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18/09/2012

L'ambition a toujours bouleversé la terre, et deux ou trois personnes ont toujours fait le malheur de deux ou trois cent mille

 ... Aujourd'hui , comme toujours, mon cher Voltaire, la place manque pour en indiquer tous les exemples (à ne pas suivre !) . Bien heureux quand ça se limite à deux ou trois cent mille victimes .

Pognon et gros canons !

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Petite dédicace à Voltaire et Mam'zelle Wagnière conjointement : http://www.deezer.com/music/track/46251511  en opposition à ce monde de brutes .

 

 

 

« A madame la duchesse de SAXE-GOTHA

Aux Délices, près de Genève, 4 janvier [1757].

Madame, Votre Altesse sérénissime a peut-être reçu, ou du moins recevra bientôt, un Essai sur l'Histoire générale, depuis Charlemagne jusqu'à nos jours 1. Je mets à ses pieds le premier exemplaire. Il n'a pas une belle couverture, mais j'aurais attendu trop longtemps à vous rendre mon hommage. Il se passe actuellement, madame, des choses qui nous paraissent bien étonnantes, bien funestes mais si on lit les événements des autres siècles, on y voit encore de plus grandes calamités. Tous les temps ont été marqués par des malheurs publics. L'ambition a toujours bouleversé la terre, et deux ou trois personnes ont toujours fait le malheur de deux ou trois cent mille.
La relation dont Votre Altesse sérénissime daigne me parler dans sa dernière lettre n'était point dans son paquet; mais je présume que c'est la même qui se vend publiquement dans notre Suisse. Toutes les pièces de ce grand procès 2 s'impriment ici mais qui jugera ce procès? La fortune probablement. Cette fortune dépend beaucoup des baïonnettes et de la discipline militaire. On disait que les Prussiens s'emparaient d'Erfurt ce bruit se trouve faux mais ce qui est vrai, c'est que Erfurt devait appartenir à votre auguste maison.
Je ne fais point de réflexions, je fais des vœux, et tous mes vœux sont pour le bonheur d'une princesse dont je regrette la présence tous les jours de ma vie, dont les éloges sont sans cesse dans la bouche de tous ceux qui ont approché d'elle, et dont mon cœur sera toujours le sujet. Ah! si je pouvais quitter une famille qui a tout quitté pour moi, je sais bien où j'irais porter mon profond respect. »

2 Les premiers évènements de la Guerre de Sept Ans : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Sept_Ans

 

Mes paroles oiseuses auraient-elles beau jeu au milieu de toutes vos occupations, de tous vos devoirs, des tracasseries parlementaires et épiscopales, et de la crise de l'Europe?

 ... Pourriez-vous me répondre Monsieur le Président ? Ou plutôt non, ne dites rien, je sais d'avance votre réponse et s'il était encore possible de me fâcher, ce serait une occasion nouvelle de le faire .

 Parlez peu, agissez !

 Actualité récente : http://www.lecanardenchaine.fr/une4794.html

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« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.

Aux Délices, près de Genève, 3 janvier 1757.

L'humanité et moi, nous vous remercions de votre lettre. J'en ai donné copie selon vos ordres, monseigneur 1. Si elle ne fait pas beaucoup de bien à l'amiral Byng, elle vous fera au moins beaucoup d'honneur; mais je ne doute pas qu'un témoignage comme le vôtre ne soit d'un très-grand poids. Vous avez contribué à faire Blakeney pair d'Angleterre 2; vous sauverez l'honneur et la vie à l'amiral Byng.3
Le Mémoire de l'envoyé de Saxe, présenté aux États-Généraux, et qui est une réponse au Mémoire justificatif du roi de Prusse,4 fait partout la plus vive impression. Je n'ai guère vu de pièce plus forte et mieux écrite. Si les raisons décidaient du sort des États, le roi de Pologne serait vengé; mais ce sont les fusils et la marche redoublée qui jugent les causes des souverains et des nations. Les Prussiens ont quitté Leipsick; ils sont en Lusace, où l'on se bat au milieu des neiges. On me mande de Vienne qu'on y a une crainte de ces Prussiens très-indécente. Je voudrais vous voir conduire contre eux gaiement des Français de bonne volonté, et voir ce que peut sous vos ordres la furia francese contre le pas de mesure et la grave discipline; mais je craindrais que quelque balle vandale n'allât déranger l'estomac du plus aimable homme de l'Europe.
Je vous écris, monseigneur, dès que j'ai quelque chose à vous mander. Alors mon cœur et ma plume vont vite. Mais quand je ne vois que mes arbres et mes paperasses, que voulez-vous que le Suisse vous mande? Mes paroles oiseuses auraient-elles beau jeu au milieu de toutes vos occupations, de tous vos devoirs, des tracasseries parlementaires et épiscopales, et de la crise de l'Europe?
Vous voilà-t-il pas bien amusé, quand je vous souhaiterai cinquante années heureuses, quand je vous dirai que la Suissesse Denis et le Suisse Voltaire vous adorent? Vous avez bien affaire de nos sornettes! Conservez-moi vos bontés, et agréez mon très- tendre respect. »

