Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

quelques corsaires de la littérature annoncent avoir votre ouvrage....Sont-ils faits pour résister à la tentation de mil

 http://www.youtube.com/watch?v=dnKkGRLISQ4&feature=related

 

rhapsodie in blue1069.JPG

 Les joies de l'hiver !

Petit matin bleu, comme mes doigts, mes oreilles, et mon nez que je ne vous montrerai pas !

 

 

« De M. Claude-Etienne DARGET i.

 

 

 

[juillet 1755]

J'étais à courir le monde, mon ancien ami, quand les deux lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, le 11 et le 13 du mois dernier, sont arrivées ici. Elles m'ont suivi à Vésel, où j'ai été me mettre aux pieds de mon ancien maitreii, qui m'a reçu avec une bonté qui mérite à jamais mon attachement et ma reconnaissance; et ce n'est que dans ce moment enfin que je les reçois ici. J'y réponds aussi dans le moment, et je désirerais bien sincèrement que mon exactitude pût contribuer à votre tranquillité; j'entre dans vos peines, et je les partage. Vous auriez peut-être eu moins besoin de consolation si j'avais été toujours à portée d'être votre consolateur. Vous êtes un des grands hommes que je connaisse qui aient le plus de besoin de n'être entouré que d'honnêtes gens. Je n'ai été touché des injures qu'a débitées La Beaumelle que parce qu'il les mettait dans votre boucheiii, et que mon cœur souffrait à avoir des motifs de se refermer pour vous. Je suis enchanté et tranquillisé par les choses obligeantes que vous me dites à cet égard, et je vous en remercie comme d'un bienfait. Ce qui contribue à la paix de l'âme ne peut pas être d'un prix médiocre pour les âmes sensibles. Je suis très-sincèrement touché de l'inquiétude où vous êtes sur le sort de votre Pucelle. Vous n'avez point en mon amitié la confiance que j'ose me flatter d'avoir méritée, vos terreurs ne tomberaient pas sur le manuscrit qui est entre les mains de mon beau-frère. Je ne nie pas que l'on ait su qu'il existait, et c'est ma faute. Sans moi, sans l'envie que j'ai eue de satisfaire la plus juste curiosité du peu de gens de goût que je vous ai nommés, et de les confirmer, par la lecture de cet ouvrage, dans leur admiration pour vous, personne n'aurait entendu parler de ce manuscrit; on ignorerait son existence. Il n'a point été copié ici, ni en France, ni ailleura vous y pouvez compter. Il n'a point été vu, il a toujours été enfermé dans une cassette comme un bijou aussi précieux qu'il l'est en effet; et je vous jure sur mon honneur que je n'ai entendu parler du nommé Grasset que par vous, et que ce n'est pas de cet exemplaire que M. le duc de La Vallière a été le maître de donner mille écus. Mon beau-frère est parti, monsieur, pendant mon voyage, il y a aujourd'hui quinze jours. Il a remporté votre trésor, qu'il a conservé et gardé ici avec tant de soin qu'il m'a refusé de me le confier pour une soirée où je voulais le lire à une femme de mes amies, qui par son esprit méritait bien de l'entendre, mais où il ne pouvait pas être en tiers. Je n'ai point murmuré de sa méfiance, je lui en avais fait une loi à son arrivée. Soyez donc bien persuadé, mon ancien ami, que si ce Grasset a un exemplaire à vendre, ce n'est ni celui-là, ni copie de celui-là. La vérité même n'est pas plus vraie que ce que je vous avance ici, et je m'en établis la caution et le garant, vis-à-vis de vous et vis-à-vis de tout le monde. Je n'ai d'autre bien que ma réputation et ma probité, et vous pouvez compter que je ne les exposerais pas témérairement si j'avais le plus petit doute. J'aurai l'honneur de voir M. d'Argental à ce sujet. Cette malheureuse affaire me devient personnelle, puisque c'est mon zèle indiscret pour quelques amis qui a commis le secret que mon beau-frère s'était imposé sur la possession de ce trésor. Que parle-t-on de mille écus pour ce manuscrit? Un libraire de Hollande en a, je le sais, offert mille louis; mais ce ne serait pas avec tout l'or des Incas qu'on le retirerait des mains dans lesquelles je sais qu'il existe; et encore une fois, monsieur, ce n'est pas des dépôts que vous avez faits de ce côté-là que vous devez avoir de l'inquiétude.
Vous êtes le maître d'écrire au prince Henri, il ne fera que vous confirmer ce que je vous certifie. Il connalt mon beau-frère, et en répondra avec la même assurance que j'en réponds moi-même. Mais pourquoi asseoir vos soupçons uniquement sur ce manuscrit . Ne savez-vous pas qu'il en existe d'autres en d'autres lieux, où l'on en connalt peut-être bien moins le prix et l'importance? Le seul conseil que je puisse vous donner, mon cher ami, est d'être bien certain que ce n'est pas de ce côté-là que vous éprouverez jamais le plus petit sujet de chagrin. Soyez également tranquille sur ce que quelques corsaires de la littérature annoncent avoir votre ouvrage. Il n'est pas public; ils vous en imposent. Sont-ils faits pour résister à la tentation de mille louis?
Ma situation est plus tranquille que brillante. Je vis au milieu de ma patrie. J'ai quelques amis et une amie; et je ne formerais plus de désirs si mon fils ne me faisait pas une nécessité des soins que je dois me donner pour augmenter un peu ma fortuue. Mes protecteurs me le font espérer, et je tâcherai de les seconder par ma conduite. Je viens de lire votre Épître au lac de Genève. Vous êtes toujours vous-méme, puissiez-vous l'être longtemps ! Je vous embrasse de tout mon cœur, monsieur, et je ferai vos commissions auprès de M. de Croismare et de M. Duverney, qui y seront très- sensibles. »

