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19/05/2019

Je crois lire Les Mille et Une Nuits quand je vous lis

... Marine, vous avez l'art du mensonge tellement chevillé au corps que vous ne vous rendez même plus compte que vos étonnements ne valent pas un pet de lapin et sonnent aussi faux qu'une cloche fêlée . Tiens, en parlant de cloche , vous me rappelez votre père !

Voir : https://www.rtl.fr/actu/politique/scandale-en-autriche-ma...

et écouter : https://www.youtube.com/watch?v=F2rA7XWWit8

 

 

 

« A Joseph Uriot 1

Ferney, le 20 avril 1764 2

Je vous conseille, monsieur, quand vous décrivez les fêtes de Stougard de commencer vos récits comme la sultane :

Ma chère sœur si vous ne dormez pas .

Je crois lire Les Mille et Une Nuits quand je vous lis, mais je vous avoue que je préfère votre souverain au Calife . Je ne sais s'il a les trésors d'Aboul cassem, mais il a sûrement plus d'esprit et de goût qu'Haron al Rachild . Je suis extrêmement sensible à votre beau présent quoiqu’il augmente mes regrets de ne pouvoir être témoin de toutes ces brillantes et ingénieuses magnificences .

M. le duc de Wurtemberg a l'avantage de faire tous les ans des choses uniques 3.

Jouissez monsieur de celui d'être auprès d'un prince qui sait si bien distinguer et mettre en œuvre le mérite dans tous les genres . Le vôtre justifie particulièrement le choix qu'il a fait de vous pour transmettre son génie à la postérité .

Je suis bien sincèrement monsieur et avec plaisir .

V. »

2 Le manuscrit figure, au crayon, à la fin d'une Description des fêtes données à l'occasion du jour de naissance de Son Altesse Sérénissime Mgr le duc régnant de Wurtemberg par M. Uriot (Stougard, 1764 ) dans la bibliothèque de V* .

3 Le duc donnait chaque année en février, dans ses châteaux de Stuttgart et Ludwigsburg, des fêtes somptueuses pour son anniversaire.

18/05/2019

Je ferai retentir les échos du mont Jura et des Alpes, du nom de l'auguste

... Marine Le Pen, véritable reine des lèche-culs envers Matteo Salvini ; elle vient de faire son numéro dans "la belle ville de Milan" où elle n'a pas eu de termes assez élogieux pour ses coreligionnaires nationalistes et souverainistes dans "cette gigantesque réunion historique" où  "le RN a mis le sujet européen au coeur des discussions", avec  un "bilan fantastique" alors que l'Union européenne a "un bilan terrifiant" sur lequel elle "pourrait parler trois heures ". Son discours est un remarquable remake de ceux qui ont cours dans ces merveilleux pays totalitaires qui semblent bien lui plaire : "nous  sommes des pays souverainistes" se gargarise-t-elle sans fin  .

Ah ! quel bel avenir que celui ce cette harengère nous promet !*

*[Que les gentilles harengères me pardonnent ce désagréable rapprochement]

 

 

« A François-Pierre Pictet

à Pétersbourg

Au château de Ferney 20è avril 1764 1

Mon cher géant, je vous devais un compliment de condoléance 2, et un autre de félicitation ; le triste état de ma santé ne m'a permis de m'acquitter d'aucun de ces devoirs . On dit que vous avez fait un brillant mariage 3, attendu qu'il est fondé sur des pierreries . Je ne doute pas que votre femme n'ait encore plus d'éclat et que vous ne soyez le géant du monde le plus heureux . Je ne sais ni ce que vous faites ni où vous êtes . Peut-être votre auguste souveraine va-t-elle conquérir la Chine ; peut-être va-t-elle donner des lois à la Pologne, vous pourrez devenir mandarin ou palatin ; mais quoi qu’il vous arrive je m’intéresserai toujours à vous , comme si vous étiez encore sur les bords du lac Léman , où j'achève paisiblement ma vie . Je ferai retentir les échos du mont Jura et des Alpes, du nom de l'auguste Catherine . Je me souviens d'une tragédie de Quinault, dont Boileau se moque 4, parce que l'auteur introduisait une reine des Massagètes, écrivant sur ses tablettes un madrigal . Boileau n'imagine pas qu'une reine des Massagètes puisse avoir de l'esprit . Il serait bien étonné s'il revenait au monde, et s’il savait que la souveraine de la vaste Scythie a plus d'esprit que lui, écrit mieux en prose, et possède plus de langues qu'il n'en savait . C'est ainsi que Cicéron raillait son frère 5 qui avait accompagné César dans sa descente en Angleterre ; il lui demande s'il a vu chez les Anglais beaucoup de philosophes ; il ne prévoyait pas qu’un jour il [y] en aurait à Londres beaucoup plus qu'à Rome .

