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18/02/2016

Le peuple mérite-t-il un bon roi

... Plutôt qu'un mauvais président ? oui, certes , et notre V G-E (pour ceux qui l'auraient oublié : Valéry Giscard d'Estaing ) national estime que depuis vingt ans il n'y a pas eu de  président de la république .

http://www.bfmtv.com/politique/vge-depuis-20-ans-il-n-y-a-plus-de-president-de-la-republique-en-france-951669.html

En attendant, il n'est pas en retard pour bénéficier trop largement de nos impôts, plus même que Chichi et Sarko, ce qui n'est pas peu dire . Sept ans de boulôt et hop ! une retraite de nabab ! Cool la vie de président de la république française ! on a bonne mine quand on se moque de la liste royale d'Angleterre , nos roitelets sont encore mieux lotis .

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Je sens qu'une tête va tomber !

 

 

« A François de Chennevières

A Ferney, pays de Gex 21 février 1761

Je me flatte mon cher ami que le changement arrivé dans l'administration des hôpitaux ne sert qu’à vous affermir dans votre place . Serait-il vrai que nous eussions plus à craindre que jamais pour les jours de Mgr le duc de Bourgogne ? Dieu conserve le roi . Il est plus nécessaire à la France qu'on ne pense . Il sera un jour bien regretté . Hélas on ne rendait pas justice à Henri IV de son vivant . Le peuple mérite-t-il un bon roi ! que d’injustices ! que je me trouve bien dans mon enceinte de montagnes !

Voulez-vous bien favoriser l'incluse d'un cachet Choiseul ?

Mille tendres amitiés .

V. »

 

croyez que dans nos affaires les hommes nous conseillent fort mal , parce qu'ils ne se mettent jamais à notre place ; il ne faut prendre des conseils que de soi-même et des circonstances où l'on se trouve

... Quant à se faire conseiller par des femmes !... mais où irions nous ? [sic]

Oups ! je pense que les dites dames n'attendront pas le 8 mars pour me descendre en flammes .

Bon, ma minute misogyne annuelle est largement écoulée, je n'abuserai pas plus .

NDLR - L'auteur de ce blog prend des libertés intolérables que nous ne saurions cautionner , une retenue sur salaire est en cours, faute de retenue de langage .

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« A Ponce-Denis Ecouchard Le Brun

Au château de Ferney 19è février 1761

Plus j'y fais réflexion, plus je suis sûr, monsieur, que nous ne trouverons personne à Paris qui prenne intérêt à Mlle Corneille, et à son nom . Vous ne trouverez que ceux qui ont été outragés par Fréron assez justes pour le poursuivre ; les autres en rient . Dites à un de vos amis qu'on vient de faire un libelle contre vous, la première idée qui lui viendra sera de vous demander où il se vend et s'il est bien salé .

Je pense que ce qu'il y aurait de plus honnête, de plus doux et de plus modéré à faire, ce serait d'assommer de coups de bâton le nommé Fréron, à la porte de M. Corneille . Le second parti, est celui que j'ai eu l'honneur de vous proposer, c'est que vous vouliez bien dicter une requête à M. Corneille pour le lieutenant-criminel ; n'est-il pas en droit d'attendre quelque attention pour son nom ? n'est-il pas en droit de dire qu'il demande réparation de l'insulte faite à sa fille et à lui ? On lui reproche dans des lignes diffamatoires, d'avoir fait sortir sa fille du couvent pour la faire élever par un bateleur de la foire . Il est faux que ce L'Écluse ait été bateleur . Il est depuis vingt ans chirurgien du roi de Pologne . Il est faux qu'elle soit élevée par lui . Il est faux qu'il soit dans la maison où le calomniateur suppose qu'il est ; il est faux que le sieur L’Écluse soit même venu dans cette maison depuis plus de cinq mois . Mlle Corneille est dans la maison la plus honnête et la plus réglée, auprès d'un vieillard presque septuagénaire qui lui a assuré tout d'un coup de quoi être à l'abri de l'indigence le reste de sa vie ; elle est auprès d'une dame de cinquante ans qui lui tient lieu de mère , et qui ne la perd pas un instant de vue . Un homme très estimable, qui a servi de précepteur à Mme la marquise de Tessé, veut bien à présent lui donner des leçons ; elle mérite tous les soins qu'on prend d'elle ; son cœur paraît digne de l'esprit de son grand-oncle , et je vous assure qu'on ne peut avoir de conduite plus noble et plus décente que la sienne .

Voilà, monsieur, l'éducation de bateleur qu'on lui donne . Le père du grand Corneille était noble ; Mlle Corneille a près de deux cents ans de noblesse ; elle est alliée aux plus grandes maisons du royaume, et on la laisse outrager impunément dans des lignes diffamatoires d'un Fréron ; et des gens ont la bêtise de m'écrire que je dois mépriser les petits traits que Fréron a la bonté de me décocher, comme si c'était moi dont il s'agit dans cette affaire, comme si j'étais une jeune demoiselle à marier .

