Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/02/2016

je suis de bon cœur pour la langue française . J'avoue qu'elle est bien lâche sous la plume de nos bavards

... Foin de ces termes anglo-américains rabâchés par quelques élus qui sont incapables d'en donner une traduction compréhensible par tout un chacun ; s'ils sont aussi mauvais en anglais qu'en français, ce dont je me doute, bonjour le galimatias poudre aux yeux .

 Afficher l'image d'origine

Merci à ce grand auteur lettré

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

Au château de Ferney, pays de Gex

27 de février 1761 1

Vous êtes un franc savant, dans votre charmante et drôle de lettre ; vous concluez dans votre cœur pervers que je n'ai point été à la messe de minuit, parce que mon libraire hérétique a mis le 23 pour le 24 2. Vous triomphez de cette erreur, mon cher et grand philosophe, comme un Saumaise ou un Scaliger ; mais vous êtes fort plaisant, ce que les Scaliger n'étaient pas . Sachez que vos bonnes plaisanteries ne m'ôteront point ma dévotion, et qu'il n'y a d'autre parti à prendre que de se déclarer meilleur chrétien que ceux qui nous accusent de n'être pas chrétien . J'ai un évêque qui est un sot, et qui me regarde comme un persécuteur de l’Église de Dieu parce que je poursuis vivement la condamnation d'un curé grand diseur de messes et assassin . Je conjure mon évêque, par les entrailles de Jésus-Christ, de se joindre à moi pour ôter le scandale de la maison d'Israël ; les impies diront que je me moque, mais je ne rougirais point de mon père céleste devant eux ; quand on a l'honneur de rendre le pain bénit à Pâques, on peut aller partout la tête levée .

Je regarde le succès du Père de famille comme une preuve évidente de la bénédiction de Dieu et des progrès des frères ; il est clair que le public n'était pas mal disposé contre cet homme qu'on a voulu rendre si odieux ; point de cabales, point de murmures ; le public a fait taire les Palissot et les Fréron ; le public est donc pour nous .

Comptez, mon cher et vrai philosophe, que je suis de bon cœur pour la langue française . J'avoue qu'elle est bien lâche sous la plume de nos bavards ; mais elle est bien ferme et bien énergique sous la vôtre .

J'apprends qu'il y a vingt-cinq candidats pour l'Académie ; je conseille qu'on fasse l'abbé Le Blanc portier ; je vous réponds qu'alors personne ne voudra plus entrer . M. de Malesherbes avilit la littérature, j'en conviens ; il est philosophe, et il fait tort à la philosophie , d'accord ; il aime le chamaillis 3 ; il fait payer le Journal des savants qui ne se vend point, par le produit des infamies de Fréron, qui se vendent ; c'est le dernier degré de l'opprobre . Mais un impudent Omer qui se fait en plein parlement le secrétaire et l'écolier d'Abraham Chaumeix, un lâche délateur public, qui cite faux publiquement, un vil ennemi de la vertu et du sens commun ; voilà ce qu'il faudrait faire assommer dans la cour du palais par les laquais des philosophes .

Envoyez-moi, je vous prie, pour me consoler, vôtre roide discours sur l'histoire , prononcé avec tant d’applaudissements dans l'Académie . On dit que cette journée fut brillante ; j'ai d'autant plus besoin de votre discours qu'on réimprime actuellement mes insolences sur l'Histoire générale . J'avais trop ménagé mon monde, mais,

Qui n'a plus qu'un moment à vivre

N'a plus rien à dissimuler .4

Il faut peindre les choses dans toute leur vérité, c'est -à-dire dans toute leur horreur .

Je vous embrasse, vous aime, estime, et révère . »

1 Renouard, qui dit avoir revu le texte sur les manuscrits donne la version ici retenue ; l'édition de Kehl donne M... pour Malesherbes, supprime Omer et remplace assommer par siffler .

3 Ancien terme militaire signifiant « combat » ; ce terme est attesté au sens figuré moderne chez Saint-Simon .

recevez mes remerciements, et ceux de toute la petite province de Gex

... Fleur Pellerin, pour avoir poursuivi la  restauration du château de Voltaire .

 Afficher l'image d'origine

 

« A Jean-Baptiste Sénac, conseiller

d’État, premier médecin du Roi 1

à Versailles

Au château de Ferney pays de Gex

24è février 1761

Monsieur, recevez mes remerciements, et ceux de toute la petite province de Gex, de la bonté que vous avez eue de soutenir notre bon droit contre un marais empesté qui nous désole, et qui cause la mort à un de mes parents, lequel lutte en vain, depuis cinq mois , contre la carie de ses os . Je suis pénétré de vos bontés . Permettez-moi de renouveler les assurances de mon attachement à messieurs vos fils 2; je serai toute ma vie avec la plus sincère reconnaissance

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

 

 

20/02/2016

mon principal soin sera toujours de seconder autant qu'il sera en moi vos volontés et vos vues pour le bien public

... Pour le bien public ! pour le bien public mes (trop) chers gouvernants, mettez-vous bien ça dans le crâne ! pour le bien public, chers et innombrables fonctionnaires !

