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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

je me suis donné une nombreuse famille que la nature m’avait refusée, et je jouis enfin d’un bonheur que je n’ai jamais

... Ah ! que j'aimerais en dire autant mon cher Voltaire !

P. S. -- Question famille, la nature ne m'a rien refusé, contrairement à mon régime de retraite .

 

 

« A Jacques-François-Paul Aldonce de Sade 1

Ferney 12 février 1764

Vous remplissez, monsieur, le devoir d’un bon parent de Laure 2, et je vous crois allié de Pétrarque, non seulement par le goût et par les grâces, mais parce que je ne crois point du tout que Pétrarque ait été assez sot pour aimer vingt ans une ingrate. Je suis sûr que vos mémoires vaudront beaucoup mieux que les raisons que vous donnez de m’avoir abandonné si longtemps ; vous n’en avez d’autres que votre paresse.

Je suis enchanté que vous ayez pris le parti de la retraite ; vous me justifiez par là, et vous m’encouragez. Si je n’étais vieux et presque aveugle, Paul irait voir Antoine, et je dirais avec Pétrarque :

Movesi il vecchiarel canuto e bianco

del dolce loco ov’ ha sua et à fornita,

e da la famigliuola sbigottita,

Che vede il caro padre venir manco.3

J’irai vous voir assurément à la Fontaine de Vaucluse. Ce n’est pas que mes vallées ne soient plus vastes et plus belles que celles où a vécu Pétrarque , mais je soupçonne que vos bords du Rhône sont moins exposés que les miens aux cruels vents du nord. Le pays de Gex, où j’habite, est un vaste jardin entre des montagnes ; mais la grêle et la neige viennent trop souvent fondre sur mon jardin. J’ai fait bâtir un château bien petit, mais bien commode, où je me suis précautionné contre ces ennemis de la nature : j’y vis avec une nièce que j’aime ; nous y avons marié mademoiselle Corneille à un gentilhomme du voisinage qui demeure avec nous ; je me suis donné une nombreuse famille que la nature m’avait refusée, et je jouis enfin d’un bonheur que je n’ai jamais goûté que dans la retraite. Je ne puis laisser la famiglia sbigottita 4; vous feriez donc fort bien, vous monsieur, qui avez de la santé, et qui n’êtes point dans la vieillesse, de faire un pèlerinage vers notre climat hérétique. Vous ne craindrez pas le souffle empesté de Genève . Monsieur le légat vous chargera d’Agnus et de reliques . Vous en trouverez d’ailleurs chez moi ; et je vous avertis d’avance que le pape m’a envoyé par M. le duc de Choiseul un petit morceau de l’habit de saint François, mon patron. Ainsi vous voyez que vous ne risquez rien à faire le voyage . D’ailleurs la ville de Calvin est remplie de philosophes, et je ne crois pas qu’on en puisse dire autant de la ville de la reine Jeanne 5.

Il y a longtemps que je n’ai été à ma petite campagne des Délices . Je donne la préférence au petit château que j’ai bâti, et je l’aimerai bien davantage, si jamais vous daignez prendre une cellule dans ce couvent : vous m’y verrez cultiver les lettres et les arbres, rimer et planter. J’oubliais de vous dire que nous avons chez nous un jésuite 6 qui nous dit la messe . C’est une espèce d’Hébreu que j’ai recueilli dans la transmigration de Babylone : il n’est point du tout gênant, non tanta supervia victis 7; il joue très bien aux échecs, dit la messe fort proprement . Enfin c’est un jésuite dont un philosophe s’accommoderait. Pourquoi faut-il que nous soyons si loin l’un de l’autre, en demeurant sur le même fleuve !

Je suis bien aise que messieurs d’Avignon sachent que c’est moi qui leur envoie le Rhône ; il sort du lac de Genève, sous mes fenêtres, aux Délices. Il ne tient qu’à vous de venir voir sa source, vous combleriez de plaisir votre vieux serviteur, qui ne peut vous écrire de sa main, mais qui vous sera toujours tendrement attaché. 