Ah monsieur ! croyez que dans nos affaires les hommes nous conseillent fort mal , parce qu'ils ne se mettent jamais à notre place ; il ne faut prendre des conseils que de soi-même et des circonstances où l'on se trouve .

Il n'est point du tout hors d'apparence, qu'il se présente bientôt un parti pour Mlle Corneille, et je peux vous assurer que les feuilles de Fréron qu'on lit dans les provinces lui feront grand tort, et pourront empêcher son établissement . Je ne vous avance rien ici, monsieur, sans de très justes raisons . Voyez donc s'il n'est pas convenable que le père qui nous a confié sa fille repousse hautement les bruits qui la déshonorent ?

Il est indubitable que le lieutenant de police fera comparaitre le coquin, et cette scène produira une relation de vous qu'on pourra mettre dans tous les papiers publics ; elle sera vraie ; elle sera forte et touchante, parce que vous l'aurez faite ; elle convaincra Fréron de calomnie, et décréditera ses indignes feuilles, indignement soutenues par M. de Malesherbes .

Pardonnez, monsieur, si je dicte toutes mes lettres . Mon état est bien languissant, mais je me sens encore de la chaleur dans le cœur, et surtout pour vous à qui je dois les sentiments de la plus tendre estime .

De tout mon cœur votre très humble et très obéissant serviteur

Volt. »

17/02/2016

il était né avec quelques demi-talents et il aurait eu peut-être un talent tout entier s'il avait été docile et honnête .

... Et de son propre aveu, il est "né hétérosexuel ", avec cette excuse foireuse : " je n'en ai aucun mérite", d'où je déduis que tout/e homosexuel/le  a, lui/elle, tout le mérite de son choix de vie . Et ce bavard irresponsable, Nicolas Sarkozy pour tout dire au cas où vous ne l'auriez pas reconnu, veut diriger la France encore une fois .

Avec l'argent des autres, n'importe quelle buse aura les moyens de se faire une cour servile qui voudra sa part du gâteau . On est loin du modeste talent, minimum demandé, à moins que,... à moins que  la tricherie financière à visées électorales ne soit pour de tels personnages qu'un remarquable talent enviable , et pas qu'à moitié .

Hey ! Nico, ça va la mise en examen ? Tu l'as bien méritée !

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Deux talentueux [sic] énergumènes 

 

« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

Quoique ma belle philosophe n'écrive qu'à des huguenots, cependant un bon catholique lui envoie ces petites Lettres . On suppose en les lui envoyant, qu'elle est très engraissée . Si cela n'est pas, elle peut passer à la page 20, , où l'on reprend un peu vivement l'ami Jean-Jacques, d'avoir trouvé que les dames de Paris sont maigres ; il ajoute qu'elles sont un peu bises ; mais comme ma belle philosophe nous a paru très blanche, elle pourra lire cette page 20 sans se démonter ; à l'égard des autres pages, elle en fera ce qu'elle voudra .

On se flatte que Le Père de famille a été joué, et qu'il l'a été avec succès ; ce succès est bien nécessaire et bien important , il pourrait contribuer à mettre Diderot de l'Académie ; ce serait une espèce de sauvegarde contre les fanatiques et les hypocrites de la ville et de la cour, qui blasphèment la philosophie et qui insultent à la vertu . Pour Jean-Jacques ce n'est qu'un misérable qui a abandonné ses amis, et qui mérite d'être abandonné de tout le monde ; il n'a dans son cœur que la vanité de se montrer dans les débris du tonneau de Diogène , et d'ameuter les passants, pour leur faire contempler son orgueil et ses haillons ; c'est dommage, car il était né avec quelques demi-talents et il aurait eu peut-être un talent tout entier s'il avait été docile et honnête .

Je fais mes compliments à toute la famille, à tous les amis de ma belle philosophe . Je tiens qu'elle vaut beaucoup mieux que Mme de Wolmar 1 . Prend-elle son café, ou le café dans l'entresol 2? Je la supplie aussi de me dire si les jardins de la Chevrette ne sont pas plus beaux que ceux de l'Étange 3. Qu'elle sache, au reste, que ceux de Ferney ne sont pas sans mérite ; si elle voulait faire encore un petit voyage dans le pays, non de Vaux, mais de Gex, on lui donnerait un petit chapitre tous les matins . En prenant le chocolat ou du chocolat . Je lui recommande l'infâme 4; je prie le prophète de me prophétiser quelque chose de bon sur Le Père de famille . Mille respects ; et si la belle philosophe est paresseuse, mille injures .

19è février 1761 à Ferney. »

1 Personnage de La Nouvelle Héloïse .

2 Allusion à un passage des Lettres de M. de Voltaire, qui de son côté fait allusion à La Nouvelle Héloïse, V, 2 ; cette explication est donnée par R.A. Leigh.

