10/07/2015
nous aurons la paix, et nous l'aurons en vainqueurs, et voilà comme il faut l'avoir
... En toute modestie, avec le plus grand réalisme et bon sens .
« A François de Chennevières
11 juillet [1760]
Depuis la victoire de Landshut, nous ne savons rien de nouveau . Encore deux ou trois petites affaires pareilles, et nous aurons la paix, et nous l'aurons en vainqueurs, et voilà comme il faut l'avoir . À l'égard des vaisseaux, je vous en souhaite . Mille amitiés je vous en prie à M. Sénac , et à messieurs ses enfants .
Il y a une Mme de Puiseux à Vincennes 1; ce n'est pas, comme vous le pensez bien , Mme la marquise de Puisieux, c'est une pauvre diablesse de bel esprit qui loge dans une maison de campagne du village de Vincennes ; si vous pouvez, mon cher correspondant, lui épargner le port du présent paquet vous ferez une bonne œuvre . Toutes les Délices les disent parce qu'elles les sentent . »
1 Cette Mme de Puisieux est celle pour qui Diderot avait éprouvé une « violente passion » ainsi qu'il l'avait écrit à V* le 11 juin 1749 .
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09/07/2015
Je suis un vieillard bien vert
... Même en hiver, oui madame !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
11 juillet [1760]1
Mon divin ange, mettez Diderot de l'Académie . C'est leplus beau coup qu'on puisse faire dans la partie que la raison joue contre le fanatisme et la sottise . Je vous promets de venir donner ma voix . Je vous embrasserai et je repartirai pour ma douce retraite après avoir signalé mon zèle en faveur de la bonne cause . J'ai les passions vives . Je me meurs d'envie de vous revoir, et je ne peux trouver un plus beau prétexte que celui de venir donner ma voix à Socrate et des soufflets à Anitus .
Il me semble que Diddrot doit compter sur la pluralité des suffrages, et si après son élection les Anitus et les Melitus font quelques démarches contre lui auprès du roi, il sera très aisé à Socrate de détruire leurs batteries en désavouant ce qu'on lui impute et en protestant qu'il est aussi bon chrétien que moi .
M. le duc de Choiseul dit que vous ne l'aimez plus . Vous l'avez donc bien grondé . Imposez-lui pour la pénitence de faire entrer Diderot à l'Académie . Il faudrait qu'il daignât en être lui-même et introduire Diderot . Ce serait Périclès qui menerait Socrate .
Il me reste encore un Russe . Je vous l'envoie, mais pourquoi n'imprime-t-on pas à Paris ces choses honnêtes tandis qu'on imprime des fréronades et des pompignades ?2
Je fais des voeux pour qu'on écrase Luc et qu'on ait cent vaisseaux de ligne ? C'est encore là une de mes passions . Je suis un vieillard bien vert .
V.
Voulez-vous avoir la bonté de donner l'incluse à l'ambassadeur de Francfort ?3 Il est ambassadeur d'une fichue ville . Je le barrerai dans ses négociations, mais ce ne sera pas dans celle de faire recevoir Diderot chez les quarante . »
1 Date complétée par d'Argental
2 Voir lettre du 23 juin 1760 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/29/i...
3 Melchior Grimm ; il s'agit certainement de la lettre du même jour , 11 juillet à celui-ci :
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08/07/2015
Je viendrai en poste lui donner ma voix si cela est nécessaire
... Je dis bien "seulement si cela est nécessaire", car voter ne me tente pas plus que le saut à l'élastique qui est lui aussi un excellent moyen de vider ses poches et avoir la grosse tête.
« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay
9 juillet [1760]
Ma belle philosophe, les plaisanteries ne finiront point.
Le comédiens italiens voulaient jouer l’Écossaise . Les Français la revendiquent et voilà la Requête du traducteur à messieurs les Parisiens 1. Mais raillerie à part il faut que le prophète négociateur 2négocie l'admission de Diderot à l'Académie . Je crois le succès assuré . Quelle belle vengeance de Lefranc de Pompignan et de Joly de Fleury et de Palissot de Montenoy et de maître Aliboron dit Fréron ? J'ai besoin de savoir si le prophète a reçu mon paquet adressé au Palais-Royal .