Voltaire .»

2 Sade vient de faire paraître , anonymement, les Mémoires pour la vie de François Pétrarque, 1764-1767 . C'est dans cette lettre , disparue, de Sade à V* que le premier suggérait cette parenté en faisant de Laure la fille d'Audibert de Noves et la femme d'Hugues de Sade . Cette hypothèse est actuellement mise en doute par les spécialistes . Voir un état de la question concernant Laure , avec des références à Sade dans « Bilancio di una annosa questione : « Maurice Scève e la scorpera' della 'romba di Laura »   de Enzo Giudici, Quaderni di filologia e lingue romanze, Ricerche svolte d'all'Universita di macerato .

3 Il quitte, le vieillard chenu et à la barbe blanche, le doux pays où il a passé sa vie, et sa petite famille dans l'émoi, qui se voit abandonnée par le père chéri ; de Pétrarque, Sonnets, XIV .

4 Ma famille dans l'embarras .

5 Jeanne Ière, reine de Naples, avait vendu Avignon à Clément VI pour obtenir de lui l'absolution pour le meurtre de son mari . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_Ire_de_Naples

6 Le père Adam .

7 Tant d'orgueil ne sied pas aux vaincus ; Virgile, L'Enéide, I, 529 .

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22/02/2019 | Lien permanent

On dit que ces jésuites ont emmené avec eux deux cents petits garçons et deux cents chèvres

... Honni soit qui mal y pense ; bien entendu . On n'en pense pas moins . Prenez ça dans les dents ! Voltaire se moque et incendie les jésuites, c'est du passé, mais de nos jours ce sont les terroristes islamistes de Boko Haram , fléau sanguinaire, enleveurs d'enfants, pillards , qui agissent ainsi en réalité : à rayer de la surface de la terre sans pitié .

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon

Mon cher ami, vous me faites aimer le péché originel. Saint Augustin en était fou, mais celui qui inventa la fable de Pandore avait plus d'esprit que saint Augustin, et était beaucoup plus raisonnable. Il ne damne point les enfants de notre mère Pandore, il se contente de leur donner la fièvre, la goutte, la gravelle par héritage. J'aime Pandore, vous dis-je, puisque vous l'aimez. Tout malade et tout héritier de Pandore que je suis, j'ai passé une journée entière à rapetasser l'opéra dont vous avez la bonté de vous charger. J'envoie le manuscrit, qui est assez gros, à M. de La Borde 1 en le priant de vous le remettre. Je lui pardonne l'infidélité qu'il m'a faite pour Amphion 2 . Cet Amphion était à coup sûr sorti de la boîte; il lui reste l'espérance très légitime de faire un excellent opéra avec votre secours.

Mlle Dubois m'a joué d'un tour d'adresse; mais si elle est aussi belle qu'on le dit, et si elle a les tétons et le cul plus durs que Mlle Durancy, je lui pardonne; mais je n'aime point qu'on m'impute d'avoir célébré les amours et le style de M. Dorat, attendu que je ne connais ni sa maîtresse, ni les vers qu'il a faits pour elle 3. Cette accusation est fort injuste mais les gens de bien seront toujours persécutés.

Père Adam est tout ébouriffé qu'on ait chassé les jésuites de Naples, la baïonnette au bout du fusil ; il n'en a pas l'appétit moins dévorant. On dit que ces jésuites ont emmené avec eux deux cents petits garçons et deux cents chèvres ; c'est de la provision jusqu'à Rome. Il ne serait pas mal qu'on envoyât chaque jésuite dans le fond de la mer, avec un janséniste au cou.

Mme Denis mangera demain vos huîtres, je pourrai bien en manger aussi, pourvu qu'on les grille. Je trouve qu'il y a je ne sais quoi de barbare à manger un aussi joli petit animal tout cru. Si messieurs de Sorbonne mangent des huîtres, je les tiens anthropophages.