3 Malheureusement, John Byng sera condamné et exécuté.

 

17/09/2012

Monsieur, quoique je vous sois presque inconnu

... Je continuerai à vous faire connaître autant que possible la correspondance voltairienne , et bien sûr à vous aussi Madame .

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« A l'amiral BYNG 1

1757 2

Monsieur, quoique je vous sois presque inconnu, je pense qu'il est de mon devoir de vous envoyer une copie de la lettre que je viens de recevoir de M. le maréchal de Richelieu,3 l'honneur, l'humanité, l'équité, m'ordonnent de la faire passer entre vos mains. Ce témoignage si noble et si inattendu de l'un des plus sincères et des plus généreux de mes compatriotes me fait présumer que vos juges vous rendront la même justice.
Je suis avec respect...

VOLTAIRE »

2 Cette lettre est probablement du même jour que celle à Richelieu le 3 janvier 1757.

 

Le sujet est délicat , mais il comporte de bien bonnes vérités qu'on peut dire.

... Comme le vote des étrangers ? pour qui, pour quand ?

... Comme le mariage gay ? Barbarin (monsignore) déjanté ?

... Comme les roberts de Kate ? quel prix pour chacun ? remise pour la paire ?

... Comme la colère anti-américaine ? islam alibi = permis de tuer ?

 Comme un poisson volant ?

(chair délicate sur arides arêtes )

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« A M. D'ALEMBERT.

28 décembre [1756].

Je vous renvoie Histoire 1, mon cher grand homme j'ai bien peur que cela ne soit trop long; c'est un sujet sur lequel on a de la peine à s'empêcher de faire un livre. Vous aurez incessamment Imagination 2, qui sera plus court, plus philosophique, et par conséquent moins mauvais. Avez-vous Idole et Idolâtrie? c'est un sujet qui n'a pas encore été traité depuis qu'on en parle. Jamais on n'a adoré les idoles; jamais culte public n'a été institué pour du bois et de la pierre, le peuple les a traitées comme il traite nos saints. Le sujet est délicat 3, mais il comporte de bien bonnes vérités qu'on peut dire.
Comment pouvez-vous avoir du temps de reste, avec le Dictionnaire de l'univers sur les bras?
Mme Denis et moi, nous vous souhaitons la bonne année tout simplement. »

3 Voyez tome XIX, page 402 : Dictionnaire philosophique : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113355/f405.image

et, ci-après, la lettre à Diderot, du 26 juin 1758 ; page 462 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f465.image.r=3626

 

16/09/2012

Comment faites-vous, madame, pour nous donner à la fois tant de plaisir et tant de jalousie?

... Vous écrivez ! ...

Vous écrivez sans relache, chère Mam'zelle Wagnière, vous nous aidez à connaitre Voltaire, sans fard, brut de décoffrage oserais-je dire, et c'est bien . J'ai mis mes pas dans les vôtres , hier et aujourd'hui, au château, et je fais des voeux pour vous y revoir bientôt .

 Je vous suis fort attaché

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« A madame Marie-Anne du BOCCAGE. 1

Aux Délices, route de Genève, 30 décembre [1756].

Comment faites-vous, madame, pour nous donner à la fois tant de plaisir et tant de jalousie? Nous avons reçu, Mme Denis et moi, votre présent 2 avec transport; nous le lisons avec le même sentiment. C'est après la lecture du second chant que nous interrompons notre plaisir pour avoir celui de vous remercier. Ce second chant surtout nous parait un effort et un chef-d'œuvre de l'art. Nous ne pouvons différer un moment à nous joindre avec tous ceux qui vous diront combien vous faites d'honneur à un art si difficile, à notre siècle, que vous enrichissez, et à votre sexe, dont vous étiez déjà l'ornement. Que vous êtes heureuse, madame! Tout le monde, sans doute, vous rend la même justice que nous. On ne falsifie point, on ne corrompt point les beaux ouvrages dont vous gratifiez le public, tandis que moi, chétif, je suis en proie à des misérables qui, sous le nom d'une certaine Pucelle, impriment tout ce que la grossièreté a de plus bas, et ce que la méchanceté a de plus atroce. Je me console en vous lisant, madame et, permettez-moi de le dire, en comptant sur votre justice et votre amitié. Vous la devez, madame, à un homme qui sent aussi vivement que moi tout ce que vous valez, qui s'intéresse à votre gloire, et qui vous sera toujours attaché malgré l'éloignement.
Mme Denis vous dit les mêmes choses que moi nous vous remercions mille fois. Nous allons reprendre notre lecture nous vous aimons, nous vous admirons. Comment vous dire que je suis comme un autre, madame, avec respect, etc. »