 

ii Frédéric II dont il a été le lecteur et secrétaire particulier .C'est à cette époque qu'il fit la connaissance de V* et que commença leur amitié .

 

 

Lire la suite

08/02/2012 | Lien permanent

Nous avons besoin de succès pour parvenir à une paix nécessaire

... Pas uniquement le succès des armes, bien évidemment , la destruction d'un adversaire/ennemi n'étant pas la garantie d'une paix tant soit peu durable . Tout comme un train peut en cacher un autre, un malfaisant à détruire peut en cacher un autre aussi mauvais, sinon pire , les exemples des années récentes en pays arabes ne manquent pas de le démontrer , hélas .

 

Pablo-Picasso-paix.jpg

 

 

« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg.
6 octobre [1759].
Quand on a mal aux yeux, madame, on n'écrit pas toujours de sa main ; si je deviens aveugle, je serai bien fâché. Ce n'était pas la peine de me placer dans le plus bel aspect de l'univers.
Eh bien! madame, êtes-vous comprise dans tous les impôts? vos fiefs d'Alsace sont-ils sujets à cette grêle ? n'ai-je pas bien fait de choisir des terres libres, exemptes de ces tristes influences ?
Avez-vous auprès de vous monsieur votre fils ? N'a-t-on pas au moins confirmé sa pension, qu'il a si bien méritée par sa valeur et par sa conduite dans cette malheureuse bataille 1 ? L'armée n'a-t-elle pas repris un peu de vigueur? Nous avons besoin de succès pour parvenir à une paix nécessaire. Je suis toujours étonné que le roi de Prusse se soutienne ; mais vous m'avouerez qu'il est dans un état pire que le nôtre. Chassé de Dresde et de la moitié au moins de ses États, entouré d'ennemis, battu par les Russes, et ne pouvant remplir son coffre-fort épuisé, il faudra probablement qu'il vienne faire des vers avec moi aux Délices, ou qu'il se retire en Angleterre, à moins que, par un nouveau miracle, il ne s'avise de battre toutes les armées qui l'environnent ; mais il paraît qu'on veut le miner, et non le combattre. En ce cas, le renard sera pris ; mais nous payons tous les frais de cette grande chasse. Je ne sais aucune nouvelle de Paris ni de Versailles, je ne connais presque plus personne dans ce pays-là. J'oublie, et je suis oublié. Le mot d'oubli, madame, n'est pas fait pour vous. Je vous serai attaché jusqu'au dernier moment de ma vie. La Silhouette, qui rogne les pensions, en a pris pour lui une assez forte 2. Bravo.