N.B. qu'il faut absolument mettre Diderot de l'Académie . Je viendrai en poste lui donner ma voix si cela est nécessaire .
Je me mets à vos pieds , ma belle philosophe . »
1 Requète adressée à Messieurs les Parisiens, 1760 .
2 Melchior Grimm .
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07/07/2015
La chose ne me paraît pas difficile, et si elle l'est c'est une nouvelle raison pour l’entreprendre .
... Joli slogan pour une période électorale et qui est d'autant plus beau s'il est suivi d'effet .
« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental
9 juillet 1760
Mon divin ange, je crois que la plaisanterie ne finira pas 1. On dit qu'il la faut courte . Mais celle-ci 2m'arrêtera longtemps , à moins qu'elle ne nous ennuie .
Il me vient une idée que vous avez sans doute. Il faut en dépit des dévots mettre Diderot de l'Académie . Mettez-vous à la tête de la cabale . Nous aurons pour nous les philosophes . M. de Choiseul, Mme de Pompadour ne s'opposeront pas à son élection . Je me flatte même qu'ils nous aideront . Quelle réponse ce serait à l’infamie de Palissot . Entreprenez cette affaire et réussissez . Je serai au comble de la joie . La chose ne me paraît pas difficile, et si elle l'est c'est une nouvelle raison pour l’entreprendre .
N.B.- Dans l’Écossaise, page 25, quand le chevalier Montrose sort, et qu'avant de finir la scène 3è il demande à part à Fabrice, si mylord Falbridge est à Londres, et qu'il demande au maître du café si ce lord vient souvent dans la maison, le cafetier répond , il y vient quelquefois, il doit répondre , il y venait avant son voyage d'Espagne 3. Cette petite particularité est nécessaire 1° pour faire voir que Montrose ne vient pas sans raison se loger dans ce café là, 2° qu'il a besoin de Falbridge, 3° pour prévenir les esprits sur la mort de ce Falbridge, 4° pour fonder la demeure de Lindane près d'un café où ce L.. Falbridge vient quelquefois . C'est un rien, mais rien c'est beaucoup .
Mon cher ange, la détention de la chair fraiche du landgrave ne se confirme pas . Cependant je ne parierais pas contre .
Je vous écris fort à la hâte, mais j'ai bien plus de hâte de recevoir de vos nouvelles . Je n'ai pas un moment à moi car j'ai quelque chose en tête , et toujours pour rire . Par le sang bleu je ne croyais pas être si plaisant que je suis 4. »
1 Peut-être l’Écossaise ? Voir le début de la lettre du 6 juillet 1760 à d'Argental :
2 V* a d'abord écrit cela .
3 Cette variante a été adoptée par Beuchot dans son texte de l’Écossaise .
4 Le Misanthrope, acte I, sc. 7, Molière .
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06/07/2015
ayant sous son nez 80 mille autrichiens et 100 mille Russes à son cul
... A vue de nez bien entendu .
« A Nicolas-Claude Thieriot
A Tournay 7 juillet [1760]1
Vous m'avez comblé de joie, mon ancien ami, par votre lettre du 28 2. Souvenez-vous je vous prie de l’interprétation de la nature et des deux derniers tomes de Mose's Legation . Je vous renvoie Le Pauvre Diable du cousin Vadé . Quel est l'animal qui l'a imprimé ? Il y manquait un vers . J'ai pris la liberté de le suppléer . J'espère que Catherine le trouvera bon .
Quel est aussi le butor qui a imprimé les notes du Russe, et qui dit qu'Henri IV fut assassiné le 10 mai ? C'est le 14 . J'ai encore pris la liberté de corriger cette faute . M. d'Alembert a sans doute un Russe ; je ne crois pas qu'il se fasse Prussien si aisément ; le Salomon du Nord doit être un peu embarrassé après la perte de ses vingt mille hommes à Landshut, ayant sous son nez 80 mille autrichiens et 100 mille Russes à son cul 3, lesquels Russes sont de rudes postdamites .4 Je ne sais si je me trompe, mais j'ai une grande idée de l'année 1760 . On me mande qu'on vient d'envoyer prisonnier à Stade le landgrave de Hesse . Je n'en suis pas surpris ; il y a trois ans qu'il était prisonnier ; et en dernier lieu il l'était encore dans ses États .
