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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Les filles qui aiment réussissent bien mieux au théâtre que les ivrognes

A fignoler ...

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

Colmar, le 29 octobre [1754]

 

Dieu est Dieu, et vous êtes son prophète, puisque vous avez fait réussir Mahomet 1; et vous serez plus que prophète 2 si vous venez à bout de faire jouer Sémiramis à Mlle Clairon . Les filles qui aiment réussissent bien mieux au théâtre que les ivrognes, et la Dumesnil n'est plus bonne que pour les Bacchantes . Mais , mon adorable ange, Allah, qui ne veut pas que les fidèles s'enorgueillissent, me prépare des sifflets à l'Opéra, pendant que vous me soutenez à la Comédie . C'est une cruauté bien absurde, c'est une impertinence bien inouïe que celle de ce polisson de Royer . Faites en sorte du moins, mon cher ange, qu'on crie à l'injustice, et que le public plaigne un homme dont on confisque ainsi le bien , et dont on vend les effets détériorés . Je suis destiné à toutes espèces de persécution . J'aurai fait une tragédie pour vous plaire, mais il a fallu me tuer à refaire entièrement cette Histoire générale. J'y ai travaillé avec une ardeur qui m'a mis à la mort . Il me faut un tombeau, et non une terre . M. de Richelieu me donne rendez-vous à Lyon ; mais depuis quatre jours je suis au lit, et c'est de mon lit que je vous écris . Je ne suis pas en état de faire deux cents lieues de bond et de volée . Mme la margrave de Baireuth voulait m'emmener en Languedoc . Savez-vous qu'elle y va, qu'elle a passé par Colmar, que j'y ai soupé avec elle le 23, qu'elle m'a fait un présent magnifique, qu'elle a voulu voir Mme Denis, qu'elle a excusé la conduite de son frère, en la condamnant ? Tout cela m'a paru un rêve ; cependant je reste à Colmar, et j'y travaille à cette maudite Histoire générale qui me tue . Je me sacrifie à ce que j'ai cru un devoir indispensable . Je vous remercie d'aimer Sémiramis . Mme de Baireuth en a fait un opéra italien, qu'on a joué à Baireuth et à Berlin . Tâchez qu'on vous donne la pièce française à Paris . Mme Denis se porte assez mal ; son enflure recommence . Nous voilà tous les deux gisants au bord du Rhin, et probablement nous y passerons l'hiver . Je devais aller à Manheim, et je reste dans une vilaine maison 3 d'une vilaine petite ville, où je souffre nuit et jour . Ce sont là des tours de la destinée ; mais je me moque de ses tours avec un ami comme vous et un peu de courage . A propos, que deviendra ce courage prétendu, quand on me jouera le nouveau tour d'imprimer la Pucelle ? Il est trop certain qu'il y en a des copies à Paris ; un Chevrier l'a lue . Un Chevrier 4, mon ange ! Il faut s'enfuir je ne sais où . Il est bien cruel de ne pas achever auprès de vous les restes de sa vie . Mille tendres respects à tous les anges . »


1 Remis au théâtre avec un grand succès, en 1754 avec Lekain dans le rôle de Mahomet .

2 Evangile de Luc et de Matthieu : plus quam prophetam .

3 Celle de Mme Goll , rue des Juifs, où elle portait le n° 10 en 1829.

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09/10/2011 | Lien permanent

je vous remercie d’avoir encouragé l’auteur inimitable de ce petit écrit à rendre des services si essentiels à la bonne

... "Si tu ne portes pas de masque, t'as rien compris" écrit Bansky; et ces ânes bâtés des services de nettoyage , eux, masqués ou non, se sont permis d'effacer ses rats instructifs , plus parlant que la vilaine trogne de Trump masquée .

https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/un-...

Exposition Bansky à l'espace Lafayette Drouot, à Paris, le 13 juin 2019.

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

Le 5 avril [1765] 1

Vous êtes obéi, mon cher frère ; ce charmant ouvrage 2 sera imprimé au plus vite et avec le plus grand secret. Que je vous remercie d’avoir encouragé l’auteur inimitable de ce petit écrit à rendre des services si essentiels à la bonne cause ! J’en demande très humblement pardon à ce Blaise Pascal,  mais je le mets bien au-dessous d’Archimède-Protagoras : celui-ci ne verra jamais de précipice à côté de sa chaise, et il bouchera le précipice dans lequel on fait tomber tant de sots .