Je vous recommande, mon cher confrère en Apollon, L'Empire romain et Pandore. Nous vous aimons tous comme vous méritez d'être aimé.

V.

21è décembre 1767. »

1 La lettre à M. de La Borde qui devait accompagner cet envoi manque.

3 On attribuait à Voltaire une épigramme contre Dorat, commençant par ce vers

Bon Dieu que cet auteur est triste en sa gaîté.

Cette épigramme est imprimée dans plusieurs recueils, et, entre autres, page 53 du tome II de la Correspondance littéraire de La Harpe, qui m'a dit en être l'auteur, et qui l'avoue au reste dans sa note, page 63 du même volume. (Beuchot )

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13/07/2023 | Lien permanent

ce qu'il désirait le plus dans le plus sot des mondes possibles était de réjouir un petit nombre de gens d'esprit

... Et je renvoie le compliment à son auteur, Voltaire .

Je dois vous avouer que j'ai un instant été tenté de titrer "la spirituelle, l'éloquente , la sucrée, la romanesque, la bavarde" en pensant à Mam'zelle Wagnière, qui je l'espère n'en sera pas fâchée car elle est, peu ou prou, tout cela et bien davantage qui la rendent unique ...

... comme notre soleil

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« A César-Gabriel Choiseul, comte de Choiseul 1

Son Excellence

lieutenant général des armées

ambassadeur à Vienne

[vers le 1er avril 1759]

J'ai mandé monsieur au bonhomme Ralph qu'il avait fait rire une Excellence qui va 2 dans le pays de l'ennui . Ce loustic 3 en est tout ragaillardi . Il dit que ce qu'il désirait le plus dans le plus sot des mondes possibles était de réjouir un petit nombre de gens d'esprit comme vous qui ne sont de ce siècle en aucune façon . Il prétend que si vous voulez le faire avertir par quelque rieur de vos amis, il vous fera présenter à Strasbourg de quoi vous amuser sur la route, et de quoi jeter dans le Danube .

N'oubliez pas la spirituelle, l'éloquente , la sucrée, la romanesque, la bavarde comtesse de Bentinck quand vous voudrez savoir au juste tous la ragotons de Vienne .

Si j'étais homme à me venger d'un certain Freitag, agent du roi de Prusse, ci-devant mis au pilori en Saxe et maintenant serré à Dusseldorf, et un coquin de Smith, faux-monnayeur de Francfort, conseiller du roi de Prusse, qui me volèrent, en sauçant ma nièce dans le ruisseau, et du roi de Prusse lui-même qui emploie ces dignes agents, je pourrais aller plaider à Vienne car c'est une chose délicieuse de se ruiner au conseil aulique pour ruiner Smith et mortifier Fédéric ; mais j’aime mieux bâtir des châteaux, puisqu'ils ne sont pas en Espagne.

Je souhaite à Votre Excellence tous les succès dont je ne doute pas . Elle est bien persuadée de mon tendre sentiment .

V. »

2 Mots soulignés, peut-être par allusion au fait que le départ en question n'est pas imminent . Le comte de Choiseul succédait au comte de Stainville (devenu duc de Choiseul) comme ambassadeur extraordinaire à Vienne . Il ne devait être officiellement accrédité que le début juin .

3 Mot allemand qui signifie joyeux . A proprement parler, dans les régiments allemands le « Lustig » était le bouffon de la troupe .

 

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la rage du Dogme : c'est la plus abominable maladie du genre humain, la peste n'en approche pas

...

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« Au baron Albrecht von Haller

[17 avril 1759]

J'ai l'honneur de vous renvoyer, monsieur, la lettre que vous avez bien voulu me confier . C'est le malheur des gens oisifs de s'occuper profondément de ces misères qu'on oublie au bout de deux jours . Le monde ne se soucie guère, si un curé de village a eu sa part ou non à une sottise . Je suis très aise que vous soyez aussi des nôtres , que vous donniez dans les Bucoliques . Tout ce que nous avons de mieux à faire sur la terre, c'est de la cultiver : les autres expériences de physique ne sont que des jeux d'enfants ne comparaison des expériences de Triptolème,, de Vertumne , et de Pomone ; ce sont là de grands physiciens . Notre semoir qui épargne la moitié de la semence est très supérieur aux coquilles du jardin du roi . Honneur à celui qui fertilise la terre, malheur au misérable ou couronné, ou encasqué 1, ou tonsuré qui la trouble .

