26/05/2019
Vous me ferez un véritable plaisir de l'engager à se conduire avec plus de bienséance
... Est-ce trop demander à tous les malappris et malotrus ? Oui, sans doute . Leur manque de politesse, même la plus élémentaire, est un vice dont ils ne peuvent se passer, imbus qu'ils sont de leurs tristes personnes . Passons .
« A François Tronchin
Ferney, 25 avril [1764]
On dit que la mort de Mme de Pompadour a fait baisser les effets . Si cela est vrai, voilà une belle oraison funêbre . »
« A Gabriel Cramer
à Genève
[vers le 25 avril 1764]
Je vous supplie instamment mon cher Caro de presser votre correspondant de Florence de vous envoyer sans délais tous les ouvrages nouveaux par la voie la plus prompte, et de continuer sans interruption. Il sera d'autant plus empressé à vous servir qu'on le paiera régulièrement tous les trois mois . Vous me mettrez à portée, par la diligence et l’exactitude qu'il aura, de reconnaître les bontés que M. le duc de Praslin a pour moi .
Je vous prie aussi de recommander à ce malheureux Duchesne, de ne point vendre d'exemplaire au-dessous du prix des souscriptions . C'est décrier tout d'un coup le livre, c'est donner aux souscripteurs un juste sujet de se plaindre ; c'est enfin entendre très mal ses intérêts . Je sais qu'il a pour son droit quelques exemplaires, mais pourquoi faut-il qu'il en baisse le prix ? Vous me ferez un véritable plaisir de l'engager à se conduire avec plus de bienséance . Je vous embrasse bien tendrement .
V. »
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25/05/2019
je n’ai pu dire que ce que je pense, et non ce que je ne pense pas. Il me suffit du témoignage de ma bonne conscience
... Que dire de plus ? ou de mieux ?
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental 1
Je reçois, mes divins anges, la lettre du 19 avril, qui n’est point du tout griffonnée, et que mes beaux yeux d’écarlate ont très bien lue. Nous sommes pénétrés, Maman et moi, de vos bontés angéliques, et de celles de M. le duc de Praslin. Il est vrai que nous sommes un peu embarrassés avec le parlement de Dijon, parce que si nous lui disons , notre affaire est au Conseil, nous l’indisposons ; si nous demandons des délais, nous semblons nous soumettre à sa juridiction . Monsieur le premier président 2 ne peut refuser plus longtemps de mettre la cause sur le rôle ; je m’abandonne à la miséricorde de Dieu.
Pour l’affaire des Roués, elle est toute prête, et j’ose croire qu’ils vaudront mieux qu’ils ne valaient. J’attends votre copie pour la charger d’énormes cartons depuis le commencement jusqu’à la fin.
Honneur et gloire aux auteurs de la Gazette littéraire . Qu’ils retranchent, qu’ils ajoutent, qu’ils adoucissent, qu’ils observent les convenances que je ne peux connaître de si loin ; tout ce que j’envoie leur appartient, et non à moi. Je me suis adressé à Cramer pour l’Espagne et l’Italie, mais je n’ai rien du tout.
Je suis toujours enchanté de la discrétion de M. de Chimène ; mais je vous assure que ses attentions charmantes ne diminuent en rien ma sensible reconnaissance pour mes anges . Si j'osais les supplier de faire mes plus tendres remerciements à messieurs de la Littéraire, je leur serais très obligé .
Ce Duchesne est comme la plupart de ses confrères ; il préfère son intérêt à tout, et même il entend très mal son intérêt en baissant un prix 3 qu’il devrait augmenter. J’ai passé ma vie dans ces vexations-là ; je n’ai connu que vexations, et j’espère bien en essuyer jusqu’à mon dernier jour. Je m’attends bien aussi aux clameurs des fanatiques de Pierre Corneille ; mais je n’ai pu dire que ce que je pense, et non ce que je ne pense pas. Il me suffit du témoignage de ma bonne conscience. Puissent mes deux anges jouir d’une santé parfaite . Que les eaux fassent tout le bien qu’elles peuvent faire . Je vous souhaite beaucoup de bonnes tragédies et de bonnes comédies pour cet été . Mais ni les étés ni les hivers ne donnent pas beaucoup de ces sortes de fruits ; ils sont très rares en tout pays. Aimez-moi, je vous en conjure, indépendamment de votre passion pour le théâtre, je vous aime uniquement pour vous, et je vous serai attaché à tous deux jusqu’au dernier moment de ma vie.
V.
28è avril 1764.»
1 L'édition de Kehl suite à la copie Beaumarchais, suivie par les autres éditions, omet le 4è paragraphe .
2 Fyot de La Marche .
3 Il s'agit ici des Commentaires qu'on voulait imprimer séparément .
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24/05/2019
Si je suis obligé de dire un mot , ce ne sera qu’en faveur de la liberté de penser, et ce qui me paraît la vérité
... Voltaire !