V. »

1 Celle de Minden, du 1er août précédent. Voir lettre du 14 août 1759 à la comtesse : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/09/11/cela-ne-peut-ni-se-comprendre-ni-etre-assez-deplore-une-faut-5445195.html

2 Il s'était fait donner une pension viagère de 60 000 francs, dont 20,000 réversibles sur la tête de sa femme. La marquise du Deffand venait d'écrire à V* le 1er octobre 1759 : «[...]  pour rassurer le public on lui démontre combien on est content des talents du C.G. . On vient de lui donner soixante mille livres de rentes viagères dont il y en a vingt sur la tête de sa femme . »

Le féminin de l'article devant Silhouette, atteste, si la lecture du manuscrit est bonne, que le mot commence à s'employer figurément pour désigner les figures dont Silhouette avait orné son château et qui devaient porter son nom .

 

P.S. - Pour vous, Mam'zelle Wagnière, Voltaire a écrit ce que je pense profondément : "Le mot d'oubli, madame, n'est pas fait pour vous. Je vous serai attaché jusqu'au dernier moment de ma vie."

Lire la suite

25/10/2014 | Lien permanent

Il use tellement mes doigts à force de me faire écrire qu'il n'y a presque plus que mes ongles, qui ne tiennent à rien

Je dédie cette lettre à Mam'zelle Wagnière qui sait ce qu'écrire les oeuvres de Voltaire veut dire . Je lui baise les mains .

 

il ne me reste que les ongles1014.JPG


 

 

 

« DE COLINI à M. DUPONT 1

Aux Délices, près de Genève, 7 novembre 1755

Je mérite bien peu l'amitié que vous avez pour moi, mon cher Démosthène, je ne sais qu'être négligent : il y a près de trois semaines que j'ai reçu la lettre que vous avez eu la bonté de m'écrire, et je n'y ai pas répondu encore. Je vous en demande mille pardons, il faut passer quelque chose à un homme qui est attaché au philosophe le plus étrange que la terre ait jamais porté. Il use tellement mes doigts à force de me faire écrire qu'il n'y a presque plus que mes ongles, qui ne tiennent à rien. Vous avez des procès qui vous occupent beaucoup, et moi j'ai des tragédies et l'histoire de l'univers à écrire, à copier et à copier encore. Je ne vous parle pas de la petite oie, comme des petites dissertations détachées, toutes les lettres et mille babioles. Vous avez de temps en temps quelque aimable objet qui vient vous montrer ses pièces; et moi, il n'y a pas un chien qui vienne me voir, et on ne me montre que de bien vilaines pièces.

Oui, j'ai été à Paris, et je ne vous ai pas écrit, autre négligence, et je demande encore pardon. L'Orphelin y eut le plus grand succès; on le joua douze à treize fois de suite, et on ne l'interrompit que pour l'aller jouer à Fontainebleau, où il a été reçu avec autant d'applaudissements qu'à la ville.

 


La nature et l'hymen, voilà les lois premières,
Les devoirs, les liens des nations entières;
Ces lois viennent des dieux; le reste est des humains.

Ce couplet a fait beaucoup de bruit, on ne voulait pas d'abord le passer à la police; on croyait y voir une apologie du déisme. Vous connaissez, il y a longtemps, ces trois autres vers, où Zamti parle de la mort ; ils ont été fort applaudis

Le coupable la craint, le malheureux l'appelle,
Le brave la défie, et marche au-devant d'elle;
Le sage qui l'attend la reçoit sans regrets.

Toute la pièce, d'un bout à l'autre, a été applaudie à tout rompre; et ce succès brillant a un peu déridé le front cynique de notre philosophe, il en a été moins mourant qu'à l'ordinaire, et tout parait aller fort bien actuellement. Vous aurez dans deux mois une nouvelle édition des Œuvres, et dans trois ou quatre mois un cours complet d'histoire universelle. Que voudriez- vous davantage? N'est-ce pas bien travailler? Vous avez beau dire, vous faites moins aisément des plaidoyers et des requêtes que nous ne faisons de l'histoire et des vers.

Pourquoi n'êtes-vous pas venu nous voir ? Soixante lieues, ce n'est pas une bagatelle, me direz-vous? Vous avez raison, et on ne quitte pas comme ça une famille aimable. Vous auriez été bien surpris; vous auriez trouvé notre philosophe tout changé, il est devenu libéral n'est-ce pas là un miracle? C'est pourtant vrai. Quatre chevaux dans l'écurie, une très-bonne table, un bon cuisinier, beaucoup de laquais, des jolies femmes qui gouvernent la maison voilà le train d'aujourd'hui. Cela est plus honnête et plus décent que lorsque, dans un grand malheur, vous voulûtes bien, par compassion, lui offrir votre bourse. Nonobstant tout cela, je n'en suis pas plus gras.

