30/11/2018
quand on peut servir son prochain sans risque, on est coupable devant Dieu de se tenir les bras croisés
... Devant Dieu ou pas, même combat .
N'oublions pas de répondre favorablement aux Restos du Coeur cette fin de semaine et encore ensuite .
J'ose espérer que ceux qui alimentent si volontiers les gilets jaunes auront encore quelques sous à consacrer à ceux qui n'ont plus même les moyens de crier au secours .
https://www.youtube.com/watch?v=diWNp9Fb5TU
« A Etienne-Noël Damilaville, Premier commis des
bureaux du vingtième
quai Saint-Bernard
à Paris
6è décembre 1763 1
Je croyais que vous aviez des Tolérance, mon très cher frère. Un jeune M. Turrettin de Genève s’est chargé d’un paquet pour vous, il est digne de voir les frères, quoiqu’il soit petit-fils d’un célèbre prêtre de Baal. Il est réservé, mais décidé, ainsi que sont la plupart des Genevois. Calvin commence dans nos cantons à n’avoir pas plus de crédit que le Pape ; le bon grain lève de tous côtés, malgré l’abominable ivraie qui couvre nos campagnes depuis si longtemps.
Vous avez sans doute vu la petite Lettre du Quakre. Je connaissais depuis longtemps le livre attribué à Saint-Evremond 2. Ce n’est pas assurément son style, et Saint-Evremond d’ailleurs n’était pas assez savant pour composer un tel ouvrage. Il est de Du Marsais ; mais il est fort tronqué et détestablement imprimé. Quand trouvera-t-on quelque bonne âme qui donne une jolie édition du Meslier, du Sermon, et du Catéchisme de l’honnête Homme ?3 Ne pourrait-on pas en faire tenir, sans se compromettre, au bon Merlin ? Je ne voudrais pas qu’un de nos frères hasardât la moindre chose ; mais quand on peut servir son prochain sans risque, on est coupable devant Dieu de se tenir les bras croisés.
Il doit vous arriver une Tolérance par une autre voie que celle que je prends pour vous écrire. Je suis zélé , mais j’aime à prendre quelques petites précautions, afin de ne point donner d’ombrage à la poste par de trop gros paquets, portant le timbre de Genève. On dit que toutes les affaires financières et parlementaires vont s’arranger.
Dieu soit béni ! Et vive le roi, et Pompignan !
Ecr. l’inf. »
1 L'édition Correspondance littéraire donne une version incomplète et n'identifie pas le destinataire .
2 L'Analyse de la religion chrétienne , attribuée à Saint Evremond .. Voir lettre de 1761-1762 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/12/31/rien-ne-pouvait-etre-plus-douloureux-pour-moi-que-le-contret-5892914.html
3 Bien entendu V* finit par préparer cette édition lui-même ; voir lettre du 24 novembre 1764 à François-Louis-Claude Marin : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/08/correspondance-annee-1764-partie-38.html
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29/11/2018
ce prince reste là pendant cinq actes comme un grand nigaud, sans savoir de quoi il s’agit
... Le prince Charles d'Angleterre ? ça lui va comme un gant !
Il finira gâteux à l'épilogue, sans gloire , ni autre fait remarquable que d'avoir été, un temps , l'époux de . Et dire qu'on le paye pour ça !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
6è décembre 1763
Mes divins anges sauront qu’un jeune M. Turrettin 1 devait leur apporter des Tolérances, il y a environ quinze jours, que ce jeune Turrettin, d’ailleurs fort aimable, s’est arrêté à Lyon, et qu’il n’arrivera avec son paquet que dans quelques jours.
De plus, on n'a pas manqué d'envoyer des Tolérance sous le couvert de M. le duc de Praslin ; en voici une nouvelle dont mes anges disposeront comme il leur plaira 2.
Je crois avoir dit à mes anges que cette petite requête de l’humanité et de la raison avait fort bien réussi auprès de Mme de Pompadour et de M. le duc de Choiseul ; c’est pourtant un ouvrage bien théologique, bien rabbinique. Mais comme il ne faut pas être toujours enfoncé dans la Sainte Écriture, vous aurez des contes tant que vous en voudrez ; vous n’avez qu’à dire.