Vous autres Allobroges vous vous formez aussi, les Genevois s'adonnent à la vraie philosophie : un petit horloger accusé devant votre sacré consistoire d'avoir commis le péché énorme de la fornication, et condamné à demander pardon à genoux, a répondu à la vénérable compagnie qu'il n'en ferait rien . On a eu beau lui dire que les empereurs, Louis le Débonnaire et Henri IV s'étaient mis à genoux devant des prêtres , il a répondu que cela était bon pour les empereurs, mais qu'un horloger de Genève n’était pas si sot . Tout le peuple a pris son parti, et le consistoire a eu un beau pied de nez .

Vous voyez que vous pouvez revenir dans votre patrie en toute sûreté ; les fils de conseillers, et surtout les géants ont plus de droits que les horlogers . Mon théâtre subsiste toujours en dépit de Calvin, vous y jouerez le rôle qui vous plaira . Pour moi qui suis vieux et presque aveugle, j'ai renoncé à ce plaisir-là comme aux autres , mais je ne renoncerai jamais au plaisir de vous aimer et d'être aimé de vous .

V. »

1 Sur l'original , mention « f[ran]co Nuremberg ».

2 Sa sœur Camille-Anne est morte le 18 mars 1764 .

3 La nouvelle est fausse car Pictet épousera à Paris Catherine Le Maignen le 22 août 1764 .

4 Tragédie Cyrus, dont Boileau se moque en même temps que du roman de Mlle de Scudéry, dans son Dialogue sur les héros de roman ; Wagnière a écrit du tragédie, hésitant probablement entre du tragédien et d'une tragédie . Voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/BOILEAU_HEROSDEROMAN.pdf

et : http://théâtre-documentation.com/content/la-mort-de-cyrus-philippe-quinault

5 Cicéron , Ad Quintum, II, XV ; http://remacle.org/bloodwolf/orateurs/signis.htm

il faut un peu de politique, et il ne serait que ridicule de se sacrifier pour gens qui ne se soucient point du tout du sacrifice

... Peut-on toujours, -- ou souvent , ou même rarement -- parler de sacrifice pour tous ceux qui se lancent dans une carrière politique nationale ? Je fais sans aucun doute partie de ceux qui ne se soucient point du "sacrifice" des politiciens ;  si sacrifice il y avait, je parie que les candidats seraient moins nombreux ; ils flattent  d'abord essentiellement leur égo , leur peine est mineure face à leurs privilèges . Sacrifice ! mon oeil !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

18 avril [1764]

Ah ! ah ! mon cher frère, vous faites donc de très jolis vers ! et vous les faites sur un bien triste sujet ! Voilà la seule consolation de nous autres pauvres Français : il nous reste de pouvoir gémir avec nos amis, soit en vers, soit en prose.

Je vous disais, à propos de nos sages dispersés, ce que vous me disiez quand nos lettres se sont croisées. Nous pensons de même en tout. Je vous demande en grâce de penser comme moi sur  Guillaume Vadé et Jérôme Carré. Je vous répète qu’il y a dans ce recueil de Guillaume et de Jérôme deux ou trois pièces que je ne voudrais pas pour rien au monde ni avouer ni avoir faites : car enfin il faut un peu de politique, et il ne serait que ridicule de se sacrifier pour gens qui ne se soucient point du tout du sacrifice.

J’ai très grand’peur que les ouvriers de Gabriel Cramer n’aient mis à la tête de l’ouvrage le titre impertinent de Collection complète des Œuvres de V. Ce V. ne s’accommoderait point du tout de cette sottise, et je ne manquerais pas d’écrire à M. de Sartines pour désavouer le livre, et le prier très instamment de le supprimer. Je laisse aux Rollin 1, et aux Crevier, la petite gloire de faire imprimer leurs noms et leurs qualités en gros caractères à la tête de leurs déclamations de collège . Je n’ai jamais eu cette ambition, et quand de maudits libraires ont mis mon nom à mes ouvrages, ils l’ont toujours fait malgré moi.