3 Dans La Nouvelle Héloïse .

4 Ces mots précédents manquent dans les éditions ; le « prophète » suivant est Grimm .

vous lui donnez l'immortalité en France

... Académiciens qui accueillez ces "migrants" francophones  , heureusement :

http://www.lefigaro.fr/culture/2013/02/22/03004-20130222A...

 De gauche à droite: François Cheng, Assia Djebar, Jules Hoffmann, Amin Maalouf, François Weyergans.

A actualiser, à ce jour !

 

 

« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore

etc. chez M. Vivien

rue de la Verrerie

à Paris

Au château de Ferney 19è février 1761

Je vous suis très obligé, monsieur , de faire revivre l'amiral Bing, et de m'envoyer sa résurrection 1; les Anglais l'ont déjà oublié, mais vous lui donnez l'immortalité en France . Il ordonna en mourant, à son secrétaire, de m'envoyer sa justification que je trouve très bonne, et vos vers encore meilleurs . J'ai l'honneur d'être avec beaucoup d'estime, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire. »

1 Voir lettre au même du 12 décembre 1757 : « Ma mauvaise santé, monsieur, m'a empêché de vous remercier plus tôt de votre poème sur l'amiral Bing ; je suis d'autant plus sensible à votre ouvrage que j'avais fait ce qui était en moi pour sauver la vie à cet infortuné ; je lui avais envoyé les témoignages de M. le maréchal de Richelieu et de nos marins qui tous le justifiaient . Mes soins, dont il a témoigné sa reconnaissance en mourant, n'ont servi qu'à rendre sa condamnation plus injuste . .. Etc. .. »

C'est envoyer une grive à des gens qui veulent manger un dindon .

... Disent nos paysans français pris à la gorge par la grande distribution qui tient à conserver des marges souvent indécentes . Il serait bon de trouver un moyen terme entre la grive et le dindon, le poulet par exemple , "mais on donne ce qu'on a" diront nos ministres avec fausse bonne conscience , eux qui sont nourris au foie gras .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

18 février [1761] 1

Tenez mes gloutons, vous demandiez une tragédie, voilà un chant de La Pucelle . C'est envoyer une grive à des gens qui veulent manger un dindon . Mais on donne ce qu'on a .

Tenez voilà encore des lettres sur le roman de Jean-Jacques . Mandez-moi qui les a faites , ô mes anges qui avez le nez fin ! Et Le Père de famille ? qu'est-il devenu ? »

1 Le jour est autographe, le mois de la main de Wagnière, l'année rajoutée par d'Argental .

16/02/2016

ce n'est point s'attaquer à la religion, mais au contraire la servir, que d'empêcher qu'un curé ne la déshonore

... Il est quand même déconcertant que cette vérité si simple connue depuis deux cent cinquante ans ne soit pas encore ancrée dans la caboche du clergé catholique !

http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20160215.OBS4654/l...

Barbarin, Decourtray et consorts il va falloir payer le prix fort, capital et intérêts, vous n'êtes pas au dessus des lois républicaines, pas plus que des lois divines que vous pronez hypocritement .

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De l'une à l'autre, vous ne sentirez pas la différence, non ?

On rira de vous, on se moquera de vous, calottes et calottins et ce sera bien fait , au mieux vous serez la risée du Régiment de la Calotte , qui compta Voltaire dans ses rangs ( https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9giment_de_la_Calotte  )

 

 

« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey [et autres] 1

[vers le 16 février 1761]

Vous me permettez, monsieur, de vous importuner sur la malheureuse affaire du sieur de Croze . Il joint à la douleur d'avoir vu son fils prêt de mourir par un assassinat, celle de voir l’assassin triompher de son affliction ; il est soutenu par une cabale puissante contre un pauvre homme sans secours , qui n'a ni assez d'intelligence, ni peut-être assez de fortune pour le suivre dans les détours de la chicane la plus odieuse et la plus longue . Ce curé est assez connu à Dijon par une foule de procès qu'il y est venu soutenir attend que les cicatrices des plaies faites au jeune de Croze puissent être fermées, afin qu'il paraisse que les blessures n'ont été que légères , et que l’assassinat passe pour une simple querelle ; mais je peux vous assurer que le temps qui est le seul refuge du curé laissera toujours paraître les preuves de son attentat . Le crâne a été ouvert, et le lieutenant-criminel lui-même a vu le malade en danger de mort : je l'ai vu moi-même en cet état . J'apprends que le curé a appelé du décret d'ajournement personnel et de prise de corps rendu à Gex : il fonde ses malheur[eus]es défenses sur une méprise qu'on dit être dans les dépositions : on a déposé en effet que led[it] curé avait été boire chez Mme Burdet le 27, veille de l'assassinat, et il se trouve que ce n'est que le 26 ; mais cette erreur de date n'emporte point une erreur de fait, et cette méprise est aisément corrigée au récolement et aux confrontations.