Je vous remercie de la bonté avec laquelle vous vous offrez à être utile au laquais de M. de Voltaire, dont je vous ai parlé. Mme Dupont m'a sans doute oublié; mais je viendrai un jour la mater aux échecs, aussi bien que vous, et tous vos parents, et tout Colmar, et toute la province. Adieu, aimable Démosthène si je voulais m'écouter, je vous écrirais jusqu'à demain, car je suis bavard. Votre amitié, vos bontés, voilà ce que je veux de vous, et je veux vous être tendrement attaché toute ma vie. »

 

 

 



 

1 Lettres inédites de Voltaire, etc., 1821.

 

Lire la suite

15/04/2012 | Lien permanent

vous avez donné une furieuse secousse à mes entrailles paternelles

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

A Lunéville ce 24 [juillet 1749]



Enfin,je respire. J'ai des nouvelles de mes anges. Je tremblais pour la santé de Mme d'Argental, je tremblais sur tout. Figurez-vous ce que c'est d'être un mois entier sans recevoir un seul mot de ceux qui sont notre consolation, et nos guides sur la terre. La lettre adressée à Cirey ne m'est jamais parvenue. La santé de Mme d'Argental était languissante. Mais je craignais aussi que M. d'Argental ne fût malade. Je craignais encore qu'il ne fût fâché contre moi pour quelques opiniâtreté que j'aurais eue sur Nanine,[] pour quelques mauvais vers d'Adélaïde [Adélaïde du Guesclin, qui devient Le Duc de Foix]. Je faisais mon examen de conscience . J'étais au désespoir . J'avais écrit à ma nièce, je les avais priées d'envoyer chez vous . Mon ange, ne me laissez jamais dans ces tourments là, tant que la santé de Mme d'Argental ne sera pas raffermie.



Je reçois donc Nanine, et je la mets dans le fond d'une armoire pour y travailler à loisir. Je n'interromprai point notre tragédie. Ce n'est pas une pièce tout à fait nouvelle, ce n'est pas non plus Adélaïde, c'est quelque chose qui tient des deux, c'est une maison rebâtie sur d'anciens fondements . Adélaïde française ne pouvait réussir en France. On ne souffrira jamais qu'un prince du sang fasse assassiner son frère, surtout quand ce fait odieux n'est point attesté par l'histoire. Il faut mettre la scène ailleurs ; il faut tirer parti de ce qui pouvait être possible dans la première façon, et en donner une seconde qui soit meilleure. Vous aurez dans un mois cette esquisse et vous y donnerez cent coups de crayon à votre loisir.



Savez-vous bien que vous avez donné une furieuse secousse à mes entrailles paternelles en me faisant entrevoir qu'on pourrait jouer Mahomet ? Je serais bien content surtout si Rosely jouait Séide. Mais je vous conjure de ne pas oublier Sémiramis ; je vais écrire aux Sloth [les décorateurs, les frères Slodtz, que V* appelle « sloth » qui signifie paresseux en anglais; cf. lettre à d'Argental du 1er septembre 1749], et leur recommander un beau mausolée [pour Sémiramis]. Adam en a fait ici un pour la reine de Pologne [l'épouse du roi Stanislas, Catherine Opalinska est morte le 19 mars 1747] qui est digne de Girardon. Pourquoi faut-il que Ninus soit enterré comme un gredin ? Il faudra que le Cury [Bay de Cury, intendant des menus Plaisirs , que V* appelle « intendant des menus tombeaux » le 29 juillet] fasse de son mieux , et qu'il y mette au moins la dixième partie de l'activité avec laquelle il habilla ce magnifique sénat de Catilina [le Catilina de Crébillon]. Je voudrais bien avoir Sémiramis pour le retour à Fontainebleau. Au reste quand vous aurez ma pièce nouvelle, je reprendrai notre Nanine. Savez-vous bien que je pourrais en faire cinq actes ? Le sujet le comporte [Sujet tiré de la Paméla de Richardson, tout comme la pièce de Nivelle de La Chaussée (qui tomba dès la première représentation de décembre 1743)]. La Chaussée avait bien fait cinq actes de sa Paméla, dans laquelle il n'y avait pas une scène ? Vous me direz que voilà bien de la besogne, que je fais trop de choses à la fois ; cependant je joue à la comète et je me priverai encore de ce noble plaisir pour vous plaire.



