Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/05/2019

la grande règle des conspirateurs est de n’admettre jamais dans leur complot que ceux qui peuvent les servir, et de tuer sans miséricorde tous ceux qui peuvent se douter de la conspiration

... De ce fait,  si j'étais candidat aux élections européennes et tenant absolument à être élu, je m'abstiendrai de dire ce que je pense réellement du chef de parti et de ses choix de têtes de liste, l'actualité nous en donne moult exemples .

Le premier qui dit la vérité .... https://www.youtube.com/watch?v=AfpSRnahQig&list=RDAf...

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

2è avril 1764 1

Il faut que je demande les ordres de mes anges sur une affaire d’État de la plus grande importance. Je sais que la grande règle des conspirateurs est de n’admettre jamais dans leur complot que ceux qui peuvent les servir, et de tuer sans miséricorde tous ceux qui peuvent se douter de la conspiration. Il y a plusieurs mois que je balance sur la manière dont je dois m’y prendre pour assassiner M. de Chauvelin l’ambassadeur. Il prétend, depuis un an, que je lui ai promis quelque chose pour le mois d’avril, et que ce n’est pas un poisson d’avril que je lui ai promis. Il était alors très vraisemblable qu’Octave et Antoine 2 paraîtraient avant Pâques . La destinée a voulu que le couvent d’Éphèse 3 eût la préférence. Enfin nous voici au mois d’avril . Voyez mes anges, si vous voulez que M. de Chauvelin soit de la conspiration . Son caractère semble l’en rendre digne ; cela est absolument du ministère des Affaires étrangères ; je ne ferai rien sans vos ordres ; j’ai résisté une année entière ; il ne sait rien du tout, et je ne rendrai la place que quand vous m’aurez ordonné de capituler. En ce cas, il faudra qu’il fasse serment, par écrit, lui et sa jeune femme, de ne jamais révéler la conspiration.

Il n’en est pas de même de M. de Thibouville ; il croit fermement, avec mademoiselle Clairon, que je travaille à Pierre-le-Cruel ; il est bon de fixer ainsi les incertitudes des curieux ; mais le fait est que je ne puis travailler à rien ; je suis très malade ; la fin de l’hiver et le commencement du printemps m’ont infiniment affaibli, et je crois qu’il faut dire adieu à toute espèce de vers et de prose. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que j’avais fourni quelques matériaux assez curieux pour votre gazette ; j’ai encore un petit cahier à vous envoyer, supposé que vous ayez été content des premiers ; mais, après cela, je ne sais pas ce que je deviendrai : les nouveautés me manquent, et les forces aussi.

Je vous supplie de vouloir bien me donner des nouvelles de la santé de M. le duc de Praslin ; je suis fâché de le voir goutteux avant le temps, car il me semble que la goutte n’est bonne qu’à mon âge : il ne faut jamais qu’un ministre soit malade ; c’est une chose affreuse que de souffrir et d’avoir à travailler, cela mine l’esprit et le corps. Il n’y a que l’entière liberté de n’avoir jamais rien à faire que ce que je veux, et d’être le maître de tous mes moments, qui m’ait fait supporter la vie. Portez-vous bien, mes divins anges.

J'ai reçu une lettre de M. Marin concernant des détails de librairie dont M. Damilaville s'était bien voulu charger, ce sont des minuties qui ne valent pas la peine de vous importuner, et dont M. Damilaville vous rendra compte,si vos bontés s'étendent jusqu'à ces petits détails . 

Voyez d’ailleurs, avec M. le duc de Praslin, si vous voulez que j’assassine M. de Chauvelin, ou que je lui révèle le secret. Je sais bien qu’assassiner est le plus sûr, mais c’est un parti que je ne peux prendre sans votre permission expresse. »



1 L'édition de Kehl, suite à la copie Beaumarchais, supprime l'avant-dernier paragraphe .

2 Le Triumvirat.

3 Olympie .

04/05/2019

avec du régime, de l'attention, de la résignation on vient à bout de ses maux jusqu'à ce qu'on crève

... Ti bouffes, ti bouffes pas, ti crèves quand même , comme dit la morale de La Cigale et la Fourmi  : https://www.youtube.com/watch?v=TVATOwy9Hoo

Comment mourir "médicalement correct " :

https://www.cairn.info/la-raison-et-les-remedes--9782130384700.htm

 

 

« A Théodore Tronchin

[A mon cher Esculape]