Faites-moi donc un peu part de votre conspiration. Vous me traitez comme Léontine et Exupère en usent avec Héraclius 3. Ils font tout pour lui, et ne lui en disent pas un mot. Mais c’est, à mon sens, un grand défaut, dans Héraclius, que ce prince reste là pendant cinq actes comme un grand nigaud, sans savoir de quoi il s’agit. Mais je m’en remets entièrement à ma Léontine et à mon Exupère, et je vous donne même la préférence sur ces deux personnages , et je me mets entièrement à l'ombre de vos ailes .
V. »
1 Voir lettre du 12 novembre 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/11/05/si-ses-depeches-lui-laissaient-le-temps-de-lire-6102660.html
2 Choiseul écrit à V* le 27 novembre 1763 : « Mme de Pompadour, Mme de Gramont, tous ceux qui ont lu, ou liront le livre de votre prêtre, en ont été enchantés ; chacun se dira après l'avoir lu : il faut convenir qu'il a raison, et j'ai toujours pensé de même ; je me garde bien de vous dire mon avis sur le fond de la matière ( car le livre m'a fait un plaisir infini à lire ) ».
Il est clair que ces mots de Choiseul visent le Traité sur la tolérance, et doivent être datés du 27 novembre 1763, et non du 27 juillet comme l'a fait l'éditeur Calmettes ; c'est dans la même lettre que Choiseul expose à V* un plan – du reste très utopique – de la colonisation de la Guyane, qui amènera ce dernier à proposer à son tour qu'on y envoie les protestants condamnés aux galères ; ceux-ci refusèrent d'ailleurs la solution imaginée par V* pour leur éviter ce châtiment .
3 Dans la pièce de ce nom de Corneille ; https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9raclius_(Corneille)
09:59 | Lien permanent | Commentaires (0)
Demande qui il devrait remercier pour son élection
... Eric Drouet , Priscilla Ludosky , Thomas Miralles , Jason Herbert , Maxime Nicolle , Julien Terrier, Marine Charrette-Labadie, Mathieu Blavier , élus [?] représentants des gilets jaunes, vont-ils remercier [sic] longtemps les manifestants dont ils deviennent, on ne sait trop comment , les porte-parole ?
Voir : https://www.la-croix.com/France/sont-porte-parole-gilets-...
https://www.blagues-et-dessins.com/category/l-actu-de-mis...
« A Gabriel Seigneux de Correvon
[vers le 5 décembre 1763]
[Demande qui il devrait remercier pour son élection à la Oekonomische Gesellschaft.]1
1 C'est dans une lettre à Bertrand du 9 décembre 1763 que Seigneux de Correvon mentionne cette lettre de V* et la réponse qu'il y a faite le 8 décembre . Aucune de ces deux lettres ne nous est parvenue .
08:29 | Lien permanent | Commentaires (0)
28/11/2018
il ne faut pas donner à l'évêque du Puy le plaisir de cette inadvertance
... Mgr Luc Crépy, eudiste, donc adorateur du Sacré coeur de Jésus et du Sacré coeur de Marie ne m'en voudra pas si on lui demande d'être, de ce fait, un bienfaiteur de la recherche en cardiologie . Me trompè-je ?
« A Gabriel Cramer
[vers le 5 décembre 1763]
On a oublié de prier monsieur Cramer de faire mettre à la main Madianite au lieu de Moabite à la page 109 de la Tolérance 1, car il ne faut pas donner à l'évêque du Puy le plaisir de cette inadvertance . »
1 Voir page 120 : https://beq.ebooksgratuits.com/vents/Voltaire-tolerance.pdf
11:24 | Lien permanent | Commentaires (0)
Pardonnez, je vous prie , mon importunité au zèle et à la tendre amitié qui m’attachent à vous pour le reste de ma vie
... Eh non, ce n'est pas une déclaration du Jean-Luc Mélenchon à Emmanuel Macron, le torchon brûle toujours entre eux, et l'incompréhension du premier ne doit franchement guère émouvoir le second qui a d'autres chats à fouetter (pardon Gros Minets ) .
Petit exemple de la prose vindicative de l'insoumis à la vérité ( un tweet à la Donald Trump ) : https://www.lejdd.fr/Politique/prix-des-carburants-jean-l...
Apprenons-lui le caniveau !
