14/10/2018
on ne laisse pas de trouver dans ce siècle-ci de la protection contre la sainte Église, mais qu'il y a toujours de grandes précautions à prendre contre elle, malgré cette protection même
... Et si seulement on n'avait que la dite sainte Eglise (catholique, über alles ! ) à redouter ! mais il faut aussi compter avec les prérogatives que s'octroient toutes les religions, mono ou poly-théistes ; les représentants (au sens commercial du terme) du dieu unique ou des dieux à la queue leu-leu ne tiennent pas du tout à lâcher le chaland crédule qui les nourrit . Enfer et paradis sont de momeries qui ont encore le vent en poupe et valent leur pesant de cacahuètes .
« A Etienne-Noël Damilaville
17è octobre 1763 1
Mon cher frère, vous savez que je m'adresse à vous pour le spirituel et pour le temporel . Voici une lettre pour M. Mariette qui regarde l'un et l'autre . Je vous supplie de lire le paquet ; vous y verrez qu'on ne laisse pas de trouver dans ce siècle-ci de la protection contre la sainte Église, mais qu'il y a toujours de grandes précautions à prendre contre elle, malgré cette protection même .
Plusieurs personnes me parlent du mandement du sieur évêque du Puy, frère du célèbre Pompignan . Voudriez-vous bien avoir la bonté de me le faire tenir ? Il faut bien lire quelque chose d’édifiant . Saurin a-t-il fait imprimer sa tragédie ?2
Buvez à ma santé, je vous prie, avec le frère Thieriot et ne m’oubliez pas auprès des autres frères, mais surtout conservez-moi une amitié qui me console de n'être pas à portée de m'entretenir avec vous .
Écr l'inf . »
1 On a ici la première des copies des lettres de V* à Damilaville conservées à Darmstadt . Cette série semble avoir été constituée en même temps que celle des copies Beaumarchais-Kehl ; elle donne souvent des textes corrompus et incomplets .
2Blanche et Guiscard, tragédie jouée le 29 Septembre.
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13/10/2018
Vos oies du Capitole sont aujourd'hui des dominicains qui donnent l'alarme contre ceux qui pensent . Aussi, quand il passe des moines par mes terres, je leur propose d'aller s'accoupler avec les bœufs qui labourent pour moi
... Si de nos jours les oies du Capitole ne sont plus les dominicains , mais une foule de dictateurs de la pensée réglementaire et intégristes de tout poil, ils méritent bien encore le traitement que leur proposait Voltaire, qu'on peut résumer de nos jours par "fuck you bastard !", en épargnant ces pauvres boeufs qui n'en peuvent mais .
Ouaip !
« Au comte Franceso Algarotti
Au château de Ferney par Genève
17è octobre 1763
Votre lettre, mon cher cygne de Padoue 1, et le paquet de votre ami, me sont parvenus le 13è octobre, et sont partis le 14 avril ; c'est à peu près le temps qu'il faut pour aller aux grandes Indes quand on a le vent bon . M. Guazzesi 2 m'a fait un regalo dont je sens tout le prix . Je voudrais bien vous envoyer à vous et à lui la nouvelle édition de l'Histoire générale, mais elle [est] si fort antisacerdotale et antipapale, que je crois que vous seriez excommuniés tout deux ipso facto si vos révérends inquisiteurs savaient seulement que j'ai eu envie de vous l'envoyer . Voyez pourtant si vous pourriez la recevoir en fraude par Livourne . Franchement, je suis toujours émerveillé qu'il y ait des hommes qui défendent aux autres hommes de lire . Les temps d’Attila et de Généric étaient moins barbares . Un temps viendra où l'on ne pourra croire que l'espèce humaine, et surtout l'espèce italienne, ait été avilie à ce point . Je ne crois pas qu'il y ait sur la terre une nation aussi ingénieuse que la vôtre ; mais vous êtes des aigles qui vous laissez couper les ailes par des chats-huants . J’aimerais mieux vivre dans un village d'Angleterre, que de demeurer à Rome . Vos oies du Capitole sont aujourd'hui des dominicains qui donnent l'alarme contre ceux qui pensent . Aussi, quand il passe des moines par mes terres, je leur propose d'aller s'accoupler avec les bœufs qui labourent pour moi .
Portez vous bien mon cher cygne, tirez parti de la vie comme vous pourrez ; pour moi, je crois que je vais bientôt prendre congé de la compagnie ; soyez sûr que je vous aime autant que je vous estime .
