04/12/2017
J'attends tout de l'intégrité des juges du Conseil, et surtout du cri public
...
Oui, le cri public est indispensable pour réveiller les consciences,... et les juges !
« A Philippe Debrus
à Genève
18è janvier 1763
J'ai l'honneur de vous adresser, monsieur, une petite réponse que je dois à Mlles Calas 1, qui ont bien voulu m'écrire . J'attends tout de l'intégrité des juges du Conseil, et surtout du cri public .
Nous avons des ennemis . Un conseiller au parlement de Paris, disait ces jours passés à l'un de nos avocats, que notre requête ne serait point admise, parce qu'il y a plus de magistrats que de Calas . J'espère qu'un discours si insolent, si tyrannique, et si absurde sera aussi vain qu'il est condamnable , et je voudrais qu'il fût public, afin de forcer les juges du Conseil à faire voir à la France indignée, qu'ils n'immolent pas l'innocence au faux honneur de quelques magistrats indignes de l'être . »
1 Lettre du même jour à celles-ci : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/12/02/je-vous-reponds-mesdemoiselles-sur-du-papier-orne-de-fleurs-6004854.html
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il y aura peut être un ou deux cartons à faire, car on marche sur des charbons ardents
... Non, ne croyez pas que Voltaire a des idées vengeresses et meurtrières !
Pour "faire des cartons" , nul besoin d'arme à feu comme me le suggèrent les tontons flingueurs et les forains de la foire du Trône , une feuille de papier et de quoi écrire suffisent . Déçus les va-t'en-guerre ? tant pis , circulez, y'a rien à voir pour vous .
Et c'est encore le militaire qui gagne le kilo de sucre !
« A Gabriel Cramer
Monsieur Cramer est prié de m'envoyer R, S, T des additions à l’Histoire générale, et ce qu'on a imprimé du huitième tome de l'Histoire, depuis la lettre V ; il y aura peut être un ou deux cartons à faire, car on marche sur des charbons ardents .
Il conviendrait d'imprimer sans délai le petit livre sur la tolérance, attendu que l'affaire des Calas doit être jugée avant la fin du mois, pendant ce temps-là, on compilera, compilera, compilera des commentaires sur Pertharite et sur les pièces suivantes . Ces commentaires ne sont pas encore en ordre, et ils demanderont peut-être quelque attention .
Mille compliments .
18è [janvier 1763]. »
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03/12/2017
Je vous réponds, mesdemoiselles , sur du papier orné de fleurs, parce que je crois que le temps des épines est passé
...
« A Anne-Rose Calas et à Rose Calas 1
à Paris
18è janvier 1763 au château de Ferney 2
Je vous réponds, mesdemoiselles , sur du papier orné de fleurs, parce que je crois que le temps des épines est passé, et qu'on rendra justice à votre respectable mère et à vous . Je vous félicite d'être auprès d'elle . Je me flatte que votre présence a touché tous les juges, et qu'on réparera l'abomination de Toulouse . Je vois avec un extrême plaisir que le public s'intéresse à vous aussi vivement que moi . Je fais mes plus sincères compliments à madame votre mère, et suis avec beaucoup de zèle, mesdemoiselles 3, votre très humble et très obéissant serviteur .
Voltaire
gentilhomme ordinaire du roi. »
1 Les deux filles de Jean Calas, sœurs de Marc-Antoine, Pierre, Louis et Donat .
2 Original signé, effectivement sur papier fleuri . Voir Coquerel : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57191804/f1.image.r=coquerel,+athanase.langFR
3 Jusqu'à la Révolution, seules les femmes nobles auront droit au titre de madame, et une bourgeoise même mariée n'a droit qu'au titre de mademoiselle .
Curieusement, l'administration française du XXIè siècle , elle, ne connait plus de demoiselle, toute jeune fille est désormais, -et pour l'éternité paperassière,- depuis sa naissance « madame » !
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02/12/2017
Je sais que vous plaidez contre la fanatisme, mais il y a encore assez de raison dans ce siècle pour que vous gagniez votre cause
... Ami Voltaire, on le dit depuis quelques siècles, et je crains bien qu'on le répète encore longtemps, la superstition mère du fanatisme semble bien immortelle .