 Pourquoi permet-on que ce coquin de Fréron succède à ce maraud de Desfontaines [] , pourquoi souffrir Raffiat [voleur célèbre] après Cartouche ? Est-ce que Bicêtre est plein ?



Adieu, divins anges, mes tendres respects à tout ce qui vous entoure, Mme du Châtelet vous fait mille compliments. Je souhaite sa santé et son ventre [Mme du Châtelet attend un enfant de Saint-Lambert, en s'arrangeant pour faire croire au marquis du Châtelet qu'il est de lui] à Mme d'Argental. Je suis inconsolable que vous ne laissiez pas de votre race.



V.



 Mais que Mme d'Argental se porte bien, il vaut mieux de la santé que des enfants. »

 

Lire la suite

24/07/2010 | Lien permanent

Il me restera la partie du caprice

... Sera-ce suffisant ? ou exagéré ?

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

30è juin 1764

Anges que je fatigue, et qui ne vous lassez pas de faire du bien, voici un petit billet pour le conjuré Lekain, mais ces extrêmes chaleurs, ce terrible mois de juillet, font frémir l’ex-jésuite.

N’est-ce pas en Éthiopie qu’on va au conseil dans des cruches pleines d’eau ? Je crois qu’il n’y a plus que ce moyen d’aller à la comédie cet été.

Je crois que la Gazette littéraire m’a brouillé avec l’abbé de Sade. Ce n’est pas que je me reconnaisse à la main d’un grand maître dont l’abbé Arnaud a désigné l’auteur des remarques sur Pétrarque ; mais enfin vous savez que j’avais demandé le plus profond secret. Je vous supplie de gronder l’abbé Arnaud de tout votre cœur ; encore une fois, je n’aime point Pétrarque, mais j’aime l’abbé de Sade. Je vois que j’ai été prévenu sur l’article d’Algarotti 1, et que la Gazette littéraire est servie beaucoup plus promptement que je ne pourrais l’être. Il me restera la partie du caprice. Dès que je trouverai un livre nouveau, je le prendrai pour prétexte pour débiter mes rêveries, comme j’ai fait sur l’article des songes 2 ; cela m’égaiera quelquefois, et pourra égayer la Gazette. Mais à présent je n’ai pas trop envie de rire, mes yeux ne vont pas trop bien, ma santé fort mal. Que mes deux anges se portent bien, et je suis consolé. »

1 Une brève notice nécrologique sur Algarotti a effectivement paru dans le numéro du 20 juin 1764. mais celle de V* n'en sera pas moins publiée une semaine plus tard .

2 Voir dans le Dictionnaire philosophique l'article Somnambules : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Somnambules_et_songes

Lire la suite

17/08/2019 | Lien permanent

Il ne s’agissait pas de faire une révolution dans les États,... mais d’en faire une dans l’esprit de ceux qui sont fait

... Et cette révolution c'est la tolérance , denrée diablement manquante ces temps-ci ailleurs que chez les sportifs paralympiques et olympiques . Voyons et admirons ces hommes et femmes qui vivent en champions, et pour cela se battent tous les jours en montrant qu'un handicap physique ou mental n'empêche pas de vivre "normalement", comme nous disons, nous, les valides.

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

26è février 1769

Mon divin ange, j’aurais voulu vous écrire plus tôt, mais les neiges m’ont englouti ; j’ai été extrêmement malade. Si le président Hénault est tombé en enfance, ma jeunesse se passe, et je tomberai bientôt dans le néant. Molé paraît me condamner à y entrer. Vous, qui êtes beaucoup plus jeune que moi 1, et dont l’âme tranquille et ferme gouverne un corps plus robuste, vous vous tirerez de là bien mieux que moi, et vous prendrez votre temps pour me rendre la vie. Je me mets entièrement entre vos mains.

Je crois qu’il est fort à désirer que la chose dont il est question 2 puisse avoir son plein effet. Tout ce qui peut tendre à établir la tolérance chez les hommes doit être protégé bien fortement par vous .

