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02/03/2017

Rendez-vous à la loi, respectez sa justice, Elle est commune à tous, il faut qu'on l'accomplisse. La cabane du pauvre, et le trône des rois Également soumis entendant cette voix Elle aide la faiblesse, elle est le frein du crime .

... Le Pen et consorts, Balkany & son, Fillon, Sarkozy, et moult autres élus, que ne respectez-vous les lois que vous créez !

 

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« A Honoré-Armand, duc de Villars

24 [25] mars 1762 1

Relation de ma petite drôlerie.

Hier, mercredi 24 de mars, nous essayâmes Cassandre ; notre salle est sur le modèle de celle de Lyon ; le même peintre a fait nos décorations ; la perspective en est étonnante : on n’imagine pas d’abord qu’on puisse entendre les acteurs qui sont au milieu du théâtre , ils paraissent éloignés de cinq cents toises. Ce milieu était occupé par un autel ; un péristyle régnait jusqu’aux portes du temple. La scène s’est toujours passée dans ce péristyle ; mais quand les portes de l’intérieur étaient ouvertes, alors les personnages paraissaient être dans le temple, qui, par son ordre d’architecture, se confondait avec le vestibule ; de sorte que, sans aucun embarras, cette différence essentielle de position a toujours été très bien marquée.

Le grand intérêt commença dès la première scène, grâce aux conseils d’un de nos confrères de l’Académie 2, qui daigna me suggérer l’idée de supposer d’abord que Cassandre avait sauvé la vie d’Olympie.

Seul je pris pitié d’elle, et je fléchis mon père ;

Seul je sauvai la fille, ayant frappé la mère.3

Dès ce moment, je sentis que Cassandre devenait le personnage le plus intéressant.

Le mariage, la  cérémonie, la procession des initiés, des prêtres, et des prêtresses couronnées de fleurs, etc., les serments faits sur l’autel, tout cela forma un spectacle auguste.

Au second acte, Statira enfermée dans le temple, obscure, inconnue, accablée de ses infortunes, et n’attendant que la fin d’une vie usée par le malheur, reconnue enfin dans cette assemblée, l’hiérophante à ses genoux, les prêtresses courbées vers elle, ensuite Olympie présentée à sa mère, leur reconnaissance, firent le plus grand effet.

Cassandre, au troisième acte, venant prendre sa femme des mains de la prêtresse qui doit la lui remettre, et trouvant Statira dans cette prêtresse, fit un effet beaucoup plus grand encore. Tout le monde sentit par ce seul vers :  

Bienfaits trop dangereux, pourquoi m’a-t-il aimée ?4

qu’Olympie aimerait toujours le meurtrier de sa mère ; de sorte qu’on ne savait qui on devait plaindre davantage, ou Cassandre, ou Olympie, ou la veuve d’Alexandre.

Au quatrième, les deux rivaux, Antigone et Cassandre, ont déjà fondu l’un sur l’autre, dans le péristyle même ; les initiés, les Ephésiens les ont séparés. Ils sont tous dans les coulisses du péristyle ; ils en sortent tous à la fois, divisés en deux bandes ; les portes du temple s’ouvrent au même instant, l’hiérophante et les prêtres remplissent le milieu du théâtre, Antigone et Cassandre sont encore l’épée à la main. C’est par cet appareil que commence le quatrième acte. L’hiérophante, après avoir dit aux deux rois,  

Qu’osiez-vous 5 attenter, inhumains que vous êtes, etc.

continue ainsi :

Rendez-vous à la loi, respectez sa justice,

Elle est commune à tous, il faut qu'on l'accomplisse.

La cabane du pauvre, et le trône des rois

Également soumis entendant cette voix

 Elle aide la faiblesse, elle est le frein du crime .

Elle dédie à l'autel l'innocente victime …

Tout dépend d'Olympie, et surtout de sa mère,

Elle a repris ses droits, ce sacré caractère

Que la nature donne et que rien n'affaiblit.

A son auguste voix Olympie obéit,

Obéissez comme elle, il faut tous deux attendre

Ce que doit prononcer la veuve d'Alexandre .6

Alors Cassandre prend la résolution d’enlever son épouse dans le temple même. Il la trouve au pied d’un autel. Cette scène a été très attendrissante ; et à ces mots :

Ma haine est-elle juste, et l’as-tu méritée ?