V. »
1 Cette lettre n'est pas connue .
2 Voir lettre du 18 octobre 1763 à celui-ci ; regalo signifie présent, cadeau .
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12/10/2018
vous daignâtes voir mon théâtre, mais j’eus la modestie de ne pas vous montrer mon église, elle est pourtant assez jolie, et je l'ai fait bâtir pour faire plaisir à mon curé qui n'avait qu'une grange, surmontée d'une espèce de clocher
...
« A Jean-Philippe Fyot de La Marche
A Ferney , 16 octobre 1763
Monsieur,
Lorsque vous me fîtes l'honneur de vouloir bien passer à Ferney, je crois que vous daignâtes voir mon théâtre, mais j’eus la modestie de ne pas vous montrer mon église, elle est pourtant assez jolie, et je l'ai fait bâtir pour faire plaisir à mon curé qui n'avait qu'une grange, surmontée d'une espèce de clocher dans lequel on avait placé une sonnette . Il peut d'ailleurs se vanter d'avoir les plus belles chasubles de la province . J'ai pris soin de ses terres qui lui rapportent à présent environ douze cents livres de revenu .
Je prends la liberté, monsieur, de vous faire cette petite préface pour vous représenter avec quelle reconnaissance il m'a voulu dépouiller de mes dîmes dès que je l'ai mis par mes libéralités en état de me faire un procès . C'est à propos de ces dîmes, monsieur, que vous avez sans doute reçu une lettre de M. le duc de Praslin de la part du roi 1. Vous savez sans doute sur quoi cette lettre est fondée . Toutes les terres du pays de Gex avaient appartenu aux Bernois au commencement du seizième siècle . Ils vendirent toutes ces seigneuries avec les dîmes , et lorsqu'ensuite ils firent la paix avec les ducs de Savoie, il fut stipulé que tous les seigneurs resteraient en possession des dîmes achetées par eux . On donna ensuite des terres aux curés, ces domaines leur tinrent lieu de dîmes, et ils y gagnèrent beaucoup . Nos rois furent les garants de toutes ces conventions dans tous les traités qu'ils firent avec la Suisse et la Savoie . Henri IV n'acquit le pays de Gex qu'à cette condition . Louis XIV maintint nos privilèges par le traité d'Arau .
Les curés croient que les dîmes sont plus sacrées que les traités ; et malheureusement ces conventions de nos rois n'ayant point été enregistrées au parlement de Dijon, les seigneurs du pays de Gex seraient exposés à perdre la plus belle de leurs prérogatives et le plus essentiel de leur revenu, s'ils étaient jugés suivant le droit commun .
Mon curé avait assigné au parlement MM. de Budé dont j'ai acquis la terre de Ferney, n'osant pas attaquer encore ma nièce et moi, dans le temps même que nous l'accablions de bienfaits . Le procès était depuis longtemps au Conseil du roi ; mais MM. de Budé nous ayant vendu , le curé avait aisément obtenu un arrêt par défaut qui le envoyait, suivant ses conclusions, par devant le parlement . Il nous cacha longtemps cette manœuvre, mais enfin elle a éclaté . Permettez-moi donc, monsieur, de vous demander votre protection dans cette affaire , et d'oser joindre mes prières à celles de M. le duc de Praslin, puisque ce qu'il vous dit en général me regarde en particulier . Je ne puis conserver ma dîme qu'à la faveur des traités, et si je la perdais, ma terre serait entièrement dégradée . Elle rendrait au curé beaucoup plus qu'au seigneur : j'aurais perdu toutes mes dépenses et toutes mes peines .
Je vous avoue que je vous devrai, monsieur, une des plus grandes consolations de ma vie si vous voulez bien vous prêter à ce que M. le duc de Praslin vous demande .
Le papier me manque pour vous dire combien je vous aurai d'obligations et avec combien de reconnaissance et de respect j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire . »
1 Voir lettre du 15 octobre 1763 à Favre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/10/09/il-s-interesse-a-tout-ce-que-le-magnifique-conseil-peut-lui-6095540.html
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11/10/2018
Cette requête est pour monsieur Gabriel ou pour monsieur Philibert
... Quand serez-vous ministres ?
Ce n'est pas que je m'impatiente, le pays fonctionne aussi bien sans vous qu'avec, et qui que ce soit, Pierre, Paul, Jacques, -la sainte trinité bien connue, à laquelle il faudra bien un jour ajouter une trinité féminine telle que Julie, Marie, Brigitte-, devrait pouvoir faire l'affaire , au point où nous en sommes . Quand j'entends que les syndicats policiers ont hâte de voir leur nouveau ministre, je les soupçonne de simplement savoir qui engueuler en priorité , faute de s'attaquer frontalement au premier ministre ou au président .