Ce n’est que sur les lettres réitérées de Toulouse que j’y envoie les Sirven ; ce n’est que parce qu’on me mande qu’une grande partie du parlement, qui n’était qu’un séminaire de pédants ignorants, est devenue une académie de philosophes. Il faut partout laisser pourrir la grand-chambre 3, mais partout les enquêtes se forment ! Marc-Michel Rey n’a pas nui à ce prodigieux changement. Il ne s’agissait pas de faire une révolution dans les États, comme du temps de Luther et de Calvin, mais d’en faire une dans l’esprit de ceux qui sont faits pour gouverner. Cet ouvrage est bien avancé d’un bout de l’Europe à l’autre, et l’Italie même, le centre de la superstition, secoue fortement la poussière dans laquelle elle a été ensevelie. Je bénis donc Dieu dans mes derniers jours, et je me recommande, dans ma misère, à mes anges gardiens, dans la grâce desquels je veux mourir.

V. »

1 D'Argental est né en 1700 .

2 Il s’agit ici de la représentation des Guèbres, tragédie.

Lire la suite

29/08/2024 | Lien permanent

Vive la paix et l'indépendance appuyée sur l'aisance et embellie par les belles lettres

... Pour les belles lettres, je suis gâté car je lis chaque jour les écrits de Voltaire, sa correspondance, et tout ce qu'il plait à Mam'zelle Wagnière  [LoveVoltaire] de mettre en ligne .

Pour l'aisance, j'ai au moins celle de l'avoir dans mes jeans et T- shirts et mes doigts de pieds sont à l'aise dans du 43 .

Pour l'indépendance, j'ai surtout celle des idées, la vie et ses aléas se chargeant d'apporter sa dose de dépendance .

Pour la paix , est-il nécessaire qu'on la fiche ? Que vivre en pAix n'aie pas de pRix .

 Pablo-Picasso-L-homme-en-prole---la-paix-.jpg

 

 

« A Marie-Louise Denis 1

A Soleure 17 août 1758

Le pigeon avance toujours vers le colombier quoi que ce ne soit pas à tire d'aile 2, il arrivera pourtant plus tôt qu'il ne l'avait promis . Rien n'est si fidèle qu'un vieux pigeon . Je pourrai bien prendre ma route par Neufchâtel ma chère enfant . Il n'y a guère plus loin par ce chemin que par Berne . Je serai bien aise de causer avec milord maréchal et de savoir des nouvelles véritables de la position du roi de Prusse . Il est bon d'avoir des amis partout . Non , je passerai par Berne .3

J'ai toujours Champignelle dans la tête, il me faut des châteaux et j'en fais en Espagne . Ne m'écrivez point à Soleure .

Les Russes sont à Francfort-sur-l'Oder, chez notre bon ami, mais il a toujours une forte armée . Dix mille Anglais avancent par l'Ost Frise . La balance est égale quoi qu'on dise et le résultat de tout ceci est que la France se ruine et que les marquets 4 auront bientôt de quoi l'acheter . Pour nous autres tâchons d'acheter un château, on n'est bien que chez soi, loin des folies et des horreurs et des sottises du monde . Vive la paix et l'indépendance appuyée sur l'aisance et embellie par les belles lettres . Vive surtout la Thessalie, je crois que vous l'habitez quelquefois . J'espère vous y voir bientôt entre Admète et Alceste [...] »

1 Encore extraits de manuscrit passé à la vente Cornuau le 21 février 1936 .

2 Rappel des Deux Pigeons de La Fontaine : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/deuxpig.htm

3 Ce rectificatif est noté en marge .

4 Si le texte a été correctement lu ( ?!) il faudrait comprendre « des marquis » (comme Frédéric II l'est de Brandebourg), d'après la graphie anglaise marquess.

 

Lire la suite

04/10/2013 | Lien permanent

Mais la politique et les armes Ne font pas mes félicités.

... Et je ne tiens pas à me fourrer dans ces domaines .

Il suffit à mon bonheur, entre autres, de me promener sous les charmilles du château de Volti, en rejoignant par la pensée deux personnes qui me sont chères  et l'esprit d'un petit toutou que j'aimais bien .

A toute personne qui a quelque sympathie ou curiosité envers Voltaire, je conseille cette promenade qui est un régal .

charmilles été 2012 7988.JPG

 NB- Ce n'est pas l'auteur de la photo qui penche , épris de boisson, ce sont les charmilles !

 

« A M. le maréchal duc de RICHELIEU 1

Aux Délices, juillet [1756]

Mon héros, je vais aussi brûler de la poudre; mais je tirerai moins de fusées que vous n'avez tiré de coups de canon 2. Ma prophétie a été accomplie encore plus tôt que je ne croyais, en dépit des malins qui niaient que je connusse l'avenir et que vous en disposassiez si bien. Je vous vois d'ici tout rayonnant de gloire.