« A Jean-François Marmontel, de
l'Académie française
à Paris
4è décembre 1763
Je vous ai écrit, mon cher confrère, par M. Damilaville, et vous avez dû recevoir un petit paquet . Je vous prie de ne point parler de tout cela . Vous devez être assez occupé de votre réception. Mais, puisque M. Thomas s’est abstenu de concourir avec vous je vous recommande, et je vous supplie très instamment de dire très hautement que vous en avez l’obligation à M. le duc de Praslin, et de lui faire présenter vos remerciements soit par M. Thomas, soit par quelque autre personne qui l’approche . Vous pourriez même lui demander la permission de venir le remercier. Je ne vous parle pas ainsi sans de fortes raisons.
J’ajoute encore que vous ne feriez pas mal de faire dire un mot à M. et Mme d’Argental, soit par M de Mairan, soit par quelque autre personne de sa société. Pardonnez, je vous prie , mon importunité au zèle et à 1 la tendre amitié qui m’attachent à vous pour le reste de ma vie. Je remercie Mme de Geoffrin de vous avoir servi comme vous méritez de l’être . Madame Denis, qui s’intéresse à vous autant que moi, me charge encore de vous faire part de sa joie.
V. »
1 Mot ajouté par V* au-dessus de la ligne .
01:35 | Lien permanent | Commentaires (0)
27/11/2018
Qu’il vive autant que son ouvrage!
... Qui donc ?
Mais Donald Trump bien entendu . Vous allez en conclure que ses jours sont comptés, et que son oeuvre touche à sa fin, heureusement : mais alors qui nous fera rire ou grimacer à la lecture de ses tweets ubuesques, tel un de dernière heure sur les manifestations de nos "gilets'jaunes " : https://www.parismatch.com/Actu/International/Donald-Trum...
Bonne question d'actualité à l'heure où la Russie et l'Ukraine en viennent aux mains (sales) : http://www.leparisien.fr/international/loi-martiale-en-uk...
« A Charles-Jean-François Hénault
A Ferney, le 4 décembre [1763] 1
Mon cher et respectable confrère, celui qui vous grave n’entend pas mal ses intérêts : il est bien sûr que son burin deviendra célèbre sous la protection de votre plume. Je vous demande en grâce que, si on met au bas de votre portrait ce petit vers
Qu’il vive autant que son ouvrage! 2
on ajoute : Par Voltaire et par le public.
Il est bien triste que madame du Deffand ne puisse voir votre estampe.
La lumière est pour elle à jamais éclipsée ;
Mais vous vous entendez tous deux.
L’imagination, le feu de la pensée,
Valent peut-être mieux
Que deux yeux.
Je me défais des miens, et j’en suis plus tranquille ;
J’en ai moins de distractions.
Lorsque le cœur calmé renonce aux passions,
Deux yeux sont un meuble inutile.
Cela n’est pas tout à fait vrai, mais il faut tâcher de se le persuader. Mon espèce d’aveuglement est tout à fait drôle : une ophtalmie abominable m’ôte entièrement la vue quand il y a de la neige sur la terre, et je recommence quelquefois de voir honnêtement quand le temps se met au beau. Je vous prie, monsieur, vous qui avez de bons yeux (et cela doit s’entendre de plus d’une manière), de lire ce petit mémoire historique ; vous y trouverez des choses curieuses.
J’ai envoyé à madame du Deffand un conte à dormir debout, qui est d’un goût un peu différent. Les aveugles s’amusent comme ils peuvent.
Tout le Corneille est imprimé ; il y en a douze tomes. La Bérénice de Racine est à côté de celle de Corneille, avec des remarques ; l’Héraclius espagnol est au-devant de l’Héraclius français ; la conspiration de Brutus et de Cassius contre César, de ce fou de Shakespeare, est après le Cinna de Corneille, et traduite vers pour vers et mot pour mot : cela est à faire mourir de rire.
Adieu, monsieur ; conservez vos bontés au vieux de la montagne. »
1 Manuscrit passé à la vente Dentu en 1887 .
2 Le portrait de Hénault gravé par Claude-Antoine Littret de Montigny porte en épigraphe la formule « Qu'il vive autant que son ouvrage ! » tirée d'une lettre en vers de V* à Hénault : épître LXV du 1er septembre 1744 ; https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89p%C3%AEtres_(Voltaire)/%C3%89p%C3%AEtre_65#cite_note-1
Voir aussi : https://data.bnf.fr/14960367/claude_antoine_littret_de_montigny/
10:57 | Lien permanent | Commentaires (0)
26/11/2018
en France on entend toujours raison bien tard
... Oui, mon pauvre Voltaire, c'est toujours vrai .
