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14/07/2015

Je n'ai dit qu'un mot, et ce mot a fait éclore vingt brochures parmi lesquelles il y en a quelques unes de bonnes et beaucoup de mauvaises

... Qu'en serait-il à l'heure du tweet qui ne ferait que brasser du vent médiatique en pure perte ?

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand

14 juillet [1760] 1

Si vous aviez voulu, madame, avoir Le Pauvre Diable et Le Russe à Paris et d'autres drogues, vous m'auriez donné vos ordres, vous auriez du moins accusé la réception de mes paquets . Vous ne m'avez point répondu , et vous vous plaignez . J'ai mandé à votre ami que vous êtes assez comme les personnes de votre sexe qui font des agaceries et qui plantent là les gens après les avoir subjugués .

Il faut vous mettre un peu au fait de la guerres des rats et des grenouilles 2. Elle est plus sérieuse que vous ne pensez . Lefranc de Pompignan a voulu succéder à M. le président Hénault dans la charge de surintendant de la reine et être encore sous-précepteur ou précepteur des enfants de France, ou mettre son frère l’évêque dans ce poste . Ce Moïse et cet Aaron pour se rendre plus dignes des faveurs de la cour, ont fait ce beau discours à l'Académie qui leur à valu des sifflets de tout Paris . Leur projet était d'armer le gouvernement contre tous ceux qu'ils accusent d'être philosophes , de me faire exclure de l'Académie 3, de faire élire à ma place l'évêque du Puy et de purifier ainsi le sanctuaire profané . Je n'ai fait que rire, parce que Dieu merci, je ris de tout . Je n'ai dit qu'un mot, et ce mot a fait éclore vingt brochures parmi lesquelles il y en a quelques unes de bonnes et beaucoup de mauvaises .

Pendant ce temps là est arrivé le scandale de la comédie 4 des Philosophes . Mme de Robecq a eu le malheur de protéger cette pièce et de la faire jouer . Cette malheureuse démarche a empoisonné ses derniers jours . On m'a mandé que vous vous étiez jointe à elle ; cette nouvelle m'a fort affligé . Si vous êtes coupable avouez-le moi et je vous donnerai l'absolution .

Si vous voulez vous amuser lisez Le Pauvre Diable et Le Russe à Paris . J'imagine que Le Russe vous plaira davantage parce qu'il est d'un ton plus noble .

Vous lisez les ordures de Fréron . C'est une preuve que vous aimez la lecture, mais cela prouve aussi que vous ne haïssez pas les combats des rats et des grenouilles 5.

Vous dites que la plupart des gens de lettres sont peu aimables et vous avez raison . Il faut être homme du monde avant d'être homme de lettres . Voilà le mérite du président Hénault . On ne devinerait pas qu'il a travaillé comme un bénédictin .

Vous me demandez comment il faut faire pour vous amuser ? Il faut venir chez moi . On y joue des pièces nouvelles . On y rit des sottises de Paris et Tronchin guérit les gens quand on a trop mangé . Mais vous vous donnerez bien de garde madame de venir sur les bords de mon lac, vous n'êtes pas encore assez philosophe , assez détachée, assez détrompée . Cependant vous avez un grand courage puisque vous supportez votre état, mais j'ai peur que vous n'ayez pas le courage de supporter les gens et les choses qui vous ennuient . Je vous plains, je vous aime, je vous respecte et je me moque de l'univers 6 à qui Pompignan parle .

V. »

1 V* répond à une lettre du 5 juillet 1760 par laquelle la marquise reprend son commerce épistolaire avec lui .

2 Mme du Deffand écrit : «  […] je désapprouve si fort que vous soyez pour quelque chose dans la guerre des rats et des grenouilles (comme vous la nommez fort bien) que je ne puis consentir à flatter la vanité d'un des deux partis . », puis en conclusion : « Permettez-moi de finir par un conseil . Lisez la fable du Rat , de la grenouille et de l'aigle . » (voir La Fontaine : La grenouille et le rat : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/grenrat.htm)

3 La nouvelle concernant une candidature possible de Jean-Georges Lefranc de Pompignan à l'Académie avait été donnée par d'Argental dans une lettre du 30 juin 1760 .