 


Ce n'est plus aux Anacréons
De chanter avec vous à table;
La mollesse de leurs chansons
N'aurait plus rien de convenable
A vos illustres actions.
Il n'appartient plus qu'aux Pindares
De suivre vos fiers compagnons,
Aux assauts de cent bastions,
Devers les Iles Baléares.
J'attends leurs sublimes écrits;
Et s'il est vrai, comme il peut l'être,
Qu'il soit parmi vos beaux esprits
Peu de Pindares dans Paris,
Vos succès en feront renaître.
Ils diront qu'un roi modéré
Vit longtemps avec patience

L'attentat inconsidéré
D'un peuple un peu trop enivré
De sa maritime puissance;3
Qu'on a sagement préparé
La plus légitime vengeance;
Et qu'enfin l'honneur de la France
Par vos exploits est assuré.
Mais pour moi, dans ma décadence,
Faible et sans voix je me tairai;
Jamais je ne me mêlerai
De ces querelles passagères.
Je sais qu'aux marins d'Albion
Vous reprochez, avec raison,
Quelques procédés de corsaires;
Ce ne sont pas là mes affaires.
Milton, Pope, Swift, Addison,
Ce sage Locke, ce grand Newton,
Sont toujours mes dieux tutélaires.
Deux peuples en valeur égaux
Dans tous les temps seront rivaux,
Mais les philosophes sont frères.
Vos ministres, par leurs traités,
Ont assujetti la fortune;
Vos vaisseaux, de héros montés,
Ont battu les fils de Neptune;
Une prudence peu commune
A conduit vos prospérités;
Mais la politique et les armes
Ne font pas mes félicités.

Croyez qu'il est encor des charmes
Sous les berceaux que j'ai plantés.
Je vis en paix, peut-être en sage,
Entre ma vigne et mes figuiers;
Pour embellir mon ermitage,
Envoyez-moi de vos lauriers:
Je dormirai sous leur ombrage. »



1 C'est à tort, croyons-nous, qu'on a toujours donné à cette lettre la date du 27 juillet; elle doit être du 7. (Georges Avenel)

2 Prise de Fort Philippe à Minorque le 29 juin 1756 .

3 Les Anglais depuis plusieurs mois se sont attaqués aux navires français , bien avant toute déclaration de guerre ouverte .

 

Lire la suite

18/07/2012 | Lien permanent

nécessité indispensable d'avoir justice d'un libelle qui flétrirait ma réputation s'il était impuni

 

Note rédigée le 4 juillet 2011 pour partion le 16 novembre 2010 .

 

 

 

« A Claude-Henri Feydeau de Marville 1

 

Monsieur,

 

Je crois que ce n'est point l'usage qu'on vende publiquement des libelles diffamatoires aux spectacles quand même ces libelles seraient signés du nom d'un avocat 2. Je vous supplie, Monsieur, de vouloir bien faire ordonner que ce scandale qui révolte tous les honnêtes gens, cesse à l'Opéra et à la Comédie . On y vend sur le théâtre le mémoire du nommé Travenol .

 

Ma famille , Monsieur, m'a obligé de faire poursuivre ce Travenol en justice, et il est bon d'ailleurs que les auteurs de ces infamies qui inondent le public sachent que les lois ont décerné des peines contre eux 3. Vous avez eu la bonté, Monsieur, de me promettre que quand je requerrais judiciairement communication des pièces déposées chez le commissaire La Vergée au sujet de cette affaire, vous voudriez bien permettre que l'on m'aidât de ces originaux ou des copies authentiques . Je vous supplie, Monsieur, de trouver bien que je fasse à présent usage de vos bontés . Je ne veux point faire cette démarche sans auparavant vous en avoir demandé la permission . Je vous supplie, Monsieur, de considérer que la nouvelle charge dont le Roi vient de m'honorer 4, et qui m'approche quelquefois de la personne de Sa Majesté, me met dans la nécessité indispensable d'avoir justice d'un libelle qui flétrirait ma réputation s'il était impuni . J'attends de vous, Monsieur, la grâce que je vous demande, et la continuation de vos bontés .