On commence par gueuler, casser tout et n'importe quoi, couper la branche sur laquelle on est assis, bêler, emmerder ses concitoyens au prétexte de provoquer une révision de décisions gouvernementales, se comporter impunément en hors-la-loi, se faire récupérer par des dirigeants politiques et syndicaux qui se font mousser, pleurer et gémir sur son sort, et puis, éventuellement, réfléchir à ce qui est possible maintenant, et non plus seulement à ce qui est souhaitable dans un avenir proche . Moins de taxes sur les produits de première nécessité, soit ! c'est juste et nécessaire . A tous ceux qui bloquent les magasins, je dis "ne venez pas râler si les prix augmentent : qui casse paye !"
Qui fait casser, aussi !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ArgentaI
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
4 décembre 1763 1
Je présente encore à mes anges, un exemplaire de la Tolérance, et je les supplie de le prêter à mon frère Damilaville . J'en ai fort peu d'exemplaires, et Paris n'en aura de longtemps . Je me flatte que M. le duc de Praslin et mes anges protégeront cet ouvrage .
M. le duc de Choiseul me mande 2 qu'il en est enchanté, ainsi que Mme de Gramont , et Mme de Pompadour . Peut-être qu'un jour ce livre produira le bien dont il n'aura d'abord fait voir que le germe . L'approbation de mes anges, et de leurs amis, sera d'un grand poids . Je ne sais si je leur ai mandé que je connais des millionnaires qui sont prêts à revenir avec leur argent, leur industrie et leurs familles , pour peu que le gouvernement voulût avoir pour eux la même indulgence seulement que les catholiques obtiennent en Angleterre . Mais en France on entend toujours raison bien tard .
J’avais déjà écrit à Marmontel 3 avant que madame Denis eût reçu la lettre du 25 Novembre, et voici ce qui m’est arrivé.
Marmontel m’ayant mandé que M. Thomas s’était désisté en sa faveur, je ne doutai pas qu’il n’eût l’obligation de ce désistement aux bontés de M. le duc de Praslin et aux vôtres 4. Il m’avait juré les larmes aux yeux, dans son voyage aux Délices, qu’il n’avait aucune part aux traits insolents répandus dans cette misérable parodie 5. Je vous écrivis pour lors. S’il avait depuis manqué le moins du monde ou à vous, ou à M. le duc de Praslin, il serait trop coupable et trop indigne de la place qu’il a obtenue. Je ne lui ai écrit qu’une lettre de félicitation fort simple, dans laquelle je lui paraissais persuadé de sa reconnaissance pour ses bienfaiteurs.
Vous devez avoir reçu, mes divins anges, des corrections que je crois nécessaires aux roués . Je ne sais si elles leur paraissent aussi importantes qu’à moi.
Respect et tendresse.
V. »
1L'édition de Kehl est limitée aux deux premiers paragraphes , voir note de la lettre du 9 novembre 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/11/01/l-europe-me-suffit-je-ne-me-soucie-guere-du-tripot-de-paris-6101604.html
et la lettre du 4 novembre 1761 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/11/05/vous-demandez-le-secret-aux-cloches-5870039.html
L’Édition Supplément au recueil donne le reste de la lettre, et le tout est dans Moland .
2 Lettre du 27 novembre 1763 .
3 Voir lettre du 1er décembre 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/11/23/les-fripons-et-les-sots-n-auront-pas-desormais-beau-jeu-6107707.html
4 Il n'en était pas ainsi . L'adversaire de Marmontel, Thomas était le secrétaire du duc de Praslin, et le duc l'avait poussé à se présenter contre Marmontel, en représailles d'un incident survenu en 1759 ; voir les Mémoires de Marmontel, ainsi que Collé , et : https://lef-e.org/yahoo_site_admin/assets/docs/Mulryan_December_2012.340125126.pdf
Mais Thomas refusa de se prêter à l'opération et préféra retirer sa candidature . Le duc de Praslin blessé de cette générosité lui retira ses fonctions de secrétaire intime .
5 De la scène de Cinna .
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