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13/11/2020

Le mot l'infâme a toujours signifié le jansénisme, secte dure et barbare, plus ennemi de l'autorité royale que le presbytérianisme ( et ce n'est pas peu dire ) et plus dangereuse que les jésuites

... Et on peut ajouter aujourd'hui, sans hésiter, l'islamisme qui dépasse en erreurs et horreurs les "infâmes" du XVIIIè siècle  .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Ferney le 6 juillet 1765 1

Voici, mes divins anges, ce qui est advenu . Votre paquet, adressé à M. Camp, et contre-signé Chauvelin, arriva en son temps à Lyon, à l’adresse de M. Camp. Les fermiers-généraux des postes l’avaient contre-signé à Paris d’une autre façon, en mettant en gros caractères sur l'enveloppe et avec une encre rouge : paquet suspect. M. Camp est toujours malade ; M. Tronchin, qui est toujours à Lyon, fut étonné du suspect en lettres rouges, il ouvrit le paquet. Les directeurs des postes disputèrent ; ils exigèrent, je crois, un louis. Enfin le paquet qui portait une sous-enveloppe,à l'adresse de Wagnière, chez Souchai à Genève, m’a été rendu aujourd’hui . La même chose m’était arrivée à peu près au sujet d’un très petit paquet, aussi contre-signé Chauvelin, que vous m’aviez adressé il y a environ trois semaines . Ainsi vous voyez que les fermiers préfèrent le port aux conseillers d’État intendants des finances. Je pense donc que n’ayant jamais à m’envoyer que des paquets honnêtes, le meilleur parti est de les mettre avec les dépêches pour le résident de Genève, vous voudrez bien m'informer du départ par une simple lettre par la poste, à Wagnière, chez Souchai, à Genève sans autre enveloppe.

J'étais curieux avec juste raison de savoir ce que contenait cette vieille demi-page . Le mot l'infâme a toujours signifié le jansénisme, secte dure et barbare, plus ennemi de l'autorité royale que le presbytérianisme ( et ce n'est pas peu dire ) et plus dangereuse que les jésuites . Si le roi sait mon grimoire il sait que je n’écris jamais qu'en loyal sujet à des sujets très loyaux .

Lekain est sombre, et moi aussi : je lui conseille de venir chez moi en Suisse pour s’égayer. Mlle Clairon viendra à Ferney ; j’y passerai quelques jours pour elle, et la tragédie que nous jouerons tous ensemble nous remettra de la gaieté dans le cœur. Ferney n’est point à moi, comme vous savez ; il est à Mme Denis. J’ai le malheur de n’avoir rien en France et même nulle part, mais je vous remercie pour Mme Denis, vous et M. le duc de Praslin, comme si c’était pour moi-même ; et jamais ses bontés et les vôtres ne sortiront de mon cœur. Je crois qu’il est très convenable que j’écrive à M. de Calonne 2 ; je regarde sa commission de rapporteur comme un de vos bienfaits.

Je viens de vous dire, mes anges, que si Lekain fait bien, il viendra dans ma Suisse ; mais je le prierai  de rester au théâtre. On est donc revenu sur les six pendus  3? Je suis très aise pour l’auteur que l’illusion l’ait si bien et si longtemps servi. Le ridicule n’est que dans l’enthousiasme qui a pris pour une chose honorable à la nation l’époque honteuse de trois batailles perdues coup sur coup et d’une province subjuguée : vous apprêtez trop à rire aux Anglais, et j’en suis fâché.

Comme je ne reçois le manuscrit du petit prêtre 4 qu’aujourd’hui, vous ne pourrez recevoir la nouvelle leçon que dans quinze jours. Il est bon d’ailleurs d’accorder du temps au zèle de ce jeune homme. Il dit que la scène des deux tyrans ne fera jamais un bon effet parce qu’une conférence entre deux méchants hommes n’intéresse point ; mais elle peut attacher par la grandeur de l’objet et par la vérité des idées, surtout si elle est bien dialoguée et bien écrite : selon lui, c’est la scène de Julie 5 errant dans les rochers de cette île triumvirale qui doit intéresser ; mais il faut des actrices. 

Je me mets sous les ailes de mes anges.

V.»



2 A propos de l'affaire des dîmes .

3 Les six bourgeois du Siège de Calais .

4 Le Triumvirat .

5 Le Triumvirat, II, 4 : http://www.théâtre-documentation.com/content/le-triumvirat-voltaire#Scene_IV-3

« J’ai marché quelque temps dans cette île escarpée ;/Mes yeux ont vu de loin des tentes, des soldats ; /Ces rochers ont caché ma terreur et mes pas ;/Celui qui me guidait a cessé de paraître. »

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