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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Je n'ai jamais rien vu de plus plat et de plus horrible, cela est fait par le laquais d'un athée

 Pauvre Volti !

Que dirais-tu face aux déclarations, souvent foireuses, creuses et mensongères des candidats au trône ?

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 http://www.sans-raisons.com/elgjyn/archives/1444

 

« A M. DE BRENLES

Aux Délices, 29 juillet [1755]

Vous m'aviez mandé, mon cher philosophe, que l'infâme manuscrit1 en question était à Lausanne ; vous aviez bien raison. Grasset est venu de Lausanne me proposer de l'acheter pour cinquante louis et, pour me mettre en goût, il m'en a montré une feuille. Je n'ai jamais rien vu de plus plat et de plus horrible, cela est fait par le laquais d'un athée. Mon indignation ne m'a pas permis de différer un moment à envoyer la feuille aux magistrats de Genève. On a mis sur-le-champ Grasset en prison2, il a dit qu'il tenait cette feuille d'un honnête homme, nommé Maubert 3, ci-devant capucin, et arrivé depuis peu à Lausanne. Ce capucin était apparemment l'aumônier de Mandrin. On l'a arrêté, on a visité ses papiers, on n'a rien trouvé mais on lui a dit que si l'ouvrage paraissait, en quelque lieu que ce fût, on s'en prendrait à lui. Le conseil de Genève ne pouvait me marquer ni plus de bonté, ni plus de justice. Grasset a été chassé de la ville, en sortant de prison. Il serait bon que M. Bousquet 4 connût cet homme, qui est ici très-connu, et absolument décrié.
J'ai cru devoir, mon cher philosophe, ces détails à votre amitié. Cette affaire et ma mauvaise santé reculent encore mon voyage de Monrion. Vous voyez quels chagrins viennent encore m'assiéger dans ma retraite. Il faut souffrir jusqu'à la fin de sa vie mais on souffre avec patience, quand on a des amis tels que vous.
Mme Denis et moi, nous présentons nos obéissances aux deux philosophes. Je vous embrasse tendrement.
Mme Goll 5 est à Colmar dans une situation bien triste. Je vous embrasse.

V. »

 

1 La Pucelle d'Orléans, dans une version fausse et incomplète .

2 Il n'y restera que quelques jours .

3 Jean.-Henri. Maubert, soi-disant chevalier de Gouvest, né à Rouen en 1721; capucin défroqué, officier d'artillerie, écrivain aux gages des libraires. Voltaire lui impute les falsifications dont sont souillées les éditions de la Pucelle qui parurent à Francfort en 1755 et en 1756. Maubert, qui avait déjà écrit contre Voltaire (voyez tome XXIV, page 11), mourut à Altona le 21 novembre 1767. (CL.)

Voir note page 379 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80021k/f384.image.r=maubert.langFR

4 Marc-Michel Bousquet , libraire à Lausanne emploie Grasset depuis 1754 (après le renvoi de ce dernier par les frères Cramer). Voir : http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/359-francois-grasset

5 Ancienne logeuse de V* lors de son séjour à Colmar, elle est veuve depuis la fin 1754 .

 

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03/03/2012 | Lien permanent

Il vous admire d'avoir su réduire les prêtres à être utiles et dépendants.

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« A Catherine II, impératrice de Russie


24è juillet 1765, près de Genève


Madame,


Je n'ai pas manqué de chercher le neveu de l'abbé Bazin [§] pour lui communiquer la lettre dont Votre Majesté Impériale m'a honoré. C'est un homme retiré et obscur , mais votre gloire est venue jusqu'à lui ; elle lui est chère, il connait l'étendue de votre génie, de votre esprit, de votre courage. Il vous admire d'avoir su réduire les prêtres à être utiles et dépendants. Si je n'étais pas si vieux que je suis, je demanderais à Votre Majesté la permission, d'assister avec lui au premier carrousel qu'on ait vu dans vos climats [§§]. Talestris ne donna jamais de carrousel, elle alla cajoler Alexandre, mais Alexandre serait venu vous faire sa cour.


On n'a point encore incendié le livre de l'abbé Bazin [§§§]. On croit qu'il l'a composé dans vos États, car la vérité vient du Nord, comme les colifichets viennent du Midi.