On dit que le duc de Broglie, Sage en projets et vif dans les combats 5, a pris Marbourg et son château avec 1200 hommes . Le Salomon du Nord m'écrit toujours . Il me mande que le 19 juin, il a voulu donner bataille à M. de Daun, qu'il n'a pu en venir à bout, mais que ce qui est différé n'est pas perdu 6 ; il aime toujours à écrire en prose et en vers quelque situation qu’il se trouve ; mais je n'ai jamais pu obtenir de lui qu'il réparât par la moindre galanterie l'indigne traitement fait à ma nièce dans Francfort . Tant pis pour lui, n'en parlons plus .
Je vous ai mandé ce que je pensais d'un voyage en Russie ; j'aime fort Le Russe à Paris, mais je n'aime point que le premier baron chrétien 7 soit russe . Songez que ces Russes ne sont chrétiens que depuis 600 ans,8 ou environ , et qu'il y avait déjà plusieurs siècles que les Montmorency étaient baptisés . Je ne veux ni premier baron chrétien à Archangel, ni premier philosophe en Brandebourg 9.
Maître Aliboron dit Fréron, me paraît furieusement bête ; il conte qu'un jour la nouvelle se répandit qu'il était aux Galères 10, et il est assez aveugle pour ne pas voir que c'est une nouvelle toute simple .
Ramponeau 11 n'est point si plaisant que Le Pauvre Diable, mais Ramponeau peut tenir son coin dans le Recueil, 12 quand ce ne serait qu'en faveur de la cabaretière Raab, aïeule de qui vous savez 13.
Dites à l'abbé Trublet qu'il faut qu'il se réconcilie avec les vers, comme Pompignan le prêtre avec l'Esprit .14
Dites à Protagoras qu'il se trompe grossièrement pour la première fois de sa vie, s'il pense que M. le duc de Ch[oiseul] protège les Polissots et les Frelons au point de prendre leur parti contre les hommes qu'il estime ; il les a protégés en grand seigneur tel qu'il est, il leur a donné du pain, mais il est si loin de prendre leur parti, qu'il trouvera fort bon qu'on les assomme de coups de canne ; on aurait beaucoup mieux fait de prendre ce parti, que d'aller fourrer mal à propos, la fille de M. le duc de Luxembourg 15 dans des querelles de comédie .
Je savait déjà que Robin mouton devait retourner à sa bergerie 16. Je ne sais si l'abbé de Morlaix ne restera pas encore quelques jours dans son château 17; c'est dommage qu'un aussi bon officier ait été fait prisonnier à l'entrée de la campagne .
Vous devriez bien conjointement avec Protagoras, m'envoyer une liste des ennemis et de leurs ridicules . Cela sera un peu long, mais il faut travailler pour le bien de la patrie . Je voudrais un peu de faits ; je voudrais jusqu'aux noms de baptême, si cela se pouvait ; les noms de saints font toujours un très bon effet en vers ; je ne sais si l'abbé Trublet est de cet avis .
Nous avons ici une espèce de plaisant 18 qui serait très capable de faire une façon de Secchia rapita,19 et de peindre les ennemis de la raison, dans tout l'excès de leur impertinence . Peut-être mon plaisant fera-t-il un poème gai et amusant, sur un sujet qui ne le paraît guère . La Dunciade de Pope me paraît un sujet manqué .
Il est important encore de savoir le nom du libraire qui imprime le Journal de Trévoux, le Journal chrétien ou tels autres rogatons . Si ce libraire a femme ou fille, ou petit garçon, car il faut de l'amour et de l'intérêt dans le poème sans quoi point de salut ; en un mot , mon plaisant veut rire, et faire rire, et mon plaisant a raison, car on commence à se lasser des injures sérieuses, mais gardez le secret à mon plaisant . Interim I am with all my heart
Yr V. 20»
1 Date complétée par Thieriot . Le passage du début Souvenez-vous […] a sans doute un Russe ; est omis dans l'édition de Kehl et les suivantes .