Il se fonde encore sur la mauvaise réputation de la dame Burdet, chez laquelle l’assassinat s'est commis, et qu'il a frappée lui-même . Mais si la dame Burdet est une femme diffamée pourquoi allait-il boire chez elle ? pourquoi part-il d'une demi-lieue de sa maison pour aller à dix heures du soir chez cette femme avec des gens armés ? Il a l'audace de dire que c'était pour arrêter le scandale, mais est-ce à lui d'exercer la police ? L'exerce-t-on à coups de bâton ? Lui est-il permis d'entrer par force pendant la nuit chez une ancienne bourgeoise du lieu très bien alliée ? Les violences précédentes de ce curé, le procès qui lui fut intenté par le notaire Vaillet pour avoir donné des coups de bâton à son fils, ses querelles continuelles, son ivrognerie qui est publique ne sont-elles pas des présomptions frappantes qu'il n'était venu chez la dame Burdet que dans le dessein qu'il a exécuté ? Une irruption faite pendant la nuit avec des hommes armés dans une maison paisible peut-elle être regardée comme un rite ordinaire ? Un laïque en pareil cas ne serait-il dès longtemps dans les fers ? Cependant ce prêtre, aussi artificieux que violent soulève le clergé en sa faveur . L'évêque de Genève 2 soutient que c'est à lui seul de le juger ; qu'il n'est pas permis aux juges séculiers se connaître les délits d'un prêtre, et qu'il n'est coupable que d'un zèle un peu inconsidéré : on intimide le pauvre de Croze ; on emploie le profane et le sacré pour lui fermer la bouche ; et enfin le jésuite Fessy a porté l'abus de son ministère jusqu'à refuser l'absolution à la sœur de l’assassiné, jusqu'à ce qu'elle portât son père et son frère à se désister de leurs justes poursuites . Ce malheureux curé du village de Moens, s'imaginant très faussement que c’était moi seul qui encourageait un père malheureux à demander vengeance du sang de son fils, a porté les habitants de son village à me couper la communication des eaux, et m'a fait proposer de me donner le double des eaux qu'on voulait m'ôter si je pouvais obtenir de de Croze un désistement . L'évêque m'[a] mandé en propres termes que pour quelques gouttes de sang il ne fallait pas faire tant de vacarme 3.

Voilà l'état où sont les choses, et sans la justice du parlement de Bourgogne, tout le pauvre petit pays de Gex serait dans le plus détestable bouleversement .

J'ai l'honneur d'être, avec beaucoup de respect, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

Voilà ce que j'écris à des magistrats du parlement . Je conjure monsieur le président de Ruffey de parler à M. de La Marche, au premier président de La Tournelle, et de protéger les infortunés opprimés . 

V.»

 

1 Le post-scriptum et l'absence de date suggèrent que l'on a ici le texte d'une lettre circulaire envoyée à plusieurs correspondants, ce qui est confirmé par la publication par Mandat-Grancey du même texte (sans post scriptum) sous la forme d'une lettre à Le Bault du 16 février 1761 . Moland a même imprimé cette lettre en double !

2 Deschamps de Chaumont , évêque in partibus de Genève .

3 Allusion de V* à la lettre écrite par Deschamps de Chaumont à Mme Denis à la suite de lettres que lui avait adressées Voltaire sous le couvert de sa nièce . Voici ces lettres :

« Marie-Louise Denis à Joseph-Nicolas Deschamps de Chaumont [vers le 1er février 1761] / Monseigneur, j'espère que non seulement vous excuserez, mais que vous approuverez une importunité qui me pèse beaucoup plus qu'à vous . Je ne comprends rien aux articles de vos lettres qui regardent mon oncle . Il fait plus de bien à la province qu'aucun homme en place n'y en a fait depuis plusieurs siècles ; il fait dessécher tous les marais qui infectent le pays , il prête de l'argent sans intérêt aux gentilshommes , il en donne aux pauvres, il établit des écoles où il n'y en a jamais eu, il défriche des terres incultes, il nourrit plus de cent personnes, il rebâtit une église . J'ose dire que la province le respecte et le chérit, et qu'il a droit d'attendre de vous autant de bonté et de considération qu'il a pour vous de déférence et de respect . / Je vous parle au nom de la province, monseigneur, pour les affaires qui nous intéressent . Nous sommes tous indignés de voir des curés qui ne savent que plaider et battre les paysans . Voilà un curé de Mérin qui vient de perdre le septième procès à Dijon et qui est condamné à l'amende . Voilà le curé de Moens qui a eu huit procès civils, et qui est actuellement à son deuxième procès criminel . Au nom de Dieu mettez ordre à ces scandales, et à ces violences . On vous trompe bien cruellement ; croyez qu'il peut résulter des choses très funestes de la conduite violente du curé de Moens ; si vous versez des larmes de sang vous empêcherez qu'un prêtre ne fasse verser le sang des chrétiens, et des sujets du roi mon maître ; vous n'êtes point étranger à la France, puisque la grande partie de votre diocèse est en France . / Ne vous laissez point prévenir par les artifices de ceux qui croient l'honneur de leur corps intéressé à soutenir un coupable, et qui ne savent pas que leur véritable honneur est de l'abandonner . Je me flatte toujours que vous agirez en père commun, que vous n’écouterez ni la faction ni la calomnie, que vous honorerez la vertu bienfaisante, et que nous nous louerions de votre justice autant que j'ai l'honneur d'être avec respect, monseigneur, votre très humble et très obéissante servante. »

