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17/02/2021

On ne réussit dans ce monde qu'à la pointe de l'épée

... Je préfère , pour ma part, à la "pointe de l'aiguille" qui vaccine, nettement plus désirable . De nouveaux vaccins anti-covid-19 sont annoncés ; reste à les fabriquer, les acheminer, les administrer : c'est là que le bât blesse en France, particulièrement . Faut-il se réduire à être contaminé pour s'auto-vacciner ? La roulette russe au virus , le loto du covid ...

 

RENDEZ-VOUS EN LIGNE INDISPONIBLE ACTUELLEMENT

Vous devez connaitre aussi . Pour info, l'actuellement dure depuis 4 semaines ! qui dit mieux ?

 

 

« A Jean-François de La Harpe 1

On dit un grand bien de vos Dalécarliens 2, mon cher confrère . On dit que les pyrrhoniens seront écrasés par votre ouvrage ; je vous en félicite d'avance . Il faut que les Français vous aient l'obligation de soutenir leur théâtre , mais ils sont quelquefois plus ingrats que reconnaissants , et il y a autant d’arbitraire dans les jugements de parterre que dans ceux des parlements . J'avoue qu'il y a quelque chose de vrai dans ce que vous dites de la belle réception qu'on fit à cette Adélaïde du Guesclin longtemps avant que vous ne fussiez né . On ne réussit dans ce monde qu'à la pointe de l'épée . Le plaisant de l'affaire, c'est qu'il n'y a pas un mot de changé dans la pièce autrefois sifflée et aujourd'hui applaudie . Ces exemples doivent consoler la jeunesse . Songez que si vous travaillez pour des Français vous travaillez aussi pour des Welches qui ont approuvé une Electre amoureuse d'un Itis, qui ont préféré la Phèdre de Pradon à celle de Racine, et qui ont méprisé Athalie pendant trente ans . C'est bien pis dans les provinces où les présidents des élections et les échevins jugent d'un ouvrage par les feuilles de Fréron . Heureusement vous avez autant de courage que de génie . Quelqu’un a dit que la gloire réside au haut d'une montagne, les aigles y volent et les reptiles s'y trainent . Vous avez pris un vol d'aigle dans Warwick, et vos ailes sont bonnes .

Je vous embrasse de tout mon cœur . Mme Denis vous fait mille compliments .

19è octobre 1765 . »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais omet les trois premières phrases . La lettre à laquelle répond V* n'est pas connue .

Le 18 octobre 1765, Formey écrit à Charles Bonnet de Berlin : « Quand on répondrait à tout le monde, il ne faudrait pas répondre à Voltaire . C'est un animal immonde qui se vautre dans son bourbier, et qui cherche à le faire rejaillir sur ceux qui ont quelque liaison avec lui . » Il faudrait être maître en double jeu pour expliquer en quoi la dernière lettre de V* à Formey (du 17 juin 1764 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/07/26/je-me-doute-que-ce-sont-des-radoteurs-et-c-est-pour-cela-meme-que-je-les-ve.html ) justifie une pareille calomnie .

2 La Dalécarlie est une région de Suède : V* fait allusion à Gustave Vasa , pièce d'Alexis Piron, qui sera jouée le 3 mars 1766 ; voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/PIRON_GUSTAVEWASA.xml

16/02/2021

Demande au roi

... Soyons brefs et directs !

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

[16 octobre 1765]1

[Demande au roi son Extrait du Dictionnaire historique et critique de Bayle 2 et ses Poésies diverses 3.]

1 Lettre vue par Sander ; voir son édition des Hinterlassene Werke Friedrichs II, 1789, vol. I, p. xxxi . Voir : http://friedrich.uni-trier.de/fr/oeuvres/23/104/text/

15/02/2021

les exceptions rares n’ôtent rien à la force des lois générales

... L'exemple cité par Voltaire peut être rapproché de notre actualité . Aussi, un malade du Covid-19 guéri et à nouveau touché, sévèrement, ne doit pas être considéré comme statistiquement significatif et faire craindre à tous une récidive , qu'on croyait peu probable, sinon  impossible dans un bref délai , et de même n'hésitons pas à nous faire vacciner , une protection à 50% est toujours mieux qu'un risque à 100% . Enfin, c'est vous qui voyez !