Je compte, mon cher frère, que vous avez eu la bonté de donner la lettre à M. Marin. Je souhaite que M. de Sartines sache combien je m’intéresse peu à la plate gloire d’auteur, et au débit de mes œuvres. M’imprimera qui voudra ; pourvu qu’on ne me défigure pas, je suis content.

Avez-vous reçu les 48 exemplaires du Corneille, que Cramer doit vous avoir envoyés ? Je m’attends bien que des gens, qui n’ont que des préjugés au lieu de goût, ne seront pas contents de moi ; mais il faut fouler aux pieds les préjugés dans tous les genres.

Mon cher frère, que ne puis-je m’entretenir avec vous ! »

1 L'édition de Kehl change Rollin en Le Beau .

17/05/2019

le titre dont il est question est une chose essentielle

... Je vous laisse juges :

https://people.bfmtv.com/musique/comment-l-eurovision-est...

Lizzy Howell, Bilal Hassani et Lin Ching Lan, lors de leur première répétition sur la scène de l'Eurovision, le vendredi 10 mai 2019.

As you like it !

 

 

« A Gabriel Cramer

à Genève

[18 avril 1764] 1

Devant Dieu soit l'âme de ce pauvre Guillaume Vadé à qui je souhaite toute sorte de prospérité . Mais certainement il lui arriverait de grands malheurs, et à monsieur son père 2, si les gens de monsieur Caro n'avaient pas ôté ce titre qu'on appelle perdu, et qui certainement me perdrait . J'ai grand-peur qu'on ait laissé ce malheureux intitulé , Collection incomplète etc. Je sais qu'on murmure déjà beaucoup, et je peux assurer qu'on saisira toute l'édition qui sera entièrement perdue pour l'éditeur . Il n'y a d'autre parti à prendre que de mander sans délai aux correspondants d'arracher ce feuillet qui est une pierre de scandale terrible . Je prie monsieur Cramer avec la plus vive instance de me mander nettement ce qui en est .

Je le prie aussi de me mander les noms des libraires d'Italie et d’Espagne qui doivent m'envoyer les nouveautés .

Je reviens encore à ce maudit titre perdu . Il faut qu'on l'ait vu à Paris ; et je le soupçonne d'autant plus, que jamais les ouvriers de monsieur Cramer n'ont corrigé la page 108 . Cette négligence n'est qu'une chose très désagréable, mais le titre dont il est question est une chose essentielle . J'attends réponse sur cet article important, et j'attends tout de l'amitié de monsieur Cramer .

Il y a 160 livres qui font un compte borgne 3, et qu'il faut mettre en exemplaires proprement reliés pour Mme Denis, M. et Mme Dupuits et pour moi . Je compte aussi qu'on a envoyé les 48 exemplaires à M. Damilaville et je prie monsieur Cramer de vouloir bien m'en donner des nouvelles positives . Pardon de tant de détails . »

1 L'édition Gagnebin est limitée à la première moitié de cette lettre .

2 Wagnière a d'abord écrit frère sur le manuscrit original .

3 Un compte borgne est d'ordinaire un compte embrouillé ; il semble que V* veuille dire ici que ce compte n'est pas un multiple exact du nombre de volumes nécessaires pour faire une collection complète ou que le complément de la somme sera réglé en nature,en livres reliés .

Ma destinée est d’être écrasé, persécuté, vilipendé, bafoué, et d’en rire

... Nos ministres et président ont -ils, eux, la capacité, je dirais même la qualité d'en rire ? Le doute m'habite . Ils se prennent trop au sérieux .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

18è avril 1764

Nous élevons nos cris à nos anges, du sein des mers qui submergent nos vallées, entre nos montagnes de glace et de neige. Nous offrons volontiers à notre curé la dîme de tout cela ; mais pour la dîme de nos blés, Dieu nous en préserve !

Après nos dîmes, l’affaire la plus intéressante est que mes anges aient la bonté de nous envoyer nos Roués. J’y ai fait tant de corrections, tant de changements, j’y en ferai tant encore, qu’il faut absolument que je fasse porter sur votre copie tous les petits cartons qu’il y faut faire. Voyez-vous, je cherche, par un travail assidu, à mériter vos bontés. Le Chimène a beau me trouver décrépit, je veux que mes anges me trouvent jeune ; je veux que la conspiration à la tête de laquelle ils sont réussisse. Jamais rien ne m’a tant réjoui que cette conspiration. Mettez tout votre esprit, mes anges, toute votre adresse, toute votre politique, pour conduire à bien cette plaisante aventure le plus promptement que vous pourrez. Je vous renverrai votre copie, la première poste après celle où je l’aurai reçue.