Je ne vous passerai jamais qu'on ait été excusable de brûler avec des fagots verts un pauvre diable de médecin 2, pour avoir pensé à peu près comme on pensait dans les trois premiers siècles, cela me paraitra toujours très cannibale . Les monstres papistes , qui firent pis,étaient des démons déchainés . Voilà la suite de la rage du Dogme : c'est la plus abominable maladie du genre humain, la peste n'en approche pas .

Felix qui potuit rerum cognoscere causas,

Fortunatus et ille deos qui novit agrestes .3

Éclairez le monde, et desséchez les marais, il n'y aura que les grenouilles qui auront à se plaindre 4. J'ai voulu faire taire d'autres grenouilles qui croassaient, je ne sais pourquoi . Cette affaire impertinente est heureusement finie ; il ne fallait pas qu'elles importunassent un homme qui a six charrues à conduire , des maisons à bâtir et qui n'a pas de temps de reste . J'en aurai toujours quand il faudra vous prouver que je vous estime et même que je vous aime, car je veux bien que vous sachiez , que vous êtes aimable .

L'ermite V. »

1Ce mot n'est pas enregistré, mais on peut en relever de même formation dans l’Histoire de la langue française de Alexis François .

2 Michel Servet, au sujet duquel Haller écrivait , dans la lettre du 11 avril 1759, à laquelle V* répond ici : « Pour le triste sort de Servet il a souffert par les lois, qui étaient en vigueur alors dans toute la chrétienté […] de nos jours même on l'enfermerait . Mais qu'est-ce qu'un Servet vis-à-vis des milliers de protestants qui ont été brûlés par l’Église romaine ? »

3 Heureux qui a pu connaître les causes des choses . Heureux aussi celui qui connait les dieux agrestes . Virgile, Georgiques, II, 490-493.

4 «  Vous ignorez apparemment que je suis cultivateur et que je me plais à lutter contre les mauvaises qualités du terroir […] Un marais desséché, sur lequel je ferais une récolte, une colline couverte d'épines qui rendrait de l'esparsette par mes soins, voilà les conquêtes que j'aime à faire » disait aussi Haller dans sa lettre du 11 avril .

 

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10/06/2014 | Lien permanent

Une belle terre à gouverner est une chose très amusante

... Et je sens bien que Dieu s'applique à travailler en s'amusant, tout comme il l'a encore récemment soufflé au ministre de l'éducation pour cette fameuse réforme des rythmes et programmes scolaires .

Je sens bien aussi que le résultat sera identique à celui que l'on voit dans le bordel ambiant qui régit ce monde, ce globule comme dit Voltaire .

Tiens, à propos de globule(s), n'oubliez pas de donner quelques uns des vôtres pour sauver quelques vies et être utiles et heureux à coup sûr .