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N'a pas été protégée ...

 

Ne pas manquer ce soir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2021/02/information-sur-france-2-ce-soir-suite-des-aventures-au-jeune-voltaire.html

 

 

« À Marie de Vichy de Chamrond, Marquise Du Deffand

16è octobre1765 1

J’ai vu, madame, votre Écossais 2, qui aurait droit d’être fier comme un Écossais, si on pouvait être fier en proportion de ses connaissances et de son mérite. Il m’a dit que, malgré la mélancolie dont vous me parlez, vous conservez une imagination charmante dans la société. Il n’y a point de dédommagement pour les deux yeux, mais il y a de grandes consolations.

Voici bientôt le temps où je vais perdre la vue ; mes détestables fluxions me reprennent dans l’automne et l’hiver ; je suis précisément comme Pollux, qui ne voyait le jour que six mois de l’année. Nous avons beaucoup parlé de vous et de M. le président Hénault ; vous savez bien que je m’intéresserai tendrement à l’un et à l’autre jusqu’au dernier moment de ma vie. Il me manda, par sa dernière lettre, que tout doit finir, rien n’est plus vrai : tous les êtres animés ne sont nés qu’à cette condition ; mais il faut bien se souvenir que Cicéron, qui était premier président du parlement de Rome, dit souvent dans ses lettres, et quelquefois même au sénat romain, que la mort n’est que la fin des douleurs 3. César, qui a conquis et gouverné votre pays des Velches, pensait de même, et ces deux messieurs valaient bien le Père Elisée 4. En attendant, il faut s’amuser. Mme de Florian, ma nièce, vous fera tenir, avec cette lettre, quelques feuilles imprimées 5 que j’ai trouvées chez un curieux. Il y a une lettre sur Mlle de Lenclos écrite à un ministre huguenot, qui pourra vous égayer quelques minutes. Il y a quelques chapitres de métaphysique qui pourront vous ennuyer, et d’autres où l’on ne dit que des choses que vous savez, et que vous dites beaucoup mieux.

J’y joins un autre ouvrage qu’on appelle le Dictionnaire philosophique. Des méchants me l’ont imputé ; c’est une calomnie atroce dont je vous demande justice. Je suis fâché qu’un livre si dangereux soit si commode pour le lecteur ; on l’ouvre et on le ferme sans déranger les idées. Les chapitres sont variés comme ceux de Montaigne, et ne sont pas si longs. On m’assure que cette édition-ci est plus ample et plus insolente que toutes les autres 6. Je ne l’ai pas vue ; vous en jugerez , et je la condamne s’il y a du mal. Je vous dirai cependant, à ma honte, que j’aime assez en général tous ces petits chapitres qui ne fatiguent point l’esprit.

Je vais faire chercher encore une pucelle pour vous amuser ; mais je doute que j’aie le temps de la trouver avant le départ de Mme de Florian. On trouve rarement des pucelles chez ces marauds d’huguenots de Genève ; je ne sors jamais de chez moi, et je m’en trouve bien . On a tous ses moments à soi ; et la vie est si courte qu’il n’en faut pas  perdre un quart d’heure.

Je suis fâché que vous preniez en aversion mes pauvres philosophes ; si vous croyez qu’ils marchent un peu sur mes traces, je vous prie de ne pas battre ma livrée.

Je sais toute l’histoire de la petite vérole de Mme la duchesse de Boufflers 7. S’il était vrai qu’elle eût été en effet bien inoculée, et qu’elle eût eu la petite vérole naturelle après l’artificielle, cela serait triste pour elle. Mais ce serait un exemple unique entre vingt mille , et les exceptions rares n’ôtent rien à la force des lois générales.