 En vérité, je vous le dis ( tiens, je parle comme un certain Jésus ), Voltaire ne s'est jamais dégonflé dans son oeuvre de bien public , et Ferney et ses habitants en ont été la preuve tangible . Qu'on se le dise !

 Afficher l'image d'origine

 

« A Louis-Gaspard Fabry, Maire et

subdélégué

à Gex

Aux Délices 24è février 1761

Monsieur, j'ai l'honneur de vous envoyer la lettre de M. de Montigny où vous verrez ce qu'on pense du sieur Sédillot . J'y joins une lettre de M. de Villeneuve à M. l'intendant de Lyon . J'écris à M. de Villeneuve pour le remercier, et en même temps lui dire combien la province vous a d'obligations . Je lui fais un petit tableau des malheurs du pays de Gex, et des torts que le sieur Sédillot a faits à ce petit coin du monde, qui sans vous serait accablé . J'ai écrit en conformité à M. de Courteilles, et à M. de Trudaine .

J'ai vu M. Myrani que vous avez eu la bonté de m’envoyer ; vous me rendez cette province chère, je contribuerai autant qu’il me sera possible au dessèchement que vous projetez de tous les marais, et mon principal soin sera toujours de seconder autant qu'il sera en moi vos volontés et vos vues pour le bien public . J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments qui vous sont dus, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire . »

Bon 322 ème anniversaire François-Marie Arouet de Voltaire

...

Né de son propre aveu, le 20 février 1694, ce qui fait qu'il a deux dates de naissances répertoriées, et pour faire bon poids, deux pères . On ne choisit pas ses parents, dit-on, eh ! bien, notre génial Voltaire fait mentir le dicton sans souci du qu'en dira-t-on . Et surtout :

Qui sert bien son pays n'a pas besoin d'aïeux.
Mérope, acte I, scène III.

Si vous aimez mieux des nouvelles de la finance, nous n'avons pas le sou

... A ceux qui n'ont plus le sou, inutile de demander quoi que ce soit à HSBC, "point d'argent, point de Suisse" : "c'est clair" comme disent les Genevois .

http://www.lemonde.fr/evasion-fiscale/article/2015/02/08/swissleaks-revelations-sur-un-systeme-international-de-fraude-fiscale_4572319_4862750.html

 Afficher l'image d'origine

 

« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence etc.

En un château

près d’Angoulême

Au château de Ferney, par Genève 24 février 1761

L’Évangile a raison de dire, monsieur, si le sel s'évanouit, avec quoi salera-t-on 1? Grâce à la prudence de votre cuisinier, et à quatre doigts de lard bien placés entre les perdrix et la croûte, votre pâté est arrivé frais et excellent, et il y a huit jours que nous en mangeons, nous avons fait grande commémoration de vous , le verre à la main, non sans regretter le temps où vous avez bien voulu être de nos frères dans votre petite cellule des fleurs .

Je ne mérite pas tout à fait les compliments dont vous m'honorez sur l'expulsion du gros frère Fessy ; j'ai bien eu l'avantage de chasser les jésuites de cent arpents de terre qu'ils avaient usurpés sur des officiers du roi, mais je ne peux leur ôter les terres qu'ils possédaient auparavant, et qu'ils avaient obtenues par la confiscation des biens d'un gentilhomme ; on ne peut pas couper toutes les têtes de l'hydre .

Si vous êtes curieux de nouvelles de philosophie, je vous dirai qu'un officier,2 commandant d'un petit fort sur la côte de Coromandel, m'a apporté de l'Inde l'évangile des anciens brahmanes . C'est, je crois le livre le plus curieux et le plus ancien que nous ayons ; j'en excepte toujours l'Ancien Testament dont vous connaissez, la sainteté, la vérité, et l'ancienneté . Une chose fort plaisante, c'est que tous les peuples anciens croyaient l'immortalité de l'âme, quand les Juifs n'en croyaient pas un mot .

Si vous voulez des nouvelles de nos armées, le régiment de Champagne s'est battu comme un lion, et a été battu comme un chien 3.

Si vous voulez des nouvelles de la marine, on nous prend nos vaisseaux tous les jours 4. Si vous aimez mieux des nouvelles de la finance, nous n'avons pas le sou . Je vous aime, je vous regrette et je vous respecte de tout mon cœur . »

3 Allusion probable à la défaite de Broglie à Langensalza le 15 février 1761 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Langensalza_%281761%29

4 Notamment dans la mer des Caraïbes en octobre 1760 .

19/02/2016

puisse la lumière éclairer tous les yeux, et l'humanité pénétrer tous les cœurs .