2 Elle ne nous est pas parvenue .
3 Ces chiffres sont exagérés .
4 Néologisme voltairien datant de l'époque berlinoise par allusion aux mœurs de Frédéric II, en alliant Potsdam et sodomite .
5 Vers 17 du Pauvre Diable .
6 Lettre du 21 juin 1760 :
7 Le comte de Montmorency .
8 Les frères Cyril et Methodius ont évangélisé les Slaves au Ixè siècle .
9 D'Alembert ; qu'on trouve aussi désigné comme Protagoras .
10 Cependant, dans un compte rendu courageux de l’Écossaise, dans L’année littéraire, 1760, IV, 115, Fréron y soutient la thèse que L’Écossaise est une trop mauvaise pièce pour être de V* .
11 Sur Ramponeau, voir lettre du 29 mai 1760 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/05/28/o...
12 Le Recueil des facéties parisiennes, 1760, qui parut en un volume au début de septembre 1760 .
13 Aïeule de Jésus ; voir Évangile de Matthieu , I, 5 .
14 Allusion à La Dévotion réconciliée avec l'esprit, de Le Franc de Pompignan, Montauban, etc., 1755 .
15 Mme de Rebecq .
16 Voir lettre du 9 juin 1760 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/09/m...
17 L'abbé Morellet devait en sortir bientôt, après y avoir été bien traité ; voir ses mémoires, 1812, I, 89-95 ; Morellet que V* nomme volontiers Mords-les ; voir lettre du 22 juillet 1760 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/07/22/i...
18 Ce visiteur n'est autre que Casanova, qui dit, inexactement, qu'il arriva à Genève le 10 août 1760 (Histoire de ma vie, VI, 9 ) . Casanova rapporte d'ailleurs qu'il vit La Sec chia rapita sur une table de chevet dans la chambre à coucher de V* aux Délices .
19 Poème héroïco-comique d'Alessandro Tassoni (1622) ; voir sur l'opinion qu'en avait V*, sa lettre à Panckoucke du 28 février 1767 :
20 En attendant je suis de tout mon cœur votre V .
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05/07/2015
Il faut qu'ils sachent que je suis heureux, et qu'ils crèvent .
... Soyons brefs et directs, point de gants à prendre en certains cas , ou alors des gants de boxe !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
6 juillet [1760] 1
Mon cher ange, il faut faire ses foins et ses moissons à la fois, veiller à son bâtiment, apprendre ses rôles pour les comédies que nous allons jouer, avoir une correspondance suivie avec ma cousine Vadé, avec M. Kouranskoy 2, cousin germain de M. Aléthof, avec le frère de la doctrine chrétienne, auteur de la vanité ; cependant M. de Courteilles qui s'en va aux eaux de Vichy me laisse en proie aux publicains, maudits de l’Écriture, et quoiqu'il soit démontré que je ne suis point seigneur de La Perrière, on veut me faire payer les dettes du roi . Lefranc de Pompignan ne me traiterait pas plus rudement ; M. le duc de Richelieu s'enfuit à Bordeaux sans me faire réponse, et sans m'envoyer un passeport que je lui ai demandé pour un pauvre diable de gascon hérétique, et voilà mon hérétique sur le point d'être ruiné . Malgré tout cela, mon divin ange, voici encore quelques corrections nécessaires, que le traducteur de M. Hume vous envoie . Maitre Aliboron, dit Fréron, est un ignorant bien imprudent de dire que le poète prêtre Hume, n'est pas frère de Hume l'athée . Il ne sait pas que Hume le prêtre a dédié une de ses pièces à son frère .
J'avais tant crié après le mémoire du sieur Lefranc de Pompignan qu'on m'en a envoyé trois par la dernière poste ; heureusement le frère de la doctrine chrétienne , et M. de Kouranskoy, cousin germain de M. Aléthof, en avaient chacun un .