Je n’étais pas instruit de la maladie de Mme la duchesse de Luxembourg. Elle n’a point répondu à une lettre qui méritait assurément une réponse 8; mais je m’intéresserai toujours à elle comme si elle répondait. Adieu, madame ; je vous aimerai toujours sans la plus légère diminution. Je souhaite que vous soyez la moins malheureuse qu’on puisse être sur ce ridicule petit globe.

V.

Je vous demande en grâce de ne laisser prendre aucune copie de mes lettres . »

1 L'édition de Kehl, suivie des autres éditions, omet le post scriptum . On ne connait pas la lettre envoyée par Mme Du Deffand .

2 Sir James Macdonald of Sleat, comme le confirment une de ses lettres à même Du Deffand du 16 octobre 1765 de Genève, et la réponse de Mme Du Deffand à Voltaire du 28 octobre 1765 [en fait du 26]. James Mac-Donald, baronnet, mort à Frescati en Italie le 26 juillet 1766, âgé d’environ vingt-quatre ans ; voyez la Correspondance de Grimm, 1er septembre 1766 (https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1765/Lettre_5967).

3 Douglas A. Day, dans « Voltaire and Cicero », article paru dans la revue de littérature comparée, janvier-mars 1965, suggère que V* pense ici au rejet de la vie après la mort formulé par Cicéron dans Pro Cluentio, CLXXI .

4 Jean-François Copel, prédicateur à la mode, connu sous le nom du Père Élisée, était un carme qui prêcha avec quelque succès. Il va bientôt prononcer , en mai 1766, l'Oraison funèbre de [...] Stanislas I , roi de Pologne ( https://books.google.fr/books?id=FinHzWciS2cC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

).Ses sermons sont imprimés . Né à Besançon en 1726, il mourut à Pontarlier en 1783.

5 Certainement le tome III des Nouveaux Mélanges, ouvrant par le morceau Sur mademoiselle de Lenclos : https://fr.wikisource.org/wiki/Sur_Mlle_de_Lenclos/%C3%89dition_Garnier

6 Ces additions consistaient en huit articles : Catéchisme du jardinier, Enthousiasme, Liberté de penser, Nécessaire, Persécution, Philosophie, Sens commun, et Tolérance (seconde section). Une autre édition fut encore augmentée de seize articles ; voir L’Avertissement de Beuchot : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Avertissement_de_Beuchot

7 L’inoculation n’avait produit sur Mme de Boufllers aucune fièvre, ainsi que l’explique le docteur Gatti dans une Lettre imprimée dans la Gazette littéraire du 1er septembre 1765, et contenant l’histoire de l’inoculation de Mme de Boufflers : « Lettre de M. Gatti, médecin consultant du roi , à M.*** » ; voir note en page 4 : https://books.google.fr/books?id=gThCAAAAcAAJ&pg=RA1-PA4&lpg=RA1-PA4&dq=Lettre+de+M.+Gatti,+m%C3%A9decin+consultant+du+roi+,+%C3%A0+M.***+1765&source=bl&ots=bgJP9EXKb2&sig=ACfU3U1_Cc7vnmxBc0VkPwENS1hgso3Cmg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiKgvXpounuAhUKjRQKHdITCaEQ6AEwBHoECAUQAg#v=onepage&q=Lettre%20de%20M.%20Gatti%2C%20m%C3%A9decin%20consultant%20du%20roi%20%2C%20%C3%A0%20M.***%201765&f=false

14/02/2021

Y a-t-il rien de plus tyrannique, par exemple, que d’ôter la liberté de la presse ? Et comment un peuple peut-il se dire libre, quand il ne lui est pas permis de penser par écrit ?

... Qu'on se le dise et s'en souvienne en tout lieu !

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Jusqu'où peut-on supporter l'hypocrisie et la lâcheté de la censure ?

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

16è octobre 1765 1

J’ai passé de beaux jours avec vous, mon cher frère ; il me reste les regrets , mais il me reste aussi la douceur du souvenir et l’espérance de vous revoir encore avant que je meure. Qui vous empêcherait, par exemple, de revenir un jour avec M. et Mme de Florian ? Vous savez combien ils vous aiment, car vous avez gagné tous les cœurs.

