19/01/2013
on arrive au vrai par la communication des idées
... Et au mensonge par des chemins tordus .

« De M. Jean-Robert TRONCHIN, de Lyon
Lyon, 24 octobre [1757].
J'ai reçu, monsieur, avant-hier la lettre dont vous m'avez honoré le 20 1, et hier je fus en campagne pour la communiquer à la personne 2. Je lui en fis lecture; bien loin de la regarder comme un songe, il en a été enchanté. « Apparemment, dit-il, que si ce projet s'exécute, le paquet de madame la margrave lui parviendra par vous, monsieur » Je lui ai répondu que vous suivriez la même route commencée. Il est bien content des vers galants que vous avez faits pour Mme de Montferrat, et très-sensible à toutes les politesses dont vous l'avez comblée.
Si vous usez de comparaison avec la réception faite il y a trois ans 3, vous devez le trouver extraordinaire mais je vous prie d'observer la circonstance de ses places, et les avis qu'il avait alors de la cour. Je puis bien vous assurer de la répugnance qu'il avait et de son penchant à être agréable à tous. Dans cet intervalle de temps, la façon de penser a bien changé; on arrive au vrai par la communication des idées, et s'il avait le plaisir de vous voir à présent, vous en seriez aussi édifié que vous l'avez été peu. Il y a quelque temps que je lui entendis faire publiquement votre éloge, et il y avait des gens de même étoffe que lui.
Mon suffrage sur votre excellente lettre n'est pas d'un grand poids; mais je ne puis assez vous dire combien je suis content, et combien je désire que des vues aussi sages et utiles à l'Europe soient couronnées du succès par la continuation de vos soins éclairés et les suites de votre crédit sur l'esprit du roi de Prusse et de madame sa sœur, et leur confiance en vous. De mon côté, je ne perdrai pas un instant pour tout ce dont je serai chargé. »
« Note en réponse, dictée par M. le cardinal de TENCIN à M. J-R. TRONCHIN.
Le plan est admirable; je l'adopte en entier, à l'exception de l'usage qu'il voudrait faire de moi en me mettant à la tête de la négociation. Je n'ai besoin ni d'honneurs ni de biens, et, comme lui, je ne songe qu'à vivre en évêque philosophe. Je me chargerai très-volontiers de la lettre de madame la margrave, et je pense qu'elle ferait très-bien, dans la lettre qu'elle m'écrira, d'y mettre les sages réflexions que M. de Voltaire emploie dans la sienne, concernant l'agrandissement de la maison d'Autriche. Elle ferait bien de me dire quelque chose de flatteur pour l'abbé de Bernis 4, qui a les affaires étrangères et le plus grand crédit à la cour.
Apparemment que si ce projet s'exécute, le paquet de madame la margrave me parviendra par M. de Voltaire. »
1 Voir lettre du 20 octobre 1757 à J-R Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/10/toute-mon-ambition-se-borne-a-n-avoir-pas-la-colique.html
3 Lors de son séjour à Lyon en 1754, V* a été éconduit par le cardinal de Tencin .Voir lettre du 23 novembre 1754 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/10/17/mandez-moi-donc-mon-cher-ange-s-il-est-vrai-que-je-suis-auss.html
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18/01/2013
que Mme la duchesse de Gotha soit mangée, et le roi de Prusse dépouillé, cela ne doit pas m'empêcher d'orner mon cabinet
... Show must go on ! On ne va tout de même pas se priver pour le roi de Prusse !

« A Jean-Robert Tronchin
A Lausanne 27 octobre [1757]
Je suis très flatté mon cher monsieur que mes rêves n'aient pas déplu à un homme qui a autant de solidité dans l'esprit que la personne respectable 1 à qui vous les avez communiqués . Ce qui me fait croire encore que les songes peuvent devenir des vérités, c'est que j'ai lieu de penser qu'on travaille déjà à ce que j'ai proposé . Il est question à ce que je présume d'une négociation entre le roi de Prusse et M. le maréchal de Richelieu, et elle pourrait bien finir par quelque chose de semblable à celle de M. le duc de Cumberland 2. C'est de quoi vous pourriez parler à Son Excellence qui peut être en est déjà instruite .