 

« Monseigneur, j'ai l'honneur de me joindre à mon oncle auprès de vous, sur l'affaire du curé de Moens . Je possède conjointement avec mon oncle la terre de Ferney, et par conséquent j'ai l'avantage d'être de votre diocèse . / Je voudrais qu'une affaire moins triste, tant pour l'exemple que les ministres de l’Évangile doivent aux fidèles, que pour la tranquillité publique, m'eût procuré plutôt l'honneur de vous assurer des sentiments que votre caractère, et votre mérite personnel m'inspirent . / Je conviens, monseigneur, que ce curé n'est pas le nôtre , qu'il n'a battu, assassiné personne qui vous appartienne ; et que par conséquent mon oncle et moi nous aurions pu l'abandonner à son sens réprouvé, et nous contenter d’abhorrer en nous-mêmes une action si scandaleuse . / Mais daignez vous mettre un moment à notre place . La pitié pour de Croze, et l'amour du bien public se sont joints à notre indignation. / De Croze père est venu trouver mon oncle, ne sachant à qui demander justice : mon oncle vit son fils dans le moment où il fut question de le trépaner, ce qu'on aurait fait sans l'avis de M. Tronchin qui connait le danger de cette opération, et qui dit qu'il valait mieux le laisser mourir que de l'achever . De Croze s'adressa à la justice de Gex, et mon oncle eut l'honneur de vous avertir sur le champ de ce qui se passait . / Ne croyez pas, monseigneur, que l'animosité contre ce curé ait pu le porter à vous instruire de ce crime . Je vous le répète, la pitié pour de Croze, et l'amour du bien public ont été ses principaux motifs . Nous possédons des terres, et nous serions très fâchés que des curés fussent en droit de venir dans nos maisons sous quelque prétexte que ce fût , accompagnés de paysans armés, assassiner les gens qui leur déplairaient ; nous serions très fâchés qu'il ne parlassent qu'à grands coups de bâton, comme fait celui-ci à nos paysans, quand par leur ministère ils sont destinés à entretenir la paix et à apaiser les querelles, à prêcher et de paroles et d'exemples la charité et le pardon des injures . / Je sais , monseigneur, que vous avez ordonné un examen de la vie et des mœurs de cet homme . Si le rapport qu'on vous a fait est tel que vous le désirez dans le fond de votre cœur si on vous envoie des attestations plus convenables au caractère dont il est revêtu, qu'à sa conduite, si on l'a justifié sur des choses dont on ne l’accuse point , et si on a passé sous silence les violences dont il est convaincu, on vous a cruellement trompé . / Il y a encore dans le pays plusieurs habitants, hommes et femmes, auxquels il a osé donner des coups de bâton . Il s'est même mis dans le cas d'en recevoir ; et il a avili son ministère par des violences, non seulement proscrites dans l’Évangile, mais abhorrées de tous les honnêtes gens . Vous ordonnerez de cet homme, monseigneur, tout ce qui vous sera suggéré par vos lumières . / Mais j'ose vous conjurer avec instance de ne point laisser cet homme dans le pays . Je sais que le clergé du pays de Gex tâche de le sauver, qu'il regarde cette affaire comme la sienne propre ; mais le crime d'un seul peut-il influer sur un corps respectable , et n'est-il pas plus honorable d'écarter un coupable que de l'incorporer avec soi ? J'ose encore, monseigneur, vous faire une observation . Je crains les vengeances et les meurtres . De Croze a été assommé . Un contrôleur des fermes a eu la tête fendue . S'il arrivait quelque malheur, votre cœur se le reprocherait . J'abandonne cette affaire à votre justice ; et j'ai l'honneur d'être avec respect, monseigneur, votre très humble et très obéissante servante, / Denis, dame de Ferney / Au château de Ferney le 5 février 1761 . »

 

« Joseph-Nicolas Deschamps de Chaumont à Marie-Louise Denis / Madame, l'affaire du curé de Moens suit dans les deux tribunaux le cours de la justice ordinaire ; mais le sort de M. de Voltaire était entre ses mains, si au lieu de savoir jouir de ses biens et de son opulence, ou pour mieux dire, si au lieu de pleurer sur lui-même et sur les maux irréparables qu'il a fait à la religion, devenu furieux contre un curé uniquement ennemi du vice, il ne s’était pas livré sans mesure à ce qui l'a mené beaucoup plus loin qu'il ne pensait peut-être en l'embarquant dans une aussi mauvaise affaire ; j'en suis fâché , mais je le suis bien plus encore du peu de fruits de certains avis qu'en qualité d'évêque la nécessité seule m'a arrachés dans une circonstance où certainement à beaucoup près je ne l'avais pas cherché ; le principe en a été pur, et leurs mauvaises suites ont même encore si peu produit de fiel que je voudrais actuellement au prix de mon sang entier pouvoir laver une âme qui trop aveugle pour se plaindre elle-même, affecte de gémir encore d'une manière aussi étrange sur l'effusion de quelques gouttes, non pas de la main du prêtre, où après tout elle n'a d'autre intérêt que celui que pour des motifs trop connus elle veut bien y prendre . J'ai l'honneur d'être avec respect, madame, votre très humble et très obéissant serviteur. / Annecy ce 7è février 1761 . / Je crois , madame, devoir encore vous dire que je conseille fort à monsieur votre oncle de s'en tenir aux lettres qu'il m'a écrites, elle lui auraient fait peu d'honneur, si je les avais voulu répandre, mais ne voulant pas à beaucoup près la mort du pêcheur, je souhaite seulement qu'il se convertisse et qu'il vive . »