J’ai reçu votre lettre de Dijon, et Mme de Florian ne vous rendra la mienne qu’à Paris. Je me flatte que votre zèle, conduit par votre prudence, va servir la bonne cause avec toute la chaleur que la nature a mise dans votre cœur généreux, sincère et compatissant. Les indignes ennemis de la raison et de la vertu sentiront bientôt qu’il n’y a de raison et de vertu que chez les vrais philosophes. L’infâme Jean-Jacques est le Judas de la confrérie, mais vous ferez de dignes apôtres.

J'attends le factum d'Elie en faveur des Sirven, et les estampes de la famille des Calas . Vous avez la note de ceux qui ont payé entre mes mains, et si vous n'avez pas d'argent à moi vous en pourrez envoyer prendre chez M. de Laleu .

Vous savez avec quelle impatience j’attends les manuscrits de Fréret 2 que vous m’avez promis. Ceux que vous avez emportés 3 peuvent se multiplier aisément. La lumière ne doit pas demeurer sous le boisseau. Je me flatte que vous m’instruirez des querelles du Parlement et du clergé . Nous sommes cette fois-ci parlementaires et de dignes paroissiens de M. l’archevêque de Novogorod 4.

Les divisions de Genève éclateront bientôt. Il est absolument nécessaire que vous et vos amis vous répandiez dans le public que les citoyens ont raison contre les magistrats ; car il est certain que le peuple ne veut que la liberté, et que la magistrature ambitionne une puissance absolue. Y a-t-il rien de plus tyrannique, par exemple, que d’ôter la liberté de la presse ? Et comment un peuple peut-il se dire libre, quand il ne lui est pas permis de penser par écrit ? Quiconque a le pouvoir en main voudrait crever des yeux à tous ceux qui lui sont soumis . Tout juge de village voudrait être despotique . La rage de la domination est une maladie incurable.

Je commence à lire aujourd’hui le livre italien Des Délits et des Peines 5. A vue de pays, cela me paraît philosophique ; l’auteur est un frère.

Adieu, vous qui serez toujours le mien. Adieu, mon cher ami ; périssent les infâmes préjugés qui déshonorent et qui abrutissent la nature humaine, et vive la raison et la probité, qui sont les protectrices des hommes contre les fureurs de l’infâme ! Adieu, encore une fois, au nom de Confucius, de Marc-Antonin, d’Épictète, de Cicéron et de Caton. »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais omet le troisième paragraphe, suivie par les éditions .

2 Des manuscrits de la Lettre de Trasybule à Leucippe, 1758 ; Les lettres à Eugénie, ou Préservatif contre les préjugés, 1768, sont l'une et l'autre sans doute d'Holbach et peut-être de Naigeon, et l'Examen critique des apologies de la religion chrétienne, 1766, qui peut être des mêmes ou de Lévêque de Burigny .

V* a écrit sur son exemplaire de la Lettre [...] « livre dangereux » et sur l'Examen [...] : « Je ne crois pas que cet examen soit de M. Fréret, il est très dangereux pour la foi. » ; voir : https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1978_num_4_1_1377

Voir : https://data.bnf.fr/fr/13328631/nicolas_freret_lettre_de_thrasybule_a_leucippe/

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1521153q.image

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k845348.image

3 Parmi ces manuscrits, peut-être celui de l'ouvrage mentionné à propos de la lettre du 25 novembre à Cramer, comme semble l'indiquer la suite ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/01/22/aussi-bien-dans-le-comique-que-dans-le-tragique-6292671.html

4 Voir le Mandement du révérendissime père en Dieu.

5 Du marquis Cesare Bonesana Beccaria : Dei delitti e delle pene, 1764, qu'on retrouvera par la suite . Voir : https://journals.openedition.org/asterion/2184?lang=fr

et : https://data.bnf.fr/fr/13328966/cesare_beccaria_dei_delitti_e_delle_pene/

13/02/2021

Il y a des choses bien humiliantes dans l’espèce humaine ; mais il n’y en a point de plus honteuse que de voir continuellement les arts jugés par des Midas

...Oui ! mais quelle idée de demander à ces célèbres garagistes de se prononcer sur les arts, quand bien même ils ne sont pas tous dotés d'oreilles d'âne : chez ces bénis des dieux, chaque pièce de ferraille passant par leurs mains est vendue à prix d'or !