4 V* avait commencé à écrire l'académie .

5 Sur les reproches de V*, voir ce que lui écrivait d’Alembert , dans la lettre du 6 juillet 1760 à d'ArgentaI : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/12/05/il-faut-qu-ils-sachent-que-je-suis-heureux-et-qu-ils-crevent-5732403.html

La marquise s'en défendra dans sa lettre du 23 juillet 1760 /

6 Pour cette allusion, voir note de la lettre du 13 juin 1760 à Jean-François Joly de Fleury : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/13/on-voit-que-la-place-meme-ou-se-commit-le-petit-delit-dont-il-est-question.html

 

13/07/2015

C'est dommage qu'un homme qui écrit si bien, écrive si mal

...Francesco Algarotti (Liotard).jpg

 

« Au comte Francesco Algarotti

Aux Délices 13 juillet 1760

Le lettera sopra la Russia ! Le desidero, le aspetto, le amero ; ma non sono captate al mio ritiro . Il sig. Shellendorf lo ricevero come l'amico del mio Cigno, ma non e venuto .1

Les révolutions de la Russie sont un fatras de déclamations  . Je n'ai point encore la dernière partie des archives ; pendant opera interrupta 2. On dit que les housards ont pris un gros ballot ; quand la guerre ne ferait que ce mal-là, elle serait toujours un fléau de Dieu .

La guerre des rats et des grenouilles continue à Paris . Voilà une Batrachomyomachia, 3 on me l'a envoyée, et je vous l'envoie . Le port sera rude, mais pour le diminuer, je n'écris qu'un mot ; ce mot est que je vous aime et estime, aimerai et estimerai tant que je vivrai .

Mille tendres compliments, je vous en prie, à M. le sénateur Albergati ; je l'aime comme si je l'avais vu .

N.B. - C'est dommage qu'un homme qui écrit si bien, écrive si mal . Vous vous servez de la patte d'un chat, j'ai autant de peine à déchiffrer vos lettres , que de plaisir à les lire, quand je les ai déchiffrées . »

1 Les lettres sur la Russie ! Je les désire, je les attends, je les aimerai ; mais elles ne sont pas parvenues dans ma retraite . Pour M. Schellendorf, je le recevrai comme l'ami de mon Cygne , mais il n'est pas venu .

2 Les travaux interrompus demeurent suspendus ; l'Enéide, IV, 88, de Virgile .

3 La Batrachomyomachia est une parodie burlesque de l'Iliade, jadis attribuée à Homère ; il n'est pas possible de déterminer quel est l'ouvrage envoyé par V* qu'il y compare . Voir le second paragraphe de la lettre du 14 juillet 1760 à Mme du Deffand  où il est question de « la guerre des rats et des grenouilles » : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/01/25/je-n-ai-dit-qu-un-mot-et-ce-mot-a-fait-eclore-vingt-brochure-5750135.html

12/07/2015

Je suis comme Mlle de Lenclos, qui ne voulait pas qu'on appelât aucune femme putain

... Voltaire n'a pas attendu les mouvements féministes pour s'abstenir de méjuger les femmes quelles qu'elles soient .

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« A Charles Palissot de Montenoy etc.

rue Basse du Rempart

à Paris

12 juillet 1760, aux Délices

Votre lettre est extrêmement plaisante et pleine d'esprit 1, monsieur ; si vous aviez été aussi gai dans votre comédie des Philosophes, ils auraient dû aller eux-mêmes vous battre des mains ; mais vous avez été sérieux, et voilà le mal . Entendons nous, s'il vous plait; j'aime a rire ; mais nous n'en sommes pas moins persécutés . Me Abraham Chaumeix, et Me Jean Gauchat 2 ont été cités dans le réquisitoire de Me Joly de Fleury ; on nous a traités de perturbateurs du repos public, et qui pis est , de mauvais chrétiens . Me Lefranc de Pompignan m'a désigné très injurieusement devant mes 38 confrères . On a dit à la reine et à monseigneur le dauphin, que tous ceux qui ont travaillé à l'Encyclopédie, du nombre desquels j'ai l'honneur d'être, ont fait un pacte avec le diable . Maître Aliboron , dit Fréron, votre ami, veut me faire aller à l’immortalité dans ses admirables feuilles, comme Boileau a éternisé Chapelain et Cotin . Je suis assez bon chrétien pour leur pardonner dans le fond de mon cœur, mais non pas au bout de ma plume .