« A Etienne-Noël Damilaville
23è avril 1764 1
Comptez, mon cher frère, que les vrais gens de lettres, les vrais philosophes, doivent regretter madame de Pompadour . Elle pensait comme il faut ; personne ne le sait mieux que moi. On a fait, en vérité, une grande perte.
Je sais que vous n’avez reçu que 24 exemplaires du Corneille , dont 12 sont pour M. de Laleu . Les 24 autres n'arriveront à Paris que dans trois semaines ou un mois . Si vous pouvez donner à M. d'Acquin un exemplaire vous me ferez un très grand plaisir .
Je prends aussi la liberté de mettre sous votre enveloppe une lettre pour ce M. d'Acquin .2
J’ai lu la Vie du chancelier de L’Hospital ; c’est l’ouvrage d’un jeune homme, mais d’un jeune homme philosophe. Ce chancelier l’était, et je ne crois pas que notre d'Aguesseau doive lui être comparé. Il y a des discours de L’Hospital aux parlements dont ils ne seront pas trop contents. On ne parlerait pas aujourd’hui sur un pareil ton.
Il y a des fanatiques partout. Ceux qui ne savent pas distinguer les beautés de Corneille d’avec ses défauts ne méritent pas qu’on les éclaire, et ceux qui sont de mauvaise foi ne méritent pas qu’on leur réponde. Si je suis obligé de dire un mot 3, ce ne sera qu’en faveur de la liberté de penser, et ce qui me paraît la vérité.
Vous me paraissez, mon cher frère, aimer M. de Montmercy ; je voudrais lui donner un Corneille, un recueil de mes misérables ouvrages, et pour une centaine d'écus de livres ; mais, comme je ne sais pas quels livres il lui faut, vous pourriez peut-être l'engager à accepter les cent écus en argent .
Permettez-vous que je vous envoie un billet sur M. de Laleu ? Vous ajouterez tout cela avec votre bonté et votre sagesse ordinaire 4. Je suis trop heureux, je vous le répète, que la philosophie et les lettres m’aient procuré un ami tel que vous. »
1 L'édition de Kehl, suivant la copie Beaumarchais est incomplète des 2è, 3è et 6è paragraphes .
2 Lettre inconnue .
3 Voir Réponse à un académicien sur Corneille ; voir page 327 : https://books.google.fr/books?id=JgpEAAAAYAAJ&pg=PA661&lpg=PA661&dq=voltaire+R%C3%A9ponse+%C3%A0+un+acad%C3%A9micien+sur+Corneille&source=bl&ots=D-7TpsugP8&sig=ACfU3U3jxquQHYcqnHEsRNv4vSi1g9vxjQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwi-hP3AxrPiAhXQDGMBHRdTA8MQ6AEwC3oECAYQAQ#v=onepage&q=voltaire%20R%C3%A9ponse%20%C3%A0%20un%20acad%C3%A9micien%20sur%20Corneille&f=false
4 Wagnière a placé ici un astérisque qui renvoie à la note suivante : « N. B. – Le 2è mai 1764 . les 300 livres ont été données à M. Le Clerc de Montmercy. » L'origine de cette note est obscure ; Le Clerc de Montmercy est avocat au Parlement et demeure faubourg Saint-Jacques, « vis-à-vis les Capucins » à en juger par l’adresse d’une lettre, peut-être de cette époque où Damilaville écrit : « J’aurais eu l'honneur d'aller vous rendre ma visite , monsieur, et vous faire part de ce que j'ai à vous communiquer de la part de M. de Voltaire si j'avais été moins incertain de votre adresse, mais Merlin n'a pu me l'indiquer qu'à peu près et j'ai craint la maladresse que j'ai ordinairement à trouver les demeures que je ne sais pas positivement [...] »
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23/05/2019
La retraite où je vis ne me rend point insensible à ce qui peut intéresser l’État
... Mais dans quelle mesure l'Etat se soucie-t-il de moi ?
Du temps de Louis le Grand j'aurais eu tout de suite la réponse puisque l'Etat c'était lui . De nos jours c'est plus difficile d'avoir cette estimation, l'Etat n'étant plus qu'un énorme amas de politiciens et de fonctionnaires doués de pouvoir de bienveillance et de malignité dont ils jouent à l'envi, et avec lesquels il faut compter .
Les locataires potentiels ont des vues disparates à propos de la France ; quelle caution leur demander en prévision des dégâts ? resteront-ils irresponsables et impunis ?
