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Les hommes sont faits originairement, ce me semble , pour penser, pour s'instruire, et non pour se tuer.

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En douceur, la liberté ...

 

 

« A René-Louis de Voyer de Paulmy, marquis d'Argenson


 

A La Haye, au palais du roi de Prusse

le 8 d'août [1743]


 

Soyez chancelier de France, Monsieur, si vous voulez que j'y revienne ; rendez-nous la gloire des lettres quand nous perdons celle des armes . Les hommes sont faits originairement, ce me semble , pour penser, pour s'instruire, et non pour se tuer. Faut-il que la guerre ne soit pas encore la seule persécution que les arts essuient ? Je gémis de voir ce pauvre abbé Lenglet [Lenglet du Fresnoy : Mémoires servant d'éclaircissement et de preuves à l'histoire de M. de Thou, tome 6è,... 1743] enfermé, à soixante-dix ans, dans la Bastille, après nous avoir donné une bonne méthode pour étudier l'histoire, et d'excellentes tables chronologiques [La Méthode pour étudier l'histoire, 1713 et les Tables chronologiques de l'histoire universelle,1729]. Qui sont donc les vandales qui se sont imaginés que l'impression du VIème volume des additions à l'Histoire de ce bon président de Thou était un crime d'État ? Quel comble de barbarie et quel excès de petitesse de ne pas permettre qu'on imprime des livres où l'on explique Newton, et où l'on dit que les rêveries de Descartes sont des rêveries !


 

J'aime encore mieux l'abus qu'on fait ici de la liberté d'imprimer ses pensées, que cet esclavage dans lequel on veut chez vous mettre l'esprit humain. Si l'on y va de ce train, que nous restera-t-il que le souvenir de la gloire du beau siècle de Louis XIV ?


 


 

Cette décadence me ferait souhaiter de m'établir dans le pays où je suis à présent. N'ayant rien à y prétendre, je n'aurais point de plaintes à former. Je vivrais tranquille, et j'y souhaiterais à la France des temps plus brillants.


 

Il y a ici des hommes très estimables ; La Haye est un séjour délicieux l'été, et la liberté y rend les hivers moins rudes. J'aime à voir les maîtres de l'État simples citoyens. Il y a des partis, et il faut bien qu'il y en ait dans une république ; mais l'esprit de parti n'ôte rien à l'amour de la patrie, et je vois de grands hommes opposés à de grands hommes.


 

Je suis bien aise, pour l'honneur de la poésie, que ce soit un poète [William Van Haren, poète et député ; il pense que le gouvernement hollandais ne soutient pas assez Marie-Térèse] qui ait contribué ici à procurer des secours à la reine de Hongrie, et que la trompette de la guerre ait été la très humble servante de la lyre d'Apollon. Je vois d'un autre côté, avec non moins d'admiration, un des principaux membres de l'État dont le système est tout pacifique, marcher à pied sans domestiques, habiter une maison faite pour ces consuls romains qui faisaient cuire leurs légumes, dépenser à peine deux mille florins par an pour sa personne et en donner plus de vingt mille à des familles indigentes.[V* pense à Halluin, de Dordrecht]


 

Ces grands exemples échappent à la plupart des voyageurs. Mais ne vaut-il pas mieux voir de telles curiosités que les processions de Rome, les récollets au capitole, et le miracle de Saint Janvier [son sang coagulé, dans une fiole, doit se liquéfier le jour de sa fête, sinon cest un mauvais présage]? Des hommes de bien, des hommes de génie : voilà mes miracles.



 

Ce gouvernement-ci vous plairait infiniment, même avec les défauts qui en sont inséparables. Il est tout municipal, et voilà ce que vous aimez. La Haye d'ailleurs est le pays des nouvelles et des livres ; c'est proprement la ville des ambassadeurs ; leur société est toujours très utile à qui veut s'instruire. On les voit tous en un jour. On sort, on rentre chez soi ;chaque rue est une promenade ; on peut se montrer, se retirer tant qu'on veut. C'est Fontainebleau, et point de cour à faire.



 

Adieu, Monsieur ; plût à Dieu que je pusse vous faire la mienne ! Vous savez si je vous suis attaché pour jamais. »

 

 

Restons zen encore un peu :

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08/08/2010 | Lien permanent

... se venger, ou du moins de quitter un pays où se commettent tous les jours tant d'horreurs

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« A Jean Le Rond d'Alembert


Aux eaux de Rolle en Suisse par Genève 23 de juillet [1766]


