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15/10/2010

du haut rang où vous êtes vous ne pouvez guère voir qu'elle est l'opinion des hommes , quel est l'esprit du temps

Note écrite le 16 août 2011 pour parution le 15 octobre 2010.

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« A Frédéric II, roi de Prusse 1

 

[vers le 15 octobre 1757]

 

Sire, votre épître d'Erfurth 2 est pleine de morceaux admirables et touchants . Il y aura toujours de très belles choses dans ce que vous ferez et dans ce que vous écrirez . Souffrez que je vous dise ce que j'ai écrit à Son Altesse Royale votre digne sœur : que cette épitre fera verser des larmes , si vous n'y parlez pas des vôtres . Mais il ne s'agit pas ici de discuter [avec] Votre Majesté ce qui peut perfectionner ce monument d'une grande âme et d'un grand génie ; il s'agit de vous, et de l'intérêt de toute la saine partie du genre humain, que la philosophie attache à votre gloire et à votre conservation .

 

Vous voulez mourir . Je ne vous parle pas ici de l'horreur douloureuse que ce dessein inspire . Je vous conjure de soupçonner au moins que du haut rang où vous êtes vous ne pouvez guère voir qu'elle est l'opinion des hommes , quel est l'esprit du temps ; comme roi on ne vous le dit pas, comme philosophe et comme grand homme vous ne voyez que les exemples des grands hommes de l'Antiquité 3. Vous aimez la gloire, vous la mettez aujourd’hui à mourir d'une manière que les autres hommes choisissent rarement, et qu'aucun des souverains d'Europe n'a jamais imaginée depuis la chute de l'empire romain . Mais hélas ! Sire, en aimant tant la gloire, comment pouvez-vous vous obstiner à un projet qui vous la fera perdre ? Je vous ai déjà représenté la douleur de vos amis, le triomphe de vos ennemis et les insultes d'un certain genre d'hommes qui mettra lâchement son devoir à flétrir une action généreuse 4.

 

J'ajoute, car voici le temps de tout dire, que personne ne vous regardera comme le martyr de la liberté ; il faut se rendre justice, vous savez dans combien de cours on s'opiniâtre à regarder votre entrée en Saxe comme une infraction au droit des gens . Que dira-t-on dans ces cours ? Que vous avez vengé sur vous-même cette invasion ! Que vous n'avez pu résister au chagrin de ne pas donner la loi . On vous accusera d'un désespoir prématuré quand on saura que vous avez pris cette résolution funeste dans Erfurth, quand vous étiez encore maître de la Silésie et de la Saxe . On commentera votre épitre d'Erfurth, on en fera une critique injurieuse, on sera injuste, mais votre nom en souffrira .

 

Tout ce que je représente à Votre Majesté est la vérité même . Celui que j'ai appelé le Salomon du Nord s'en dit davantage dans le fond de son cœur . Il sent qu'en effet s'il prend ce funeste parti, il y cherche un honneur dont pourtant il ne jouira pas . Il sent aussi qu'il ne veut pas être humilié par des ennemis personnels . Il entre donc dans ce triste parti de l'amour-propre, du désespoir ; écoutez contre ces sentiments votre raison supérieure . Elle vous dit que vous n'êtes point humilié et que vous ne pouvez l'être , elle vous dit qu'étant homme comme un autre, il vous restera (quelque chose qui arrive) tout ce qui peut rendre les autres hommes heureux, biens, dignité, amis. Un homme qui n'est que roi peut se croire très infortuné quand il perd des États . Encore, sans que je me mêle en aucune façon de politique, je ne puis croire qu'il ne vous restera pas assez pour être toujours un souverain considérable . Si vous aimiez mieux mépriser toute grandeur, comme ont fait Charles Quint, la reine Christine, le roi Casimir 5 et tant d'autres, vous soutiendriez ce personnage mieux qu'eux tous, et ce serait pour vous une grandeur nouvelle . Enfin tous les partis peuvent convenir hors le parti odieux et déplorable que vous voulez prendre . Serait-ce la peine d'être philosophe si vous ne saviez pas vivre en homme privé ? Ou si en demeurant souverain vous ne saviez pas supporter l'adversité ? Je n'ai d'intérêt dans tout ce que je dis que le bien public et le vôtre ; je suis dans ma soixante et cinquième année, je suis né infirme, je n'ai qu'un moment à vivre, j'ai été bien malheureux, vous le savez . Mais je mourrais heureux si je vous laissais sur la terre mettant en pratique ce que vous avez si souvent écrit . »


1 Bien que Frédéric II demandât aux éditeurs de ne pas publier les lettres de consolation de V* à son égard, celle-ci figure dans l'édition de Kehl .