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« A Marie-Louise Denis 1

2 juillet [1758] , Lausanne

Je vous assure que je suis plus affligé que vous . Mais , ma chère enfant, vous savez que ce voyage à Manheim est un devoir qu'il fallait remplir . Soyez sûre que ce sera de tous les devoirs le plus promptement dépêché et que je reviendrai bientôt au seul devoir de mon cœur . Nous avons voyagé par le déluge des Délices à Lausanne , il pleuvait dans la berline à peu près comme dans le grand chemin . Je soupai hier chez M. d'Hermenches avec tous les Chandieux, le marquis de Gentil n'y étais pas , il paraît qu'on le boude . Il est vrai que Mme de Bentinck a envoyé à Montriond Mlle de Donop, parente du général de Donop que vous avez vu […] Je pars demain lundi à Morat […] Si j'ai de la santé je ne m'arrêterai nulle part […] Il me semble que je ne marche que comme moitié de coq 2: j'ai laissé l'autre moitié et la meilleure aux Délices […] Tout le monde s'est empressé à demander de vos nouvelles, tout le monde vous fait des compliments, je fais les miens à votre sœur, à son fils, à M. de Florian 3 […] Ayez surtout grand soin de votre santé, promenez-vous quelquefois dans les allées que j'ai plantées . J'ai quelque envie que vous vous promeniez aussi dans celles de Champignelle 4 et de vous voir dame du château avec votre aumônier . Une belle terre à gouverner est une chose très amusante et si vous pouvez aimer cette vie qui est la plus naturelle, la plus tranquille et le plus saine, je serai le plus heureux des hommes . Paris n'est bon qu'à vingt-cinq ans […] Je ne songe à présent qu'à me rapprocher de vous […] »

1 Extraits empruntés au catalogue de la vente Cornuau (Paris, 21 février 1936).

2 Allusion à un conte populaire dont le héros est ainsi nommé . Voir à ce propos : http://lsj.hautetfort.com/archive/2009/05/27/le-trou-du-cul-du-coq.html

3 Le catalogue de vente donnait : Fleuriau  , et sans doute a confondu avec Claret de Fleurieu, secrétaire de l'Académie de Lyon, père du comte de Fleurieu, ministre de la marine sous Louis XVI. .

4 Sur cette propriété voir le lettre du 12 juillet 1758 à Mme Denis où V* dit ne pouvoir acquérir cette propriété qu'il dit « bâtie comme Saverne »

 

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11/09/2013 | Lien permanent

quand on a tant d'ennemis, et tant d'efforts à soutenir, on ne peut succomber qu'avec gloire

 ... Ce qui ne sera pas le cas de Coppé qui triomphe sans gloire et de Fillon qui perd, sans se rendre compte qu'il échappe à un rôle imbécile . Heureux celui qui ne mène pas un parti , un semblant de liberté peut lui rester en gage .

 Personnellement, succomber simplement à une amie suffit à mon bonheur . Fi de la gloire !

 Everyone will be famous for fifteen minutes

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« A M. Pierre-Robert le CORNIER de CIDEVILLE.

Aux Délices, près du lac de Genève, 15 juillet [1757].

Mon cher et ancien ami, j'ai l'air bien paresseux; je ne vous ai point remercié de la belle exposition de la tragédie d'Iphigénie en Tauride, que vous m'avez envoyée. De maudites occupations que je me suis faites emportent tout le temps. On sort fatigué de son travail on dit, j'écrirai demain, la mauvaise santé vient encore affaiblir les bonnes résolutions, et on croupit longtemps dans son péché. C'est là la confession de l'ermite des Délices.
Je vous crois à présent dans vos délices de Normandie, vers les bords de votre Seine 1. Vous y jugerez la famille d'Agamemnon à la lecture, vous verrez si les vers sont bien faits, si on les retient aisément, si l'ouvrage se fait relire car c'est là le grand point, sans lequel il n'y a pas de salut.
La tragédie qu'on joue en Bohême n'est pas encore à son dernier acte. La pièce devient très-implexe 2. J'espère que le vainqueur de Mahon 3 y jouera un beau rôle épisodique. Celui des peuples, qui représentent le chœur, sera toujours le même, il payera toujours la guerre et la paix, les belles actions et les sottises.
On a cru d'abord le roi de Prusse perdu par la victoire du comte de Daun, et par la délivrance de Prague; mais il est encore au milieu de la Bohême, et maître du cours de l'Elbe jusqu'en Saxe. On croit qu'enfin il succombera. Tous les chasseurs s'assemblent pour faire une Saint-Hubert à ses dépens. Français, Suédois, Russes, se mêlent aux Autrichiens ; quand on a tant d'ennemis, et tant d'efforts à soutenir, on ne peut succomber qu'avec gloire. C'est une nouveauté dans l'histoire que les plus grandes puissances de l'Europe aient été obligées de se liguer contre un marquis de Brandebourg 4; mais avec cette gloire, il aura un grand malheur, c'est qu'il ne sera plaint de personne.
Il ne savait pas, lorsque je le quittai 5, que mon sort serait préférable au sien. Je lui pardonne tout, hors la barbarie vandale dont on usa avec Mme Denis 6. Adieu, mon cher ami.