Laisserons nous alors les Midas-marchands d'art-impesarios ratisser autant d'or que possible et s'ériger en connaisseurs critiques sans autre réelle volonté que vendre le plus cher possible: du beau parfois, du moche souvent, du ridicule et insignifiant trop abondamment , des merdes ( et autres produits d'émonctoires ) au sens premier du terme,  car l'argent n'a pas d'odeur  et qu'il y a suffisamment de gogos acheteurs-spectateurs-sectateurs ?

L'art , dès qu'il devient marchandise vendue par un professionnel, perd toute réalité esthétique, se chosifie comme une paire de vieilles savates présentées comme bottes de sept lieues !

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Pas de date limite de consommation : laissé au goût du client

https://www.youtube.com/watch?v=lFynoeD0RUs

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

16 d’Octobre [1765] 1

Mon cher et vrai et grand philosophe, madame de Florian , qui retourne à Paris, vous dira combien vous êtes aimé à Ferney, et combien l’injustice qu’on vous fait nous a paru welche ; mais, en récompense, on dit qu’on donne une pension à l’auteur du Siège de Calais et à ceux du Journal chrétien. Il y a des choses bien humiliantes dans l’espèce humaine ; mais il n’y en a point de plus honteuse que de voir continuellement les arts jugés par des Midas.

Votre aventure fait tort à la nation, ou plutôt à ceux qui la gouvernent par leurs premiers commis. Je rougis quand je songe qu’on vous a refusé chez vous la vingtième partie de ce qu’on vous a offert dans les pays étrangers. Le mérite, les talents, la réputation, seront-ils donc regardés comme les ennemis de l’État ?

Quoi ! vous ne voulez pas croire que Jean-Jacques, pour avoir la sainte communion huguenote, a promis (page 90)  de s’élever clairement contre l’ouvrage infernal De l’Esprit, qui, suivant le principe détestable de son auteur, prétend que sentir et juger sont une seule et même chose, ce qui est évidemment établir le matérialisme ?2  Cela est écrit et signé de la main de Jean-Jacques , et frère Damilaville vous apporte l’exemplaire d’où ces belles paroles sont tirées. En vérité les Velches valent encore mieux que les Genevois. Vous êtes un peu vengé à présent de ces déistes honteux ; les prêtres sont dans la boue, et les citoyens dans un orage. Le Conseil et les bourgeois sont divisés plus que jamais, et je crois que le Conseil a tort, parce que des magistrats veulent toujours étendre leur pouvoir, et que le peuple se borne à ne vouloir pas être opprimé. Au milieu de toutes ces querelles, l’inf… est dans le plus profond mépris. On commence de tous côtés à ouvrir les yeux. Il y a certains livres 3 dont on n’aurait pas confié le manuscrit à ses amis, il y a quarante ans, dont on fait six éditions en dix-huit mois. Bayle paraît aujourd’hui beaucoup trop timide. Vous sentez bien que le fanatisme écume de rage, à mesure que le jour 4 de la raison commence à luire. J’espère que du moins cette fois-ci les parlements combattront pour la philosophie sans le savoir. Ils sont forcés de soutenir les droits du roi contre les usurpations des évêques. On ne s’était pas douté que la cause des rois fût celle des philosophes ; cependant il est évident que des sages, qui n’admettent pas deux puissances, sont les premiers soutiens de l’autorité royale. La raison dit que les prêtres ne sont faits que pour prier Dieu ; les parlements sont en ce point d’accord avec la raison.

 Grâce aux préventions de leur esprit jaloux,

Nos plus grands ennemis ont combattu pour nous 5.