Au reste, madame, le neveu de Bazin m'a dit qu'il avait été très attaché à Mme la princesse de Zerbst, mère de Votre majesté [§§§§], il dit qu'elle était aussi fort belle et pleine d'esprit ; et que si elle vivait, elle serait prête à mourir de joie en voyant le succès de sa fille.


Il y a un meilleur parti à prendre, c'est celui d'en être longtemps témoin. Que Votre Majesté Impériale me permette de me joindre au petit Bazin pour me mettre à vos pieds.


Je suis avec un profond respect,

Madame

de Votre majesté Impériale

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

 

§Pseudonyme de V* pour l'édition de La philosophie de l'histoire

Catherine écrivit : « L'impératrice de Russie est très obligée au neveu de l'abbé Bazin de ce qu'il lui a bien voulu dédier l'ouvrage de son oncle (La Philosophie de l'histoire ) … Comme le neveu de l'abbé Bazin a gardé un profond silence sur le lieu de sa résidence, on adresse cette réponse à M. de Voltaire si reconnu pour protéger … les jeunes gens …; cet illustre auteur est prié de faire parvenir à sa destination ses (sic) peu de lignes. »


§§ Le 22 août (2 septembre n. s.), Catherine répond : « Je serais bien aise de vous voir tous deux (Bazin et neveu)assister à mon carrousel …, vous en auriez tout le temps, la pluie … m'a obligée de renvoyer cette fête jusqu'au mois de juin de l'année prochaine. »


§§§ Elle a écrit : « … ce livre (La Philosophie de l'histoire) … sera infailliblement purifié par le feu à paris, ce qui lui donnera un lustre de plus . »


§§§§ V* a été en correspondance avec elle, surtout quand il était en Prusse en 1751-1752 ; elle était amie de la comtesse Bentinck [cf; lettre du 17 mai 1753] et elle vécut plusieurs années en France.

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24/07/2010 | Lien permanent

Les lettres de change, mon cher Monsieur, se traitent plus sérieusement que les almanachs du Courrier boiteux

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«  A Sébastien Dupont

 

Aux Délices, 22 décembre i[novembre 1755]

 

Les lettres de change, mon cher Monsieur, se traitent plus sérieusement que les almanachs du Courrier boiteux ii; Schoepflin n'a aucune raison ni aucun prétexte valable pour refuser le paiement d'un argent que j'ai bien voulu lui prêter, et que nul que moi ne lui aurait prêté. C'est trop abuser de mes bienfaits ; ils méritaient un autre retour ; l'état de mes affaires ne me permet pas d'attendre ; j'ai compté sur cet argent. Le sieur Schoepflin iii a promis de me le rendre ; rien ne doit le faire manquer à sa parole . Je vous prie donc très instamment de faire toutes les diligences nécessaires sans aucun délai, et de vouloir bien agir avec toute la promptitude que j'attends de votre amitié. Je vous aurai une très grande obligation. Je ne vous répèterai pas que les dépenses qui étaient indispensables dans ma nouvelle acquisition iv me mettent dans un besoin pressant de mon argent . Schoepflin n'a pas seulement daigné répondre à une lettre de Collini : son procédé est insoutenable ; en un mot faites-moi payer par justice, je vous en prie, puisque le sieur Schoepflin ne veut pas me payer par devoir . Je vous demande encore en grâce d'agir à la réception de ma lettre . Je me moque des pucelles v; et je veux poursuivre les mauvais débiteurs et les ingrats .

 

Je vous embrasse sans cérémonie.

 

VOLTAIRE. »

 

 

i Dupont a corrigé décembre en novembre .

 

ii Référence au Véritable Messager boiteux ou Almanach historique nommé le Messager boiteux de Bâle et Genève . http://fr.wikipedia.org/wiki/Messager_boiteux

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V* avait déjà demandé le 14 novembre à Dupont -avocat à Colmar au Conseil souverain d'Alsace- « d'instrumenter sur le champ » contre Schoepflin qui ne rend pas à V* l'argent prêté sans intérêt. Il s'agit d'une lettre de change de 9 800 livres tirée inutilement sur lui par V* trois mois auparavant.

 

iii Joseph Friedrich Schoepflin, -frère du professeur d'histoire-, son imprimeur de Colmar . Il a imprimé les Annales de l'Empire et le tome de l'Histoire universelle qui faisait suite aux deux de l'édition Néaulme.

 

iv Les Délices.