« A François de Chennevières, Premier commis des bureaux de la guerre,et inspecteur
général des hôpitaux militaires
à Versailles
Aux Délices, 23è avril 1764
Mon cher ami, nous ne sommes pas assurément dans notre terre étrangère du nombre des citoyens qui se réjouissent de la mort de Mme de Pompadour . Nous lui avions obligation, et nous la regretterons tant que nous serons en vie ; sa mort vous privera du plaisir, ou de l'ennui que vous auriez eu de voir jouer Olympie à Versailles ; elle comptait de la faire représenter après Pâques . Cette perte aura vraisemblablement dérangé de plus grands projets . S'il y a quelque chose de nouveau vous me ferez grand plaisir de m'en instruire . La retraite où je vis ne me rend point insensible à ce qui peut intéresser l’État ; mais c'est surtout à mes amis que je m'intéresse, et vous et la sœur du pot vous nous serez toujours chers . Mme Denis et moi, nous vous embrassons de tout notre coeur . »
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22/05/2019
il faut que vous soyez aujourd’hui à notre tête, que vous nous protégiez, et surtout que vous nous fassiez prendre un meilleur chemin que celui dans lequel nous nous égarons tous aujourd’hui
... Cette prière voltairienne n'est pas sans rapport avec notre actualité politique européenne qui va voir élus une foultitude d'illustres inconnus sensés nous pondre des lois et règlements pour le meilleur en évitant le pire . Le passé récent nous démontre que cet idéal est aussi solide que le beurre en broche , d'où le triomphe annoncé de l'abstention qui, elle, ferait le succès des partis extremistes dont le détestable RN *.
* RN = Route Nationale, or en l'occurence, Mme Le Pen, vous êtes et vous menez dans une impasse, un cul-de-sac .
Le vrai logo du RN
« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis
23è avril 1764 aux Délices
Je crois, monseigneur, que vous avez fait une véritable perte. Madame de Pompadour était sincèrement votre amie ; et, s’il m’est permis d’aller plus loin, je crois, du fond de ma retraite allobroge, que le roi éprouve une grande privation ; il était aimé pour lui-même par une âme née sincère, qui avait de la justesse dans l’esprit, et de la justice dans le cœur : cela ne se rencontre pas tous les jours. Peut-être cet événement vous rendra encore plus philosophe ; peut-être en aimerez-vous encore mieux les lettres ; ce sont là des amies qu’on ne peut perdre, et qui vous accompagnent jusqu’au tombeau. Songez que, dans le seizième siècle, ceux qui cultivaient les lettres avec plus de succès 1 étaient gens de votre étoffe : c’étaient les Médicis, les Mirandole, les cardinaux Saddolet 2, Bembo 3, Bibiena 4, de La Pole 5, et plusieurs prélats dont les noms composeraient une longue liste. Nous n’avons eu, dans ces derniers temps, que le cardinal de Polignac qui ait su mêler cette gloire aux affaires et aux plaisirs ; car les Fénelon et les Bossuet n’ont point réuni ces trois mérites.
Quoi qu’il en soit, tout ce que je prétends dire à Votre Éminence, c’est que nous n’avons aujourd’hui que vous, c’est qu’il faut que vous soyez aujourd’hui à notre tête, que vous nous protégiez, et surtout que vous nous fassiez prendre un meilleur chemin que celui dans lequel nous nous égarons tous aujourd’hui.
Je ne sais si vous avez lu quelque chose des Commentaires sur Corneille ; j’en avais déjà soumis quelques-uns à votre jugement, et vous m’aviez encouragé à dire la vérité. Je me doute bien que ceux qui ont plus de préjugés que de goût, et qui ne jugent d’un ouvrage que par le nom de l’auteur, seront un peu effarouchés des libertés que j’ai prises ; mais enfin je n’ai pu dire que ce que je pensais, et non ce que je ne pensais pas. J’ai voulu être utile, et je ne l’aurais pas été si j’avais été un commentateur à la façon des Dacier. Ce Commentaire n’a pas seulement servi au mariage de mademoiselle Corneille, mariage qui ne se serait jamais fait sans vos générosités, et sans celles des personnes qui vous ont secondé ; il fallait encore empêcher les jeunes gens de tomber dans le faux, dans l’outré, dans l’ampoulé, défauts qu’on rencontre trop souvent dans Corneille au milieu de ses sublimes beautés.
Si vous avez du loisir, je vous exhorte à lire la Vie du chancelier de L’Hospital 6; vous y trouverez des faits et des discours qui méritent, je crois, votre attention. Je voudrais que le petit livre de la Tolérance pût parvenir jusqu’à vous 7 ; il est très rare, mais on peut le trouver. Je crois d’ailleurs qu’il est bon qu’il soit rare. Il y a des vérités qui ne sont pas pour tous les hommes et pour tous les temps. Que Votre Éminence conserve ses bontés à son vieux de la montagne, qui lui est attaché avec le plus tendre et le plus profond respect. »
1 C'est-à-dire « avec le plus de succès » ; il y a là un archaïsme entrainé peut-être par le contexte à moins qu'il ne s'agisse d'une faute du secrétaire .