Cassandre, si ta main féroce, ensanglantée,

Ta main qui de ma mère a déchiré le flanc,

N’eût frappé que moi seule, et versé que mon sang,

Je te pardonnerais, je t’aimerais, barbare. 7

les deux acteurs pleuraient, et tous les spectateurs étaient en larmes.

Cet amour d’Olympie attendrissait d’autant plus qu’elle avait voulu se le cacher à elle-même, qu’elle ne s’était point laissée aller à ces lieux communs des combats entre l’amour et le devoir, et que sa passion avait été plutôt devinée que déployée.

Immédiatement après cette scène, Statira, qui a su qu’on allait enlever sa fille, vient lui apprendre qu’Antigone va la secourir, que son hymen était réprouvé par les lois ; elle la donne à son vengeur. Alors Olympie avoue à sa mère qu’elle a le malheur d’aimer Cassandre. Statira évanouie de douleur entre ses bras, Cassandre qui accourt, les divers mouvements dont ils sont agités, forment un tableau supérieur aux trois premiers actes.

Au cinq, Antigone arrivant pour soutenir ses droits, pour venger Olympie du meurtrier d’Alexandre et de Statira, apprend que Statira vient d’expirer entre les bras de sa fille ; elle a conjuré Olympie, en mourant, d’épouser Antigone. Les voilà donc tous deux dans le temple, forcés d’attendre la décision d’Olympie, et elle est obligée de choisir : elle promet qu’elle se déclarera quand elle aura rendu les derniers devoirs au bûcher de sa mère. Le bûcher paraît, elle parle aux deux rivaux, et n’avouant son amour qu’au dernier vers, elle se jette dans le bûcher.

La scène a été tellement disposée, que tout a été exécuté avec la précision nécessaire. Deux fermes, sur lesquelles on avait peint des charbons ardents, des flammes véritables qui s’élançaient à travers les découpements de la première ferme, percée de plusieurs trous ; cette première ferme s’ouvrant pour recevoir Olympie, et se refermant en un clin d’œil ; tout cet artifice enfin a été si bien ménagé, que la pitié et la terreur étaient au comble.

Les larmes ont coulé pendant toute la pièce. Les larmes viennent du cœur. Trois cents personnes, de tout rang et de tout âge, ne s’attendrissent pas, à moins que la nature ne s’en mêle ; mais pour produire cet effet, il fallait des acteurs et de l’action : tout a été tableau, tout a été animé. Madame Denis a joué Statira comme mademoiselle Dumesnil joue Mérope. Madame d’Hermenches, qui faisait Olympie, a la voix de  mademoiselle Gaussin, avec des inflexions et de l’âme ; mais ce qui m’a le plus surpris, c’est notre ami Gabriel Cramer. Je n’exagère point ; je n’ai jamais vu d’acteur, à commencer par Baron, qui eût pu jouer Cassandre comme lui ; il a attendri et effrayé pendant toute la pièce. Je ne lui connaissais pas ce talent supérieur. M. Rilliet a joué le grand-prêtre, comme j’aurais voulu que M. Sarrazin l’eût représenté. Antigone a été rendu par M. d’Hermenches avec la plus grande noblesse. Je ne reviens point de mon étonnement, et je ne me console point de n’avoir pas vu ce spectacle honoré de la présence des deux illustres académiciens 8 qui m’ont daigné aider de leurs conseils pour finir mon œuvre des six jours. Eux, et deux respectables amis 9 à qui je dois tout, et que je consulte à Paris, ont fait mon ouvrage ; car malheur à qui ne consulte pas . »

1 L'édition de Kehl donne cette lettre datée inexactement et faussement adressée à d'Argental .

2 Bernis, voir lettre de ce dernier du 25 février 1762 ; voir lettre du 5 mars 1762 à Bernis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/02/21/11-5913431.html

3 Olympie, I, 1 .

4 Olympie, III, 4 .

5 Nous corrigeons le texte de Besterman, Qu'oseriez-vous attenter, inhumains que vous êtes, qui fait un vers faux ; et d'ailleurs ce vers a disparu de la version définitive , Ac. IV, Sc. 3.