Oui, vraiment, je le connais ce mufle de bœuf et ce cœur de tigre [], qui mérite par ses fureurs ce qu'il a fait éprouver à l'extravagance [#¶¶]; et vous voulez prendre le parti de rire, mon cher Platon [#¶¶¶! Il faudrait prendre celui de se venger, ou du moins de quitter un pays où se commettent tous les jours tant d'horreurs. N'auriez-vous pas déjà lu la relation ci-jointe [#¶¶¶¶]? Je vous prie de l'envoyer à frère Frédéric, quoiqu'elle ne soit pas tout à fait exacte, il est de la plus grande importance qu'il l'ait de cette façon, afin qu'il soit plus irrité, et qu'il accorde une protection plus marquée et plus durable à cinq ou six hommes de mérite qui veument se retirer dans une province méridionale de ses Etats, et y cultiver en paix la raison, loin du plus absurde fanatisme qui ait jamais avili le genre humain, et loin des scélérats qui se jouent ainsi du sang des hommes [#¶¶¶¶¶]. L'extrait de la première relation est d'une vérité reconnue ; je ne suis pas sûr de tous les faits contenus dans la seconde, mais je sais bien qu'en effet il y a une Consultation d'avocats [cf. lettres du 14 juillet à Damilaville et 28 juillet à Florian], et si je puis par votre moyen parvenir à l'avoir, vous ferez une oeuvre méritoire. Je sais que vous n'êtes pas trop lié avec le barreau, mais voilà de ces occasions où il faut sortir de sa sphère. L'abbé Morellet, M. Turgot pourraient vous procurer cette pièce, vous pourriez me la faire tenir par Damilla, qui cherche de son côté. Pourquoi faut-il n'avoir que de telles armes contre des monstres qu'il faudrait assommer ? C'est bien dommage encore une fois, que Jean-Jacques soit un fou et un méchant fou, sa conduite a fait plus de tort aux belles-lettres et à la philosophie que Le Vicaire savoyard ne leur fera jamais de bien. Non, encore une fois, je ne puis souffrir que vous finissiez votre lettre en disant : je rirai [Dans sa lettre, d'Alembert parlait de la « brouillerie » de Rousseau et Hume et concluait : « Pour moi je rirai comme je fais de tout, et je tâcherai que rien ne trouble mon repos et mon bonheur. »]. Ah ! Mon cher ami, est-ce là le temps de rire ? Riait-on en voyant chauffer le taureau de Phalaris [Tyran d'Agrigente qui brûlait ses victimes dans un taureau d'airain, comme on brûla le chevalier de La Barre]? Je vous embrasse avec rage. »

Lettre du 16 juillet de d'Alembert : « Avez-vous connu un certain M. Pasquier, conseiller de la cour …? On a dit de lui que sa tête ressemblait à une tête de veau, dont la langue était si bonne à griller. Jamais cela n'a été plus vrai qu'aujourd'hui ; car c'est lui qui par ses déclamations a fait condamner à la mort des jeunes gens qu'il ne fallait mettre qu'à St Lazare. »


#¶¶ Le chevalier de La Barre avait été exécuté le 1er juillet 1766, cf. lettre du 14 juillet à Damilaville et 28 juillet à Florian.


#¶¶¶ Conclusion réelle de d'Alembert : « Je ne veux plus parler de tout cet auto-dafé …. car cela me donne de l'humeur, et je ne veux que me moquer de tout. »


#¶¶¶¶ Sans doute la prétendue lettre d'Abbeville sur l'affaire de La Barre que V* envoyait le 14 juillet à Damilaville [cf. lettre du 14]


#¶¶¶¶¶ Le 25, à Damilaville : « Le roi de Prusse vient d'envoyer 500 livres à Sirven … il ne l'a fait qu'à ma prière … Je ne doute pas … que, si vous vouliez vous établir à Clèves avec Platon (Diderot) et quelques amis, on ne vous fit des conditions très avantageuses ; on y établirait une imprimerie …, on y établirait une autre manufacture plus importante, ce serait celle de la vérité. »

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23/07/2010 | Lien permanent

Culture gratos pour les d'jeuns !

"A Charles -Augustin Ferriol, Comte d'Argental

Mon cher ange, M. de La Harpe m'a mandé qu'on avait lu Irène au tripot . Je serais bien faché qu'elle fut représentée dans l'état où elle est ; c'est une esquisse qui n'est aps encore digne de vous et de la partie éclauirée du public, sans laquelle il n'est pas de véritable succès . Je suis honteux d'avoir donné tant de peine à votre secrétaire . Je vais faire transcrire bientot la pièce entière que je soumettrai en dernier ressort à votre juridiction .
Vous snetez combien il est difficile de nuancer tellement les choses qu'Alexis soit intéressant en étant un peu coupable et que Nicéphore ne soit point odieux, afin qu'ils servent l'un et l'autre à augmenter la pitié qu'on doit avoir pour Irène .
Ce mélange de couleurs n'est pas aisé à saisir par un pinceau de quatre-vingt-quatre ans ; mais j'ai touhjours pensé qu'on pouvait se corriger à tout âge et que si Mathusalem avait fait des vers médiocres, il aurait dû les refaire à neuf cents ans passés .

Je vous demande en grâce d'être mon ange gardien jusqu'à mon dernier jour ; de garder mon esquisse jusqu'à ce que je puisse vous envoyer le tableau . Je vous supplie de ne montrer la pièce à personne . Je me flatte que les comédiens n'en ont point de copie ; j'en serais désepéré, et je conjurerais M. de Thibouville de la retirer de leurs mains . Ce serait alors qu'il faudrait employer la protection et les ordres de M. le maréchal de Duras .