Wait and see !
« A Gabriel Cramer
[octobre 1763] 1
Cette requête est pour monsieur Gabriel ou pour monsieur Philibert . On demande en outre six exemplaires des nouvelles remarques sur l'Histoire générale 2. Plus il faut remarquer que M. le comte de Lauraguais demande à payer douze louis pour sa souscription Corneille et dit qu'on peut tirer sur lui une lettre de change dans son château . On demande si Mme la duchesse de La Rochefoucauld a souscrit .
Mille amitiés à toute la famille . »
1 Les références aux souscriptions montrent que cette lettre fut écrite à peu près à la même date que celles du 11 octobre 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/10/07/j-aime-de-tout-mon-coeur-jean-louis-nous-en-ferons-un-philos-6095040.html
2 Ce passage confirme le titre donné par les éditeurs de Kehl à cet ouvrage : Nouvelles remarques sur l'histoire, à l'occasion de l'Essai sur les mœurs et l'Esprit des nations . Mais lorsqu'il parut en 1763 dans l'Essai sur les mœurs, le titre qu'il portait était Conclusions et examen de ce tableau, et les éditions modernes l'ont repris . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Essai_sur_les_m%C5%93urs/Avertissement_de_Beuchot
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10/10/2018
À l'égard des remarques, il est bon d'avertir qu'on peut les relier à la fin
... de la loi Pacte,-- si possible,-- et si elles ne servent à rien, ça fera plaisir aux LR et à la gauche qui la trouvent incomplète et inadaptée . Il est vrai que faire grève est tellement plus productif, que les zozos d'opposition ont déjà programmé leurs arrêts de travail jusqu'en mars 2019 : beau programme d'utilité publique !
https://www.20minutes.fr/politique/2351583-20181009-loi-p...
« A Gabriel Cramer
à Genève
[vers le 15 octobre 1763]
J'ai envoyé à monsieur Cramer, la Vie de Pierre Corneille . Je le supplie instamment de n'envoyer aucune Tolérance qu'avec les cartons qui sont absolument nécessaires .
À l'égard des remarques, il est bon d'avertir qu'on peut les relier à la fin du 8è tome de l'Histoire générale .
Je ne sais si mon cher Caro est à Vincy ou à Genève . Je l'embrasse de tout mon cœur . »
08:10 | Lien permanent | Commentaires (0)
09/10/2018
il s'intéresse à tout ce que le magnifique Conseil peut lui recommander
... Edouard Philippe ?
« A Jacob Favre
Je me hâte, monsieur, de vous envoyer la copie de la lettre 1 que je reçois dans le moment de M. le duc de Praslin . Elle vous fera voir combien il s'intéresse à tout ce que le magnifique Conseil peut lui recommander . Cette nouvelle marque des bontés dont M. le duc de Praslin m'honore augmente encore mon respectueux attachement et ma reconnaissance pour le magnifique Conseil et particulièrement pour vous , monsieur, aussi bien que pour M. Lullin, secrétaire d’État .
J'envoie à M. de Boisy copie de la lettre ; je crois qu'elle lui fera plaisir . Si ma santé me le permettait, je n'aurais pas manqué de venir vous assurer à Genève du respect avec lequel j'ai l'honneur d'être
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire .
Ferney 25è octobre 1763 2»
1 Elle est conservée ; en voici la teneur qui donnait satisfaction à V* : « A Fontainebleau, 10è octobre 1763 . / Je me fais un plaisir , monsieur, de vous annoncer que je viens de prendre la décision du roi sur les différentes réclamations que les curés du pays de Gex ou autres ecclésiastiques ont faites depuis quelque temps des dîmes inféodées . Sa Majesté voulant maintenir à cet égard les choses dans l'état où elles ont été jusqu'à présent, m'a ordonné d’écrire au premier président du Parlement de Bourgogne, qu'il ait à ne plus admettre à l'avenir aucune requête à ce sujet . Par ce moyen, votre curé sera contraint de vous laisser tranquille, et Mme Denis, ainsi que vous, monsieur, jouirez en toute assurance des privilèges qui vous ont été accordés . Je suis très parfaitement, etc. /Le duc de Praslin. »
Voir aussi la lettre du 21 septembre 1763 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/09/17/il-cherit-ses-sujets-comme-il-est-aime-d-eux-c-est-un-pere-e-6085187.html
et celle du 16 octobre à Fyot de La Marche : « C'est à propos de ces dimes, monsieur, que vous avez sans doute reçu une lettre de M. le duc de Praslin, de la part du roi . Vous savez sans doute sur quoi cette lettre est fondée . »
2La lettre fut en effet lue au conseil le 17 octobre 1763 .