2 Épître à d'Argens (Œuvres de Frédéric , XII, 60), composée à Erfurt le 23 septembre .

http://friedrich.uni-trier.de/fr/oeuvresOctavo/12/50/

V* en reçu une copie du roi, sur laquelle il inscrivit : « Testament en vers du roi de Prusse lorsqu'il voulait mourir , en 1757, quelques mois avant Rosbac, écrit de sa main . ». La situation de Frédéric II paraissait désespérée ; V* la décrit dans ses Mémoires : il était « pressé de tous côtés par les Russes, les Autrichiens et par la France … Le maréchal de Richelieu venait de conclure près de Stade un traité avec les Hanovriens et les Hessois … était près d'entrer dans la Saxe avec soixante mille hommes ; le prince de Souabe allait y entrer d'un autre côté avec plus de trente mille …, de là, on marchait à Berlin . Les Autrichiens … étaient déjà dans Breslau … Le trésor du roi de Prusse était presque épuisé ; … on allait le mettre au ban de l'Empire ... » ;

voir : http://www.voltaire-integral.com/Html/01/07MEMOIR.html

3 Frédéric invoquait Brutus et Caton dans son Épître . « Ô mânes de Caton ! Ô mânes de Brutus ! C'est votre exemple qui m'éclaire . »

4 Dans une lettre écrite vers le 25 septembre, V* lui conseille, entre autres, de « songer … aux outrages que la nation fanatique des bigots ferait à (sa ) mémoire. »

Ne pourriez-vous point me dire ce que produira, dans trente ans, la révolution qui se fait dans les esprits

Note rédigée le 24 août 2011 pour parution le 15 octobre 2010 .

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http://www.youtube.com/watch?v=psnnGcn2-QM&feature=re...

http://www.youtube.com/watch?v=jda7dyBRIxg&feature=re...

http://www.youtube.com/watch?v=5DYGuppSwAM

Sorry ! it's in english !!

 

Volti ne verra pas la révolution, mais il sentait bien que le monde changeait, par la voix et la voie de ceux qui réfléchissent, comme lui .

Un seul petit reproche à ce Voltaire que j'aime, sa sous-estimation des capacités de réfexions du peuple ; quoique, par bien des côtés, il a raison, en ce sens que le peuple est trop occupé à gagner sa vie, et  bien des individus, en sus, sont abrutis par les dogmes et férules du clergé . Le peuple ne réfléchira pas , il agira les armes à la main, "il pêtera les plombs" comme on dit de nos jours .

A l'heure où j'écris ces lignes, Khadafi a fui ; cet énergumène , comme bien d'autres dirigeants imbus de leur personne, cède devant la population qui l'exècre ; ce bouffon (NDLR : terme utilisé au sens insultant dans nos rues du XXè siècle, à rapprocher de "batard" ) , comme ses congénères, compte ses abattis . Il rejoint la cohorte de ceux qui ont vécu par la peur et l'injustice dans ce monde arabo-musulman qui se soulève , enfin !

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

15 octobre [1766]

 

Mon vrai philosophe, Jean-Jacques est un maître fou, et aussi fou que vous êtes sage . La lettre de M. Hume 1 me prouve que les Anglais ne sont point du tout hospitaliers puisqu'ils n'ont pas donné une place dans Bedlam 2 à Jean-Jacques . Ce petit bonhomme aurait été enchanté d'y être logé, pourvu qu'on eût mis son nom sur la porte et que les gazettes en eussent parlé . Au moins les folies de cette espèce ne font pas grand mal ; mais nous en avons eu à Toulouse et à Paris d'une espèce plus dangereuse 3. Les fous atrabilaires, les furieux sont plus remarqués dans notre nation que dans toute autre . Je m'imagine que mon ancien disciple 4 vous a écrit ce qu'il en pensait ; il est admirable sur ce chapitre . Je le crois enfin devenu tout à fait philosophe . Je me trompe fort, ou plus il vieillira, plus il sera humain et sage . Je voudrais savoir si vous écrivez toujours à une certaine dame qui donne des carrousels 5; elle donne quelque chose de mieux ; elle a minuté de sa main un édit sur la tolérance universelle . L’Église grecque n'était pas plus accoutumée que la latine à ce dogme divin . Si elle continue sur ce ton, elle aura plus de réputation que Pierre le Grand .

 

Ne pourriez-vous point me dire ce que produira, dans trente ans, la révolution qui se fait dans les esprits, depuis Naples jusqu'à Moscou ? Je n'entends pas les esprits de la Sorbonne ou du peuple, j'entends les honnêtes esprits .