Soyez sûr que je n'ai tarvaillé à cet ouvrage, et que je n'y travaille encore que pour avoir une occasion de venir à paris jouir, après trente ans d'absence,de la bonté que vous avez de m'aimer toujours ; c'est là le véritable dénouement de la pièce . il est triste d'être pressé et de n'avoir pas logtemps à vivre . ce sont deux choses plus difficiles à concilier que les rôles de Nicéphore et d'Alexis .

Sub umbra alarum tuarum plus que jamais . J'en dis autant à M. de Thibouville que je mets dans votre hiérarchie .

Voltaire

14 janvier 1778."

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14/01/2009 | Lien permanent

Il y a des gens qui craignent de manier des araignées, il y en a d'autres qui les avalent.


« A Jean le Rond d'Alembert

1 de mai [1768]

Mon cher ami, mon cher philosophe, que l'être des êtres répande ses éternelles bénédictions sur son favori d'Aranda, sur son très cher Mora, et sur son bien-aimé Villa-Hermosa [le marquis de Mora et le duc de Villa-Hermosa avaient été envoyés à V* par d'Alembert. Le même jour, V* écrit au marquis de Vieilleville : « Le marquis de Mora , fils du comte de de Fuentes ambassadeur d'Espagne à Paris, gendre de ce célèbre M. le comte d'Aranda qui a chassé les Jésuites d'Espagne et qui chassera bien d'autres vermines, est venu passer trois jours avec moi ... C'est un jeune homme d'un mérite bien rare...].

Un nouveau siècle se forme chez les Ibériens. La douane des pensées n'y ferme plus l'allée à la vérité, ainsi que chez les Velches. On a coupé les griffes au monstre de l'Inquisition [Charles III et ses conseillers n'osèrent pas supprimer l'Inquisition, mais ils soumirent ses décrets à l'approbation du Conseil royal et ils adoucirent procédures et pénalités. Dans la Princesse de Babylone, qui vient de paraitre, V* fait jeter au feu par le héros les Inquisiteurs de la « Bétique »], tandis que chez vous le bœuf-tigre [Pasquier, du parlement de Paris dont « la langue est si bonne à cuire » ; cf. lettre à d'Alembert du 16 septembre 1766] frappe de ses cornes et dévore de ses dents            .

L'abominable jansénisme triomphe dans notre ridicule nation, et on ne détruit des rats que pour nourrir des crocodiles. A notre avis, que doivent faire les sages quand ils sont entourés d'insensés barbares ? Il  y a des temps où il faut imiter leurs contorsions et parler leur langage. Mutemus clypeos [changeons de boucliers]. Au reste, ce que j'ai fait cette année [ses Pâques ; cf. lettre du 22 avril à d'Argental], je l'ai déjà fait plusieurs fois, et, s'il plait à Dieu, je le ferai encore. Il y a des gens qui craignent de manier des araignées, il y en a d'autres qui les avalent.

Je me recommande à votre amitié et à celle des frères. Pussent-ils être tous assez sages pour ne jamais imputer à leurs frères ce qu'ils n'ont dit ni écrit ![il pense en particulier à d'Holbach] Les mystères de Mitra ne doivent point être divulgués, quoique ce soient ceux de la lumière ; il n'importe de quelle main la vérité vienne, pourvu qu'elle vienne. « C'est lui, dit-on, c'est son style, c'est sa manière, ne le reconnaissez-vous pas ? » Ah ! Mes frères, quels discours funestes ! Vous devriez au contraire crier dans les carrefours : « Ce n'est pas lui ! » Il faut qu'il y ait cent mains invisibles qui percent le monstre, et qu'il tombe enfin sous mille coups redoublés. Amen.

Je vous embrasse avec toute la tendresse de l'amitié et toute l'horreur du fanatisme. »

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03/05/2010 | Lien permanent

L'Antifinancier peint la misère du peuple, et les vexations des publicains ? Mais il est, ce me semble, comme tous les p

... On dirait bien que Voltaire s'adresse à tous ces disciples  de Mélenchon et autres gens de gauche pour qui le "capital" est l'ennemi mais qui en profitent allègrement sans sourciller . Je ne sais ce que contient la lettre ouverte du président, et peu importe, quoi que ce soit, pour toute évolution, la machine administrative est là pour trainer des pieds comme toujours : heile mit weile !

 

Vieux problème français et 60 millions de solutions hasardeuses à : qu'est-ce qu'une "juste" répartition ?

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ArgentaI

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'ArgentaI

8è janvier 1764 1

Il faut que j'importune encore mes anges . Je viens de lire le livre de L'Antifinancier, et il me fait trembler pour celui de la Tolérance : car si l'un dévoile les iniquités des financiers, l'autre indique des iniquités non moins sacrées . Il n'est plus permis d'envoyer une Tolérance par la poste ; mais je demande comment un livre qui a eu le suffrage de mes anges, de M. le duc de Praslin, de M. le duc de Choiseul, de Mme la duchesse de Gramont, et de Mme de Pompadour, peut être regardé comme un livre dangereux . Je suis toujours incertain si mes anges ont reçu mes paquets ; si ma réponse à l'aréopage comique leur est parvenue ; s'ils ont été contents des trois manières ; s'ils conduisent toujours leur conspiration . Je les accable de questions depuis quinze jours . Je sais bien que les cérémonies du Jour de l'An, les visites, les lettres ont occupé leur temps, et je ne leur demande de leurs nouvelles que quand ils auront du loisir . Mais alors je les supplie de me mettre un peu au fait de toutes les choses sur lesquelles j'ai fatigué leur complaisance .