 

« Marie-Louise Denis à Joseph-Nicolas Deschamps de Chaumont / Monseigneur, j'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l’honneur de m'écrire du 7 février, et je me crois encore obligée d'y répondre pour vous assurer que malgré l'envie que l'on a de pallier auprès de vous l'excès où s'est porté ce malheureux curé, je suis persuadée que vous agirez avec l'honneur d'un homme du qualité, et la charité d'un évêque . Vous ne démentirez jamais les sentiments qui sont dans votre cœur . / Si je pouvais me persuader que mon oncle en cherchant à faire rendre quelque justice à ce pauvre de Croze eût pu porter quelque atteinte à la religion, loin de m'intéresser à cette affaire, elle ne m'inspirerait que de l'horreur . Ses motifs sont bien différents . Il croit que ce n'est point s'attaquer à la religion, mais au contraire la servir, que d'empêcher qu'un curé ne la déshonore . Soyez sûr, monseigneur, qu'il n'a d'autre envie que de faire du bien dans ses terres et qu'il y réussit . / Il met tout en œuvre pour l'instruction des enfants, et pour maintenir le bon ordre . Il vient encore d'établir à ses dépens un maître d'école à Ferney où il n'y en avait jamais eu . / Pardonnez-nous donc, monseigneur, si un voisinage tel que celui du curé de Moens nous alarme . On a beau dire que ses intentions étaient bonnes . Ses violences sont connues, et sa charité chrétienne est d'une nature bien différente de celle que nous prêche l'Evangile . J'ai vu les blessures de De Croze . Je l'ai vu à la mort . Les témoins déposent que le curé l'a frappé lui-même . Qu'allait-il faire chez une femme à dix heurs du soir accompagné de paysans armés ? Non, monseigneur, vous ne pouvez approuver cette horreur . / Du reste, monseigneur, si mon oncle a eu l’honneur de vous écrire quelques lettres, il était bien sûr des mains dans lesquelles il les a déposées . Votre probité, votre candeur et vos vertus ne vous permettraient pas de publier des lettres sans l'aveu de celui qui les écrit . L'idée n'en peut venir à quiconque a l'honneur de vous approcher . Ces sentiments de probité animent sans doute tous ceux que vous employez . / Je suis avec respect, monseigneur, votre très hulmble et très obéissante servante / Denis, dame de Ferney / Au château de Ferney le 13 février 1761 . »

 

A cette lettre, l'évêque répondit vers le 16 février 1761, ce qui donna lieu à la réponse suivante de Mme Denis, dans laquelle il est bien difficile de ne pas voir encore l'esprit de Voltaire qui dut au moins l'inspirer et la corriger (elle est comme les précédentes de la main d'un secrétaire : Wagnière?)