[ 29 mars 1764 ?] 1

Notre petit Hercule en conduisant Agathe 2 au temple d'Epidaure veut absolument que je consulte Esculape . Mais je n'ose . J'en suis indigne . Il est vrai que j'ai un peu de fièvre toutes les nuits . Mais c'est le beau printemps qui me la donne ; on dit qu'il faut être enrhumé, avoir la fièvre, être dégoûté à l'équinoxe , qu'avec du régime, de l'attention, de la résignation on vient à bout de ses maux jusqu'à ce qu'on crève, qu'il ne faut pas importuner Esculape pour des niaiseries ;

Nec deus intersit nisi dignus vindice nodus .3

Mon cher grand homme y a-t-il quelque chose de nouveau ? Je me flatte que vous n'êtes pas de ceux qui veulent que les fornicateurs se mettent à genoux 4. Défaites-vous de toutes ces pauvretés-là .

V. »

1 L'année est fixée par la référence à Covelle, e tla date exacte par l'allusion au temps et à la fièvre de V* : le 27 il n'en était pas question, e tle 28 il était au lit 'voir lettre du 28 mars à Collini : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/05/04/je-fais-ce-que-je-peux-pour-ne-pas-perdre-patience-6148565.html

2 Agathe Frick , femme de chambre de Mme Denis .

3 Qu'un dieu n'ait pas à s'en mêler, à moins que le noeud de soit digne d'un tel vengeur ; Horace, Art poétique, 191 .

Votre famille est une famille de sages

... Résultat de recherche d'images pour "les tuches"

Famille modèle

 

Je ne sais si j'entendrai un jour dire cela de ma famille . En fait je n'ai aucun doute , seuls des gens mal informés pourraient le dire .

La sagesse est toujours temporaire et peut sauter plusieurs générations . Le dalaï lama lui-même, que l'on dit sage, est le dernier de cette qualité et le dernier chainon d'une famille dont on ignore la folie ou la sagesse de lui avoir fait prendre cette voie si extraordinaire .

Om mani padme hum ?!

Mais je préfère, tout agnostique que je suis, https://www.youtube.com/watch?v=kkJC8p48g6g&list=RDkk...

 

 

 

« A Jean Lévesque de Burigny 1

Aux Délices , près de Genève,

le 29 mars 1764 2

[Il est malade et presque aveugle ] Je recevrai avec la plus vive reconnaissance l'histoire de ce brave chancelier, homme de lettres et homme d’État 3 […] Il n'appartient qu'à un philosophe d’écrire cette histoire . Votre famille est une famille de sages . Je fais mes compliments à monsieur votre neveu [...] »

2 Le manuscrit était dans les archives de la famille Noiron, de Reims .

3 Vie de Michel de l'Hôpital, chancelier de France, ouvrage anonyme de Jean-Simon Lévesque de Pouilly, 1764 , cet auteur étant le neveu du correspondant de V* . Voir : https://data.bnf.fr/fr/14543508/jean-simon_levesque_de_pouilly/

Je fais ce que je peux pour ne pas perdre patience

...Image associée

 

 

« A Cosimo Alessandro Collini

Mon cher ami, je vous adresse un voyageur qui est digne de voir Manheim, votre bibliothèque, votre académie et toutes vos raretés, mais surtout le respectable maître de toutes ces belles choses ; c’est M Mallet 1, d’une très bonne famille de Genève, homme d’un vrai mérite. Il a été longtemps à la cour de Copenhague, où il est fort regretté ; il a fait l’Histoire de Danemark, comme vous celle du Palatinat 2. Je vous prie de le recommander à M. Harold 3 avec le même empressement que je vous le recommande. Votre théâtre de Schwetzingen a porté bonheur à Olympie ; on dit qu’elle est bien jouée et bien reçue à Paris. Le public a témoigné qu’il ne serait pas fâché de voir l’auteur ; mais si je pouvais faire un voyage, ce serait vers le Rhin que j’irais, et non vers la Seine . Mon état me permet moins que jamais ce bonheur, je dépéris tous les jours . Je suis actuellement au lit, avec un peu de fièvre ; mes souffrances sont continuelles . Je fais ce que je peux pour ne pas perdre patience. On dit que la philosophie rend heureux ; mais je crois que les gens qui ont dit cela se portaient bien. Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.