Vous daignez me demander, par votre lettre du 27 de mars, le portrait d’un homme qui vous aime autant qu’il vous estime : je n’ai plus qu’une mauvaise copie d’après un original fait il y a trente ans, et dans le fond de mes déserts il n’y a point de peintre. Je vous enverrai ce barbouillage, si vous le souhaitez ; mais l’estampe faite d’après le buste de Le Moine vaut beaucoup mieux 3.

Je suis bien malade ; tout baisse chez moi, hors mes tendres sentiments pour vous. Je me soumets à l’Être des êtres et aux lois de la nature ; mais écr. l’inf. »

1 L'édition de Kehl amalgame cette lettre à une autre du 30 mars 1765 ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/07/05/le-public-se-lasse-bien-vite-d-etre-genereux.html

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16/07/2020 | Lien permanent

...la Tolérance, et je demande extrême diligence pour cet ouvrage . Il y a une douzaine de personnes principales dans l'

... Il est bien évident que l'adresser à Trump, Kim Jung Un et Bachar El Assad serait donner des perles à des cochons .

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 13 mars 1763]

Mon cher Gabriel n'est-il pas enchanté de l'arrêt du Conseil sur les Calas, et de l'accueil fait à la mère et aux deux filles, et des battements de mains de Versailles et de Paris ? Pour moi j'en pleure de joie .

Dieu merci, il ne sera plus question de Pertharite, la voilà imprimée . Je soupçonne toujours que Sophonisbe doit entrer dans le VIIIè tome .

J'attends, E, G, H, J, K, L, de la Tolérance, et je demande extrême diligence pour cet ouvrage . Il y a une douzaine de personnes principales dans l'Europe à qui il est important de l'envoyer sans délai, et pour cause . »

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23/02/2018 | Lien permanent

je n'ai pu encore obtenir un mot de réponse sur cet article essentiel, sans lequel rien ne peut être consommé

... Hamas s'en tient à cette affirmation .

C'est hélas ce qui se passe en Israël et Gaza pour l'échange de prisonniers et otages ; Joe Biden , lui, appliquant la méthode Coué, s'attend à des libérations par douzaines, Hamas n'est pas du même avis : https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-pa...

 

 

 

« A Charles-Eugène, duc de Wurtemberg

A Ferney 1er avril 1768 1

Monseigneur,

La chambre de Montbéliard vient de m'envoyer deux délégations pour l'avenir, à commencer le 1er juillet prochain, et, quoique ces délégations ne soient pas revêtues de formes ordinaires, le respect pour votre nom, et la confiance en votre générosité y suppléeront . Mais quoique j'aie envoyé vingt mémoires à la Chambre, quoiqu'il suffise d'un quart d'heure pour mette en règle le passé, quoique j'aie envoyé mon compte conforme à celui du sieur Jeanmaire, votre conseiller, et du sieur Surleau, avocat, je n'ai pu encore obtenir un mot de réponse sur cet article essentiel, sans lequel rien ne peut être consommé .

Messieurs de la chambre des finances n'ont rien écrit, rien statué sur les soixante et dix mille livres qu'on veut prêter à Votre Altesse Sérénissime, à Genève, et dont vous avez fait deux billets dont je suis dépositaire . M. Jeanmaire m’a mandé à la vérité que votre intention était que cet argent servit à me payer les arrérages du passé qui se montent à 66 924 livres . J'ai envoyé le compte tout dressé à messieurs de la chambre des finances il y a plus d'un mois . J’ai envoyé plusieurs mémoires consécutifs . Tout est en règle de ma part, et dans la meilleure forme ; il ne s'agit que de finir .

Je supplie Votre Altesse Sérénissime de daigner ordonner que cette affaire soit enfin entièrement terminée . C'est ce que j’attends de sa générosité et de sa bonté . C'est ce que mon grand âge, mes maladies et les intérêts de ma famille me forcent de vous demander avec instance.