Je ne sais encore si la Gazette littéraire est commencée, mais ce qui me fâche beaucoup, c'est que si mes yeux guérissent la cure sera longue, et je ne serai de longtemps en état de servir M. le duc de Praslin . S'ils ne guérissent pas , je ne le servirai jamais . Celui de mes anges qui ne m'écrit point me laisse toujours dans l''ignorance sur ses yeux et sur l'état de sa santé , et l'autre qui m'écrit ne me dit pas un mot de ce qui m'intéresse le plus .

N'avez-vous pas été frappés de l'énergie avec laquelle L'Antifinancier peint la misère du peuple, et les vexations des publicains ? Mais il est, ce me semble, comme tous les philosophes qui réussissent très bien à ruiner les systèmes de leurs adversaires, et qui n'en établissent pas de meilleurs .

Je finis ma lettre, et ma journée par la douce espérance que je serai consolé par un mot de mes anges . »

1 La première phrase du second paragraphe, biffée sur la copie, a néanmoins été publiée .

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14/01/2019 | Lien permanent

cela va produire une file de tracasseries qui ne finira point

... Ainsi en est-il à Mayotte : https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/

https://la1ere.francetvinfo.fr/image/rPV9vmgsYwPsfEAzlVpNtOwKzeA/930x620/outremer/2023/03/15/6411713e09d45_etrangers-id13341-800x533.jpg

La misère n'est toujours pas moins pénible au soleil, comme chantait le petit Charles .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

7 décembre à Ferney

Mon cher ange, je vous, dépêche mon gendre 1, qui ne va à Paris ni pour l'opéra de Philidor, ni pour l'Opéra-Comique, ni pour le malheureux tripot de l'expirante Comédie-Française. Il aura le bonheur de faire sa cour à mes deux anges ; cela mérite bien le voyage. De plus, il compte servir le roi, ce qui est la suprême félicité. Puisse-t-il le servir longues années en temps de paix!

J'ai vaincu mon horrible répugnance, en excédant M. le duc de Duras de l'histoire de la falsification de mon testament 2. Je vois bien que je mourrai avant d'avoir mis ordre à mes affaires comiques, et que cela va produire une file de tracasseries qui ne finira point. Le théâtre de Baron, de Lecouvreur, de Clairon, n'en deviendra pas meilleur. La décadence est venue, il faut s'y soumettre . C'est le sort de toutes les nations qui ont cultivé les lettres ; chacune a eu son siècle brillant, et dix siècles de turpitude.

Je finis actuellement par semer du blé, au lieu de semer des vers en terre ingrate, et j'achève, comme je le puis, ma ridicule carrière.

Vivez heureux en santé, en tranquillité.

Dites , je vous prie , à M. de Thibouville que j'ai écrit à M. le duc de Duras 3 .

Adieu, mon ange, que j'aimerai tendrement jusqu'au dernier moment de ma vie.

V. » 

1 Dupuits .

2 Cette lettre, on l'a vu dans la lettre du 30 novembre 1767 à Lekain (http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/06/18/je-sais-seulement-que-le-public-doit-etre-servi-de-preferenc-6447848.html ) ne nous est pas parvenue , mais on a la réponse du duc de Duras qui dit ceci en réponse à l'article du « testament » : « Il est certain que votre testament n'a pas été .exécuté avec la bonne foi que la candeur de Mlle Dubois pouvait faire espérer . Elle a voulu vous tromper comme elle trompe ses amants et même les greluchons . Elle a adjoint quelques lignes à la lettre que vous lui avez écrit . La bonne foi de Mlle Durancy en a été la dupe et son amour-propre la détermina à quitter la comédie pour retourner à l'opéra où ses succès sont peut-être plus amers . Je sais bien ce qu'il faudrait pour mettre tout le monde d'accord . Il en existe une qui comme vous ne peut jamais être remplacée . On l'a forcé de quitter un spectacle dont elle faisait l'ornement et malgré la sagesse qui dirige les premiers gentilshommes de la chambre, j'ose dire qu'il est impossible d'avoir une conduite plus pitoyable . Je pourrais pour me justifier dire que tout s'est passé contre mon avis mais l’événement n'en a pas moins eu les suites les plus désagréables pour le spectacle . Il faudrait un prophète comme vous pour la convertir . Je ne suis ni assez jeune ni assez éloquent pour entreprendre une besogne aussi difficile . »

3 Cette phrase est supprimée dans l'édition de Kehl .

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26/06/2023 | Lien permanent

Le temps étant fort cher

... Faites votre prix, mon temps est compté, d'où sa valeur . Les enchères sont ouvertes ...