V. »

2 Il se disait, dans l'ancienne critique, des Ouvrages dramatiques où il y a reconnaissance ou péripétie, ou l'un et l'autre; il s'emploie surtout en parlant du Théâtre des anciens.

3 Le maréchal duc de Richelieu « héros » de V*.

4 Frédéric II .

5 V* quitta Frédéric II le 20 mars 1753 .

6 Lors des « avanies de Francfort » de juin-juillet 1753 .

 

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21/11/2012 | Lien permanent

Je me croirais très-heureux, monsieur, de vous pouvoir être de quelque utilité

 ... Phrase que l'on aimerait entendre plus souvent, ou plutôt - soyons réaliste- , au moins une fois , de la part de son banquier, son percepteur, son garagiste, un policier, un gendarme, un quidam ou une quidame* de bonne volonté . Il m'est permis d'être optimiste jusqu'à mon dernier soupir, n'est-ce pas . Je suis en effet un peu las des "il faut régulariser votre découvert au plus vite", "vous restez devoir ... à règler avant le ... sous peine de majoration de 10%", "je ne peux pas vous dépanner avant 15 jours","d'où venez vous ? vous ne pouvez pas vous garer ici !" , "vous n'avez pas apposé votre certificat d'assurance, avez-vous bu ?" . 

 NDLR : Je suis pour la parité des sexes et des genres, aussi je verrais très aisément un quimonsieur auprès d'une quidame . Messieurs de l'Académie, à vous de jouer !

 

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Ce graphique présente l'utilité d'Internet aux yeux du vulgum pecus, et non pas ma propre utilité en ce monde, -enfin je ne crois pas,- ma modestie légendaire en souffrirait !

 

 

« A M. Pierre ROUSSEAU 1

A Lausanne, 7 janvier [1757].

J'ai reçu, monsieur, la lettre non datée que vous avez bien voulu m'écrire je présume que vous êtes à Liège, puisque c'est à Liège que s'imprime le Journal encyclopédique 2 auquel vous m'apprenez que vous travaillez. M. Durant, qui m'a fait aussi l'honneur de m'écrire quelquefois, et qui est, je pense, votre associé, a toujours daté de cette ville. Je me croirais très-heureux, monsieur, de vous pouvoir être de quelque utilité, à l'un et à l'autre. Il m'a paru qu'il y avait dans ce journal beaucoup d'articles bien faits et intéressants. J'ai lieu de croire qu'ils sont de vous deux. C'est le seul journal qui me parvienne je suis très- peu au fait de la littérature moderne dans mes deux retraites de Lausanne et du voisinage de Genève, mais s'il se trouve quelque occasion de vous marquer, monsieur, combien je suis sensible à votre politesse, je la saisirai avec empressement. Les maladies dont je suis accablé ne me permettent pas les longues lettres, mais elles ne dérobent rien aux sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être, monsieur, etc. »

1 Bibliothèque royale de Bruxelles, manuscrit 11582.

2 Le premier numéro date du 1er janvier 1756 . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Journal_encyclop%C3%A9dique

et : http://www.gedhs.ulg.ac.be/ebibliotheque/articles/mouriau/je.html

V* écrira par la suite : « Le journal encyclopédique, que je regarde comme le premier des cent soixante-treize journaux qui paraissent tous les mois en Europe »

 

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19/09/2012 | Lien permanent

cette femme singulière ... qui fut dévote et qui fit l'amour

... L'un n'empèchant pas l'autre, le rapprochement des deux activités mène-t-il obligatoirement à la position du missionnaire, ou alors, moyennant confession en bonne et due forme, certaines fantaisies sont-elles permises ?