Ferney ce 28è mars 1764. »

1 Paul Henri Mallet ; sur cet ouvrage, Histoire du Danemarc, voir lettre de 1763 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/06/18/vous-avez-tres-bien-releve-mes-inadvertances.html

3 Cet Anglais ami de Collini, était attaché à la personne de l'électeur Charles-Théodore. L'opéra traduit de l'italien par Collini, était intitulé Cajo Fabricio ( voir : https://data.bnf.fr/fr/15587723/johann_adolf_hasse_cajo_fabricio/

). Il avait été représenté sur le théâtre du palais de Manheim. (Clogenson).

03/05/2019

Que reste-t-il à tous ces rois qui ont ébranlé l’Europe par leurs guerres

... Rien de plus qu'une place six pieds sous terre, comme tout le monde !

Résultat de recherche d'images pour "Que reste-t-il à tous ces rois"

 

 

« A Caroline-Louise de Hesse-Darmstadt, margravine de Baden-Durlach

A Ferney 28 mars 1764

Madame, Votre Altesse Sérénissime se doute bien que je porte une furieuse envie à celui qui aura l’honneur de vous rendre cette lettre. Il jouira de l’avantage de voir une cour dans laquelle tout le monde voudrait vivre, et d’être admis auprès d’une princesse dont on voudrait être né sujet. C’est, madame, un citoyen de Genève, d’une des meilleures familles de cette république, il se nomme Mallet 1. Il a été longtemps à la cour de Danemark, où il est fort estimé . J’ose dire qu’il est digne d’être présenté à Votre Altesse Sérénissime . Personne n’est plus sensible que lui au mérite supérieur . Enfin, madame, quoiqu’il ne soit qu’un voyageur, il deviendra votre sujet, dès qu’il aura eu le bonheur de vous voir et de vous entendre ; c’est le sort de tous ceux qui ont passé à Carlsruhe . Cette noble retraite est devenue, grâce à Votre Altesse Sérénissime, l’asile de la vertu et du bonheur. Que reste-t-il à tous ces rois qui ont ébranlé l’Europe par leurs guerres, que de revenir chacun dans leur Carls Rue 2? Vous êtes, madame, plus sage qu’eux tous, car vous êtes demeurée en paix chez vous, et ils sont forcés enfin de vous imiter.

Je suis avec un profond respect,

madame,

de Vos Altesses Sérénissimes,

le très humble et très obéissant serviteur. 

Voltaire.»

2 Une édition donne Carls ruhe , ce qui semble plus juste que rue, car on a un jeu de mot adéquat : paix de Charles .

 

c’est la satire sans sel, la grossièreté sans esprit, l’envie sans aucune raison d’être envieux, la méchanceté dans toute sa laideur

... Et ce ne sont pas les élucubrations diffusées larga manu sur les réseaux dits sociaux qui te feraient changer d'avis mon cher Voltaire .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

27è mars 1764 1

J’ai à peine le temps, mon cher frère, de vous remercier, en deux mots, de tout ce que vous m’avez écrit de charmant le 22è mars. Les belles-lettres sont dans un étrange avilissement à Paris ; mais je me trompe , ce ne sont pas les belles-lettres, ce sont les vilaines, les infâmes lettres ; c’est la satire sans sel, la grossièreté sans esprit, l’envie sans aucune raison d’être envieux, la méchanceté dans toute sa laideur . Plus on cherche à mordre notre ami Platon, et plus je lui suis attaché. Votre zèle pour la saine littérature est infatigable . Vous êtes bien loin de ressembler à ceux 2 qui ont le temps d’aller dîner tous les jours très loin de chez eux, et qui n’ont pas le temps, pendant six mois, d’écrire une seule lettre à leurs amis . Ceux-là glacent le cœur, et vous l’échauffez. Je serais fort étonné si l’on permettait actuellement la Tolérance. J’ai toujours pensé qu’il fallait attendre ; mais mon cher frère voit les choses de plus près, et mieux que moi . Je crois que le frère Gabriel Cramer a fini d’imprimer les Contes de Guillaume Vadé. Il y a des choses un peu vives ; on y a ajouté quelques morceaux 3 de Jérôme Carré. Jérôme et Guillaume sont des gens hardis ; mais la plaisanterie fait tout passer . Vous pouvez dire, dans l’occasion, aux gens difficiles, que c’est un recueil de plusieurs polissons, dont aucun, ne se donnant pour un homme sérieux ne mérite pas 4 d’être examiné à la rigueur. Adieu, mon très-cher frère. »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais supprime la phrase Voici le petit billet que vous avez la bonté de me demander, et date la lettre du 30 mars, après plusieurs tentatives de remaniements abandonnées .