6Olympie, IV, 3 .

7Olympie, IV, 5 .

8 Le cardinal de Bernis et d'Alembert .

9 Les d'Argental .

 

J'en suis hors de moi . Je m'y intéresse comme homme, un peu même comme philosophe . Je veux savoir de quel côté est l'horreur du fanatisme

... Voila des paroles d'un homme d'honneur, engagé , respectable, Voltaire !

 Voila qui me console d'avoir à entendre et voir hommes et femmes en quête de pouvoir pour satisfaire leur égo, rien que leur égo, tout leur égo .

Pour paraphraser mon ami Voltaire, "voilà un abominable siècle", des Bachar El Assad, des Daech, des Trump, des Marine Le Pen, des Fillon, des Kim Jong Un, des Congos, des Kim Kardashian, des Cyril Hanouna, des gaz de schiste, usw/etc.

 

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Je n'ai rien contre les ambitieux, mais je ne peux pas souffrir les ambitieux méprisants

 

 

 

« A Claude-Philippe Fyot de La Marche

A Ferney 25 mars 1762

Il y a longtemps que je n'ai eu l'honneur d'écrire à celui qui sera toujours mon premier président . J'ai bien des choses à lui dire . Premièrement son parlement m'afflige . Le roi se soucie fort peu qu'on juge ou non les procès auxquels je m'intéresse ; mais moi je m'en soucie . Voilà une plaisante vengeance d'écolier de dire, je ne ferai pas mon thème parce que je suis mécontent de mon régent . C'est pour cela même au contraire qu'il faut bien faire son thème . J'apprends que vous faites tous vos efforts pour parvenir à une conciliation . Qui peut y réussir mieux que vous ? Vous serez le bienfaiteur de votre compagnie, c'est un rôle que vous êtes accoutumé à jouer . Je vous demande pardon de donner des fêtes quand la 1 province souffre , mais il est bon d’égayer les affligés . Il y en a de plus d'une sorte . Il vient de se passer au parlement de Toulouse une scène qui fait dresser les cheveux à la tête . On l'ignore peut-être à Paris, mais si on en est informé, je défie Paris tout frivole, tout opéra-comique qu'il est, de n'être pas pénétré d'horreur . Il n'est pas vraisemblable que vous n'ayez appris qu'un vieux huguenot de Toulouse nommé Calas, père de cinq enfants, ayant averti la justice que son fils ainé, garçon très mélancolique s’était pendu, a été accusé de l'avoir pendu lui-même en haine du papisme pour lequel ce malheureux avait dit-on quelque penchant secret . Enfin le père a été roué ; et le pendu tout huguenot qu'il était a été regardé comme un martyr et le parlement a assisté pieds nus à des processions en l'honneur du nouveau saint . Trois juges ont protesté contre l'arrêt . Le père a pris Dieu à témoin de son innocence en expirant, a cité ses juges au jugement de Dieu, et a pleuré son fils sur la roue . Il y a deux de ses enfants dans mon voisinage qui remplissent le pays de leurs cris . J'en suis hors de moi . Je m'y intéresse comme homme, un peu même comme philosophe . Je veux savoir de quel côté est l'horreur du fanatisme . L'intendant de Languedoc 2 est à Paris . Je vous conjure de lui parler ou de lui faire parler . Il est au fait de cette aventure épouvantable . Ayez la bonté je vous en supplie de me faire savoir ce que j'en dois penser . Voilà un abominable siècle, des Calas, des Malagrida, des Damiens, la perte de toutes nos colonies, des billets de confession et l'opéra-comique .

Mon cher et respectable ami, ayez pitié de ma juste curiosité . Je soupçonne que c'est vous qui m'avez écrit il y a environ deux mois, mais les écritures quelquefois ressemblent à d'autres . Quand vous aurez la bonté de m'écrire mettez un M au bas de la lettre, cela avertit . Je devrais vous reconnaître à votre style et à vos bontés, mais mettez un M. Car quand je vous renouvelle mon tendre et respectueux attachement je mets un V. »

1 V* , en changeant de page a répété la .

2 Jean-Emmanuel de Guignard, vicomte de Saint-Priest qui était à l'époque intendant du Languedoc .