« Marie-Louise Denis à Joseph-Nicolas Deschamps de Chaumont / Monseigneur, ce que vous me faites l'honneur de me mander sur le coup que mon oncle peut porter à la religion en prenant la défense de De Croze m’afflige sensiblement . Quoique je ne puisse douter des intentions pures de mon oncle dans cette affaire, je soumettrai toujours ma façon de penser à vos lumières . Je le dois par toutes sortes de raisons ; et si j'ose encore vous faire des objections sur quelques endroits de votre dernière lettre, c'est pour présenter à vos yeux le petit nombre de faits dont je suis certaine, et surtout c'est pour m'éclairer . / Lorsque de Croze fut si cruellement assommé, son père le fit transporter chez lui, et envoya chercher le sieur Cabanis, le plus habile chirurgien de Genève, pour le panser . Cabanis revint à Genève, désespérant de la vie du blessé , et conta à tout le monde l'action du curé de Moens, qui parut odieuse à des protestants, et qui ne doit pas l'être moins aux yeux des catholiques . En deux heures de temps, Genève fut remplie de cette affreuse histoire, et nous ne l'avons apprise que par la voix publique . J'ai mille raisons de croire, monseigneur, que mon oncle n'a eu aucune part à l'imprimé dont vous vous plaignez ; mais quand cet imprimé n'aurait point paru, le scandale n'en était pas moins fait, puisqu'il était public et connu même à Lyon et à Dijon deux ou trois jours avant que l'imprimé existât . / J'ose vous demander, monseigneur, si pour les vrais intérêts de la religion, il est plus avantageux de souffrir qu'un curé assomme et fasse assommer impunément des personnes qui ne lui ont jamais rien fait, que de lui faire subir le sort de la justice ordinaire, surtout quand le scandale est public . Comment la religion peut-elle autoriser dans ses ministres ce qu'elle défend aux autres hommes ? Comment un corps aussi respectable que le clergé, le premier corps de l’État, soutient-il un de ses membres qui le déshonore, tandis qu'un régiment chasse pour la moindre faute un officier , dans la crainte que la faute impunie ne porte sur le corps entier ? N'en use-t-on pas de même dans les cours de judicature ? Les corps en deviennent plus estimables, la justice plus exacte, et le roi mieux servi . Comment imaginer, monseigneur, que le clergé de Gex, respectable à tous égards, soutiendrait près de vous un confrère si coupable ? Mon oncle ne pouvait pas le prévoir . Il semble que pour des âmes faibles et des hérétiques, un tel exemple ne peut être que préjudiciable à la religion : voilà du moins comment cette affaire s’est présentée à mes yeux . / Le curé de Moens a eu, sans doute, de mauvais procédés pour mon oncle ; mais cela ne rend son crime ni plus faible ni plus grand ; cela a prouvé seulement la violence de son caractère . / A l’égard de toutes les lettres que mon oncle a eu l'honneur de vous écrire, monseigneur, je ne les ai point vues ; je ne peux pas même lui en parler parce qu'il y a deux jours qu'il est absent ; mais j'ose vous assurer que ses intentions n'ont point été telles qu'elles sont présentées à votre esprit ; il vous honore comme il le doit, en général ,et je me mêle d'aucune affaire, et si ce n’avait été l'honneur de vous écrire, et de justifier les intentions de mon oncle auprès de vous je n'aurais jamais prononcé le nom du curé de Moens . / On a répandu dans Genève, monseigneur, la copie d'une lettre que l'on dit être adressée par mon oncle à Votre Grandeur . J'ai répondu hardiment que cette copie était supposée, et je ne peux en douter ; votre parole est respectable, et je méprise tous les vains discours . Heureuse si je peux mériter vos bontés par le respect et par l'inviolable attachement avec lequel j'ai l'honneur d'être , monseigneur, votre très humble et très obéissante sevante / Denis / Au château de Ferney, le 19 février 1761 . »

 

On possède encore une « Dernière réponse une fois pour toutes de Mgr l'évêque de Genève à une réplique de Mme Denis, qui d'un ton très radouci lui demande un peu de part à ses bontés, tâche d'excuser les lettres de son oncle, qu'elle dit n'avoir pas vues , mais qu'elle craint fort de voir paraître et répandues . », ainsi qu'une lettre de même à un inconnu, où il fait état de l'attitude ambiguë de Voltaire, partagé entre le désir de ne pas déplaire à l'évêque parce qu'il est « réellement au désespoir de n'avoir pas la liberté d'aller à Paris » et sa « haine contre un curé innocent qu'il a toujours persécuté . »

15/02/2016

Acharnement pour l'affaire du curé, non . Vivacité, oui .

... Quand on vous dit que Voltaire luttait à juste titre contre les religions et en particulier la catholique, croyez-le !

Triste exemple nous est encore donné d'une hypocrisie intolérable, d'une lâcheté inexcusable, d'un délit caractérisé des pontes de Lyon qui ont couvert des années un prêtre pédophile , lamentable. Comment garder la foi en une Eglise qui méprise le Droit ? L'évangile, si je m'en souviens bien, appelle à couper le membre par lequel le péché est accompli ; il y a loin de la parole aux actes , hélas . Si Jésus a dit "laissez venir à moi les petits enfants", il n'a pas autorisé les curés dépravés de mettre leurs sales pattes dessus .

Monseigneur Barbarin, vous êtes un dégonflé tout juste capable d'ouvrir le parapluie hiérarchique ; vous qui ordonnez des prêtres, que n'êtes vous capable de renvoyer les pourris ! Il y a comme une odeur de faisandé du côté de la capitale des Gaules .

http://www.liberation.fr/france/2016/02/12/le-cardinal-ba...

La justice aura-t-elle cette vivacité voltairienne ?

Et c'est au son de chants grégoriens que j'écris ces lignes amères ....

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

16 février [1761] 1

Ce n'est pas aux yeux que j'ai mal, c'est à la main écrivante ; on dit que j'ai la goutte, mes divins anges , et que je suis le plus maigre des goutteux . Non ce n'est pas moi qui ne réponds point aux articles des lettres, c'est vous, vous qui parlez ; je n'avais oublié que l'article d'Oedipe, et j'ai réparé bien vite cette omission ; mais vous ! avez-vous répondu à mes justes plaintes contre Prault petit-fils ? qui n'a pas seulement daigné m'envoyer un exemplaire de sa petite drôlerie de Tancrède!M'avez-vous dit un mot du Père de famille ? Si vous aviez daigné m'instruire de la maladie de M. de Belle-Isle, je n'aurais pas pris sottement ce temps-là pour importuner M. le duc de Choiseul de mes facéties ; j'ai si bien pris mon temps qu'il ne m'a point fait de réponse , mais n'allez pas l'imiter .