Les frères Cramer ont envoyé à Paris les Contes de Guillaume Vadé, avec quelques autres pièces qu’on pourrait très bien brûler comme un mandement d’évêque 1. Vous pensez bien que ces pièces ne sont pas de moi. Lesdits frères Cramer se sont imaginé très mal à propos qu’ils vendraient mieux leurs denrées s’ils y mettaient mon nom. Ils ont fait imprimer un titre qui est très ridicule. Ils intitulent ce volume de contes de Guillaume Vadé, Suite de la Collection des Œuvres de V. 2, etc. J’en ai été indigné . Ils m’ont promis de supprimer cette impertinence ; j’ai tout lieu de croire qu’ils ne l’ont pas fait : en ce cas, je vous demande en grâce de vous servir de tout votre crédit pour faire saisir l’ouvrage. J’en écrirai moi-même à M. de Sartine avec une violente véhémence, et je me vengerai de cet horrible attentat d’une façon exemplaire. Je voudrais que mon nom fût anéanti, et que mes œuvres subsistassent. J’aime les Contes de Guillaume Vadé ; mais je voudrais qu’on ne parlât jamais de moi. Je voudrais n’être connu que de mes anges, et je prétends bien que je serai entièrement ignoré dans notre belle conspiration ; mais je vous avertis qu’il faudra absolument un nom ; car si on ne nomme personne, on me nommera ; il faudra au moins dire que c’est un jeune jésuite, par exemple celui au derrière duquel  Pompignan marchait à la procession 3, ou bien quelque abbé qui veut être prédicateur du roi.

Que voulez-vous que je dise à M. de Richelieu, quand il me mande qu’il a arrangé tout avec ses camarades les premiers gentilshommes ? Je ne crois pas que, de ma petite métairie des Délices, en pays genevois, je puisse lutter honnêtement contre quatre grands-officiers de la couronne. Ma destinée est d’être écrasé, persécuté, vilipendé, bafoué, et d’en rire . Pour me dépiquer, je mets sous les ailes de mes anges le petit mémoire ci-joint pour la Gazette littéraire. Je n’ai encore rien reçu d’Italie et d’Espagne. Je tire de mon cerveau ce que je peux, mais ce cerveau est bientôt desséché, il n’y a que le cœur d’inépuisable. »

1 Formule toute faite chez V* ; elle paraît encore , vers cette époque dans Pot-Pourri, dans un chapitre sur Rousseau (chap. VIII : https://fr.wikisource.org/wiki/Pot-pourri ) que V* a finalement supprimé des édition parues de son vivant .

2 On ne rencontre guère d'exemplaires portant ce faux titre, mais il a dû pourtant être imprimé, comme le montre la lettre du même jour à Cramer .

3 Voir la Lettre de M. de L’Écluse, 1763 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5624263f/f2.texteImage

16/05/2019

Quant au poisson d'avril vous ne l'aurez probablement qu'à la fin de mai, attendu que la sauce de ce poisson est trop difficile à faire

... J'en suis parfaitement persuadé quand je vois les efforts désespérés des partis de tous bords pour l'emporter ce 26 mai avec des marionnettes qui tentent de nous charmer . La sauce est non seulement difficile à faire, mais de plus elle est parfaitement indigeste et peu la goûteront  .

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« A Bernard-Louis Chauvelin

17 avril 1764 à Ferney

Voilà les Trois Manières . La discrétion et la crainte d'envoyer de gros paquets qui ne valent pas le port m'empêchent d'envoyer à Votre Excellence d'autres rogatons ; et d'ailleurs je crois que Les Trois Manières sont la moins mauvaise rapsodie du recueil .

Quant au poisson d'avril 1 vous ne l'aurez probablement qu'à la fin de mai, attendu que la sauce de ce poisson est trop difficile à faire, et qu'à mon âge je suis un assez mauvais cuisinier . Je me flatte que madame l'ambassadrice jouit actuellement d'une parfaite santé . Quand on est fait comme elle comment peut-on être malade ? Je lui ai vu l'air d'Hébé 2 et d'Hygie 3 mais l'air des Alpes est toujours dangereux à quiconque n'y est pas né .

On dit que Mme de Pompadour est retombée et que la rechute dans ces maladies-là est toujours dangereux .