Mon divin ange je ne peux regarder Médime d'un mois, il ne faut pas se morfondre et s'apesantir sur son ouvrage, cela glace l'imagination .
A la façon dont vous parlez, on dirait que Mme de Robecq est morte 3; j'en suis fâché ; la mort d'une belle femme est toujours un grand mal . Est-il vrai que Mme du Deffand prend parti contre la philosophie, et qu'elle m'abandonne indignement 4? Comment suis-je auprès de M. le duc de Choiseul ? A-t-il fait voir à Mme de Pompadour l'élucubration de M. de Kouranskoy ?
Je vous conjure de vous servir de toute votre éloquence pour lui dire que s'il arrive malheur à Luc, il n'en résultera pas malheur à la France , que le Brandebourg restera toujours un électorat ; qu'il est bon qu'il n'y ait point d'électeur assez puissant pour se passer de la protection du roi ; que tous les princes de l'empire auront toujours recours à cette protection contra l'aquila grifagna 5. N.B. : que si Luc était déconfit cette année nous aurions la paix l'hiver prochain .
Mlle Vadé se recommande à Robin mouton .
Mon divin ange donnez des copies de ma lettre paternelle à Palissot 6. Où est donc la difficulté de mettre trois étoiles au lieu de votre nom ? De dire la personne à qui je me suis adressée, ou de mettre tout ce qui vous plaira ?
Mais revenons à l’Écossaise . Qui sont les malintentionnés qui veulent la mettre sous mon nom pour la faire tomber ? Ah les méchantes gens !
Il y a encore des malvivants 7 qui prétendent que je ne suis pas chez moi de mon bon gré , qui l'impriment, qui veulent le faire croire . Fi , que cela est vilain ! Il faut bien dire , bien soutenir qu'il ne tient qu'à moi d'aller rire à leur nez à Paris, mais que j’aime mille fois mieux rire où je suis . Il faut qu'ils sachent que je suis heureux, et qu'ils crèvent .
Il y a plus de deux mois qu'on m'a envoyé l'épigramme, assez plate, contre Fréron . Je joins à mon paquet les lettres originales de l'ami Palissot . Je vous prierai d'avoir la bonté de me les renvoyer .
J'ajoute, mon divin ange que le commentateur de M. Aléthoff s'est trompé dans ses notes . Il faut mettre le 14 au lieu du 10, jour de l'anniversaire de Henri IV 8. Mme Scaliger n'aurait pas fait cette faute . Je lui présente mes tendres respects, et me réjouis de sa santé et je vous aime encore plus que de coutume .
V.
Un petit mot encore . Pourquoi changer le nom de Frélon ? Est-ce la faute de Hume s'il y a un cuistre dans Paris qui porte un nom lequel a un rapport éloigné au mot de frélon ?
De plus songeons que s'il est bon de rire, il est meilleur de rire aux dépens des méchants . Mais ce petit hypocrite de Joly de Fleury, ce petit ballon noir gonflé de vapeurs puantes aura son tour si Dieu n'y met la main 9.
Voudriez-vous avoir la bonté d'ordonner que la lettre pour Duclos lui soit rendue 10? Un peu de chandelle au diable n'est pas mal .
Vous a-t-on dit que cette grosse masse de chair fraiche nommée le landgrave de Hesse est en prison à Stade ?
J'entends murmurer la prise de Marbourg 11. On ne saura que demain si la chose est vraie .
L'oncle et la nièce baisent le bout de vos ailes .
V. »
1 Date complétée par d'Argental .
2 Si les deux pseudonymes qui entourent celui-ci sont bien connus, si celui du 'frère de la doctrine chrétienne » désigne encore V*, auteur de La vanité, celui de Kouranskoy pose un problème qui n'est pas résolu ; voir la fin de la lettre de Vorontsof à V* du 9 juillet 1760 : « Je viens de recevoir de M. Alethof cousin de M. Kouranskoy, le discours dont feu M. Kouranskoy l'avait fait dépositaire. », et voir lettre du 18 juillet 1760 à Mme Geoffrin .