 

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A première vue ce n'est pas le style de Françoise, mais Louis XIV en sait plus que moi !

Je pose la question car je ne me sens pas l'âme d'un guette au trou de serrure . Et à ce propos, je peux vous assurer que Secret Story ne m'a pas eu une seule seconde comme spectateur, Dieu m'en préserve, la connerie humaine n'a pourtant pas besoin de tant de publicité pour être consommée et pratiquée .

 

 

 

« A madame la duchesse de SAXE-GOTHA

Aux Délices, 23 août 1756.

Madame, l'optimisme et le tout est bien reçoivent, en Suède, de terribles échecs. On se bat sur mer, on se menace sur terre. Heureuse encore une fois la terre promise de Gotha, où l'on est tranquille et heureux sous les auspices de Votre Altesse sérénissime ! Elle a donc lu les lettres de cette femme singulière 1, veuve d'un poète burlesque et d'un grand roi, qui naquit protestante et qui contribua à la révocation de l'édit de Nantes, qui fut dévote et qui fit l'amour. Je ne sais, madame, si vous aurez trouvé beaucoup de lettres intéressantes.
A l'égard des Mémoires de La Beaumelle, c'est l'ouvrage d'un imposteur insensé qui a quelquefois de l'esprit, mais qui en a toujours mal à propos. Ses calomnies viennent de le faire enfermer à la Bastille pour la seconde fois, c'était un chien enragé qu'on ne pouvait plus laisser dans les rues. C'est une étrange fatalité que ce soit un pareil homme qui ait été cause de ce qu'on appelle mon malheur à la cour de Berlin. Pour moi, madame, je ne connais d'autre malheur que d'être loin de Votre Altesse sérénissime.
On est grand nouvelliste dans le pays que j'habite; on prétend qu'il y a, dans une partie de l'Allemagne, des orages prêts à crever. Heureusement ils sont loin de vos États. Je n'ose, madame, vous demander si Votre Altesse sérénissime pense qu'il y ait guerre cette année il ne m'appartient pas de faire des questions mais je sais que Votre Altesse sérénissime voit les choses d'un coup d'œil bien juste. Son opinion déciderait, en plus d'une conjoncture, de ce qu'on doit penser. Plus d'un particulier est intéressé aux affaires générales, qu'elle me pardonne de lui en parler, et qu'elle daigne recevoir, avec sa bonté ordinaire, mon profond respect et mon inviolable attachement. »

 

1 Mme de Maintenon dont la correspondance a été publiée par La Beaumelle .http://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_de_Maintenon

 

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10/08/2012 | Lien permanent

le bonheur réel est dans vous, dans votre esprit sage et élevé; il est dans la satisfaction d'être aimée

... Ah ! comme Volti sait consoler et réconforter . Il est un bon coach !

 Et voici le sourire du bonheur

 

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« A Madame la duchesse de SAXE-GOTHA

Aux Délices, près de Genève, 12 juillet [1756]