 

Je suis trop vieux pour espérer de voir quelque chose, mais je vous recommande le siècle qui se forme .

 

Adieu ; je me console en vous écrivant, et vous me rendez heureux quand vous m'écrivez . »


1 Sans doute A Concise and Genuine Account of the Dispute between Mr Hume and M. Rousseau, traduit par Suard sous le titre de Exposé succinct de la contestation qui s'est élevée entre M. Hume et M. Rousseau , 1766 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57875157.r=Hume.langFR

Voir lettre à Damilaville du 14 juillet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/26/c-est-une-chose-abominable-que-la-mort-des-hommes-et-que-les.html

2 Premier hôpital psychiatrique européen  = « maison de fous » près de Londres .

3 Allusion aux affaires Calas, Sirven, de La Barre, d'Espinas (peut-être aussi) .

4 Frédéric II.

5 Catherine II.

Il est bon de prendre des précautions contre ce dépucelage cruel qui ne peut manquer d'arriver tôt ou tard

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

Colmar 15 octobre [1754]

 

Mon cher ange, votre lettre du 11 a fait un miracle, elle a guéri un mourant. Ce n'est pas un miracle du premier ordre ; mais je vous assure que c'est beaucoup de suspendre comme vous faites toutes mes souffrances. Je ne suis pas sorti de ma chambre depuis que je vous ai quitté [i]. Je crois qu'enfin je sortirai, et que je pourrai même aller jusqu'à Dijon voir M. de Richelieu sur son passage avec ma garde-malade [ii]. Je serai bien aise de retrouver enfin M. de La Marche [iii]; et quand le président de Ruffey devrait encore m'assassiner de ses vers [iv] je risquerai le voyage . Vous me mettez du baume dans le sang en m'assurant que les allusions ne sont point à craindre dans mes magots de chinois [v], et vous m'en versez aussi quelques gouttes en remettant à d'autres temps Rome sauvée et la Chine. Il me semble qu'il faut laisser passer Le Triumvirat [vi] et ne me point mettre au nombre des proscrits. Je ne le suis que trop avec l'opéra de Royer [vii]. Je ne sais pas s'il sait faire des croches, mais je sais bien qu'il ne sait pas lire. M. de Sireuil est un digne porte-manteau du roi, mais il aurait mieux fait de garder les manteaux que de défigurer Pandore. Un des grands maux qui soient sortis de sa boîte est à coup sûr cet opéra. On doit trouver au fond de cette boîte fatale plus de sifflets que d'espérance. Je fais ce que je peux pour n'avoir au moins que le tiers des sifflets [viii]. Les deux tiers pour le moins appartiennent à Sireuil et à Royer. Je vous prie au nom de tous les maux que Pandore a apportés dans ce monde d'engager Lambert à donner une petite édition de mon véritable ouvrage, quelques jours avant que le chaos de Sireuil et de Royer soit représenté. Je me flatte que vous et vos amis feront au moins retentir partout le nom de Sireuil. Il est juste qu'il ait sa part de la vergogne. Chacun pille mon bien comme s'il était confisqué et le dénature pour le vendre. L'un mutile l'Histoire universelle [ix], l'autre estropie Pandore. Et pour comble d'horreur il y a grande apparence que La Pucelle va paraître. Un je ne sais quel Chevrier se vante d'avoir eu ses faveurs, de l'avoir tenue dans ses vilaines mains, et prétend qu'elle sera bientôt prostituée au public. Il en est parlé dans les malsemaines de ce coquin de Fréron [x]. Il est bon de prendre des précautions contre ce dépucelage cruel qui ne peut manquer d'arriver tôt ou tard. Mon cher ange, cela est horrible, c'est un piège que j'ai tendu, et où je serai pris dans ma vieillesse. Oh! maudite Jeanne ! ah ! M. St Denis ayez pitié de moi. Comment songer à Idamé, à Gengis [xi], quand on a une pucelle en tête ? Le monde est bien méchant. Vous me parlez des deux premiers tomes de l'Histoire universelle, ou plutôt de l'Essai sur les sottises de ce globe. J'en fera un gros des miennes. Mais je me console en parcourant les butorderies de cet univers. Vraiment j'en ai cinq à six volumes tout prêts. Les trois premiers sont entièrement différents. Cela est plein de recherches curieuses [xii]. Vous ne vous doutez pas du plaisir que cela vous ferait. J'ai pris les deux hémisphères en ridicule. C'est un coup sûr.