Je reçois dans le moment des lettres de Londres en date du 13 . Il n'est nullement question dans ces lettres de la maladie du roi d'Angleterre, et il faut bien que les ports ne soient pas fermés puisque les paquebots vont et viennent .
Au milieu des malheurs de tant de peuples il faut que je vous prie de vouloir bien me procurer soixante et quatre pieds des plus belles et des plus larges baguettes dorées, car, que Mme la duchesse de Gotha soit mangée, et le roi de Prusse dépouillé, cela ne doit pas m'empêcher d'orner mon cabinet .
Il y a d'assez plaisantes chansons en Angleterre sur l'expédition de leur flotte . Il vaut encore mieux faire des chansons que de pendre un amiral 3.
Mme Denis vous fait mille compliments et le Suisse V. vous embrasse de tout son cœur .
V.
Permettez que je vous adresse l'incluse . »
1 Le cardinal de Tencin .Voir lettre de Jean-Robert Tronchin du 24 octobre 1757 et la note du cardinal : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/19/on-arrive-au-vrai-par-la-communication-des-idees.html
2 Le 26 juillet 1757, le maréchal d'Estrées remporte, près de Hastembeck et de Hameln, au pays de Hanovre, une victoire complète sur le duc de Cumberland, qui commandait les Hanovriens, Anglais et Hessois. Le 10 septembre, capitulation de Closterseven, conclue entre le maréchal de Richelieu et le duc de Cumberland, pour une suspension d'armes. Avantageuse pour les Français, elle sera rompue peu après par les Hanovriens du prince Ferdinand de Brunswick .
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17/01/2013
J'ai perdu le temps de mon existence à composer un énorme fatras dont la moitié n'aurait jamais dû voir le jour
... Je serais bien heureux si seulement la moitié [de mon existence] n'offrait guère d'intérêt , et pour moi , et pour le reste de l'humanité . Passons ...
Rêvons ...

http://www.ina.fr/art-et-culture/cinema/video/I06349880/jacques-prevert-fatras.fr.html
Et puis, réveillons-nous ! Plus sérieux, dédié par moi-même à tout xénophobe français : Etranges étrangers : http://www.dailymotion.com/video/x8naq5_jacques-prevert-etranges-etrangers_news#.UPg3emdZnbo
« A M. Charles PALISSOT de MONTENOY.
rue Neuve-saint-Augustin
vis-à-vis l'hôtel Richelieu à Paris
Au Chêne, à Lausanne, 27 octobre [1757].
La mort de ce pauvre petit Patu 1 me touche bien sensiblement, monsieur. Son goût pour les arts et la candeur de ses mœurs me l'avaient rendu très-cher. Je ne vois point mourir de jeune homme sans accuser la nature; mais, jeunes ou vieux, nous n'avons presque qu'un moment et ce moment si court, à quoi est-il employé? J'ai perdu le temps de mon existence à composer un énorme fatras dont la moitié n'aurait jamais dû voir le jour. Si, dans l'autre moitié, il y a quelque chose qui vous amuse
c'est au moins une consolation pour moi. Mais, croyez-moi, tout cela est bien vain, bien inutile pour le bonheur. Ma santé n'est pas trop bonne vous vous en apercevrez à la tristesse de mes réflexions. Cependant je m'occupe avec Mme Denis à embellir mes retraites auprès de Genève et de Lausanne. Si jamais vous faites un nouveau voyage vers le Rhône, vous savez que sa source est sous mes fenêtres. Je serais charmé de vous voir encore, et de philosopher avec vous. Conservez votre souvenir au Suisse
V. »
1 Voir lettre du 26 octobre 1757 à Jacob Vernes : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/17/je-suis-toujours-etonne-de-vivre-quand-je-vois-des-jeunes-ge.html
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Je suis toujours étonné de vivre quand je vois des jeunes gens mourir
... Etonné ? Non, plutôt révolté . Mais pas au point de vouloir mourir à la place de l'un d'eux, si je me permets d'être franc , ou alors seulement si c'est un membre de ma famille .
Nobody's perfect !
Retour vers le futur

C'est une maison bleue ....
http://www.youtube.com/watch?v=0rxGgX7HknA
« A M. le ministre Jacob VERNES 1
chez monsieur son père à Genève
Au Chêne, à Lausanne, 26 octobre.