Je suis avec un profond respect, monseigneur

de Votre Altesse Sérénissime

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1Voir : Voltaire créancier du duc de Wurtemberg, Emile Lizé ; https://www.jstor.org/stable/40528905

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25/11/2023 | Lien permanent

Il est triste qu'on cherche à transformer les nouvelles publiques et d'autres écrits plus sérieux en libelles diffamatoi

... Ce qui attriste Voltaire à l'époque du simple écrit est multiplié par millions au temps de l'internet, et des réseaux dits "sociaux", vastes poubelles où un peu de bon est inondé de merdouilles . Je plains les modérateurs  . Les capacités de nuisance sont infernales . Il y a urgence à former chacun à savoir trier le vrai du faux , c'est vital si on ne veut pas voir exploser des guerres nouvelles tant les humains sont faciles à berner : la terre est certainement plate !

"Lao Tseu a dit "Il faut trouver la voie !" , et "Pour la trouver il faut vous couper la tête !" selon Didi son disciple (Le Lotus Bleu). On en est trop souvent là .

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Retour de flamme, c'est maintenant le Chinois qui est méchant et le Japonais gentil

 

 

« Au « Mercure de France » 1

J'ai appris dans ma retraite qu'on avait inséré dans la Gazette d'Utrecht du 11 mars des calomnies contre M. de La Harpe, jeune homme plein de mérite déjà célèbre par la tragédie de Warwick et par plusieurs prix remportés à l'Académie française avec l'approbation du public . C'est sans doute ce mérite-là même que lui attire les imputations envoyées de Paris contre lui à l'auteur de la Gazette d’Utrecht . On articule dans cette gazette des procédés avec moi dans le séjour qu'il a fait à Ferney 2. La vérité m'oblige de déclarer que ces bruits sont sans aucun fondement et que tout cet article est calomnieux d'un bout à l’autre . Il est triste qu'on cherche à transformer les nouvelles publiques et d'autres écrits plus sérieux en libelles diffamatoires . Chaque citoyen est intéressé à prévenir les suites d'un abus si funeste à la société .

Fait au château de Ferney, 30 [31] mars 1768.

Voltaire. »

1 Minute olographe ; édition « Article envoyé par M. de Voltaire pour être inséré dans les papiers publics », Mercure de France, avril 1768 . La lettre parut aussi dans d'autres journaux de l'époque, à la date du 31 dans tous les textes imprimés bien qu'elle soit sans aucun doute rédigée le 30.

2 Dans son numéro du 18 mars 1768, la Gazette d'Utrecht, dans une « nouvelle de Paris » datée du 11, déclare que La Harpe a été expulsé de Ferney parce qu'il trahissait la confiance de son bienfaiteur « en lui enlevant furtivement différents manuscrits précieux » . V* fera souvent allusion à ce vol, dont Dupuits avait été témoin.

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24/11/2023 | Lien permanent

comme je trouve cet ouvrage très contraire aux décisions de la Sorbonne et aux décrétales je soutiens que je n'y ai aucu

... Persiste et signe .

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« A Jean-Robert Tronchin

12 mars [1759] aux Délices 1

Mon cher correspondant est supplié de vouloir bien affranchir cette lettre pour mon avocat au conseil, lequel plaide contre un curé, et lequel perdra probablement son procès ; je n'ai point de nouvelles de Lisbonne, et je ne sais quand nous pourrons manger du jésuite ; l'abbé Pernetti soutient toujours que j'ai fait voyager le philosophe Pangloss et Candide , mais comme je trouve cet ouvrage très contraire aux décisions de la Sorbonne et aux décrétales je soutiens que je n'y ai aucune part ; et s'il le faut je l'écrirai au révérend père Malagrada ; je fais toujours bâtir un château plus beau que celui de M. le baron Thunder-ten-tronckh . Il me ruine mais j'espère que les Bulgares n'y viendront point ; j'embrasse mon très cher correspondant de tout mon cœur .

V. »

1 Le même jour [Jean-Louis]Dupan écrivait à Freudenreich : « Candide a été brûlé à Paris par arrêt du parlement . On le dit ici, mais cela n'est pas sût […] M. de Voltaire a acheté la terre de Ferney sous le nom de sa nièce Denis . Sa nièce Fontaine lui devait 50 ou 60 mille francs . Il lui en a fait présent . S'il savait modérer l'intempérance de la langue et de la plume il serait heureux . Il dit que la calomnie lui attribue Candide, et il serait bien fâché qu'on ne l'en crût pas l'auteur . »

Voir : http://w3public.ville-ge.ch/bge/odyssee.nsf/Attachments/freudenreich_abrahamframeset.htm/$file/freudenreich_abraham.pdf

 

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21/04/2014 | Lien permanent

N. b. qu'on pourrait confier cet argent à la mère qui le ferait durer

...