« A Pierre Mariette, Avocat au Conseil
Rue Simon-le-Franc
à Paris
17è janvier 1763 à Ferney
J'ai eu l'honneur, monsieur, de vous envoyer un griffonnage d'évêque, de curé, et de notaire, pour un échange, qui doit être, dit-on , approuvé par le Conseil . M. Damilaville doit vous avoir envoyé le paquet par la petite poste . Je vous supplie instamment de m'en donner des nouvelles .
J'avoue que je donne la préférence à la cause de la veuve Calas . Si vous aviez quelque chose de nouveau sur cette affaire importante, vous me feriez grand plaisir de m'en instruire . Elle vous fera bien de l'honneur ; car enfin, on ne jugera que sur votre mémoire . C'est le seul qui soit juridique, et le seul aussi dans lequel on discute tout le détail des preuves . J'ai beau me distiller 1 la tête à chercher des raisons qui puissent excuser les juges, je n'en trouve aucune .
Je sais que vous plaidez contre la fanatisme, mais il y a encore assez de raison dans ce siècle pour que vous gagniez votre cause .
J'ai l'honneur d'être avec une estime infinie, monsieur,votre très humble et très obéissant serviteur .
Voltaire. »
1 Au sens figuré « s'épuiser » ; voir un emploi voisin par Saint-Simon, cité dans le Littré: « Villars se distilla chez lui en respects. »
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01/12/2017
Les perruques carrées de Genève ont trouvé cela mauvais ; elles ont dit que Calvin défendait le bal expressément
... Nous avons là une parfaite illustration de ce qu'on nomme des faux-culs ; ceux-ci sont du XVIIIè siècle, mais la race n'en est pas éteinte, chrétiens, musulmans, bouddhistes, juifs et autres sectes savent très bien édicter des interdits, des tabous, et se conduire pour leurs intérêts personnels comme de fieffés salauds . Allah, Yahwe, Vichnou, Bouddha et Nanabozo sont grands ! mais le portefeuille est encore plus grand et a horreur du vide .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
17 janvier 1763
Voyez, mes anges, si ceci vous amusera, et s’il amusera M. le duc de Praslin. Les laquais des Français et des Anglais, ou bien des Anglais et des Français, qui sont à Genève, ont voulu donner un bal aux filles en l’honneur de la paix. Les maîtres ont prodigué l’argent ; on a fait des habits magnifiques, des cartouches aux armes de France et d’Angleterre, des fusées, des confitures : on a fait venir des gélinottes et des violons de vingt lieues à la ronde, des rubans, des nœuds d’épaule, et Vive MM. les ducs de Praslin et de Bedfort dessinés dans l’illumination d’un beau feu d’artifice. Les perruques carrées de Genève ont trouvé cela mauvais ; elles ont dit que Calvin défendait le bal expressément ; qu’ils savaient mieux l’Écriture que M. le duc de Praslin ; que d’ailleurs pendant la guerre ils vendaient plus cher leurs marchandises de contrebande . En un mot, toutes les dépenses étant faites, ils ont empêché la cérémonie 1.
Alors la bande joyeuse a pris un parti fort sage . Vous allez croire que c’est de mettre le feu à la ville de Genève, point du tout ; les deux partis sont allés célébrer leur orgie sur le territoire de France (il n’y a pas bien loin). Rien n'a été plus gai, plus splendide et plus plaisant . Cela ne vous paraîtra peut-être pas si agréable qu’à nous ; mais nous sommes de ces gens sérieux que les moindres choses amusent.
Je me flatte que mes anges ont reçu mon testament en faveur de Mlle d’Epinay 2, par lequel je lui donne et lègue les rôles d’Acanthe et de Nanine. Si elle veut encore celui de Lise, dans l’Enfant prodigue, je le lui donne par un codicille, révoquant à cet effet tous les testaments antérieurs.
Dieu vous ait, mes bons anges, en sa sainte et digne garde ! Respect et tendresse.
V.»
1 Les archives de Genève n'ont pas fait mention de cet événement , sans doute trop mineur .
2 Voir lettre du 23 décembre 1762 aux mêmes : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/10/30/temp-je-ne-vois-pas-comment-on-pourrait-supposer-que-des-anglais-qui-se-piq.html
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