6 Voir sur cet ouvrage la lettre 29 mars 1764 à Lévesque de Burigny : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/05/04/votre-famille-est-une-famille-de-sages-6148567.html
7 Bernis déclina l'offre et refusa de recevoir le Traité sur la Tolérance .
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21/05/2019
Elle est comme César ; elle ne veut point du second rang, et préfère sa gloire aux intérêts de sa patrie
... Cette définition tombe pile pour décrire Marine Le Pen qui, comme le plus basique des Gilets Jaunes, répète sans cesse Macron- démission ; démolisseuse dans l'âme, politicarde frustrée, elle arbore sur une face de lune un sourire de beauf' qui vient de vous faire assoir sur un coussin péteur . Beau programme . Voter pour ça ? autant demander l'asile politique en Corée du Nord !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet
23è avril 1764 aux Délices
Quoique madame de Pompadour eût protégé la détestable pièce de Catilina 1, je l’aimais cependant, tant j’ai l’âme bonne ; elle m’avait même rendu quelques petits services ; j’avais pour elle de l’attachement et de la reconnaissance je la regrette, et mes divins anges approuveront mes sentiments. Je m’imagine que sa mort 2 produira quelque nouvelle scène sur le théâtre de la cour ; mes anges ne m’en diront rien, ou peu de chose. Olympie est morte pour Versailles, et je pense que mademoiselle Clairon veut l’enterrer aussi à Paris. Elle est comme César ; elle ne veut point du second rang, et préfère sa gloire aux intérêts de sa patrie. Tout le monde doit se rendre à des sentiments si nobles.
J’envoie à mes anges, pour leur divertissement, un petit extrait qui peut être inséré dans la Gazette littéraire, pour laquelle ils m’ont inspiré un grand intérêt. J’espère que leur protection y fera insérer ce mémoire, quand même les auteurs auraient déjà parlé du sujet. Je me résigne à la volonté de Dieu sur toutes les choses de ce monde, et particulièrement sur les droits des pauvres terres du pays de Gex. Je tremble d’être obligé de plaider à Dijon . Je demande en grâce à mes anges de me dire bien nettement à quoi je dois m’attendre. Les bontés de M. le duc de Praslin me sont encore plus chères que mes dîmes , et cependant mes dîmes me tiennent terriblement à cœur. Mes divins anges, priez pour nous en ce saint temps de Pâques.
Je reconnais la bonté de mes anges à ce qu’ils font pour Pierre Corneille, je crois qu’on peut donner quelques exemplaires à Lekain, et qu’on ne peut mieux les placer, quoique dans mes remarques je condamne quelquefois les comédiens, qui mutilent les pauvres auteurs. »
1 De Crébillon . Il est amusant de voir combien de fois V* revient sur cette affaire mineure, et quelle place il lui accorde .
2 Mme de Pompadour est morte le 15 avril 1764 ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_de_Pompadour
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20/05/2019
Je me crois bien autorisé aujourd'hui à profiter de cette permission que vous me donnez
... tacitement de faire mes petits commentaires plus ou moins d'actualité . Aussi n'en ferai-je pas aujourd'hui, au nom de la même liberté .
« A Béatrix de Choiseul-Stainville, duchesse de Gramont
Aux Délices, près de Genève
22 avril [1764]
Madame,
Vous m'avez permis de prendre la liberté de vous écrire quelquefois . M. l'abbé de Voisenon, qui ne laisse pas d'être sérieux quand il le faut, m'a assuré très sérieusement que vous receviez mes lettres avec bonté, et il faut qu'il vous connaisse bien, car il vous regarde comme le modèle du goût, de la raison et de la bienfaisance .
Je me crois bien autorisé aujourd'hui à profiter de cette permission que vous me donnez . Voici, madame, un Suisse, un Hollandais 1 auprès de qui je veux me faire valoir : je lui fais accroire que vous daignerez souffrir ma lettre . Je suis , comme vous savez, suisse, aussi, et ma vanité est de passer pour votre protégé . Je vous supplie, madame, de ne me pas désavouer auprès de M. Constant . Il est vrai qu'il est fils d'un général qui s'est battu quarante ans contre nous . Il est vrai qu'il est colonel en Hollande . Mais , madame, il est si français, il a tant de talents, il est si aimable, que je veux qu'il ait grande opinion de moi .
C'est mon excessif orgueil qui vous attire mon importunité . Pardonnez à la faiblesse humaine, et recevez avec votre bonté ordinaire les sentiments de reconnaissance et du profond respect avec lequel je serai toute ma vie, madame, votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur .
Voltaire. »
1 Il s'agit de David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches .
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