... Pape François, tu ne dis rien de mieux que François  de Voltaire !

 

DSCF0405 feu lumière.JPG

 

« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay ( Mme de La Live d'Epinay )

place Vendôme

à Paris

M. l'intendant de Lyon 1 me mande qu'on a représenté à Lyon avec le plus grand succès Le Père de famille, qu'il y a été attendri jusqu'aux larmes , etc., etc. etc. Je ne doute pas que cet ouvrage n'ait autant de succès à Paris . Je supplie ma belle philosophe de faire parvenir ce petit billet à Platon 2. La réussite de sa pièce me paraît une affaire très importante . Cela réchauffe le public, cela ouvre les portes de l'Académie, cela fait taire les fanatiques et les fripons . Puissent toutes les bénédictions être répandues sur nos frères, puisse la lumière éclairer tous les yeux, et l'humanité pénétrer tous les cœurs .

V.

A Ferney 23 février [1761]. »

2 Diderot ; on n'a pas ce billet , on ne connait que la réponse de celui-ci du 26 février 1761 .

18/02/2016

il me semble que je passerais bien du temps avec vous, si je n'étais pas né trop tôt

... Te vedero caro cigno .

 

DSCF6943 cygne fleur.JPG

Ah ! fleur d'eau affleure l'eau

 

« Au comte Francesco Algarotti

à Venise

Au château de Ferney pays de Gex

par Genève 22è février 1761

J'ai tâté, caro mio signore, de toutes les misères de la vieillesse, pendant quatre mois entiers ; j'ai eu la goutte successivement à tous les membres, excepté dans le cœur qui est toujours sain et chaud ; je vous ai envoyé une petite cargaison adressée à Venise, mais je ne sais si vous y êtes . Notre ambassadeur 1 paraît bien fâché de ne vous avoir pas vu, car il connait tout votre mérite, et il me paraît que c'est une condition fort triste d'être à Venise, et de n'y pas voir le Cygne de Padoue . J'ai relu tous vos charmants écrits pendant ma maladie ; ils ont fait ma consolation, j’ai trouvé partout de l'instruction, et le ton de la bonne compagnie . Je vous avouerai que ce qui me déplait della mia vecchieza 2, c'est que je ne pourrai pas vous lire longtemps, et que je désespère de vous revoir ; il me semble que je passerais bien du temps avec vous, si je n'étais pas né trop tôt .

Je suis bien aise de vous dire que j'ai entre les mains un ancien commentaire du Vedam 3 des brahmanes ! Un brahmane de beaucoup d'esprit qui a rendu de grands services à notre compagnie des Indes , et qui sait très bien le français, s'est donné la peine de le traduire ; cela est beaucoup plus curieux et plus ancien que le Sadder des Persans ; j'espère en faire bon usage, si je retrouve un peu de santé, et de loisir .

L'estampe que vous trouverez au devant de Tancrède, m'a paru très bien dessinée ; il y a un portrait qui est d'après nature . Où êtes-vous ? que faites-vous ? m'aimez-vous encore ?

J'ai auprès de moi la petite fille du grand Corneille . Dès que nous lui aurons appris le français, qu'elle ne sait point nous lui apprendrons l'italien pour vous lire . Il faudra aussi qu'elle lise Messer Ludovico, dont je suis plus fou que jamais . Ah ! Si on avait La Pucelle telle que [je] l'ai faite, on me prendrait pardieu pour un disciple de l'Arioste , mais patience .

Te amo, te amero, te leggero, te vedero caro cigno di Padua .4

V. »

1 L'ambassadeur de France à Venise fut, du 10 novembre 1760 au 14 août 1761, François de Sainte-Hélène, comte de Baschi . Est-ce de lui dont parle V*, ou d'un de ses prédécesseurs ?

2 De ma vieillesse .

3 Manuscrit conservé à la Bibliothèque national, Nouvelles acquisitions . Il fut publié en traduction française par Clermont-Lodève, baron de Sainte-Croix, sous le titre Ezour -Vedam, ou ancien commentaire du Vedam, 1778 . en fait il ne s'agit nullement d'un ancien commentaire du Vedam, mais de l’œuvre d'un missionnaire ; voir Francis Ellis : «  Account of a discovery of a modern imitation of the Vedas, with remarks on the genuine works », Calcutta , 1822 , XIV, I, 59 . Quoi qu'il en soit, cette œuvre exerça sur V* une grande influence dont on retrouve la trace notamment dans les Lettres d'Amabed .

4 Je t'aime, je t'aimerai, je te lirai, je te verrai cher cygne de Padoue .