J’ai passé des jours délicieux avec frère Damilaville, et je voudrais vivre et mourir entre vous et lui. Ne pouvant remplir ce désir, je souhaite au moins que les sages de Paris soient unis entre eux.

Cinq ou six personnes de votre trempe suffiraient pour faire trembler l’inf… et pour éclairer le monde. C’est une pitié que vous soyez dispersés sans étendard et sans mot de ralliement. Si jamais vous faites quelque ouvrage en faveur de la bonne cause, frère Damilaville me le fera tenir avec sûreté ; vous ne serez point compromis par des bavards, comme vous l’avez été.

On mettra le nom de feu M. Boulanger à la tête de l’ouvrage. Vous êtes comptable de votre temps à la raison humaine. Ayez l’inf… en exécration, et aimez-moi ; comptez que je le mérite par les sentiments que j’aurai pour vous jusqu’au jour où je rendrai mon corps aux quatre éléments, ce qui arrivera bientôt, car j’ai une faiblesse continue, avec des redoublements. »

1 V* répond à une lettre du 7 octobre 1765 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/02/correspondance-avec-d-alembert-partie-39.html . D'Alembert y note que l'Académie a fait une seconde démarche le 14 août 1765 pour l'octroi de sa pension, et qu'il a écrit au Journal encyclopédique (« Lettre de M. d'Alembert aux auteurs de ce journal » 1er octobre 1765, datée du 28 septembre .)

2 C’est la page d’un recueil des lettres de Montmolin et de Rousseau que Voltaire donne ici. (Georges Avenel.) . Voir lettre du 28 août 1765 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/12/24/je-suis-bien-sur-que-vous-approuverez-qu-on-estime-ou-qu-on-6286264.html

Rousseau ne s’est expliqué, avons-nous dit, que verbalement. (Georges .Avenel.)

3 Le Dictionnaire philosophique .

4 Lefèvre a ajouté ici de la raison,ces mots dont rien de garantit l'authenticité ont été passés dans les édition suivantes .

5 Britannicus ,ac. V,sc.1, de Racine.

12/02/2021

venir dîner lundi, et non dimanche

... La St Valentin primant sur les dîners d'affaires qui, eux, peuvent bien attendre un jour .

 

 

« A Gabriel Cramer

[octobre 1765]

Monsieur Caro est prié de venir dîner lundi, et non dimanche . Il saura que M. Lekain fait imprimer actuellement Adélaïde pour son bénéfice . Il est supplié de me faire renvoyer la feuille L. »

11/02/2021

toute la fortune de Genève consiste dans l'argent qu'elle a tiré de la France en faisant la contrebande, en contrefaisant le sceau de la Compagnie des Indes, et en faisant parfois de la fausse monnaie

... Refuge des fraudeurs fiscaux peut être ajouté à cette liste pour l'actualiser; dans ce pays neutre où l'argent n'a pas d'odeur, il est de bon ton  d'accueillir volontiers ce produit migrateur qui niche en d'innombrables banques . C'EST TOUT BOOON !

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

14è octobre 1765 1

J'adresse cette lettre en droiture à celui de mes anges qui va à Fontainebleau et à tous les deux s'ils y vont tous deux . Je leur certifie d'abord que j'ai fait mettre à la poste de Lyon l'Adélaïde dont Roscius Lekain paraissait si pressé . Cette voie lui épargnera tout juste la moitié des frais . La petite préface est jointe à la pièce corrigée . On a tâché de suivre en tout les idées des anges ; et il est à souhaiter qu'on joue la pièce à Fontainebleau, conformément à cette leçon .

Dieu merci, le petit ex-jésuite a du temps pour faire battre Auguste et Julie à coups de langue, pour qu'ils donnent chacun leur reste de quatrain en quatrain, et de vers en vers, si faire se peut . Mais il faut être inspiré pour cela, on ne se donne pas l'inspiration . Nous avons une édition in-4° à conduire, et tous nos ouvrages à corriger pour ne pas mourir intestat . Cette besogne absorbe le temps, fatigue l'âme et lui ôte tout son enthousiasme .