Permettez que je vous dise très naturellement, et très sérieusement, que votre préface, donnée séparément, après votre pièce, est une accusation en forme contre mes amis, et peut-être contre moi . J'en avais déjà deux exemplaires avant que j'eusse reçu le vôtre . On m'avait indiqué tous les passages où vous vous étiez trompé ; je les avais confrontés : en un mot, je suis très fâché qu'on accuse mes amis et moi, de n'être pas bons chrétiens : je tremble toujours qu'on ne brûle quelques philosophes sur un malentendu . Je suis comme Mlle de Lenclos, qui ne voulait pas qu'on appelât aucune femme putain . Je consens qu'on dise de moi, que je suis un radoteur, un mauvais poète, un plagiaire, un ignorant, mais je ne veux pas qu'on soupçonne ma foi : mes curés rendent bon témoignage de moi ; et je prie Dieu tous les jours pour l’âme de frère Berthier . Frère Menoux, qui aime passionnément le bon vin, et qui a beaucoup d'argent en poche 3, est obligé de me rendre justice . J'ai fait ma confession de foi au frère La Tour 4; j’étais même assez bien auprès du défunt pape 5, qui avait beaucoup de bonté pour moi, parce qu'il était goguenard ; ainsi , ayant pour moi tant de témoignages, et surtout celui de ma bonne conscience, je peux bien avoir quelque chose à craindre dans ce monde-ci, mais rien dans l'autre .

J'ai vu les vers du Russe sur les merveilles du siècle ; il y a une note qui vous regarde 6; on y dit que vous vous repentez d'avoir assommé ces pauvres philosophes qui ne vous disaient mot . Il est beau et bon de ne point mourir dans l'impénitence finale ; pardonnez à ce pauvre Russe , qui veut absolument que vous ayez tort d'avoir insinué que mes chers philosophes enseignent à voler dans la poche . On prétend que c'est M. Fantin, curé de Versailles 7, qui volait ses pénitentes en couchant avec elles, et ses pénitents en les confessant ; Dieu veuille avoir son âme ! A l’égard de la vôtre, je voudrais qu'elle fût plus douce avec les encyclopédistes, qu'elle me pardonnât toutes mes mauvaises plaisanteries, et qu'elle fût heureuse .

Je vous dirai ce que je viens d'écrire à frère Menoux . Il y avait une vieille dévote, très acariâtre, qui disait à sa voisine, je te casserai la tête avec ma marmite . Qu'as-tu dans ta marmite ? dit la voisine ; il y a un gros chapon gras , répondit la dévote . Eh bien , mangeons -le ensemble, dit l'autre . Je conseille aux encyclopédistes, jansénistes, molinistes, à vous, tout le premier, et à moi, d'en faire autant .

Que reste-t-il à faire après qu'on s'est bien harpaillé ?8 à mener une vie douce, tranquille et à rire .

Votre très humble obéissant serviteur

Le bon Suisse V.

N.B. que Mme la comtesse de La Marck nie formellement qu'elle se soit jamais plainte ( ou qu'elle ait eu à se plaindre )9 de Diderot . En effet ce n'était pas lui qui avait écrit la lettre dont vous m'avez parlé . La chose est éclaircie .

Voilà une foutue guerre depuis le chien de discours de Lefranc jusqu'à La Vision .

Ma foi juge et plaideurs il faudrait tout lier . 10»

1Elle est datée du 7 juillet 1760 .

2 Il s'appelait Gabriel Gauchat : V* pense ici à messire Jean Chouart, dans Le Curé et le Mort ,de La Fontaine : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/curemort.htm

3 V* s'explique plus amplement sur ce point dans sa lettre du 3 décembre 1759 à la marquise du Deffand : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1759-partie-25-119546275.html

4 Sur cette « confession de foi » au frère La Tour, voir la lettre au révérend-père Simon de La Tour du 1er avril 1746 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1746-partie-3-102790826.html

5 Benoît XIV .

6 La note au vers 68 .

8 Harpailler, fréquentatif de harper, signifie « se quereller indécemment et avec aigreur » ; employé seulement à la forme pronominale, le mot figure dans le Dictionnaire de l'Académie de 1758 .