Madame, mon attachement, ma sensibilité extrême pour tout ce qui intéresse Votre Altesse sérénissime, avaient prévenu la bonté que vous avez eue de daigner me parler de votre perte 1.
Je suis persuadé qu'elle éprouve tous les jours de nouvelles consolations dans des enfants si chers, si dignes d'elle et si bien élevés. Elle les voit croître sous ses yeux; elle est témoin de leurs progrès. Ce sera là, madame, le plus solide plaisir de votre vie. D'autres vont le chercher à Venise et à Naples; mais le bonheur réel est dans vous, dans votre esprit sage et élevé; il est dans la satisfaction d'être aimée. J'y compte pour beaucoup la grande maîtresse des cœurs je me flatte que les alarmes sur sa santé sont évanouies.
On a reconnu, dans Paris, que les Mémoires de Mme de Maintenon sont autant d'impostures, et que ses lettres, qui sont véritablement d'elle, ne contiennent pas beaucoup d'anecdotes intéressantes. Je suis persuadé qu'un esprit comme le vôtre s'amusera peu de tous ces détails inutiles.
La prise de Port-Mahon et les nouveaux traités occupent l'Europe davantage. Un homme de l'Académie des sciences, à Paris, nommé l'abbé de Gua 2, a voulu la faire trembler. Il a prédit un tremblement de terre pour le 9 de ce mois je me flatte qu'il n'aura pas été prophète.
Ce fameux Tronchin 3, qui a été à Paris inoculer nos princes et guérir tant de personnes, est chez moi actuellement avec une de mes nièces 4, qu'il a tirée des portes de la mort. J'aurais bien voulu qu'il eût été à Gotha dans ses voyages c'est véritablement un grand homme; mais je suis encore plus incurable qu'il n'est habile. Il faut se soumettre à sa destinée. La mienne, madame, est d'être dévoué à Votre Altesse sérénissime et à toute votre auguste famille, avec le plus profond respect et le plus tendre attachement. »

 

3 Théodore Tronchin, célèbre médecin .

4 Mme Marie-Elisabeth de Fontaine, sœur de Mme Marie-Louise  Denis .

 

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20/07/2012 | Lien permanent

Vous direz, mon cher monsieur, que je suis un étourdi, et vous aurez raison

 ... Diantrement raison . Où sont donc mes clés ? mon permis ? ma tête ? mon portable  ?

Ah ! oui , mon portable que j'ai sans doute enterré en plantant deux pommiers le 30 mars , de profundis toshibus kaput !

Mes clés qui naviguent semble-t-il d'un manière autonome de poches en poches, et que j'ai du mal à suivre .

Mon permis, qui a tout prendre et tout bien réfléchi m'est moins indispensable pour rouler qu'un bon plein d'essence .

Ma tête ! oublions ce détail de mon anatomie !

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Têtes de linottes

http://www.deezer.com/music/track/229984

 http://www.deezer.com/music/track/7007608

 

 

« A M. BERTRAND

à Berne

Aux Délices, 30 mars [1756]

Vous direz, mon cher monsieur, que je suis un étourdi, et vous aurez raison. J'envoyai cette lettre à M. de Seigneux de Correvon 1, magistrat de Lausanne. Je mis son adresse au lieu de la vôtre. J'étais si malade que je ne savais ce que je faisais. M. de Seigneux m'a renvoyé la lettre, sans savoir pour qui elle est. Je vous rends votre bien, c'est-à-dire mes hommages et mon cœur, qui sont certainement à vous de droit.
Vous me mandez, que Mme de Giez 2 vous a montré ce dessus de lettre; c'est pur zèle de sa part. Le cachet était surmonté d'un H: on disait à Lausanne que H voulait dire Haller; mais ce n'est pas le style d'un homme si respectable. On disait qu'il y a d'autres Haller. Tant mieux pour eux, s'ils ressemblent un peu à ce grand homme 3. Mais que ne dit-on pas à Lausanne ?
Je n'entre point dans les tracasseries; je ne suis point de la paroisse. Je vis dans la retraite, je souffre mes maux patiemment. Je reçois de mon mieux ceux qui me font l'honneur de me venir voir. Je vous aime à jamais, et voilà tout.

V. »

1 Gabriel Seigneux, seigneur de Correvon, né à Lausanne vers la fin du XVIIe siècle; auteur de quelques ouvrages utiles, mort en 1776, dans sa ville natale. http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/745-gabriel-seigneux-de-correvon

2 Veuve du jeune banquier qui permit à V* d'avoir Monrion .

3 Dans la bibliothèque cantonale de Berne, ville natale d'Albert de Haller, est un buste avec cette inscription Le grand Haller. (CL.) Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Albrecht_von_Haller

 

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