 

v Dupont lui a écrit le 14 novembre que l'imprimeur Schoepflin avait vu, disait-il, à Stasbourg une édition pirate de La Pucelle.

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22/12/2010 | Lien permanent

On a une étrange rage dans Paris de vouloir toujours nommer au hasard les pères des enfants trouvés

 

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« A Nicolas-Claude Thieriot

 

17è juin 1770

 

Mon ancien ami, c'est dommage que M. Guy Duchesne 1 ait imprimé avec tant de fautes de commission et d'omission 2, la vielle Sophonisbe de Mairet, rajeunie par M. Lantin 3. Vous connaissez ce Lantin, auteur du conte de La Fourmi 4. Son neveu qui demeure à Dijon est bien indigné qu'on attribue à d'autres qu'à lui le rapetassage de cette vielle Sophonisbe . C'est , à ce que je vois, le rajeunissement inutile 5. On a une étrange rage dans Paris de vouloir toujours nommer au hasard les pères des enfants trouvés . Sans cela vous auriez déjà Mlle Ninon aux Tuileries 6.

 

Vous souvenez-vous d'une espèce de vie de Catherin Fréron 7, dit Aliboron, que vous m'envoyâtes manuscrite il y a vraiment dix années 8? Je ne savais ce qu'elle était devenue, je la trouve imprimée dans un recueil intitulé Les Choses utiles et agréables, mais on en fait une autre édition particulière à laquelle on ajoute la lettre du sieur Royou 9, beau-frère d'Aliboron, avocat au parlement de Rennes, lequel se plaint que son beau-frère, ayant servi d'espion dans les troubles de Bretagne, l'accusa d'avoir écrit en faveur de M. de La Chalotais 10, obtint une lettre de cachet contre lui, vint lui-même le saisir avec des archers, le fît enchainer, et le conduisit en prison en tenant le bout de la chaine . Fréron mettra apparemment cet évènement dans son Année littéraire .

 

Portez-vous bien, mon ancien ami, et jouissez de l'hiver de la vie autant que vous le pourrez . »


1 Guy, en réalité, employé chez Duchesne, libraire .

2 Expression de Bayle dans la préface de la première édition de son Dictionnaire .

3 Lantin = V* . La pièce était ainsi présentée : Sophonisbe, tragédie de Mairet, réparée à neuf . L'approbation était datée du 10 avril 1770 . http://www.voltaire-integral.com/Html/07/02SOPHON.html

4 La Fourmi de J.-B. Lantin de Dijon (1674-1709), dont V* donne les 92 premiers vers dans le tome II des Choses utiles et agréables.

5 Allusion au poème de Moncrif : Le Rajeunissement inutile, ou les amours de Tithon et de l'aurore .

6 A savoir, que la pièce Le Dépositaire serait déjà jouée à la Comédie Française alors installée dans la salle des machines aux Tuileries .

8 En août 1760 ; voir lettre à d'Alembert du 9 juillet 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/07/09/t...

9 Ce fut fait . La lettre du peu honorable Royou, que donne V*, est datée du 6 mars 1770 .

10 Sur l'affaire La Chalotais, voir lettre du 27 novembre 1765 à d'Argental . http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Ren%C3%A9_Caradeuc_de_...

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14/06/2011 | Lien permanent

Mais je suis heureux des plaisirs qu'on a

... Et si j'en étais fâché, ou jaloux, je serais doublement idiot, or une seule fois me suffit !

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« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

A Lausanne 3 novembre [1757]

Je suis venu à Lausanne, monsieur, pour voir quelle mine ont deux personnes 1 nouvellement heureuses pour faire ma cour à toute votre famille et en même temps j'arrange mon petit ermitage du Chêne . Mais si votre vilaine bise 2 n'a pas pitié de moi il n'y a pas d'apparence que je sois un de vos acteurs cet hiver à moins que vous n'ayez à me donner quelque rôle de vieux malade borgne et édenté .