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

[vers le 5 septembre 1759] 1

Le temps étant fort cher , mon cœur tout plein, ma tête épuisée, Pierre le Grand m'occupant du matin au soir, le nouveau semoir à cinq tuyaux demandant ma présence, cinquante maçons me ruinant, l'abbé d'Espagnac me chicanant, trois ou quatre petits procès me lutinant, et mes yeux n'en pouvant plus, je dicte avec humilité le présent mémoire, et je supplie le comité des anges de le lire avec bonté, attention et sans prévention .

1° Pour M. l'abbé d'Espagnac , je n'en parlerai pas pour avoir plus tôt fait . Je me borne à remercier tendrement les dignes ministres qui veulent bien traiter avec lui ; je le soupçonne d'être difficile en affaires, et si les édits du traducteur de Pope 2 sont entre ses mains, je crois que la critique sera épineuse .

2° Je prie tous les anges de députer M. de Chauvelin l'ambassadeur,3 et de lui faire prendre absolument la route de Genève, qui est plus courte que celle de Lyon . Un homme accoutumé à passer les Alpes passera bien le mont Jura . Son chemin sera plus court de 25 lieues en prenant la route de Dijon, St Claude et Annecy ; nous lui promettons de lui jouer une tragédie et une comédie dans la masure appelée château de Tournay, sur un théâtre de Polichinelle, mais dont les décorations sont très jolies . Il me verra faire le vieillard d'après nature ; nous le logerons au Délices ; il peut être sûr d'être très étroitement logé, mais gaiement et dans la plus jolie vue du monde ; on logera son secrétaire et son valet de chambre encore plus mal, mais on lui fera manger des truites . Il verra s'il veut les graves syndics de Genève, les ministres sociniens, et trouvera encore le secret de leur plaire selon son usage .

3° Il trouvera des cœurs sensibles à toutes ses bontés, pénétrés d'estime et de reconnaissance ; on discutera avec lui son mémoire sicilien 4, qui est plein de sagacité et de vues fines et étendues .

4° Madame Scaliger saura qu'il n'y a aucune de ses critiques , excepté celle du billet adultère, que nous n'ayons approuvées . Nous en reconnûmes la justice il y a plus de six semaines, nous fûmes même beaucoup plus difficiles qu'elle, et nous pouvons assurer que nous avons poussé la sévérité aussi loin que si nous avions jugé la pièce d'un autre .

5° Il faut considérer que la pièce ayant été faite en moins d'un mois, on avait voulu essayer seulement s'il en pouvait résulter quelque intérêt ; c'est la première chose dont il faut s'assurer, après quoi le reste se fait aisément . Le fond de la pièce est une femme vertueuse et passionnée, convaincue d'un crime qu'elle n'a pas commis, sauvée du supplice par son amant qui la croit criminelle, méprisée par celui qui l'a sauvée, et pour qui elle avait tout fait, plus désespérée de se voir soupçonnée par son amant qu'elle n'a été affligée d'être conduite au supplice, enfin son amant mourant dans ses bras, et ne reconnaissant la fidélité de sa maîtresse qu'après avoir reçu le coup de la mort, qu'il a cherchée, ne pouvant survivre au crime d'une femme qu’il adorait .

L'intérêt qui doit naître de ce sujet était affaibli par deux défauts dont le premier a été très bien censuré dans l'écrit de Mme Scaliger . Ce défaut consistait dans l'invraisemblance, dans le peu de fondement de l'accusation portée contre Aménaïde, dans l'oubli des accessoires nécessaires pour rendre Aménaïde coupable à tous les yeux, surtout à ceux de Tancrède . La correction de ce défaut ne dépendait que de quelques éclaircissements préliminaires, de quelques détails , de quelques arrangements historiques . C'est un travail auquel on ne s’est pas voulu livrer dans la chaleur de la composition . J'ai traité cette pièce comme la maison que je fais bâtir à Ferney ; je fais d'abord élever les quatre faces , pour voir si l'architecture me plaira, et ensuite je fais les voutes des caves et les égouts ; chacun a sa méthode . Les anges verront par la première édition qu'on leur enverra, que non seulement la partie historique qu'ils désiraient est traitée à fond, mais qu'elle répand encore dans la pièce autant d'intérêt que de lumière, et on espère que madame Scaliger sera contente .

6° Le second défaut consistait dans des longueurs, dans des redites, qui détruisaient l'intérêt au quatrième et cinquième acte . M. de Chauvelin a fait sur ce vice essentiel un mémoire plein de profondeur et de génie . On voit bien d'ailleurs que ce mémoire est d'un ministre public car il propose que Norador 5 soit instruit par ses espions de la condamnation d'Aménaïde, et qu'il envoie sur-le-champ un agent pour déclarer qu'il va mettre tout à feu et à sang, si on touche à cette belle créature . Je prendrai la liberté, quand j'aurai l'honneur de le voir de lui représenter mes petites difficultés sur cette ambassade ; je lui dirai qu'il est bien difficile que Norador soit instruit de ce qui se passe dans la ville lorsqu'on se prépare à lui donner bataille, lorsque les portes sont fermées, les chemins gardés, et si bien gardés qu'on vient de prendre le messager d'Aménaïde, qui les connaissait si bien . Je lui dirai encore que si Norador prenait dans ces circonstances un si violent intérêt à Aménaïde, elle ne pourrait plus guère se justifier aux yeux de Tancrède . Car qui assurera Tancrède que le billet sans adresse qui fait le corps du délit, n'était pas pour Norador ? L'ambassade même de ce Turc ne dit-elle pas clairement que le billet était pour lui ? Il n'y a que le père qui puisse certifier à Tancrède l'innocence de sa fille . Mais comment ce père pourra-t-il lui-même en être convaincu, si sa fille garde longtemps le silence comme on le veut dans ce mémoire ? Ce silence même ne serait-il pas une terrible preuve contre elle ? N'est-il pas absolument nécessaire qu'Aménaïde en voyant Tancrède , au 3è acte, se déclarer son chevalier, avoue à son père dans les transports de sa joie que c’est à lui qu'elle a écrit, et qu'elle n'ose le nommer devant ses persécuteurs, de peur de l'exposer à leur vengeance ? Cela n'est-il pas bien plus vraisemblable, bien plus passionné, bien plus théâtral ?

