vouloir bien faire tenir un exemplaire de votre seconde édition à M. Darget directeur de l’École militaire, à l’École militaire à Paris .

Je vous aurai une très grande obligation .

V. »

1 Le 28 novembre Cramer est à Lyon, à Toulouse le 2 janvier 1758, puis Bordeaux, Madrid, Lisbonne, Valence, Barcelone, Toulouse pour arriver à Marseille le 23 novembre 1758 .