J'aurais bien voulu pouvoir vous envoyer les lettres qui ont excité votre curiosité mais quand vous serez à Lausanne vous verrez que cela n'était pas possible . Vous êtes bien bon de supposer que la personne qui m'a écrit 3 ait de l'amitié pour moi . C'est un sentiment que les gens de son espèce ne connaissent guère . Je ne peux que le plaindre de tout mon cœur . Il ne tenait qu'à lui d'être de tous les rois le plus heureux, étant le plus riche, le plus instruit, le plus rempli de goût et de talents . Il s'est perdu et je n'envisage rien que de sinistre . Mme la margrave de Bareith sa sœur me mandait il n'y a pas longtemps qu'elle enviait son sort, elle le trouverait encore plus doux, monsieur, si elle savait combien votre société et celle de toute votre famille est aimable . C'est ma nièce qui jouit actuellement de tous les agréments et de toutes les fêtes du nouveau marié . Je n'assiste ni au bal ni aux soupers . Je suis rencogné chez moi avec un emplâtre sur l’œil comme le valet du retour imprévu 4. Mais je suis heureux des plaisirs qu'on a . L’applaudissement qu'on donne au mariage me flatte beaucoup de sorte qu'il n'y a point de plus heureux malade que moi . Je retourne planter aux Délices après quoi je reviens attendre à Lausanne le jour des rois, jour auquel je rendrai mes respects à Agamemnon et au duc de Foix . Comptez toujours, ma nièce et moi, monsieur, parmi ceux qui sentent le plus vivement tout ce que vous valez et qui vous sont le plus attachés . 

V.»

1 Charlotte Pictet et Samuel Constant .

2 Vent de nord-nord-est qui souffle sur le plateau suisse et prend en enfilade la vallée du Rhône, le lac Léman et le Pays de Gex .

3 Frédéric II.

 

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20/01/2013 | Lien permanent

Tronchin dit toujours que je me relèverai. Je voudrais qu’on pût en dire autant de la France

... Ami Voltaire, puisses-tu être entendu, il y a urgence !

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Mes divins anges, je suis un peu retombé,1 mais Tronchin dit toujours que je me relèverai. Je voudrais qu’on pût en dire autant de la France et de la comédie ; je les crois pour le moins aussi malades que moi ; je crois Lekain furieusement occupé. Il était naturel qu’il écrivît un petit mot à madame Denis, qui ne l’a pas mal reçu ; mais les héros négligent volontiers les campagnards.

Me permettrez-vous de vous adresser cette lettre d’un Anglais 2 pour M. le comte de Choiseul ? Il demande un passeport pour s’en retourner en Angleterre par la France ; je ne sais si cela s’accorde, et si vous permettez à vos vainqueurs d’être témoins de votre misère. Au reste, le suppliant ne vous a jamais battus ; c’est un jeune homme qui aime tous les arts, et qui jouait parfaitement du violon dans notre orchestre. Je doute, malgré tout cela, qu’il lui soit permis de passer par Calais. Je serais bien fâché de demander à M. le comte de Choiseul quelque chose qui ne fût pas convenable.

Je vous supplie d’ailleurs de lui dire combien je suis touché de la bonté qu’il a eue de s’intéresser pour mon triste état.

Vous ne me répondez jamais sur l’œil de madame de Pompadour ; cependant je m’y intéresse : j’ai vu, il y a quinze ans, cet œil fort beau, et je serais fâché de sa perte. Dites-moi donc aussi quelque chose de la comédie de Henri IV 3 ; il me semble qu’elle doit tourner la tête à la nation.

Je me flatte de voir M. Pont de Veyle à La Marche au mois de juillet ; mais si ma mauvaise santé et Pierre Corneille me privent de ce plaisir, je lui conseillerai de passer par Ferney en s’en retournant par Lyon, et je lui donnerai la comédie.

Adieu, mes adorables anges. Tronchin nous quitte probablement au mois d’octobre pour M. le duc d’Orléans, et il fait fort bien ; et moi je veux prendre le prétexte un jour de l’aller consulter, afin de n’avoir pas à me reprocher de mourir sans avoir eu la consolation de vous revoir. 

V.»

1 Ce même jour, François-Gratien Micheli du Crest écrit à Bertand : « Voltaire a eu une rechute ces jours passés, et s'en tirera dit-on aussi comme de l'autre. ». Voir : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F28568.php?topdf=1

2 Probablement John Hayes ; voir de Beer-Rousseau, p. 54 .Voir aussi  : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F28568.php?topdf=1

 

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07/04/2017 | Lien permanent

il faut que je vous dise une chose très consolante pour les femmes.... La partie par où l’on pense ne s’est point affaib

... J'adore ce type de périphrase voltairienne . Elle nous laisse loisir à en prendre le contrepied , malignement sans doute, la partie qui pense chez l'homme pouvant singulièrement n'être ni unique, ni dispensée de faiblesse(s), vous le savez mesdames . 