7° On dit dans le mémoire qu'il n'est pas naturel que Tancrède, dans le 4è acte, coure au combat, sans s'éclaircir avec Aménaïde, qu'elle doit lui dire, Arrêtez, vous croyez avoir combattu pour une perfide qui écrivait à un Turc, et c'est à un bon chrétien, c'est à vous que j'écrivais . Je répondrai à cela, qu'il y a des chevaliers sur la scène, que ces chevaliers sont les ennemis de Tancrède, qu'ils trouveraient Aménaïde aussi coupable de lui avoir écrit contre la loi, que d'avoir écrit à Norador . J'ajouterai que dans la pièce telle qu'elle est, Tancrède n’est point connu , qu'il était en effet très ridicule qu'on le reconnût au commencement du 4è acte, que c'était la principale source de la langueur qui énervait les deux derniers, qu'il y avait encore là une confidente, grande diseuse de choses inutiles, et que tout ce qui est inutile refroidit tout ce qui est nécessaire . J'aurai d'ailleurs beaucoup de remerciements à faire, et quelques objections à proposer, mais j'apprends dans ce moment des nouvelles de mes vaches et de mes semailles, qui sont autrement importantes que les amours de Tancrède et d' Aménaïde . Les sangsues du pays de Gex veulent encor me faire payer un centième denier, parce que j'ai prêté mille écus à un pauvre diable pour le tirer de prison ; je vais faire un beau mémoire pour M. de Chauvelin l'intendant 6 qui me fera encore plus d'objections que monsieur son frère .

Le résultat de tout ceci, c’est que monsieur l’ambassadeur ne peut pas se dispenser de venir voir la pièce aux Délices . Je la fais copier actuellement et je l'enverrai bientôt au chœur des anges de qui je baise le bout des ailes avec toute humilité, pénétré de reconnaissance pour eux tous, et au désespoir d'être heureux loin d’eux . Mais tout le monde me dit que je fais très bien de rester dans mon royaume de Catai et que je suis plus sage que Socrate . Je le crois bien .

N.B.- Que le 3è est tout en action, le 4è en sentiment, le 5è sentiment et action ; vous verrez ! »

1 Le manuscrit est intitulé « Mémoire pour les anges ».

2 Silhouette .

3 Chauvelin et sa femme , en route pour l'Italie passèrent quelques jours avec V* à la fin d'octobre 1759 : voir lettre du 5 novembre 1759 à Mme de Fontaine : 6/11/2010

4 Sur Tancrède dont l'action se passe en Sicile .

5 V* remplaça ce nom par Solamir .

 

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05/10/2014 | Lien permanent

une nouvelle preuve du service essentiel que vous rendez au pays, en renvoyant dans les montagnes cette horde d'employés

... Serait-ce le plan de redressement gouvernemental exposé par notre François national qui mériterait le qualificatif de service essentiel ? Renvoyer les hordes de fonctionnaires fiscaux n'est pas une idée neuve, une bonne partie des impôts servant à les rétribuer, on peut envisager cette solution d'économie .

 ours-loup.jpg

 

 

« A Louis-Gaspard Fabry

Monsieur, j'ai l'honneur de vous envoyer la lettre du curé de Moëns . Cet homme est bien tenace et brave bien insolemment votre médiation . Je vous prie instamment, monsieur, de vouloir bien interposer vos bons offices pour qu'il attende quinze jours ; attendu qu'il est actuellement défendu de faire venir des espèces de Lyon, et qu'on n'en peut tirer de Genève qu'avec une perte considérable . Au reste, ce curé avide et chicaneur qui persécute les pauvres, mériterait plutôt un châtiment exemplaire que de l'argent . Je vous supplie en un mot, qu'il n'accable point 1 de nouveaux frais les communes de Ferney, en attendant qu'on ait pris des mesures convenables .

L'aventure arrivée à une pauvre femme , que je loge par charité à Tournay, et à qui les commis ont enlevé sa farine, pour laquelle on faisait chauffer le four du château, est une nouvelle preuve du service essentiel que vous rendez au pays, en renvoyant dans les montagnes cette horde d'employés qui abîment notre petite province, et qui seront très bien avec les ours et les loups leurs confrères ; si on pouvait leur donner le sieur Ancian pour curé, ce serait très convenable .