Adieu, monsieur, conservez vos bontés à ce vieux solitaire qui vous sera toujours attaché avec la tendresse la plus respectueuse . »

2 Dans la mythologie grecque, Hébé (en grec ancien Ἥβη / Hếbê), fille de Zeus et d'Héra, est une déesse personnifiant la Jeunesse, la Vitalité et la Vigueur des jeunes. Elle protège les jeunes mariées. Son équivalent romain est Juventas. Avant l'arrivée de Ganymède sur l'Olympe, elle sert d'échanson aux dieux.

3 Hygié ( le mot est écrit Hygiée dans le manuscrit ) dite aussi Hygie ou Hygée en français, fille d'Esculape, fut adorée comme la déesse de la santé . On lui faisait l'oblation d'un gâteau .

15/05/2019

rien n’est plus honteux pour la nature humaine que de voir le fanatisme rassembler dans tous les temps sous ses drapeaux, faire marcher sous les mêmes lois, des sots et des furieux, tandis que le petit nombre des sages est toujours dispersé et désuni

... sans protection, sans ralliement, exposé sans cesse aux traits des méchants et à la haine des imbéciles."

Méchants et imbéciles ne sont pas des espèces en voie de disparition, mon cher Voltaire et ton constat se vérifie siècle après siècle , les progrès techniques étant même capables de multiplier ces défauts détestables à l'infini .

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http://olivierdouville.blogspot.com/2018/10/regards-psys-...

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

16è avril 1764 aux Délices 1

Mon cher frère, mon cher philosophe, voici le temps arrivé où le fanatisme va triompher de la raison . Mais la philosophie ne serait pas philosophie si elle ne savait s’accommoder au temps. On reprochait aux jésuites la persécution et une morale relâchée : les jansénistes persécuteront bien davantage, et auront des mœurs intraitables ; il ne sera plus permis d’écrire, à peine le sera-t-il de penser. Les philosophes ne peuvent opposer la force à la force ; leurs armes sont le silence, la patience, l’amitié entre les frères. Plût à Dieu que je fusse avec vous à Paris, et que nous pussions parvenir à les réunir tous ! Plus on cherche à les écraser, plus ils doivent être unis ensemble. Je le répète, rien n’est plus honteux pour la nature humaine que de voir le fanatisme rassembler dans tous les temps sous ses drapeaux, faire marcher sous les mêmes lois, des sots et des furieux, tandis que le petit nombre des sages est toujours dispersé et désuni, sans protection, sans ralliement, exposé sans cesse aux traits des méchants et à la haine des imbéciles.

Je vous ai envoyé, mon cher frère, la réponse que j’ai faite à M. Marin 2 ; je vous ai supplié de la lui faire tenir, après l’avoir lue : il est même essentiel pour moi que M. de Sartine la voie. Frère Cramer a imprimé les Contes de Guillaume Vadé, qui sont très innocents, et y a joint quelques pièces étrangères qui pourraient alarmer les ennemis de la raison et fournir des armes aux persécuteurs. Je suis bien aise qu’on sache que je ne prends en aucune manière le parti de ces ouvrages, que je ne me mêle pas de faire entrer en France une feuille de papier imprimé, que je n’exige rien, que je ne veux rien. Je n’ai quitté la France que pour vivre en repos. Il faut me laisser perdre mes yeux et aller à la mort par la maladie, sans persécuter mes derniers jours.

Vous avez dû recevoir quarante huit exemplaires de Corneille . Il y en a 24 que probablement je remettrai à M. de Laleu . Mais je vous prierai de lui en donner d'abord 12 et de vouloir bien garder les 36 autres . Je vous demanderai en grâce d'en faire relier un pour M. Goldoni, vous donnerez les autres en feuilles . Je vous prierai seulement de donner un exemplaire à M. de La Harpe, et l'autre à M. Le Mierre . Je compte bien que M. Diderot sera le premier qui aura le sien, quoique le fardeau immense dont il est chargé ne lui laisse guère le temps de lire des remarques sur des vers .

Je ne vous parlerai point de frère Thieriot, il a mis l’indifférence à la place de la philosophie. Il me faut des cœurs plus sensibles ; le vôtre inspire bien de la chaleur au mien.

Permettez que je joigne ici une lettre pour M. de Laleu .

Ecr. l’inf. »

1 Copie par Wagnière ; l'édition de Kehl joint à la lettre du 26 mars 1764 le 3è paragraphe, à la suite d'un remaniement d'une copie contemporaine qui omet le paragraphe précédent la formule, absente des éditions ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-13.html

2 On n'a pas cette lettre .