 

 

« Voltaire

et Marie-Françoise Corneille

à Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Ferney 26 janvier 1763 1

Mes divins anges nous marions donc Mlle Corneille . Il est très juste de faire un petit présent au père et à la mère, mais dès que ce père a un louis il ne l'a plus, il jette l'argent comme Pierre faisait des vers ; très à la hâte . Vous protégez cette famille . Pourriez-vous charger quelqu'un de vos gens de donner à Pierre le trotteur vingt cinq louis à plusieurs fois afin qu'il ne jetât pas tout en un jour ? Je vous demande bien pardon, je sais à quel point j'abuse de votre bonté mais on n'est pas ange pour rien .

N. b. qu'on pourrait confier cet argent à la mère qui le ferait durer .2

Il y a plus . Vous sentez combien il doit être désagréable à un gentilhomme, à un officier d'avoir un beau-père facteur de la petite poste dans les rues de Paris . Il serait convenable qu'il se retirât à Évreux avec sa femme et qu'on lui donnât un entrepôt de tabac ou quelque autre dignité semblable qui n'exigeât ni une belle écriture ni l'esprit de Cinna . Je vous soumets ma lettre aux fermiers généraux 3. Si vous la trouvez bien je vous supplie de vouloir bien ordonner qu'elle soit envoyée . Peut-être même on trouverait quelque membre de la compagnie pour l'appuyer . Cet emploi n'aurait lieu si on voulait, que jusqu’à ce qu'on vît clair dans les souscriptions et qu'on pût assurer une subsistance honnête au père et à la mère . Je crois aussi qu'il est convenable que j'écrive à M. de La Tour du Pin, et que Marie écrive aussi un petit mot, quoiqu'elle dise à Mme Denis : maman, je sens que je n'ai pas de génie pour la composition .

 

Il est vrai que pour la composition ce n'est pas mon fort, mais pour les sentiments du cœur je le dispute aux héros de mon oncle . Je conserverai toute ma vie la reconnaissance que je dois aux anges de M. de Voltaire qui sont les miens . Je vous prie monsieur et madame d'agréer avec votre bonté ordinaire mon attachement inviolable, mon respect et si vous le permettez la tendresse avec laquelle je serai toute ma vie votre très humble et très obéissante servante .

Corneille .

 

D'ordinaire elle forme mieux ses caractères,mais aujourd'hui la main lui tremble . Mes anges lui pardonneront sans doute .

J'ai cru aussi qu'il était bon qu'elle écrivît à M. le comte de La Tour du Pin son parent . Il y a un petit mot pour son frère 4. Il ne le mérite guère après la manière indigne dont il s'est conduit si chrétiennement à l'aide de Fréron, mais cet abbé avait mis deux lignes au bas d'une lettre du comte à la mort de leur père, ainsi on peut faire ici mention de lui, et cela est honnête . »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais et suivie des autres éditions joint à cette lettre celle du 26 janvier 1763 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-4.html . Le mois a été ajouté au-dessus de la ligne apparemment par V* .

2 Phrase ajoutée dans la marge du bas .

3 On ne la connait pas .

4 L’abbé de la Tour-du-Pin, qui avait demandé une lettre de cachet pour enlever mademoiselle Corneille. (Georges Avenel.)

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17/12/2017 | Lien permanent

est-il vrai que la mauvaise foi et l’avarice aient succédé à la superstition, pour anéantir cet ouvrage ?

...

 

« A Etienne-Noël Damilaville

Le 5 de mars 1763

Mon cher frère, j’attends votre petite pompignade , dont les notes me réjouiront. J’attends surtout des nouvelles de la seconde représentation de la pièce de M. de Crosne 1, qu’on dit fort bonne ; je me flatte toujours que cette affaire des Calas fera un bien infini à la raison humaine, et autant de mal à l’infâme .