Je suis toujours à vos pieds pour mes dîmes, et quelque chose qui arrive je ne sens que l'obligation que je vous aurai . C'en est une très grande de vous devoir l’amitié de M. Hennin . Il trouvera les affaires un peu brouillées, et de toutes les brouilleries c'est sans doute la moins intéressante ; car il importe peu pour la France que Genève soit aristocratique ou démocratique 2. Je vous avoue que je penche à présent pour la démocratie , malgré mes anciens principes, parce qu'il me semble que les magnates ont eu tort dans plusieurs points ; un de ces torts des plus inexcusables, est l’affaire de l'impératrice de Russie 3. Les magnates, avec qui je me trouve lié pour mes dîmes ont depuis quelque temps des façons que la République romaine aurait avouées ; elle n'a pas rendu le moindre petit honneur à M. le duc de Randan 4, gouverneur de la province voisine, qui est venu voir Genève avec vingt officiers du régiment du roi . Les vingt-cinq du Petit Conseil se sont avisés de prendre le titre de nobles seigneurs, la tête leur a tourné comme à M. de Pompignan . Cependant, toute la fortune de Genève consiste dans l'argent qu'elle a tiré de la France en faisant la contrebande, en contrefaisant le sceau de la Compagnie des Indes, et en faisant parfois de la fausse monnaie . Un de leurs grands gains a été de prendre des rentes viagères, et de les mettre sous un nom de baptême commun à toute la famille, de sorte que cinq ou six personnes ont joui l'une après l'autre de la même rente . Monsieur le contrôleur général a été obligé de les forcer à rapporter leurs extraits baptistaires et leurs signatures 5. Quand je vous dirai que cette petite ville a, par tous ces moyens, acquis quatre millions de rente sur la France, vous serez bien étonnés, mais le ministre des Finances est très instruit de toutes ces vérités ; et il ne serait pas mal que le ministre des Affaires étrangères en fût instruit aussi ; mais Dieu nous préserve que ce digne ministre prenne la résolution dont je vous parlais dans ma dernière lettre , j'en serais si fâché que je ne veux point le croire .

Je suis encore persuadé que dans les pays étrangers on fait Mgr le Dauphin beaucoup plus malade qu'il ne l'est . Vous savez à quel point la renommée est exagératrice .

Pour les querelles du parlement et du clergé, je pense bien qu'on n'exagère pas, et j'espère que [...] 6.

1 Le même jour, Recville écrit à Praslin : « L'emprisonnement d'un bourgeois très mauvais sujet dont M. de Voltaire s'était servi pour débiter le second volume du Dictionnaire philosophique, nouvelle production des plus impies, fait remuer certains esprits mauvais par eux-mêmes et qui le deviennent davantage par des conseils pernicieux. »( Ministère des Affaires étrangères, Genève ) . Sur ce « bourgeois » et sur le Dictionnaire philosophique devant les autorités de Genève entre août et octobre 1765, voir Besterman.

2 Les Genevois sont alors divisés en quatre classes : les citoyens ( nés à Genève de citoyens ou de bourgeois ) , les bourgeois ( natifs ou habitants naturalisés ) , les natifs ( nés des habitants ) et les habitants ( étrangers autorisés à résider . Seuls les deux premiers groupes ont des droits politiques et sont favorisés sur le plan économique . Parmi cette minorité privilégiée, un petit groupe de patriciens ( les magnates de V* ) détiennent la réalité du pouvoir . Différentes tentatives ont été faites en 1765 pour modifier ce statut . Les partisans de la démocratisation sont nommés les représentants en raison de la fréquence de leurs représentations ; les conservateurs sont nommés les négatifs .

3 V* manifeste que ses idées politiques sont liées à ses intérêts . Il intervient librement dans les affaires genevoises depuis qu'il n'est plus sur le territoire de la République de Genève .

5 Clairement V* enfonce le clou .

6 Texte limité à quatre pages, le reste de la lettre manque .