9 La parenthèse est ajoutée au dessus de la ligne .

11/07/2015

Il n'y a pas a hésiter . C'est une victoire qu'il faut remporter sur les sots et sur les fripons à quelque prix que ce soit .

... Fut-ce à des alliances PS - Les républicains  ? Yes ! rien ne doit permettre au "premier parti" de France (comme se gargarise le FN)  de diriger quelque région que ce soit  .

 

 

« Au baron Frédéric Melchior von Grimm

[11 juillet 1760]1

Je reçois, mon cher voyant, et bien voyant, mon cher prophète d'aléthée 2, votre lettre du 4 juillet ; vous voulez ma réponse à Palissot, la voici .

J'y joins ma réponse au père de Menoux qui m'a envoyé L’Incrédulité combattue par le simple bon sens, essai philosophique par un roi, ouvrage dans lequel je reconnais le simple bon sens de Menoux .

Pour émousser à jamais tous les traits qu'on lance contre la raison, il faut mettre Diderot de l'Académie française . C'est une négociation dans laquelle vous réussirez plus aisément qu'à faire donner de l’argent à votre ville de Francfort .

Cependant il serait utile et honnête que Robin mouton imprimât Le Pauvre Diable ; Le Russe à Paris et la lettre du frère de la charité . Comme dans tout cela on n'attaque aucune belle femme, ces petits ouvrages ne seront point censurés par la Sorbonne . Plura alias 3. L'esprit d'Elie soit toujours sur vous avec un bon manteau . Faites sous terre votre brigue pour mettre Diderot de notre Académie . Je viendrai lui donner ma voix . Après quoi je retournerai aux Délices . La chose est possible . Donc on y réussira . Il n'y a pas a hésiter . C'est une victoire qu'il faut remporter sur les sots et sur les fripons à quelque prix que ce soit .

N.B. que la poste part et qu'on ne peut transcrire aujourd’hui la lettre à frère Menoux .

Dieu vous fasse réussir dans toutes vos entreprises excepté de faire donner de l'argent à Francfort . »

1 Grimm a endossé la lettre « du 14 juillet 1760 » ; ce doit être la date de réception, comme le montrent la référence à la lettre à Menoux du même jour et le post-scriptum de la lettre du 11 juillet 1760 à d'Argental :

2 Transcription d'un mot grec signifiant vérité ; vois lettre du 12 juillet 1760 à Palissot :

3 Le reste une autre fois .

 

Bonsoir, ce monde-ci est une grande table, où les gens d'esprit font bonne chère . Les miettes sont pour les sots

... Les miettes sont plutôt des scories quand on voit les épisodes de téléréalité et leurs protagonistes qui dégoulinent de crétinisme . Ah ! être "Vu à la télé" !...

 

 

« A Joseph de Menoux

11è juillet 1760, au château de Tournay

pays de Gex par Genève

En vous remerciant du discours royal 1 et de vos quatre lignes .

Mettez-moi je vous prie aux pieds du roi ad multos annos .2

Envoyez surtout beaucoup d'exemplaires en Turquie ou chez les athées de la Chine, car en France je ne connais que des chrétiens . Il est vrai que parmi ces chrétiens, on se mange le blanc des yeux pour la grâce efficace et versatile, pour Pasquier Quenel, et Molina, pour des billets de confession . Priez le roi de Pologne d'écrire contre ces sottises qui sont le fléau de la société . Elles ne sont certainement bonnes ni pour ce monde-ci ni pour l'autre .

Berthier est un fou et un opiniâtre qui parle à tort et à travers de ce qu'il n'entend point . Pour le révérend père colonel 3 avouez qu'il vous a fait rire et moi aussi . Et vous qui parlez vous seriez le révérend père colonel dans l'occasion : et je suis sûr que vous vous en tireriez très bien, et que vous auriez très bon air à la tête de deux mille hommes .

Je suis très fâché que votre palais de Nancy soit si loin de mes châteaux, car je serais fort aise de vous voir . Nous avons l'un et l'autre d'excellent vin de Bourgogne, nous le boirons au lieu de disputer .