Mettez-moi au fait, je vous en conjure, de l’aventure de l’Encyclopédie 2. Est-il bien vrai qu’après avoir été persécutée par les Omer et les Chaumeix, elle l’est par les libraires ? est-il vrai que la mauvaise foi et l’avarice aient succédé à la superstition, pour anéantir cet ouvrage ? Si cela est, ne pourrait-on pas renouer avec l’impératrice de Russie ? Après tout, si les auteurs sont en possession de leurs manuscrits, ils n’ont qu’à aller où ils voudront. La véritable manière de faire cet ouvrage en sûreté était de s’en rendre entièrement le maître, et d’y travailler en pays étranger. Je plains bien le sort des gens de lettres ; tantôt un Omer leur coupe les ailes, et tantôt des fripons leur coupent la bourse.

On demande dans les provinces des sermons et des Meslier : la vigne ne laisse pas de se cultiver quoi qu'on en dise .

Mlle Dangeville et Mlle Gaussin se retirent donc à Pâques 3. On reforme toutes les troupes à ce que je vois . Il me manque La Troade de M. de Châteaubrun 4. Frère Thieriot doit avoir tous ces rogatons-là . J'ai vu un temps où il s'empressait de tout recueillir, mais à présent, il néglige tout . Mon frère Thieriot est prié de me dire combien il y a encore de petits Corneille dans le monde . Il vient d'en arriver un qui est réellement arrière-petit-fils de Pierre, par conséquent très bon gentilhomme 5. Il a été longtemps soldat et manœuvre ; il a une sœur cuisinière en province, et il s'est imaginé que Mlle Corneille qui est chez moi, était cette sœur . Il vient tout exprès pour que je le marie aussi ; mais comme il ressemble plus à un petit-fils de Suréna et de Pulchérie qu'à celui de Cornélie et de Cinna, je ne crois pas que je fasse sitôt ses noces .

J'embrasse tendrement mon frère . Je suis aveugle et malingre . Écrasez l'infâme . »



1 Le 25 février 1763, Thieriot a écrit : « M. de Crosne a rapporté avant-hier à Versailles pour la première fois l'affaire des Calas, il y aura encore deux séances, mais non pas à huitaine l'une de l'autre . Ce jugement des honnêtes gens de différents pays qui pensent de même etc. doit faire autant d'effet que le meilleur factum . Ce trait est admirable et doit réveiller l'attention des juges . »

2 On ignore à quels incidents se réfère cette phrase . Un fragment datant du 5 mars 1765 aurait-il été fondu dans une lettre de deux ans antérieure ? Selon Georges Avenel, il s'agirait du cas de l'imprimeur Lebreton qui s'était permis de corriger Diderot sans rien lui dire .

3 Thieriot écrit aussi : « Le théâtre français est bien abandonné . Mlle Clairon est malade . Mlle Dangeville se retire à Pâques, et on tâche que Mlle Gaussin prenne ce parti, car elle est à présent plus nuisible qu'utile . Il y a toute apparence qu'ils fondent leur ressource sur vos pièces à la rentrée, mais comment, et par quels acteurs et actrices ? »

4 Les Troyennes, tragédie de Châteaubrun, publiée à Paris en 1756 .

5 Un document de la main de Wagnière, conservé à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, semble bien être une copie du document que ce personnage avait présenté à V* pour attester qu'il avait plus de droit que Marie-Françoise aux privilèges dus aux descendants de Corneille : « Aujourd'hui 9è mars 1763, s'est présenté devant nous Claude-Etienne Corneille, lequel nous a montré son extrait baptistaire, du 15è avril 1727, signé d'Antier, curé de Neuville, diocèse de Nevers près de Moulins. Il est fils de Pierre-Alexis Corneille, et de demoiselle Bénigne Larmanat, du lieu nommé Tardy . Son parrain est Claude-Etienne Larmanat de Fleury-sur-Loire ; sa marraine demoiselle Anne Corneille du dit Tardy près de Neuville, le tout, certifié par l'official de Nevers, Chatelain, et par le greffier de l'officialité, signé Goussot à Nevers 8è avril 1754, et scellé des armes de l’évêque . Plus, le dit Claude-Etienne nous a montré l'extrait mortuaire de son père Pierre-Alexis Corneille, gentilhomme ordinaire du roi, et de Marie Le Cochois, décédé en l’hôpital de Saint-Gilles de la Charité de Moulins le 3è juillet 1748, lequel Pierre Corneille, était fils du célèbre Pierre Corneille de Rouen,le tout signé Gaudence La Cour, à Moulins 7è mars 1754, certifié par Antoine Grimauld, lieutenant général de Moulins, et plus bas, Fenneché, 27è mars 17545, et scellé des armes de France. »

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12/02/2018 | Lien permanent

cet ouvrage, que j'entreprends, qui convient à mon âge, à mon goût, aux circonstances où je me trouve

... Est un blog voltairien, dit James, et en écho , "itou !"  dit  Mam'zelle Wagnière .