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08/10/2018
Votre petite conjuration va-t-elle son train ?
... demande Emmanuel Macron à son premier ministre, démissionnaire de comédie, qui se retire derrière le rideau pour revenir aussitôt sous les applaudissements présenter les membres de la troupe qui nous donne le spectacle . Very funny ! A mes yeux : guignolesque !
Quant aux déclarations de l'opposition, de la majorité et des journalistes , je les dispense volontiers de me dire ce que je dois en penser ; je suis plus qu'énervé par les phrases qui commencent par :" Les Français pensent ceci, cela, etc., etc., et veulent ceci , cela , etc., etc.,..."
La cuisine politique est décidément bien indigeste, cauchemar en cuisine : chef Etchebest, au secours !
Ralliez vous à mon panache ... euh ? LREM ?!
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
14è octobre 1763
Puisque mes anges me mandent que les ennemis de la Gazette littéraire ont pris le parti d’aller à la campagne, voici une petite note pour cette gazette . Elle pourra amuser mes anges. M. Arnaud étendra et embellira mon texte ; je me borne à donner des indications.
Je répète à mes anges qu’il doit m’être arrivé un paquet d’Angleterre à M. le duc de Praslin. Si on ne me fait pas parvenir mes instruments, avec quoi veut-on que je travaille ? On ne peut pas rendre des briques quand on n’a point de paille, à ce que disaient les Juifs, quoique je n’aie jamais vu faire de briques avec de la paille 1.
Mais qui donc sera honoré du ministère de la typographie ?2 M. de Malesherbes n’avait pas laissé de rendre service à l’esprit humain en donnant à la presse plus de liberté qu’elle n’en a jamais eu. Nous étions déjà presque à moitié chemin des Anglais, car nous commencions à tâcher de les imiter en tout ; mais nous sommes bien loin de leur ressembler.
J’ai toujours oublié de réfuter ce que mes anges disent de la dame libraire de l’Académie3. Elle ne devait pas, en convolant en secondes noces, violer le dépôt que les Cramer avaient remis entre ses mains. Un libraire peut aisément faire banqueroute pour avoir imprimé des livres qui ne se vendent point ; mais un argent dont on est dépositaire n’est pas un objet de commerce . Ainsi il me paraît que les Cramer ont très grande raison de se plaindre. Manger l’argent d’autrui, et donner en paiement des livres dont personne ne veut, est un étrange procédé.
Quoi qu’il en soit, le Corneille devrait déjà être imprimé, et il ne l’est pas. Ce n’est pas moi assurément qui suis en retard ; vous savez que je vais toujours vite en besogne. J’aurais fait imprimer le Corneille en six mois, si je m’étais mêlé de la presse. Je songe toujours que la vie est courte, et qu’il ne faut jamais remettre à demain ce qu’on peut faire aujourd’hui. J’espère pourtant que vous aurez pour vos étrennes le recueil des belles et des détestables pièces de Pierre Corneille.
M. de Chauvelin, l’ambassadeur, prétend que je dois lui faire confidence de quelque chose pour le mois d’avril . Je lui ai répondu 4 que, si je lui ai promis pour le mois d’avril, je lui tiendrai parole dans ce temps-là. Vous m’avouerez qu’un ministre n’a pas à se plaindre quand on observe fidèlement les traités à la lettre.
Votre petite conjuration va-t-elle son train ?
Respect et tendresse.
V. »
1 Référence à Exode, V, 16 . Ces briques, cuites au soleil, comprenaient de la paille, mélangée à de la glaise, pour lui donner de la tenue . Voir : https://www.info-bible.org/lsg/02.Exode.html#5
2 Malesherbes avait suivi son père, le chancelier de Lamoignon, dans sa disgrâce et son exil . Ses fonctions de directeur de la librairie furent alors assumées par le lieutenant de police Sartines qui les exerça de façon plu stricte que son prédécesseur . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chr%C3%A9tien_Guillaume_de_Lamoignon_de_Malesherbes#Une_lettre_de_cachet_pour_Malesherbes
3 La veuve Brunet, ainsi qu'on l'a vu dans la lettre du 15 septembre 1763 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/09/11/j-ai-envie-d-etre-utile-et-je-crains-d-etre-importun-6083782.html
4 Voir lettre du 6 octobre 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/10/01/je-vous-ai-promis-quelque-chose-pour-le-mois-d-avril-eh-bien-6093579.html
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