Je ne suis pas excessivement content de Mme de Pompadour, mais aussi je ne suis pas fâché contre elle ; je trouve seulement la muse limonadière plus attentive qu'elle .

J'ignore aussi si M. le duc de Richelieu est à Versailles ; c'est encore un de nos hommes exacts, qui vous écrivent une lettre de huit pages, et qui vous laissent là des années entières .

Acharnement pour l'affaire du curé, non . Vivacité, oui . Et puis, quand j'ai rendu ce service à l’Église, je fais un chant de La Pucelle .

Je n'ai point trouvé d'autre façon de répondre à tous les faquins qui m'accusent de n'être pas bon chrétien que de leur dire que je suis meilleur chrétien qu'eux, je fais plus, je le prouve ; mais mon christianisme ne va pas jusqu'à pardonner à Omer ; je n'ai point de fiel contre Fréron, c'est à lui à me détester , puisque je l'ai rendu ridicule, et que je l'ai fait bafouer de Paris à Vienne . J'aurais voulu, il est vrai pour mon divertissement qu'on lui eût fait dire deux mots par le lieutenant criminel au sujet de Mlle Corneille ; si cela ne se peut, il faut tâcher de prendre une autre route . M. Corneille père peut se plaindre à M. de Saint-Florentin ; j'en écris à M. Le Brun . Il est bon de tenter toutes les voies, car ce n'est pas assez de rendre Fréron ridicule, l'écraser est le plaisir . J'ai quelque maltalent 2 contre M. de Malesherbes qui protège les feuilles de ce monstre ; mais toutes ces belles passions s'anéantissent devant la haine cordiale que je porte à l'impudent Omer . Cependant la violence de cette juste haine peut céder à la raison, et puisque je ne puis lui couper la main dont il a écrit son infâme réquisitoire qu'on lui a dicté, je l'abandonne à sa pédanterie, à son hypocrisie, à sa méchanceté de singe, et à toute la noirceur de son noir caractère ; que le Pantaodai reste un ouvrage de société entre les mains de trois ou quatre personnes ; que Mlle Clairon n'en ait pas même d'exemplaire, et que le plus profond mépris fasse place à ma juste colère , colère d'autant plus véhémente que je l'ai couvée un an entier .

Mes anges, si j'avais cent mille hommes, je sais bien ce que je ferais, mais comme je ne les ai pas je communierai à Pâques, et vous m'appellerez hypocrite tant que vous voudrez . Oui par Dieu, je communierai avec Mme Denis et Mlle Corneille ; et si vous me fâchez je mettrai en rimes croisées le Tantum ergo 3. Je m'aperçois que cette lettre est plus brûlable que l'Ecclésiaste ; ainsi je vous supplie de vous souvenir de moi au coin de votre cheminée 4.

À propos , qui vous a dit que je faisais une tragédie ? Je suis fâché de vous ôter cette douce illusion . Cette lanterne 5 vient de ce que Mme Denis qui est toujours folle du Droit du seigneur, avait mandé à sa sœur que nous jouerions quelque chose de nouveau et de merveilleux, mais sans lui dire de quoi il était question . Gardez-moi , je vous prie, un éternel secret, mes divins anges, sur ce Droit du seigneur qui m’enchante .

Pour Fanime, je la regarderai toute ma vie comme un ouvrage médiocre, et ce beau-fils qui rend Fanime à son père pour s'en débarrasser, me paraîtra toujours un des plus plats personnages qui aient jamais existé ; il y a des morceaux touchants, d'accord ; on y pleure, je le passe ; mais je ne juge point d’un visage par un nez, et par un menton . Je veux du tout ensemble . Vive Tancrède, cette pièce me paraît bien faite, neuve singulière ; cependant nous verrons ce que je pourrai faire pour obéir à vos ordres au saint temps de Pâques . Et la dissertation contre ces barbares anglais 6? Vous n'en parlez pas . Mes divins anges je vous regarde comme la consolation et l'honneur de ma vie . Je suis bien faible mais je vous aime fortement .

V. »

1 Date complétée par d'Argental ; les éditions à la suite de la copie Beaumarchais-Kehl ajoutent à la fin de cette lettre celle du 18 février 1761 au même .

2 Mot archaïque repris plaisamment par V*, comme auparavant outrecuidance ; maltalent = mauvais vouloir, mauvaise volonté .

4 Cette dernière phrase, bien que rayée sur la copie Beaumarchais a été imprimée .

5 Une lanterne est une fausseté absurde .

6 L’Appel à toutes les nations de l'Europe . Voir page 134 : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-80022&M=tdm