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

Aux Délices 19 août [1757]


Je commence, mon cher ange, par vous dire que Tronchin s'est trompé sur les eaux de Plombières, et que j'en suis très-aise. J'avais pris la liberté d'écrire à Mme d'Argental contre les eaux 1, et je me rétracte, mais à l'égard des eaux d'Aix-la-Chapelle, je trouve que ce serait au duc de Cumberland à les prendre, et non pas au maréchal d'Étrées. Il vient de gagner une bataille il faut que M. de Richelieu en gagne deux, s'il veut qu'on lui pardonne d'avoir envoyé aux eaux un général heureux. A l'égard du roi de Prusse, l'affaire n'est pas finie, il s'en faut beaucoup. Il est encore maître absolu de la Saxe et si les Anglais envoient quinze mille hommes à Stade, l'armée de France peut se trouver dans une position embarrassante. Je me hâte de quitter cet article pour venir à celui de Fanime. Je vous avoue que je ne suis guère en train à présent de rapetasser une tragédie amoureuse, et que le
czar Pierre a un peu la préférence. Comment voulez-vous que je résiste à sa fille? Il ne s'agit pas ici de redire ce qui s'est passé aux batailles de Narva et de Pultava, il s'agit de faire connaître un empire de deux mille lieues d'étendue, dont à peine on avait entendu parler il y a cinquante ans. Il me semble que ce n'est pas une entreprise désagréable de crayonner cette création nouvelle, c'est un beau spectacle de voir Pétersbourg naître au milieu d'une guerre ruineuse, et devenir une des plus belles et des plus grandes villes du monde , de voir des flottes où il n'y avait pas une barque de pêcheur, des mers se joindre, des manufactures se former, les mœurs se polir, et l'esprit humain
s'étendre
.

J'ai au bord de mon lac un Russe 2 qui a été un des ministres de Pierre le Grand dans les cours étrangères. Il a beaucoup d'esprit, il sait toutes les langues, et m'apprend bien des choses utiles. J'ai vu chez moi des jeunes gens nés en Sibérie, il y en a un 3 que j'ai pris pour un petit-maître de Paris. C'est donc, mon cher ange, ce vaste tableau de la réforme du plus grand empire de la terre qui est l'objet de mon travail. Il n'importe pas que le czar se soit enivré, et qu'il ait coupé quelques têtes 4, au fruit. Il importe de connaître un pays qui a vaincu les Suédois et les Turcs, donné un roi à la Pologne, et qui venge la maison d'Autriche. On me fait copier les archives, on me les envoie. Cette marque de confiance mérite que j'y sois sensible. Je n'ai à craindre d'être ni satirique ni flatteur, et je ferai bien tout mon possible pour ne déplaire ni à la fille de Pierre le Grand ni au public. Je me suis laissé entraîner à me justifier auprès de vous sur cet ouvrage, que j'entreprends, qui convient à mon âge, à mon goût, aux circonstances où je me trouve. Une autre fois je vous parlerai au long de cette pauvre Fanime; mais je crois qu'il faut laisser oublier le grand succès de l'Iphigénie en Tauride. Mes Russes prirent la Tauride il y a dix-huit ans. Adieu, mon divin ange je vous embrasse mille fois. »

3 Sans doute Soltikoff .

4 Sur cet épisode, voir page 443 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411350z/f446.image

 

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08/12/2012 | Lien permanent

Il arrive souvent qu'on ne sait pas précisément ce qu'on veut, et cet état est très pénible

 

 

 

« A Marie-Louise Denis

 

19 juin [1769 de Ferney]

 

Dieu ne saurait empêcher que ce qui est fait soit fait 1. Que j'aie eu tort ou non d'être trop sensible, il n'importe . Je l'ai été, je n'ai pu m'imaginer qu'on pût de sang-froid dire une chose si cruelle 2 à un vieillard dont on n'avait nul sujet de se plaindre , et conserver de l'amitié pour lui . Il est dur de se sentir méprisé et haï à mon âge . J'ai crû l'être . Qu’en est-il arrivé ? Je m'en suis puni moi-même , et moi seul . J'ai jugé qu'on devait cacher sa vieillesse et sa douleur dans la solitude avant d'ensevelir l'une et l'autre dans la bière . J'ai dévoré seul mon chagrin pendant seize mois, et si l'étude n’avait pas un peu consolé mon état, je serais mort .