J'ai l'honneur d'être du meilleur de mon cœur monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur .

V.

28 décembre [1758] »

1 Point est ajouté par V* au dessus de la ligne .

 

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16/01/2014 | Lien permanent

Je suis fâché d’affliger cette dame, mais elle ne doit s'affliger que des fautes de son mari et ne songer qu'à en hâter

... J'ai beau aimer ce sacré Voltaire, je ne peux l'aimer , ni le suivre dans ses rancunes , c'est alors un détestable valétudinaire , il donne sottement du grain à moudre à ses adversaires . Bravo à Mme La Beaumelle .

Mam'zelle Wagnière, vous auriez été de mon avis, en toute bonne foi, j'en suis sûr .

 

 

« A Rose-Victoire de La Beaumelle 1

La dame qui m'écrit est fille d'un homme que j'estime, et femme d'un homme qui m'a outragé . J'ignore si son mari a été à la Bastille ou à Bicêtre, mais je sais qu'il méritait un châtiment plus terrible pour avoir insulté Louis XIV, le duc d'Orléans régent et tous les ministres. Ce ne sont point ici des sottises littéraires, mais des crimes . Ils sont à la vérité les crimes d'un fou, mais ils n'en sont pas moins punissables .

La lettre anonyme que j'ai reçue est en original dans le bureau des ministres, et j'en ai gardé une copie authentique . Tout ce que j'ai écrit à ce sujet est vrai, est prouvé et sera soutenu par moi . Quand on a été coupable de telles atrocités, il n'y a d'autre parti à prendre que celui du repentir . L'insolence dans l’opprobre n'est jamais qu'une mauvaise ressource . On paie cher longtemps les emportements d'une jeunesse effrénée . Si la fille d'un homme de bien qui a eu le malheur d'épouser un homme si coupable veut lui épargner les horreurs attachées à une si mauvaise conduite, elle doit commencer par le faire rougir, et finir par le rendre honnête homme . Ce n'est qu'à ce prix que je puis oublier les actions infâmes . Je suis fâché d’affliger cette dame, mais elle ne doit s'affliger que des fautes de son mari et ne songer qu'à en hâter la réparation.

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi

Au château de Ferney , 25 juin [1767]. »

1 Original signé (archives de la famille Angliviel auxquelles on n'a pas eu accès ) ; éd. Taphanel . Les éditeurs de Kehl quoique ayant pris copie de cette lettre ne l'ont pas publiée, pas plus que la lettre du 24 juin 1767 à La Beaumelle, pour des raisons assez évidentes. Voici l’essentiel de la lettre, très digne, de Mme de La Beaumelle à laquelle répond V* ici .

« 12 juin 1767

« Vous êtes, monsieur, un cruel homme . Depuis douze ans, mon mari n'a pas écrit une syllabe contre vous ; depuis quatre ans, je m'occupe de lui faire oublier toutes ces misères d'auteur . Et tandis que je me flatte d'avoir réussi, je reçois par la poste une lettre horrible que vous écrivez au public contre lui . J'ai été, je vous l'avoue, désolée de ces nouvelles hostilités . M. de La Beaumelle est dans un état à n'avoir pas besoin d'émotions violentes . Je crois donc devoir vous écrire, monsieur, avant de lui montrer cette pièce, afin que, si vous reconnaissez votre tort, comme je l'espère, cette affaire n'aille pas plus loin.

Je vous proteste d'abord, avec toute la vérité possible, que mon mari n'a aucune part aux lettres anonymes qui vous ont été écrites soit de Lyon soit d'ailleurs . Je vois tout ce qu'il écrit. Depuis plus de dix-huit mois il est en proie à des douleurs de tête qui ne lui laissent aucun repos […] Uniquement occupé de sa santé, renfermé dans sa solitude, il est bien éloigné de vous attaquer . J'avais obtenu de lui qu'il supprimerait l'éloge de M. de Maupertuis où vous ne jouez point un rôle avantageux. Votre Traité sur la Tolérance l’avait charmé ; il parlait de vos talents avec admiration, et jamais de ses démêlés avec vous . Et quoiqu’il n’eût pas médiocrement contribué au rétablissement des Calas, tant par des effets réels que par des mémoires d'après lesquels MM. de Beaumont, Loiseau, Mariette et vous-même agîtes et travaillâtes, cependant il vous voyait avec joie vous en attribuer toute la gloire et vous l'attribuait lui-même dans l'occasion .

Enfin je croyais que toutes ces vieilles animosités étaient assoupies pour jamais, lorsque je reçois cette circulaire où vous renchérissez sur tous vos excès passés .