Une dévote en colère disait à sa voisine, je te casserai la tête avec ma marmite . Qu'as-tu dans ta marmite ? dit l'autre . Un bon chapon répondit la dévote . Eh bien mangeons-le ensemble, dit la bonne femme . Voilà comme on devrait en user . Vous êtes tous de grands fous, molinistes , jansénistes, encyclopédistes . Il n'y a que mon cher Menoux de sage , il est à son aise, bien logé, et boit de bon vin . J'en fais autant, mais étant plus libre que vous, je suis plus heureux . Il y a une tragédie 4 anglaise qui commence par ces mots, mets de l'argent dans ta poche et moque toi du reste 5. Cela n'est pas tragique, mais cela est fort sensé . Bonsoir, ce monde-ci est une grande table, où les gens d'esprit font bonne chère . Les miettes sont pour les sots , et certainement vous êtes homme d'esprit . Je voudrais que vous m'aimassiez, car je vous aime .

V. »

1 De Stanislas Leszczynski, L'incrédulité combattue par le simple bon sens, 1760, sous-titré dans la seconde édition « essai philosophique, par un roi » . V* en dit son sentiment dans la lettre du 28 août 1760 à d'Argental :

2 Pour de nombreuses années .

3V* a ajouté sur la minute, au-dessus de la ligne, de mon ami Candide, non reporté sur l'autographe .

4 V* avait d'abord écrit comédie .

5 Il semble y a voir là un souvenir d'Othello, de Shakespeare, acte I, sc. 3, v. 345 .

 

 

Trouvez bon qu'on supprime une signature inutile . Il faut dérouter les curieux

... Tweetty bird !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

11 juillet [1760]

La personne, monsieur, à qui vous avez écrit une lettre sans date et à qui vous avez eu la bonté d'envoyer les pièces ci-jointes a l'honneur de vous les renvoyer comme vous le lui avez expressément recommandé . Elle pense absolument comme vous sur toutes les affaires dont vous lui parlez, excepté sur les louanges que vous lui donnez ; la multitude des affaires du bureau 1, et une assez mauvaise santé ne permettent pas une lettre fort longue . On est très sensible à votre politesse . Trouvez bon qu'on supprime une signature inutile . Il faut dérouter les curieux . »

1 Cette expression d'un sens général recouvre les diverses activités de V* .

 

e vi auguro ogni felicita

...

 

« A Cosimo Alessandro Collini secrétaire

de Son Altesse Électorale

à Shwessingen

près de Manheim

Au château de Tournay par Genève

11 juillet [1760]1

Caro Colini chi fa il libro e tenuto di far la dedicazione ?2 Sapete ben che in punto di dedicazioni la brevita è la prima virtu . Mandate me la, e vene daro il mio parere .3

Mais voici une meilleur affaire . Notre ministère doit de l'argent à la ville de Francfort-sur-Mein . M. le duc de Choiseul me protège beaucoup . Le roi est content de moi . Voici le moment de faire arrêt sur l'argent dû à Francfort et sur celui 4 qu'on nous a volé dans cette belle ville . Envoyez-moi un écrit conçu en ces termes :

« Je donne pouvoir à M. de Voltaire de répéter pour moi devant qui il appartiendra la somme de deux mille écus d'empire qui me furent volés 5 à Francfort-sur-Mein le 20 juin 1753 lorsque je fus arrêté par les soldats de la dite ville conjointement avec M. de Voltaire et Mme Denis contre le droit des gens, sur lequel vol 6 j'ai fait ci-devant toutes protestations nécessaires . Fait etc . »

Envoyez-moi cet écrit sur un petit carré de papier que je joindrai à ma requête . J'espère qu'enfin vos deux mille écus d'empire vous seront rendus . Cela vaudra dédicace e vi auguro ogni felicita 7.

V. »

1 Date complétée par Collini .

2 Collini note : « Je lui avais soumis une dédicace que je comptais mettre à la tête de mon Discours sur l'histoire d'Allemagne […] adressée à l’Électrice palatine, Élisabeth Auguste. » ; l'oeuvre devait paraître à Francfort-sur-le-main en 1761 .

3 Cher Collini, qui a fait le livre est tenu de faire la dédicace ! Sachez bien qu'en fait de dédicace, la brièveté est la première vertu . Envoyez-la moi, et je vous donnerai mon avis .

4 Sur celui est ajouté par V* au dessus de la ligne .

5 Collini a rayé volés, remplacé par pris ; c'est le texte des éditions .

6 V* a d'abord écrit quoi, rayé et remplacé par lequel vol .

7 Et je vous souhaite toute sorte de bonheur .