Je regrette sensiblement le petit Patu 2 il aimait tous les arts, et son âme était candide. Je suis toujours étonné de vivre quand je vois des jeunes gens mourir. Tout sert, mon cher monsieur, à me convaincre du néant de la vie et du néant de tout.
J'ai peine à croire l'armistice dont on parle. S'il y en avait un, il ne pourrait être que dans le goût de celui du duc de Cumberland 3; et le roi de Prusse me trompera fort s'il signe un pareil traité. Je le crois dans un triste état. Il aura bientôt plus de besoin d'être philosophe que grand capitaine.
Tâchez de convertir Mme de Montferrat c'est la plus belle victoire que vous puissiez remporter; mais je tiens la place imprenable.
Mme Denis vous fait ses compliments. Elle est occupée du matin au soir à embellir la maison de Lausanne. Elle me rend trop mondain mais il faut tout souffrir.
Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.
V.»
1 Jacob Vernes : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacob_Vernes
2 Mort le 20 août 1757 ; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude-Pierre_Patu
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16/01/2013
Je n'en suis pas moins persuadé que le commerce est l'âme d'un État
... Sans état d'âme ! Dame oui !!
Commerce équitable ?

http://ledaoen.over-blog.com/article-35641607.html
Le corps est formé des paysans et des ouvriers, de ceux qui les soignent, de ceux qui les protègent, de ceux qui leur montrent de belles choses . Ni plus, ni moins, je crois .
« A M. Nicolas-Claude THIERIOT.
Au Chêne, 26 octobre [1757].
Je vous envoie, mon cher ami, la réponse que je devais à M. Déguerti 1, elle a traîné quelques jours sur mon bureau. Si vous le voyez, je vous prie de lui dire combien je suis satisfait de son ouvrage et reconnaissant de son présent. J'aime le commerce pour le bien public, car, pour le mien, je ne devrais pas trop l'aimer. Je m'étais avisé, il y a quelques années, de mettre une partie de mon avoir entre les mains des commerçants de Cadix. Je trouvais qu'il était beau de recevoir des lettres de la Vera-Cruz et de Lima. Messieurs de Gades 2 et des Colonnes d'Hercule peuvent y avoir gagné et j'y ai beaucoup perdu. Je n'en suis pas moins persuadé que le commerce est l'âme d'un État. C'est ainsi que j'aime les beaux-arts et que je les crois toujours utiles, malgré tout le mal que l'envie attachée aux arts m'a pu faire. Dites-moi, je vous prie, à propos de ces arts que tant de coquins déshonorent, s'il est vrai que le misérable La Beaumelle soit sorti 3 de sa Bastille en même temps que votre archevêque est revenu de Conflans, et l'abbé Chauvelin de son exil. Puisque le roi est en train de donner la paix à ses sujets, j'espère qu'il la donnera à l'Europe. Si, dans les circonstances présentes, il en est le pacificateur, il jouera un plus beau rôle que Louis XIV.
Vous ne m'avez point parlé de Mme de Sandwich; ne vous a-t-elle pas laissé par son testament quelque marque de son souvenir ? Qu'est devenu le diamant que vous avait laissé cette pauvre
Mme de La Popelinière? Êtes-vous encore puni de vous être attaché à elle?
26 octobre [1757] à Lausanne aux Chênes
Je n'ai rien reçu encore de Pétersbourg pendent opera interrupta, minaeque murorum ingentes 4.
J'ai grand'peur que l'hydropisie d'Élisabeth ne nuise à l'Histoire de Pierre. Ce qui se passe à présent mérite un petit morceau curieux. Il fournira, si je vis, un ou deux chapitres à l'Histoire générale que vous aimez. Il ne sera pas inutile de faire voir comment le pays sablonneux de Brandebourg avait formé une puissance contre laquelle il a fallu de plus grands efforts qu'on n'en a jamais fait contre Louis XIV. J'ai sur ces événements des anecdotes uniques mais c'est à présent le temps de se taire.
Quant à cette pauvre Jeanne, je vous réitère que personne ne connaît la véritable. Si jamais vous venez sur les bords de mon lac, nous la lirons au pied de la statue de messer Ludovico Ariosto.
Interim, vale. Sed quid novi?
V.»