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Mme Lullin , I presume !

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Aux Délices, 14 février [1762]

Il y a longtemps, madame, que le pédant commentateur de Pierre Corneille n’a eu l’honneur de vous écrire ; il faut que je vous dise une chose très consolante pour les femmes. Il y a dans mon voisinage de Genève une petite femme 1 qui a toujours été d’un tempérament faible : elle a eu hier cent quatre ans. Ses règles lui sont revenues il y a deux ans très régulièrement, et vous jugez bien que les plaisants lui ont proposé de se remarier 2. Elle aime trop sa famille pour donner des frères à ses enfants. La partie par où l’on pense ne s’est point affaiblie en elle : elle marche, elle digère, elle écrit, gouverne très bien les affaires de sa maison. Je vous propose cet exemple à suivre un jour.

Pour des hommes de ce caractère, je n’en connais point : Bernard de Fontenelle 3 n’était qu’un petit garçon auprès de ma Genevoise. Je souhaite à M. le président Hénault la centaine au moins de Fontenelle, mais je crois que Moncrif 4 nous enterrera tous . On dit que sa perruque est mieux arrangée et mieux poudrée que jamais. Tout ce qui me fâche, c’est qu’il ne fasse plus de petits vers ; c’est grand dommage. A propos de Moncrif, j’ai fait une perte considérable dans l’impératrice russe ; mais sur-le-champ j’ai pris l’impératrice-reine 5, et elle a souscrit pour mademoiselle Corneille, tout comme le roi de France. Il faut toujours avoir quelque tête couronnée dans sa manche. Mademoiselle Corneille, d’ailleurs, joue très joliment les soubrettes.

Si j’avais de plus grandes nouvelles, madame, je vous en dirais pour vous amuser ; mais vous avez la meilleure compagnie de Paris chez vous, et vous n’avez pas besoin de ce qui se passe au pied des Alpes.

Vivez, madame ; digérez, pensez, et même riez de toutes les sottises de ce monde, depuis l’inquisition de Lisbonne jusqu’aux pauvretés de Paris, et agréez mon tendre respect.

V. »

1 Sur Mme Lullin, née Fatio, voir lettre du 9 février 1759 à Mme Gallatin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/03/i...

2 Depuis Ses règles … , la phrase manque dans la copie Wyart et conséquemment dans toutes les éditions suivantes .

3 Fontenelle était mort un mois avant son centième anniversaire .

4 Il mourra en 1770 à quatre-vingt-trois ans .

5 Marie-Thérèse d'Autriche .

 

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04/02/2017 | Lien permanent

j'espère que notre nation égalera l'Angleterre en générosité

... Oups !

Mais de quelle générosité peut-il s'agir à l'heure où il est envisagé une sortie de l'United Kingdom de la Communauté européenne ? Quelle générosité à l'heure où les migrants à Calais n'ont aucune facilité pour rejoindre l'Angleterre ?

Une égale générosité française est-elle possible ? souhaitable ? Va savoir !

Rugbystiquement parlant, je ne suis pas pour les matches nuls, mais politiquement  il est des supériorités de scores qui ne sont pas toujours honorables , être le meilleur mauvais est indigne .

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Thanks a lot ! No ?

 

 

« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

Aux Délices par Genève 25 juin 1761

Eh bien monseigneur, Scipion est donc à Linterne et gaudet tellus cardinale aratore 1. En qualité d'homme retiré du monde, j'ai droit à vos bontés . J'en ai encore plus comme tuteur de Mlle Corneille . Vous savez que l'Académie se propose de donner les auteurs classiques du siècle de Louis XIV avec des remarques . Elle et notre siècle seraient honorés si vous daigniez vous charger des Oraisons funèbres de Bossuet . Je n’ai pris la liberté de me faire le commentateur de Corneille qu'en me flattant qu'un de ses faibles élèves qui a chez lui l'héritière de ce grand nom serait plus excusable qu'un autre . Je compte mettre des notes historiques et critiques au bas des pages dans les pièces qui sont dignes du père de notre scène 2. Cet ouvrage pourra être utile aux étrangers , et même aux Français . On imprimera par souscription . On ne payera rien d'avance . Toute l'Académie souscrit . M. le duc de Nivernais souscrit pour dix exemplaires . Le bénéfice sera pour le père et pour la fille, seuls restes de la famille de Corneille . Vous savez dans quelle misère affreuse cette demoiselle est née, et quelle triste éducation elle a reçue . Elle est arrivée à 18 ans sans savoir ni lire ni écrire . Mais son âme est celle de Cornélie . Quand les Anglais apprirent qu'il y avait une fille de Milton dans la pauvreté, elle fut riche en une demi-heure . J’y étais ; je m'en souviens ; et j'espère que notre nation égalera l'Angleterre en générosité . L'exemplaire coûtera 40 livres . On ne paiera rien d'avance . On n'attend qu'un nombre convenable de souscripteurs pour commencer . Votre nom imprimé à la tête du prospectus encouragera la nation . Cette entreprise terminera heureusement ma carrière . Il est dur de la finir sans revoir Votre Éminence . Je ne vois pas ce qui vous empêcherait de passer par la Bourgogne, quand vous repasserez, car il faudra bien que Votre Éminence repasse . Elle est encore jeune . Elle a un beau présent et un bel avenir . Si alors elle daignait Coricum videre senem cui pauca beati jugera ruris erant 3, je mourrais content . Agréez le tendre respect de votre vieux serviteur et indigne confrère .

Voltaire . »

1 Et la terre se réjouit d'avoir un cardinal comme laboureur ( le cardinal de Bernis en disgrâce vit retiré dans ses terres ) ; on a ici une lointaine réminiscence d'Horace, Odes , I, iv, 3 .

2 V* avait d'abord écrit siècle .

3 D'après Virgile, Georgiques, IV, 127-128 ; voir le vieillard Coricus, qui possédait quelques arpents d'une campagne heureuse .

 

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26/05/2016 | Lien permanent

une belle réponse aux ardélions  : elle doit vous faire aimer de vos inférieurs, et vous faire respecter de vos égaux

... Encore faut-il que ça vaille la peine  de répondre à des verbeux qui ne fichent rien .

 

 

 

« Au marquis Francesco Albergati Capacelli. Senatore

di Bologna

à Bologna

29è juillet 1765, à Ferney 1

C’est une grande consolation, monsieur, dans ma vieillesse infirme, de recevoir de vous le beau recueil dont vous m’avez honoré. Votre présent est venu bien à propos, je peux encore lire dans les beaux jours de l’été. J’ai déjà lu votre traduction de Phèdre 2; et j’ai parcouru tout le reste, que je vais lire très-attentivement. Je suis toujours étonné de la facilité avec laquelle vous rendez vers pour vers une tragédie tout entière. Votre style est si naturel qu’un étranger qui n’aurait jamais entendu parler de la Phèdre de Racine, et qui aurait appris parfaitement l’italien et le français, serait très-embarrassé à décider laquelle des deux pièces est l’original. Il faut vous avouer que les Français n’ont jamais eu de traductions pareilles en aucun genre . Cet avantage, que vous possédez, ne vient pas seulement de l’heureuse flexibilité de la langue italienne, il est dû à votre génie.

Je trouve, monsieur, que votre préface est une belle réponse aux ardélions 3 : elle doit vous faire aimer de vos inférieurs, et vous faire respecter de vos égaux.

J’ai entrevu, par ce que vous dites sur Idoménée, qu’en effet vous aviez trop honoré un ouvrage qui ne méritait pas vos soins . Ce qui est méprisé chez nous ne doit pas être estimé en Italie.

Permettez que je joigne ici les éloges et les remerciements que je dois à M. Agostini 4. Il me parait bien digne de votre amitié . Vous ne pouviez être mieux secondé dans la culture des beaux-arts. On disait autrefois, dans les temps d’ignorance : Bononia docet ; on doit dire aujourd’hui, grâce à vous, dans le temps du goût et de l’esprit : Bononia placet 5.

Adieu, monsieur, je ne peux mieux finir ma carrière qu’en regrettant de n’avoir pas eu l’honneur de vivre avec vous. Tant que je vivrai, vous n’aurez point de partisan plus zélé, ni d’ami plus véritable.

V. »

1 Mention « f[ran]co Milano » sur le manuscrit .

Albergati a écrit le 9 juillet 1765 à V* en envoyant « deux tomes de tragédies traduites »( Phèdre, et Idoménée).

