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21/10/2014

On se moque de vous et de vos discours et de vos dénonciations . Mon Dieu que cela est bête !

... Aujourd'hui,  on oserait même dire "comme c'est con!"  lorsqu'on entend des hommes politiques de tous bords casser du sucre sur le dos des partis adverses et, quand ils n'en ont pas assez, déguiller des membres de leur propre camp .

Ridicules ! Ridicule d'utiliser tant de temps en vaines parlottes dignes d'un meeting de crapauds à la saison des amours ou d'un discours de Kim Jung Un .

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

Aux Délices 1er octobre [1759] 1

A mon cher ange

Il saura que sur ses ordres on transcrit à force la chevalerie 2 et qu'on l'enverra incessamment comme affaire du conseil, à M. de Courteilles . Pour La Femme qui a raison, patience, s'il-vous-plait . Ce seraient deux femmes qui auraient raison en un jour et c'est trop à la comédie . Pour madame Scaliger qui fait la troisième, elle verra qu'on a été en tous les points de l'avis de ses remontrances . Au reste nous jouons après-demain Mérope sur mon petit théâtre vert et or . Vous voyez bien mes divins anges qu'en faisant le rôle de Narbas, faisant bâtir, faisant mes vendanges et faisant battre en grange, je ne peux guère songer à La Femme qui a raison .

Eh bien ne vous l'avais-je pas dit que si ce M. d'Espagnac était commissaire des remontrances il y aurait des difficultés ? Quel homme ! Plus il est épineux, plus je vous remercie .

A monsieur l’ambassadeur 3

Si son excellence prend le chemin de Genève nous tâcherons de lui donner la chevalerie sur mon théâtre grand comme la main, et si elle lui plait nous serons bien fiers . Tous les spectateurs feront serment de n'en point parler, et je réponds que Paris n'en saura rien . Nous voudrions seulement savoir quand monsieur l'ambassadeur passera par chez nous . Je lui réitère les plus tendres remerciements .

A monsieur de Chauvelin l'intendant

Puisque ma sangsue 4 ne sert qu'à le faire rire, je m'accommode sérieusement avec elle . J'aime à payer ce qui est dû, mais injustice et rapacité révoltent ma bile, et l'allument . Je suppose que monsieur de Chauvelin a toujours la rage du bien public .

A monsieur l'abbé de Chauvelin

Qu'il soit averti que les remontrances du parlement 5 n'ont réussi dans aucun pays de l'Europe . Il est triste d'avoir la guerre contre les Anglais, mais puisqu'ils nous battent, il faut bien que nous payions l'amende .

A monsieur Omer de Fleury

A qui en avez-vous M. Omer ? votre frère l'intendant est aimable, mais quelle fureur avez-vous d'être un petit Anitus 6? On se moque de vous et de vos discours et de vos dénonciations . Mon Dieu que cela est bête !

Somme totale

Le sens commun paraît exilé de France, mais il réside chez mes anges avec la bonté et l'esprit .

N.B.- Comment pourrons-nous parler de ces grands chevaliers ? et dire que tout Français est à craindre 7 tandis que tout le monde nous donne sur les oreilles?ah mon divin ange que j'ai bien fait de me composer une petite destinée indépendante ! que j'ai bien choisi mes retraites ! que je m'y moque du genre humain !

Atque metus omnes strepitum que Acherontis avari subjicio pedibus .8

Mais mon refrain, mon triste refrain est toujours que je mourrai sans avoir revu mon cher ange . Il n'y a pas d'apparence que je revienne dans le pays des Anitus et des Fréron . Je suis continuellement partagé entre le bonheur extrême dont je jouis et la douleur de votre absence .

V. »

1 Sur le manuscrit d'Argental a ajouté l'année et « Ré[pondu] ».

2 Tancrède .

3 Bernard-Louis Chauvelin . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard-Louis_Chauvelin

4 « commise par les fermes générales », voir lettre du 7 septembre 1759 à Jacques-Bernard Chauvelin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/05/la-sangsue-commise-par-les-fermes-generales-exige-le-centiem-5461778.html

5 Allusion aux difficultés soulevées par le parlement de Besançon ; voir les Remontrances , II, 172-221 . Voir Germain-Louis de Chauvelin : http://fr.wikipedia.org/wiki/Germain-Louis_Chauvelin

6 L'un des accusateurs de Socrate, et V* fait souvent allusion à lui .

8 Je foule aux pieds toutes les craintes que provoquent les flots grondants du vorace Achéron ; Virgile, Géorgiques, 491-492 librement adaptés par V*.

 

cet homme extraordinaire moitié héros moitié fou ... son exemple devait servir de leçon aux conquérants qui auraient autant d'ambition et moins de valeur

... "Servir de leçon" et non pas "servir de modèle", subtil distinguo qui peut se solder par une conquête pacifique telle celle de la santé et du bien-être général de tous humains (et autres êtres vivants si affinités) plutôt que bains de sang et cendres .

Conquérants sanguinaires, circulez, il n'y a rien pour vous , ni compliments, ni citations à l'ordre du mérite . Tout comme Voltaire, je vous hais : "Je hais les conquérants, fiers ennemis d’eux-mêmes,...", voir lettre à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/05/26/je-hais-les-conquerants-je-songe-a-l-humanite-sire-avant-de.html

 

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« A Gabriel de Seigneux, seigneur de Correvon

[septembre-octobre 1759]1

[…] Il est vrai que je suis occupé actuellement de l'histoire de Pierre le Grand ; elle n'est peut-être pas si divertissante pour le commun des lecteurs que celle de ce don Quichotte du Nord qui couchait en bottes, et qui se battait avec ses cuisiniers et ses secrétaires contre dix mille Turcs ; mais l'histoire d'un législateur qui a créé des villes et des hommes, vaut bien aux yeux d'un philosophe tel que vous les prouesses d'un chevalier errant . Il y a trente ans que j'ai dit dans l'histoire de cet homme extraordinaire moitié héros moitié fou que son exemple devait servir de leçon aux conquérants qui auraient autant d'ambition et moins de valeur [...] »

1 Ce fragment de lettre est une citation par Seigneux dans une lettre non datée à Johann Jakob Bodmer, de la lettre originale . Après avoir cité ceci, il écrit : « Il [V*] me mande qu'il viendra nous voir cet hiver ; mais pour peu de temps je crois . Il a de belles terres nouvellement acquises et un théâtre à Tournay qui le retiendront, sans compter peut-être quelque autre motif . Si j'avais comme ce célèbre confrère cent mille livres de rente, il me semble que je glisserais sur des sujets qui l'ont beaucoup affecté . » On déduit la date d'après ce commentaire .

Voir : http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/745-gabriel-seigneux-de-correvon

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Johann_Jakob_Bodmer