[…] En écrivant que mon mari est un prédicant, qu'il a été à Bicêtre, qu'il a fui avec une servante après un vol fait à la maîtresse de cette servante, prétendez-vous faire croire ce que assurément vous ne croyez pas vous-même ? Vous savez très bien que c'est à la Bastille qu'il a été, où l'on met les auteurs imprudents, et non pas à Bicêtre, où l'on met les malfaiteurs . Vous savez très bien qu'il n'est, ni n'a jamais été prédicant . Tout Genève peut vous l'avoir dit . Il y avait fait une partie de ses études aux dépens de son père . Vous pouvez l'avoir trouvé inscrit dans la matricule des étudiants ; mais sûrement il n'eut jamais l'honneur d'être inscrit, comme vous l'avancez, dans le registre de la compagnie des ministres . Voilà pour ce qu'il a été . Quant à ce qu'il est aujourd'hui, il est seigneur direct, haut , moyen et bas justicier du Carla, ville du comté de Foix […] cette qualité paraît assez incompatible en France avec celle de prédicant .

Je ne parle point du reste . Une imposture semblable à celle de sa condamnation aux galères pour avoir pris l'habitude de fouiller dans les poches de son prochain [...] se réfute d'elle-même. Je vois bien que vous ne voulez que l’inquiéter parce que vous croyez qu'il est votre ennemi . Mais je vous assure qu'il ne l'est pas maintenant . [,,,] Que vous reviendra-t-il au bout ? […] S'il se défend, en serez-vous plus avancé ? Est-il possible qu'à votre âge vous ne puissiez vous résoudre à jouir de votre gloire et à laisser jouir les autres de leur obscurité ? Mon mari ne reprendra plus la plume contre vous ; du moins je l'espère de mes instances, je l'espère même de votre équité .[...] »

Et voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Angliviel_de_La_Beaumelle

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12/01/2023 | Lien permanent

prix de la faveur dangereuse d’un roi capable de mettre de la trahison dans l’amitié même.

Volti fait de la résistance face à un roi ! Il a de nombreuses raisons, dont celle de l'amitié qui ne souffre pas la médiocrité.

J'aimerais aussi faire de la résistance face à un roi autrement plus autoritaire, celui que je porte en moi (et vous aussi, soyez -en sûrs ! ) : le désir amoureux .

Amis, amants, amoureux, je vous parle !

Amoureux et ami d'une belle et charmante femme ! Comment le rester ?

Ami et amant, comment le devenir ?

Je ne connais encore que la réponse de la première question . Pour la seconde, un coeur de femme me fait trembler ...  comme les cordes de la guitare de Georges : http://www.youtube.com/watch?v=BkPcgIOcwhQ

Pour la première fois de ma vie, cette chanson m'amène aux larmes car je l'écoute en pensant à une femme, unique, une femme bien .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

amelot de chaillou.jpg

« A Jean-Jacques Amelot de Chaillou

 

                            Monseigneur,

 

                            Ce que vous mande M. de Valori touchant la conduite du roi de Prusse à mon égard [Valori, envoyé de France en Prusse écrit le 5 à de Chaillou : « Un avis m’est venu… que le roi de Prusse cherchait les moyens de le brouiller (V*) avec la cour pour le réduire à la nécessité de se jeter dans ses bras. Pour y parvenir, ce prince a pris de mesures pour faire passer en France quelques vers … qui portent sur ceux qui l’ont traversé pour son entrée à l’Académie. »] n’est que trop vrai. [On a les lettres écrites ouvertement par Frédéric à Rothenburg, son envoyé à la cour de France, les 17 août, 27 août, 1er septembre ;  il envoyait à Rothenburg le fragment (aggravé, augmenté de prétendus vers de V*) qui concernait Boyer dans la lettre que lui avait adressée V* le 15 juin, pour qu’il le fit parvenir à Boyer.] . Vous savez de quel nom et de quel prétexte je m’étais servi auprès de lui pour colorer mon voyage [Il avait allégué les « persécutions » dont il était l’objet en France, notamment de la part de Boyer, et en particulier son échec à l’Académie]. Il m’a écrit plusieurs lettres sur l’homme qui servait de prétexte, et je lui en ai  adressé quelques-unes qui sont écrites avec la même liberté [V* et Frédéric plaisantaient aux dépens de Boyer : « l’âne de Mirepoix »]. Il y a dans ses billets et dans les miens quelques vers hardis qui ne peuvent faire aucun mal à un roi, et qui en peuvent faire à un particulier. Il a cru que si j’étais brouillé sans ressource avec l’homme qui est le sujet de ces plaisanteries je serais forcé alors d’accepter les offres que j’ai toujours refusées de vivre à la cour de Prusse. Ne pouvant me gagner autrement il croit m’acquérir en me perdant en France , mais je vous jure que j’aimerais mieux vivre dans un village suisse que de jouir à ce prix de la faveur dangereuse d’un roi capable de mettre de la trahison dans l’amitié même. Ce serait en ce cas un trop grand malheur de lui plaire. Je ne veux point du palais d’Alcine [ Roland furieux de l’Arioste] où l’on est esclave parce qu’on a été aimé et je préfère surtout vos bontés vertueuses à une faveur si funeste. Daignez me conserver ces bontés, et ne parler de cette aventure curieuse qu’à M. de Maurepas. Je lui ai écrit de Bareith mais j’ai peur que le colonel Mentzel n’ait ma lettre.

 

                            Voltaire

                            5 octobre 1743. »

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06/10/2009 | Lien permanent

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