 

Adieu tous les anges, battez des ailes, puisque vous ne pouvez battre des mains aux trois magots.

 

 

V. »

 

i Depuis qu'il a quitté Plombières.

ii Mme Denis.

iii Fyot de La Marche qu'il a connu au collège Louis le Grand ; cf lettre du 7 août 1711.

iv Référence aux vers que Ruffey a composés et récités à Plombières et à son Histoire lyrique des eaux de Plombières pour l'année 1754.

Page 161 de http://books.google.fr/books?id=C39bAAAAQAAJ&pg=PA164...

 

v Il s'agit des allusions à Mme de Pompadour que des esprits malveillants pourraient trouver dans l'Orphelin de la Chine ; cf. lettre du 6 octobre.

vi Tragédie de Crébillon, protégé de Mme de Pompadour.

vii Royer s'est permis de faire remanier Pandore par Sireuil ; cf. lettre du 6 octobre.

viii En faisant, entre autres, indiquer dans le titre que le texte a été remanié sans l'accord de l'auteur. Cf. lettre du 6 octobre.

ix Néaulme ; voir lettres depuis décembre 1753.

x Chevrier est cité par Fréron dans l'Année littéraire du 12 septembre 1754 en disant qu'il parle de La Pucelle dans ses Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres de Lorraine.

Fréron http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Ann%C3%A9e_litt%C3%A9raire

Chevrier : Page 322  http://books.google.fr/books?id=32heu4rYeo0C&printsec...

Chevrier : Page 195 http://books.google.fr/books?id=wL45AAAAcAAJ&pg=PA195...

 

xi Personnages de l'Orphelin de la Chine.

xii Grâce particulièrement au séjour à l'abbaye de Senones ; cf. lettre à Richelieu du 6 août.

14/10/2010

je penche à présent assez pour la démocratie, malgré mes anciens principes

Note rédigée le 28 août 2011 pour parution le 14 octobre 2010 .

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

14è octobre 1765

 

J'adresse cette lettre en droiture à celui de mes anges qui va à Fontainebleau, et à tous les deux, s'ils y vont tous deux . Je leur certifie d'abord que j'ai fait mettre à la poste de Lyon l'Adélaïde 1 dont Roscius Lekain paraissait si pressé . Cette voie lui épargnera tout juste la moitié des frais . La petite préface est jointe à la pièce corrigée . On a tâché de suivre en tout les idées des anges ; et il est à souhaiter qu'on joue la pièce à Fontainebleau, conformément à cette leçon .

 

Dieu merci, le petit ex-jésuite 2 a du temps pour faire battre Auguste et Julie à coups de langue, pour qu'ils se donnent chacun leur reste , de quatrain en quatrain, et de vers en vers, si faire se peut . Mais il faut être inspiré pour cela, on ne se donne pas l'inspiration . Nous avons une édition in-4° à conduire,3 et tous nos ouvrages à corriger afin de ne pas mourir intestat . Cette besogne absorbe le temps, fatigue l’âme et lui ôte tout son enthousiasme .

 

Je suis toujours à vos pieds pour mes dîmes,4 et quelque chose qui arrive je ne sens que l'obligation que je vous aurai . C'en est une très grande de vous devoir l'amitié de M. Hennin 5. Il trouvera les affaires un peu brouillées, et de toutes les brouilleries c'est sans doute la moins intéressante ; car il importe fort peu pour la France que Genève soit aristocratique ou démocratique 6. Je vous avoue que je penche à présent assez pour la démocratie, malgré mes anciens principes, parce qu'il me semble que les magnates 7 ont eu tort dans plusieurs points ; un de ces torts des plus inexcusables est l'affaire de l'impératrice de Russie 8. Les magnates, avec qui je me trouve lié pour mes dîmes 9, ont depuis quelque temps des façons que la République romaine aurait avouées ; elle [sic] n'a pas rendu le moindre petit honneur à M. le duc de Randan, gouverneur de la province voisine, qui est venu voir Genève avec vingt officiers du régiment du Roi . Les vingt-cinq du Petit conseil se sont avisés de prendre un titre de nobles seigneurs, la tête leur a tourné comme à M. de Pompignan . Cependant, toute la fortune de Genève consiste dans l'argent qu'elle a tiré de la France en faisant la contrebande , en contrefaisant le sceau de la Compagnie des Indes, et en faisant parfois de la fausse monnaie . Un de leurs gains a été de prendre des rentes viagères, et de les mettre sous un nom de baptême commun à toute une famille, de sorte que cinq ou six personnes ont joui l'une après l'autre de la même rente . Monsieur le contrôleur général a été obligé de les forcer à rapporter leurs extraits baptistaires et leurs signatures .