1 P. A. O'Heguerty, comte de Magnières Ce négociant, qui avait fait paraître, en 1754, un Essai sur les intérêts du commerce maritime, venait de publier (1757, deux volumes in-12) des Remarques sur plusieurs branches de commerce et de navigation, et il avait envoyé cet ouvrage à Voltaire par Thieriot . Thieriot notera dans sa lettre du 9 novembre qu'il a remis la lettre pour d'Heguerty qui est encore « à la campagne ». Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Andr%C3%A9_d'H%C3%A9guerty
4 Les ouvrages interrompus sont suspendus, et les masses énormes des murs menacent le ciel : Virgile, Enéïde, IV, 88-89 .
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15/01/2013
ni Moïse ni les prophètes ne connurent jamais rien de l'immortalité de l'âme, ni du paradis, ni de l'enfer
... Et ni eux ni moi n'en vécurent pas au moins aussi bien que ceux qui font vivre l'enfer à ceux qui croient au paradis et à l'immortalité de l'âme .
Quant à l'enfer éternel, éteint comme mon ordi, il n'est que cendres
Question immortalité, je peux affirmer qu'elle n'est pas une qualité intrinsèque du chargeur-alimentation de mon Toshiba (durée de vie : 2 ans, grâce à des soudures réparant des ruptures de fils), mort sans rémission vendredi passé, d'où mon silence sur la toile !
« A M. George KEATE
Au Chêne à Lausanne 26 octobre 1757
Ah now t'is right 1. Vous me donnez enfin votre adresse monsieur, et grâce à la notion que j'ai de Nandos coffee house 2 je peux avoir l'honneur de vous écrire . Il y a environ un mois qu'un Anglais ou Écossais dont le nom finit en ie 3 passa ma porte à Lausanne et y laissa le livre où Warburton prouve si bien, pour la plus grande gloire de Dieu et l'édification du prochain, que ni Moïse ni les prophètes ne connurent jamais rien de l'immortalité de l'âme, ni du paradis, ni de l'enfer jusqu'au temps des Macchabées 4.
Je ne pus avoir l'honneur de vois ce voyageur ni milord Hamilton parce que malheureusement pour moi il alla à Genève quand j'étais à Lausanne et que je me trouvai à Lausanne quand il était à Genève .
J'apprends aujourd'hui monsieur que le Warburton avec un autre livre est un présent dont vous m'honorez . Je vous en fais mes très humbles remerciements . Il est bien beau et bien rare de se souvenir dans son île de ceux qu'on a vu dans le continent . Votre souvenir me flatte beaucoup plus que celui d'un autre .
Vous avez pris un temps bien peu favorable pour voir l'Allemagne et peut-être un temps assez triste pour retourner dans votre patrie . Il me semble qu'il y a beaucoup de division et les arts ne s'en trouvent pas mieux . Mais les dissensions publiques n'ont pas troublé votre tranquillité dans votre compagnie . Vous devez voir tous ces orages d'un œil serein .
Illum non populi fasces, non purpura regnum
Flexit aut infidos agitans discordia fratres
Nec conjurato descendens Dacus ab Istro .5
Farewell good sr, live happy and do not forget yr faithfull friend 6,
l'hermite des Délices . »
2 Le café Nandos se trouvait au coin de Fleet Street et de Inner Temple Lane à Londres . Voir page 105 : http://books.google.fr/books?id=aQApAAAAYAAJ&pg=PA105&dq=caf%C3%A9+nandos+londres&hl=fr&sa=X&ei=gnH1UKKpKYTHtAaM74CwAg&ved=0CEYQ6AEwAw#v=onepage&q=caf%C3%A9%20nandos%20londres&f=false
là où « le punch était excellent et les filles de comptoir fort jolies ».
4 Voir lettre du 1er septembre à de Brenles : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/14/vous-m-avez-debauche-et-vous-me-laissez-la.html
Voir lettre de janvier-février 1756 à Gabriel et Philibert Cramer où V* en fait mention ; c'est The Divine Legation of Moses demonstrated on the principles of a religious deist, 1755,(1738) que V* obtint au bout de deux ans d'un voyageur anglais .Voir : http://openlibrary.org/books/OL17963079M/The_divine_legation_of_Moses_demonstrated_on_the_principles_of_a_religious_Deist
5 Virgile, Georgiques, II, 495-497 ; Celui-là, ni les faisceaux du peuple, ni la pourpre des rois ne l'émeuvent, ni la discorde qui dresse l'un contre l'autre des frères sans foi, ni le Dace descendant du Danube .