3 Mot, pur latinisme, ardelio se trouve chez Phèdre, etc., qui signifie à peu près « personne empressée à donner des conseils et qui ne fait rien ».

4 Les éditions mettent Paradisi et c'est en effet ce que V* veut dire : il emploie ici le prénom Agostini au lieu du nom .Paradisi a traduit la Mort de César et Tancrède.

5 Bologne instruit … Bologne plait .

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29/11/2020 | Lien permanent

Au parti que je prends je me suis condamnée.

... dit , la mort dans l'âme ( enfin, pas tout à fait ! ), Elisabeth Borne en dégainant le 49-3 . E viva la costituzione !

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

19 avril 1767 1

  Je devrais dépouiller le vieil homme 2 dans ce saint jour de Pâques, et me défaire du vieux levain ; 

Mais enfin je suis Scythe, et le fus pour vous plaire. 3

Je plaide encore pour les Scythes du fond de mes déserts. Voilà trois éditions de ces pauvres Scythes, celle des Cramer, celle de Lacombe, et une autre qu’un nommé Pellet vient de faire à Genève ; on en donnera pourtant bientôt une quatrième, dans laquelle seront tous les changements que j’ai envoyés à mes anges et à M. de Thibouville, avec ceux que je ferai encore si Dieu prend pitié de moi. Je ne plains point ma peine ; mais voyez ma misère ! Toutes les lettres qu’on m’écrit se contredisent à faire pouffer de rire . Une des critiques les plus plaisantes est celle de quelques belles dames qui disent : « Ah ! pourquoi Obéide va-t-elle s’aviser d’épouser un jeune Scythe, c’est-à-dire un Suisse du canton de Zug, lorsque dans le fond de son cœur elle aime Athamare, c’est-à-dire un marquis français ? » Mais, ô mes très belles dames ! ayez la bonté de considérer que son marquis français est marié, et qu’elle ne peut savoir que madame la marquise est morte. Cette fille fait très bien de chercher à oublier pour jamais un marquis qui a ruiné son pauvre père ; et ces vers que vous m’avez conseillés, et que j’ai ajoutés trop tard, ces vers assez passables, dis-je, répondent à toutes ces critiques :

Au parti que je prends je me suis condamnée.

Va, si j’aime en secret les lieux où je suis née,

Mon cœur doit s’en punir il se doit imposer

Un frein qui le retienne et qu’il n’ose briser.4

Je vous assure encore que le second acte, récité par Mme de La Harpe, arrache des larmes. Soyez bien persuadé que si la scène du troisième acte entre Athamare et Obéide était bien jouée, elle ferait une très vive impression.

Pleurez donc, mademoiselle Obéide, lorsque Athamare vous dit : 

Elle l’est dans la haine, et lui seul est coupable.5

Pleurez en disant : 

Tu ne le fus que trop ; tu l’es de me revoir,

De m’aimer, d’attendrir un cœur au désespoir,

Destructeur malheureux d’une triste famille,

Laisse pleurer en paix et le père et la fille, etc.6

Et vous, Athamare, dites d’une manière vive et sensible : 

Juge de mon amour ! il me force au respect.

J’obéis… Dieux puissants, qui voyez mon offense,

Secondez mon amour, et guidez ma vengeance, etc. 7

La scène des deux vieillards, au quatrième acte, attendrit tous ceux qui n’ont point abjuré les sentiments de la simple nature. Mais ces sentiments sont toujours étouffés dans un parterre rempli de petites critiques à qui la nature est toujours étrangère dans le tumulte des cabales. C’est ce qui arriva à la scène touchante de Sémiramis et de Ninias ; c’est ce qui arriva à la scène de l’urne dans Oreste ; c’est ce que vous avez vu dans Tancrède et dans Olympie. Trois amis y seront , etc.,8 est très à sa place, très naturel, très touchant ; mais avec des acteurs froids et intimidés rendent tout ridicule aux yeux d’un public frivole et barbare, qui ne court à une première représentation que pour faire tomber la pièce.