3 Elle était morte le 4 juillet 1760 .
4 Le 1er juillet d'Alembert écrivait à V* : « Je n'ai rien à ajouter à ce que je vous ai dit de Mme du Deffand ; soyez sûr encore qu'elle est à la tête des partisans de la pièce, qu'elle protège et goûte beaucoup les feuilles de Fréron, qu'elle trouve l’Écossaise une bien mauvaise pièce, et qu'elle applaudit fort à une mauvaise critique qu'on dit que Fréron en a faite . »
5 Contre l'aigle griffue, désigne par métonymie l'Empire .
6 Voir lettre du 23 juin 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/27/un-francais-qui-n-est-pas-gai-est-un-homme-hors-de-son-element.html
7 Mot encore en usage à la fin du XVIè siècle .
8 Cette remarque se rapporte à une note du Russe à Paris .
9 V* tiendra parole ; dans l’Épître à Daphné, qui est datée du 11er janvier 1761, il l'appelle selon les variantes , « un petit singe, à face de Thersite », « un petit singe , à phrases compassées », « un petit singe, ignorant, imbécile » . le titre était Épître de M. de Voltaire à Mlle Clairon, 1761, publiée sous le pseudonyme de A*** C*** (Abraham Chaumeix).
10 Lettre du 20 juin 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/22/sept-ou-huit-personnes-de-genie-bien-unies-doivent-a-la-longue-ecraser-leur.html
Ce paragraphe, suite à l'édition de Kehl, manque dans les éditions suivantes .
11 La ville s'était rendue aux Français le 30 juin 1760 ; la nouvelle était donc encore une fois allée assez vite .
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04/07/2015
Je ne songe qu'à mes campagnes, à mes moissons, à mes vins ; mais beaucoup plus à vous madame pour qui j'aurai toute ma vie le plus respectueux et le plus fidèle attachement .
...
« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck
5 juillet [1760]
Got soit béni, madame, et vous aussi . L'oncle et le nièce se flattent que la victoire de M. de Laudon 1 est complète . Plusieurs lettres parlent de huit mille prisonniers 2, mais nous nous en tenons à vos trois mille . Cela est bien honnête . Voilà donc la Silésie ouverte aux armes victorieuses de votre auguste impératrice . Il est à croire que ses victoires amèneront la paix . Si on y va du même train, elle n’aura plus d'ennemis à la fin de la campagne . Tous ceux qui s'intéressent à sa prospérité et par conséquent au bonheur public espèrent que M. le maréchal de Dawn suivra bientôt l’exemple de M. de Laudon et que les Russes les seconderont . L'année 1760 sera mémorable à jamais, et le repos de la divine Marie-Thérèse ne sera plus troublé . L'archiduc va se marier sous des auspices bien favorables 3. Ses myrtes seront tout couverts de lauriers . Les affaires ne me font pas oublier , madame, vos affaires particulières . Je suis occupé sans cesse de M. du Triangle et du chicaneur . Ce chicaneur m'a envoyé quelques uns de ses mémoires que j'ai mis en bonnes mains , et qui n'ont pas rendu sa cause meilleure . J’espère qu'il perdra son injuste procès, et que M. du Triangle qui connait une partie de ses abominables manœuvres lui fera payer tous les frais d'une affaire si injuste .
Je n'ai point de nouvelles madame à vous mander de Paris ; vous avez pleuré sans doute la mort de Mme la princesse de Zerbst 4 votre amie . D'ailleurs tout ce qui se passe aujourd’hui dans cette capitale des plaisirs est assez triste et assez ridicule . Je ne songe qu'à mes campagnes, à mes moissons, à mes vins ; mais beaucoup plus à vous madame pour qui j'aurai toute ma vie le plus respectueux et le plus fidèle attachement .
Le Suisse V. »
1 Le baron Gidéon Ernst Laudon , général autrichien qui avait infligé une défaite au baron Heinrich August de La Motte-Fouquet à Landshut .
2 Waddington, IV, 13, donne le chiffre de neuf mille tués et prisonniers au total .
3 Voir lettre du 26 avril 1760 à Thieriot : : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/26/qui-terre-a-et-qui-plume-a-guerre-a-5610855.html
4 Morte le 31mai 1760 .
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