2 Thieriot .

3 L'Appel à toutes les nations .

4 Sic .

02/05/2019

Nous ne savons plus ce que nous voulons . Notre nation est folle et probablement le sera toujours

... Voltaire dixit , l'actualité le confirme . J'ai envie de renoncer à ma nationalité quand je vois ce dont sont capables mes compatriotes   (agresseurs de pompiers et des soignants ) pires que des charognards , à mettre en cage d'urgence .

Résultat de recherche d'images pour "la france est folle"

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

27 mars 1764] 1

Eh bien mes anges gardiens, si on donne des ordures à l'Opéra-Comique, on montre donc la rareté et le curiosité 2 à la Comédie-Française ? Il est vrai qu'il faut un peu de ces facéties pour réveiller le public assoupi qui dort au théâtre depuis si longtemps . Il a fallu dissiper l'ennui de l'uniformité . Le grand malheur de notre théâtre c'est que presque toutes les tragédies se ressemblent . Comment fera-t-on d'ores en avant ?3 Voilà mon embarras . Il paraît aussi difficile de trouver des auteurs et des acteurs qu'à un contrôleur général de trouver de l'argent . Je croyais que ce serait Grandval qui grasseyerait le rôle d'Antigone mais il a été annoncé, dit-on , par ce bellâtre de Bellecour, qui avec ses gestes de province répand dit-on la glace à pleines mains . Je crois révérence parler qu'Olympie a été mieux jouée à Ferney qu'à Paris . L'exagération est un peu forte, mais il faut pardonner aux campagnards d'aimer le vin cru . Il arrivera malheur au théâtre parisien . La pompe et le grand appareil du spectacle ayant réussi on ne voudra plus donner que du Servandoni 4. Les anciennes pièces paraîtront fades et les nouvelles ne seront que les grandes marionnettes ; nous passerons en tout d'une extrémité à l'autre . Nous ne savons plus ce que nous voulons . Notre nation est folle et probablement le sera toujours , mais ce qu'il y a de plus plaisant ce sont les gens de votre pays qui veulent faire les graves . Ne riez-vous pas prodigieusement de tout ce que vous voyez ? Que vous faites à merveille de songer à vous amuser dès qu'il est quatre heures et demie, et d'aller juger les belles lenteurs de Clairon et les belles convulsions de Dumesnil ? Avouez que je suis bien bon d'abandonner ma charrue et mon râteau pour amuser MM. les Parisiens, mais c'est vous qui m'y avez forcé, c'est vous qui avez fait L'Orphelin de la Chine, Tancrède, Le Droit du Seigneur, Olympie et Les Roués . Je vous enverrai quand vous voudrez un nouveau quatrième acte pour ces Roués ; je n'ai pas actuellement mon clerc à côté de moi, mais la chose ne presse pas et vous avez du temps devant vous.

Je suis très fâché de la goutte de M. le duc de Praslin 5 et je suis très aise que Mme de Pompadour se porte mieux . Il est vrai qu’elle aimait beaucoup Catilina, mais enfin c'est toujours aimer les belles-lettres, et c'est un goût assez rare à votre cour . Avez-vous entendu parler de la palissotise 6 intitulée La Dunciade ? Je me flatte que M. le duc de Choiseul ne » 

1 On ne possède que les quatre premières pages de la lettre, le reste du texte ne peut être suppléé par aucune autre source .

2 Sur la rareté et la curiosité, voir lettre du 16 décembre 1760 à Lekain : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1760-partie-48-121093171.html

3 D'ores en avant est considéré comme archaïque par le Dictionnaire de Trévoux, 1721 ; tandis que Richelet, 1680, le donne comme « pas trop usité ».

5 Ce mot est écrit Prazlin, ce qui ne témoigne pas de la prononciation de V* puisqu'il écrit par ailleurs Pralin, par exemple dans la lettre du 21 mars 1764 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/04/28/il-n-etait-pas-juste-en-verite-que-ce-fut-moi-qui-semat-et-l-6146886.html

6 On a vu palissotise dans la lettre du 26 mars 1764 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/05/02/j-ai-toujours-dit-ce-que-j-ai-pense-et-je-ne-connais-aucun-cas-dans-lequel.html

L'édition de La Dunciade, ou la Guerre des sots, poème dont V* parle ici est de Chelsea et est présente dans sa bibliothèque ; elle ne comprend que trois livres . V* acquiert plus tard l'édition de Londres , 1771 ; voir lettre du 4 avril 1764 à Palissot : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-12.html