2 La Colombiade, ou la Foi portée au nouveau monde, poême épique en dix chants dédié au pape Benoit XIV ; 1756, in-8*. http://books.google.fr/books?id=YUtFAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

 

15/09/2012

(In)Culture , patrimoine et forte femme

Je sais que les occasions de rire ne demandent qu'à être multipliées, qu'elles ne sont cependant pas si nombreuses, qu'elles se présentent à l'improviste, comme celle de ce jour dont je vous fais profiter .

Après ma visite du château de Voltaire, -journée du patrimoine oblige-, j'ai parcouru encore une fois le parc et contrairement à mes dernières périgrinations, j'ai pris le temps de lire tous les panneaux indicatifs . L'allée des charmilles , qui est naturellement et joliment fleurie de petits cyclamens, va m'offrir une fleur de réthorique originale .

... Demi étonnement car je connais les limites des salariés de la culture, puis doute, puis joie de chasseur de perles  . ... Cherchez l'erreur !

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Après enquête auprès du maître des lieux -Voltaire himself-, j'ai eu la confirmation de ce dont je me doutais déjà (facile au vu des portraits d'époque ) : Mme Marie-Louise Denis était une forte femme à qui "la manutention" d'un château ne faisait pas peur !  Fille de  Popeye et Superwoman sans aucun doute !

Moi, ce qui me fait peur, c'est de voir le patrimoine de la langue française aussi mal utilisé .

Reste à savoir combien de têtes se sont alliées pour pondre cette anerie .

Monsieur l'administrateur du château , ton français fout le camp !

 

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PS - En date du 30 mars 2017, voir http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/03/27/3... , il n'est jamais trop tard pour s'amender .

14/09/2012

Quand on s'est fait à notre âge, madame, une retraite agréable, il faut en jouir

... Que dire de plus ?

Voici ce que m'évoque cette lettre du jour, l'attitude de Volti me semble alors être "escargotesque", home sweet home !

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« A Madame de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg.
Aux Délices, 27 décembre [1756].

Je ne conçois rien, madame, à l'aventure de la lettre du 3 novembre dont vous me faites l'honneur de me parler mais aussi je n'entends pas davantage toutes les aventures de ce bas monde.
Évoques, parlements, Saxons, Prussiens, Autrichiens, Russes, tout cela me confond. Il y a douze mille ouvriers à Lyon qui mendient leur pain, parce que le roi de Prusse a dérangé le commerce de Leipsick; et ce monarque prétend que Leipsick lui a beaucoup d'obligation. La famine menace la Saxe et la Bohême.
Laissons les hommes faire leur commun malheur, et jouissons de notre heureuse tranquillité, vous à l'île Jard, et moi aux Délices. Je ne me plains que d'être trop loin de vous. Ne croyons rien de tout ce qu'on nous dit. Il est vrai qu'un misérable s'est avisé de faire une édition infâme d'une Pucelle; mais il n'est pas vrai que je dusse retourner en France. Dieu me préserve de quitter la retraite charmante que je me suis faite, et qui mérite son nom de Délices! Quand on s'est fait à notre âge, madame, une retraite agréable, il faut en jouir; c'est le parti sage que vous avez pris, et dans lequel il faut persister.
Permettez-moi de présenter mes respects à monsieur le premier président d'Alsace et à Mme de Klinglin, et surtout à monsieur votre fils. Attendons patiemment l'issue des troubles d'Allemagne. Laissons les gens oisifs écrire au nom du cardinal de Richelieu. Ce monde est un orage, sauve qui peut.
Mme Denis vous souhaite des années de santé et de tranquillité en nombre nous en faisons autant pour Mme de Brumath. Nous n'oublions pas Marie 1 mais nous craignons que les Prussiens ne troublent la maison archiducale. Adieu, madame; conservez vos bontés au bon Suisse V. »

 

 

 

1 Marie-Thérèse d'Autriche .