Les deux dernières représentations ne subjuguèrent l’hydre qu’à moitié, parce que les acteurs n’étaient point encore parvenus à ce degré nécessaire de sensibilité qui est le maître des cœurs. Ce n’est qu’avec le temps qu’on goûtera ces mœurs champêtres, cette simplicité si touchante mise en opposition avec l’insolence du despotisme et la fureur des passions d’un jeune prince qui se croit tout permis. C’est précisément au parterre que cela doit plaire. Tous les gens de lettres sont de mon avis. On s’apercevra aussi que le style n’est point négligé, et que sa naïveté, convenable au sujet, loin d’être un défaut, est un véritable ornement ; car tout ce qui est convenable est bien. Les mots de toison, de glèbe, de gazons, de mousse, de feuillage, de soie, de lacs, de fontaines, de pâtre,9 etc., qui seraient ridicules dans une autre tragédie, sont ici heureusement employés. Mais cette convenance n’est sentie qu’à la longue ; elle plaît quand on y est accoutumé.

J’ai dit, dans la préface, que la pièce est très difficile à jouer, et j’ai eu grande raison. Voilà les acteurs enfin un peu accoutumés. Profitez donc, je vous en supplie, mes anges, de ce moment favorable ; faites reprendre la pièce après Pâques. La nature, après tout, est partout la même, et il faudra bien qu’elle parle dans votre Babylone comme dans ma Scythie. Si Brisard peut avoir plus de sentiment, si d'Oberval peut être moins gauche, si Pin pouvait être moins ridicule, s’ils pouvaient prendre des leçons dont ils ont besoin, si de jeunes bergères vêtues de blanc venaient attacher des guirlandes, dans le deuxième acte, aux arbres qui entourent l’autel, pendant qu’Obéide parle, si elles venaient le couvrir d’un crêpe dans la première scène du cinquième acte, si tous les acteurs étaient de concert, si les confidents étaient supportables, je vous réponds que cela ferait un beau spectacle.

Essayez, je vous prie, et surtout qu’Obéide sache pleurer. Je vois bien qu’elle 10 n’est point faite pour les rôles attendrissants ; il lui faudra des Léontine 11 qui disent des injures à un empereur dans sa maison, contre toute bienséance et contre toute vraisemblance. Il lui faudra des Cléopâtre 12 qui fassent à ses deux enfants la proposition absurde d’assassiner leur maîtresse. Le parterre aime encore ces sottises gigantesques, à la bonne heure ! Pour moi, qui suis le très humble et très obéissant serviteur du naturel et du vrai, je déteste cordialement ces prestiges dramatiques.

Je crois que je vais bientôt quitter ma Scythie, et en chercher une autre ; ma santé ne peut plus tenir à l’hiver barbare qui nous accable au mois d’avril, et aux neiges qui nous environnent, lorsque ailleurs on mange des petits pois. Les commis sont devenus plus affreux que les neiges. Je veux fuir les loups et les frimas.

En voilà trop ; respect et tendresse, mes anges.

N. B. – Vous n'aimez peut-être pas Marmontel, mais vous n'aimez pas assurément la Sorbonne .

Permettez que je vous adresse cette réponse pour M. du Belloy 13 . Voici la cinquantième lettre que j'écris depuis deux jours . Comment rapetasser un drame ? »

1 Original, le second paragraphe du post-scriptum, autographe ; édition de Kehl . Les deux premiers tiers de la lettre manquent dans le manuscrit, dont le texte ne commence qu'avec de toison, de glèbe ,[..,]. le post-scriptum , rayé sur la copie Beaumarchais-Kehl , manque dans toutes les éditions .

2 Ière épître aux Corinthiens, v. 7-8 ; voir Ephésiens, IV, 22 ; Colossiens, III, 9.

Voir : https://www.aelf.org/bible/1co/7

et : https://www.aelf.org/bible/Ep/4

et : https://www.aelf.org/bible/Col/3

3 Act. V, sc. II. 

4 Act. II, sc I. 

5 Act. III, sc II.

6 Act. III, sc II.

7 Act. III, sc II. 

8Ac. IV, sc. 6.

9Les mots toison, soie, lacs, fontaines sont tirés de l'acte I, sc. 1 ; glèbe de l'acte IV, sc. 2 ; gazon des indications scéniques des actes I, sc. 1 et IV, sc. 5 ; mousse et feuillage, de l'acte , sc ; 3 ; pâtres de l'acte I, sc. 2 .

10 Mademoiselle Durancy. (G.Avenel.)

11 Comme dans Héraclius, de Corneille. (G.A.)

12 Comme dans Rodogune, de Corneille . (G.A.)

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20/10/2022 | Lien permanent

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