 

J'ai l'honneur d'être avec la reconnaissance et l'attachement le plus inviolable,

Monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur ,

 

Voltaire 

 

A Paris, rue Traversière, mercredi 16 novembre [1746]

 

Je vous supplie de me donner vos ordres par écrit, Monsieur, ou de me faire dire quand je pourrai avoir l'honneur de vous parler .»


1 Sur cette affaire, voir lettres du 17 mai : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/13/homme-qui-fait-des-nouvelles-a-la-main-qui-preche-qui-produi.html

et 3 juillet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/07/03/je-m-en-remets-a-votre-justice-et-a-votre-misericorde.html

Des perquisitions ont confirmé que les libelles de Roy et autres auteurs éataient difffusées par le musicien Louis Travenol . Comme il avait pris la fuite et qu'on n'avait trouvé que son vieux père, celui-ci avait été emprisonné quelques jours en juin .

http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1979-05-0276-042

 

2 Le Mémoire signifié pour Louis Travenol, de l'Académie royale de musique, contre le sieur Arouet de Voltaire, de l'Académie française, de l'avocat Jean-Antoine Rigoley de Juvigny .

3 Maurepas répondit à Marville, le 19, qui lui avait transmis une lettre, que « ce n'est pas en effet la place du débit d'un mémoire. »

4 Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi .

Lire la suite

16/11/2010 | Lien permanent

Cette requête en produira rien, mais elle fera voir au public que j'ai fait toutes les démarches convenables

... Ah oui !

Le Covid-19 "ennemi de l'humanité" ! Bravo Tedros Adhanom Ghebreyesus ! Bravo ! Tu en as dans le pantalon pour oser défier ce microbe depuis ton bureau climatisé et ton luxueux logement de fonction . Dans le domaine des conneries de fonctionnaires internationaux inutiles, je crois qu'on vient d'atteindre un niveau stratosphérique .

Ô oui, Covid-19, tremble, tu as maintenant contre toi le patron de l'OMS !

Résultat de recherche d'images pour "oms covid ennemi de l'humanité humour caricature"

 

 

 

« A Henri Rieu

[10 janvier 1765 ?] 1

Je prends la liberté d'envoyer à mon cher corsaire un Warburton anglais complet, qu'il joindra à sa bibliothèque anglaise . Je le prie d'ouvrir le paquet, d'y prendre ce qui lui appartient et quatre ou cinq dictionnaires pour lui ou pour les personnes qu'il voudra en gratifier . On remettra le reste empaqueté entre les mains du porteur . La petite brochure qu'il m'a envoyée 2 n'est ni bien élégante ni bien fine, mais elle me paraît sage et forte, et elle doit, ce me semble, faire beaucoup d'effet sur l'esprit de la plupart ds citoyens . On dit qu'elle est de Vernes . S'il sait quelque chose de nouveau il me fera grand plaisir de m'en instruire . Je ne doute pas qu'il n'ait eu la bonté d'écrire fortement à M. Astier et qu'il ne l'ait engagé à détruire en Hollande l'infâme calomnie qui n'y est que trop accréditée .

Voici la copie de ce que j'écris à monsieur le grand pensionnaire 3. Monsieur Rieu est prié de vouloir bien envoyer cette copie à M. Astier , afin qu'il la fasse mettre dans toutes les gazettes de Hollande . Cette requête en produira rien, mais elle fera voir au public que j'ai fait toutes les démarches convenables . Cela est d'autant plus nécessaire que le roi lit le Gazette d'Amsterdam .

On fait mille tendres compliments à M. Rieu, tout le monde l'embrasse et le regrette . »

2 Le Sentiment des citoyens, souvent attribué à V*, et qui suivant Rivoire, a été publié le 27 décembre 1764 : https://fr.wikisource.org/wiki/Sentiment_des_citoyens/%C3%89dition_Garnier

3 On ne connait pas cette lettre . Tout ce qu'on en sait est contenu dans une lettre du 26 février 1765 écrite de Londres par Garcin à Moultou : « Voltaire a écrit au grand pensionnaire à La Haye pour se plaindre des libraires qui ont imprimé sous son nom diverses productions impies . Sa lettre n'est qu’un chiffon écrite d'un style cavalier qui a fort choqué le pensionnaire . Il ne sera pas question de réponse . Cette misère a fait pendant huit jours le sujet des conversations à La Haye . »

Lire la suite

20/03/2020 | Lien permanent

Page : 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172