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11/01/2013
Je l'aime, malgré le tourment qu'elle me donne, à cause du plaisir qu'elle me donnera.
... Combien de mains se lèvent pour dire que le sujet de tourment est une femme ?
Ouiiii ...
Combien disent qu'il s'agit de leur nouvelle voiture ?
Ouiii ...
Combien ont lu le texte de Voltaire avant de répondre ?
Aucun ? Dommage, vous n'avez plus droit à aucun joker, le seul possible étant l'appel à un ami : Voltaire .
Comme Voltaire, il faut po-si-ti-ver; les tracas du jour, comme les bonnes choses aussi, peuvent passer , à nous de faire naître ce qu'il y a/aura de meilleur sur cette terre .
« A M. Elie BERTRAND.
Lausanne, 21 octobre [1757].
Il y a, mon très-cher philosophe, force méchants et force fous en ce bas monde, comme vous le remarquez très à propos mais vous êtes la preuve qu'il y a aussi des gens vertueux et sages. Les La Beaumelle et les insectes de cette espèce pourraient nous faire prendre le genre humain en haine; mais des cœurs tels que M. et Mme de Freudenreich nous raccommodent avec lui. Il s'en trouve de cette trempe à Genève. Les brouillons qui ont répondu avec amertume à vos sages insinuations sont désapprouvés de leurs confrères, et ont excité l'indignation des magistrats. Pour moi, j'ai tenu la parole que j'ai donnée de ne rien lire des pauvretés que des gens de très-mauvaise foi se sont avisés d'écrire. Toute cette basse querelle est venue de ce que j'ai donné l'Histoire générale aux Cramer, au lieu d'en gratifier un autre 1. Le chef de la cabale 2 est celui-là même qui avait fait imprimer l'Histoire générale en deux volumes, lorsqu'elle était imparfaite, tronquée, et très-licencieuse. Il s'élève contre elle lorsqu'elle est complète, vraie, et sage. Je n'ai fait que produire les lettres de ce tartufe, par lesquelles il me priait de lui donner mon manuscrit. Elles l'ont couvert de confusion. Il se meurt de chagrin, je le plains, et je me tais. Il demanda, il y a six semaines, au conseil, communication du procès de Servet. On le refusa tout net. Hélas! il aurait vu peut-être qu'on brûla ce pauvre diable avec des bourrées vertes où les feuilles étaient encore 3; il fit prier maître Jehan Calvin, ou Chauvin, de demander au moins des fagots secs et maître Jehan répondit qu'il ne pouvait en conscience se mêler de cette affaire. En vérité, si un Chinois lisait ces horreurs, ne prendrait-il pas nos disputeurs d'Europe pour des monstres?
Ajoutons, pour couronner l'œuvre, que c'est un anti-trinitaire qui veut aujourd'hui justifier la mort de Servet.
Quam temere in nosmet legem sancimus iniquam ! 4
Je vais écrire pour avoir des nouvelles de Syracuse. Il n'est pas juste qu'elle perde l'honneur de son tremblement; il faut qu'il soit enregistré dans le greffe de mon cher philosophe 5.
Je n'ai point encore déballé mes livres. La maison est pleine de charpentiers, de maçons, de bruit, de poussière, et de fumée. Je l'aime, malgré le tourment qu'elle me donne, à cause du plaisir qu'elle me donnera.
Bonsoir, mon vertueux ami. Dieu nous donne la paix cet hiver, ou au plus tard le printemps !
Si j'osais, je lui demanderais un peu de santé; mais je n'irai pas le prier de déranger l'ordre des choses pour donner un meilleur estomac à un squelette de cinq pieds trois pouces de haut sur un pied et demi de circonférence. Tout malingre que je suis, je ne me plains guère et je vous aime de tout mon cœur.
V.»
3 Cette allégation doit venir de Christophorus Chr. Sandius dans Bibliotheca anti-trinitariorum, 1684 .
4 Horace., liv. I, Satires. III, v. 67 : Par quel aveuglement donnons-nous notre sanction à une loi inique envers nous-mêmes !
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