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10/05/2016

il n’est pas naturel que le juge des curés soit curé lui-même

... Ça se discute, n'est-ce pas M. Barbarin ( qui n'est en aucune façon mon seigneur ) !

 

juge des curés noix.png

Ne pas (faire) juger une noix par sa coquille !

 

 

« A Jean-Marie Arnoult

A Ferney, le 15 Juin 1761

J’eus l’honneur, monsieur, de vous mander, il y a quelques jours, que j’avais fait ce que vous m’aviez prescrit pour arrêter le cours des procédures odieuses et téméraires qu’on faisait au sujet de l’église que je fais bâtir à Dieu. J’ai découvert depuis qu’il y a une ordonnance du roi, de 1627, qui défend, à l’article 14, à tout curé d’être promoteur ou official. 1

Or, monsieur, l’official et le promoteur qui ont fait les procédures ridicules dont je me plains sont tous deux curés dans le pays. Je crois être en droit d’exiger qu’ils soient condamnés solidairement à me rembourser tous les dommages, etc., qu’ils m’ont causés en effarouchant et dispersant tous mes ouvriers par leur descente illégale, etc.

La justice séculière a discontinué ses procédures absurdes ; mais la prétendue justice cléricale a continué les siennes : et non missura cutem, nisi plena cruoris, hirudo. 2

Elle a encore interrogé mes vassaux séculiers et mes ouvriers, malgré la signification que j’ai faite suivant votre délibéré. Ces démarches, illégales et insolentes autant qu’insolites, rebutent ceux qui travaillent pour moi.

Votre nouveau client vous importunera souvent monsieur. Le sieur de Croze est aussi le vôtre dans son affaire contre le curé Ancian, au sujet de l’assassinat de son fils. Il est certain que ce malheureux a été amoureux de la dame Burdet, bourgeoise de Magny, et de très bonne famille, qu’il n’a jamais appelée que la prostituée. Il est prouvé d’ailleurs que cet abominable prêtre a passé sa vie à donner et à recevoir des coups de bâton. Vous avez les pièces entre les mains : je vous demande en grâce de presser cette affaire . J’aurai très soin que vous ne perdiez pas vos peines. Vous me paraissez l’ennemi des usurpations et des violences ecclésiastiques ; vous signalerez également votre équité, votre savoir, et votre éloquence.

Je vous soumets cette pancarte : vous y verrez, monsieur, que l’on me poursuit avec l’ingratitude la plus furieuse, tandis que je me ruine à faire du bien. Il me paraît que c’est là le cas d’un appel comme d’abus. La loi qui défend aux curés d’exercer le ministère d’official et de promoteur doit exister, car il n’est pas naturel que le juge des curés soit curé lui-même . Cette loi ne serait pas rapportée dans un livre qui sert de code aux prêtres si elle n’avait pas été portée, et si elle n’était pas en vigueur. Elle est fondée sur les mêmes raisons qui ne souffrent pas qu’un official et un promoteur soient pénitenciers.

De tout mon cœur, monsieur, et sans compliment, votre, etc. »

1 Voir lettre du 6 juillet 1761 à Arnoult : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1761-partie-28-122085604.html . Le promoteur était l'équivalent du procureur du roi dans les cours ecclésiastiques . L’official est un « juge d’Église commis par un greffier, ou par un chapitre ou par un abbé . »

2 Et la sangsue ne lâchera pas la peau qu'elle ne soit rassasiée de sang ; Horace, Art poétique, 476 .

 

mon cinquième acte n’en est pas moins insipide. Je ne sais plus comment m’y prendre pour trouver des sujets nouveaux : j’ai été en Amérique et à la Chine . Il ne me reste que d’aller dans la lune. J’en suis malade ; me voilà comme une femme qui a fait une

... fausse couche "

Fanfoué Hollande résume ainsi son quinquennat s'il est encore lucide, ou alors on peut attribuer cette citation  au regrettable Niko Sarkozy , -mais non regretté-, en 2011 .

Toutefois je doute que notre président sortant  soit "malade", au plus déçu ; le pouvoir est un baume merveilleux qui rend dépendant, accro, addict ! le désir de se représenter en est une preuve . Peut-on le  considérer comme  maladie professionnelle ? Est-ce pour ça qu'on leur octroie une si confortable retraite ?

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental, Envoyé

de Parme etc.

rue de la Sourdière

à Paris

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

15 Juin 1761.

Divins anges, ne m’avez-vous pas pris pour un hâbleur qui vous faisait un portrait exagéré de ses fardeaux et tribulations ? Je ne vous en ai pas dit la moitié . Voici le comble. J’abandonne ma tragédie 1. Le cinquième acte ne pouvait être déchirant ; et, sans grand cinquième acte, point de salut. J’ai tourné et retourné le tout dans ma chétive tête . Froid cinquième acte, vous dis-je. Vous me direz que ce sont mes procès qui m’appauvrissent l’imagination ; au contraire, ils me mettent en colère, et cela excite . Mais mon cinquième acte n’en est pas moins insipide. Je ne sais plus comment m’y prendre pour trouver des sujets nouveaux : j’ai été en Amérique et à la Chine . Il ne me reste que d’aller dans la lune. J’en suis malade ; me voilà comme une femme qui a fait une fausse couche. Est-il vrai qu’on a représenté Athalie avec magnificence 2, et que le public s’est enfin aperçu que Joad avait tort, et qu’Athalie avait raison ?

Protégez-vous la petite Durancy ? protégez-vous Crispin Hurtaud 3 ? Mais est-il bien vrai qu’on ne prendra point Belle-Isle 4?

N’allez pas me laisser là, s’il vous plaît, si je ne trouve pas un beau sujet . Il ne faut pas chasser un vieux serviteur, parce qu’il n’est plus bon à rien ; il faut le plaindre et l’encourager.

Avez-vous les Trois sultanes 5? On dit que cela est charmant ; point d’intrigue, mais beaucoup d’esprit et de gaieté.

Enfin, mes chers anges, vous avez donc fait grâce au Droit du Seigneur 6 ; vous avez comblé de joie madame Denis : elle était folle de cette bagatelle. Je ne sais si Thieriot sera bien adroit, ni comment il s’y prend.

Mille tendres respects. »

1 La version révisée de Zulime .

2 Une nouvelle mise en scène d'Athalie avait donné lieu à une première représentation le 4 mai 1761 avec un succès moindre que pour la série précédente de février-mars 1759 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Athalie_%28Racine%29

3 Pseudonyme de V* pour Le Droit du seigneur .

4 Cette île était déjà prise .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Prise_de_Belle-%C3%8Ele-en-Mer

5 Soliman second , comédie de Favart connu aussi sous le nom des Trois sultanes, avait été joué au Théâtre -Italien le 9 avril 1761 . Voir : https://archive.org/details/solimansecondoul00favauoft

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Simon_Favart

6 D'Argental avait présenté la pièce aux comédiens ou était sur le point de le faire . Diderot écrivait à Damilaville en juin-juillet 1761 : « Comment voulez-vous qu'au milieu de tout cela on se souvienne de votre petit conseiller de Dijon ? Cependant sa pièce a été remise aux semainiers qui en ont fait leur rapport ; et il est décidé que, lundi prochain, elle sera reçue ou refusée . Voilà ce que vous pouvez dire à M. d'Argental, en lui présentant mes respects . » ; les semainiers sont les acteurs en charge des affaires courantes pour la semaine . Voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_DROITDUSEIGNEUR.xml

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_de_cuissage