 

Joignez à mes peines des souffrances de corps presque continuelles, et jugez qui, de vous ou de moi, a été le plus malheureux . Je ne sais comment je finirai ma vie, mais ce qui est bien sûr, ma chère nièce, c'est que je la finirait en vous aimant . Il est bien certain que si je ne vous avais pas aimée, mon affliction aurait été moins douloureuse .

 

L'idée d'être séparé de vous est affreuse, celle de vous voir à Genève tandis que je serais à Ferney ne l'est pas moins . Je me soucie peu des vains discours de ceux qui n'ayant rien à faire se mêlent toujours de censurer ce que les autres font . Mais il est certain que rien ne ferait un plus mauvais effet que de voir ma nièce à qui Ferney appartient attendre à deux lieues de là . Il vaudrait cent fois mieux que j'allasse m'ensevelir ailleurs de mon vivant et que vous vinssiez vous établir à Ferney.

 

Le mieux serait sans doute que j'achevasse ma vie auprès de vous, soit à Ferney, soit dans un faubourg de Paris . Je ne connais pas un troisième parti qui ne soit cruel . Il y a des situations où l'on ne peut être que mal . Cependant j'ai fait tout ce que j'ai pu au monde pour que vous soyez bien . Le fracas d'une maison ouverte ne nous convient plus, et mon âge, mon goût, mes maladies me rendent cette vie bruyante insupportable . La solitude avec moi à Ferney serait un fardeau que vous ne pourriez soutenir . Vous êtes à l'étroit 3 à présent parce qu'il vous a fallu acheter des meubles, et que vous avez eu chez vous beaucoup de monde . Je suis embarrassé de mon côté parce que le Châtelard coûte une fois plus qu'on ne croyait comme cela arrive toujours et que le trésorier du duc de Virtemberg m'a manqué de parole . Dans cette situation, voyons bien tous deux ce que nous voulons devenir . Consultez avec vous-même . Il arrive souvent qu'on ne sait pas précisément ce qu'on veut, et cet état est très pénible . Pour moi je sais très bien que je veux que vous soyez heureuse . Décidez de la manière dont vous voulez l'être . Faites un plan et je bâtirai dessus . J'ignore si vous êtes toujours à Rueil 4, et combien de temps vous y serez .

 

Choudens 5 continue toujours son procès . Si on nomme des experts ils se feront un plaisir de décider contre nous . Les paysans , n'en usent jamais autrement avec les seigneurs , et dans le pays de Gex ce sont les paysans qui en sont crus quand il s'agit d'évaluer un domaine .

 

Il y a un exemplaire des Guèbres pour vous chez M. Marin . Nous verrons ce que cet ouvrage deviendra 6. Les honnêtes gens devraient un peu s'ameuter dans cette occasion, mais les honnêtes gens sont bien tièdes . Comptez que ce n'est pas avec tiédeur que je vous aime .

 

V. »


1 Leur séparation ; voir les lettres depuis mars 1768.

2 V* lui a reproché dans une lettre du 8 mars 1768 de lui avoir dit qu'il « ne savait plaire ni à Dieu ni au diable ». Wagnière, son secrétaire, écrivait de son côté, le 21 mars : « Le commencement de la querelle vient de ce qu'elle lui dit que les Représentants de Genève ne l'aimaient pas plus que les Négatifs, et cela en plaisantant . Sur ces seules paroles il la força de partir ... »

3 Financièrement .

4 Elle y séjournait « pour éviter la dépense de Paris », comme elle l'écrivait le même jour au résident Hennin .

5 A qui V* a acheté une propriété.

6 Voir lettre aux d'Argental du même jour : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/16/i...

 

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20/06/2011 | Lien permanent

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