 

Quand je vous dirai que cette petite ville a, par tous ces moyens, acquis quatre millions de rente sur la France, vous serez bien étonnés . Mais le ministre des Finances est très instruit de toutes ces vérités ; et il ne serait pas mal que le ministre des Affaires étrangères 10 en fût instruit aussi ; mais Dieu nous préserve que ce digne ministre prenne la résolution dont je vous parlais dans ma dernière lettre, j'en serais si fâché que je ne veux point le croire .

 

Je suis encore persuadé que dans les pays étrangers on fait Monseigneur le Dauphin beaucoup plus malade qu'il ne l'est . Vous savez à quel point la renommée est exagératrice .

 

Pour les querelles du parlement et du clergé, je pense bien qu'on n'exagère pas, et j'espère que 11... »


2 Le prétendu auteur de Octave ou Le Triumvirat .

3 Edition de ses Œuvres complètes datées de 1768 .

4 Ce sont toujours les dîmes réclamées par le curé de Ferney .

5 Il doit devenir le nouveau résident de France

6 Les Genevois étaient divisés en quatre classes : « les citoyens » nés à Genève de citoyens ou de bourgeois ; « les bourgeois » natifs ou habitants naturalisés ; « les natifs » descendants d'habitants ; « les habitants » étrangers autorisés à résider . Seules les deux premières catégories avaient des droits politiques et des avantages économiques . Dans cette minorité privilégiée un petit nombre de « patriciens » détenaient la réalité du pouvoir . En 1765, et déjà auparavant on avait essayé de modifier le régime ; les partisans de la démocratisation étaient appelés « les représentants » parce qu'ils présentaient souvent des « représentations » ; les autres étaient appelés « les négatifs » parce qu'ils refusaient les représentations .

Voir lettre du 19 juillet 1763 à la duchesse de Saxe-Gotha : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/07/19/ce-pauvre-diable-traine-une-vie-miserable-et-le-pape-est-sou.html

7 Les patriciens.

8 Précédemment, V* a écrit aux d'Argental que l'impératrice « daignait faire venir quelques femmes de Genève pour montrer à lire et à coudre à de jeunes filles de Pétersbourg , que le Conseil de Genève a été assez fou et assez tyrannique pour empêcher des citoyennes libres d'aller où il leur plaît et assez insolent pour faire sortir de la ville un seigneur envoyé par cette souveraine » (Bülow).

9 C'est à dire qu'ils sont concernés comme lui quand les dîmes sont revendiquées par le clergé.

10 Duc de Choiseul-Praslin.

11 Dans le manuscrit, la fin manque .

Je suis un corps très ridicule

 http://www.livefun.fr/videos/pp-lo-ferr.html chanson d'un mordu d'une quadrumane.

http://www.ina.fr/media/entretiens/video/CAF91021223/chez... : tendre et grande gueule que j'aime, dans l'esprit d'opposition de Volti .

 Jean Marais dans un nouveau film : Le Beau et La Bête http://www.ina.fr/video/I08282559/jean-marais-et-son-chim...

Je ne connais pas le nom du singe de Volti, non plus que celui de son aigle ou de son renard ; quelqu'un le sait-il ?

 

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

(Robert Tronchin

Banquier à Lyon)

 

[14 octobre 1756]

 

Quand le dernier des Autrichiens, mon cher Monsieur, aurait tué le dernier des Prussiens, cela n'empêcherait pas qu'il fallût songer à ses petites affaires. Si vous voulez prendre quelques coupons d'annuités, à la bonne heure. Si vous croyez les emplois de Lyon très sûrs, j'aime encore mieux mon magot à Lyon entre vos mains que partout ailleurs. Encore une fois disposez de tout comme pour vous-même. Le grand point est d'avoir un secours tout prêt dans l'occasion.

 

Je n'ai besoin dans le moment présent que des secours de notre Esculape [Théodore Tronchin], paralytique d'une jambe, mordu à l'autre par mon singe, ne digérant point, et ayant souvent la fièvre. Je suis un corps très ridicule. Je vous écris comme je peux, mais je ne vous suis pas moins tendrement attaché et mes nièces aussi.

 

V. »

13/10/2010

Maman est affligée d'un rhumatisse et ne peut faire aucun exercisme

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Exercices, pour Mme Denis avant la barre (une autre  barre que les pochtrons connaissent bien ! après force verres, en ne faisant travailler que le coude et le gosier) : http://www.deezer.com/listen-6913713

Maintenant, plus fort : à la barre : pliés http://www.deezer.com/listen-6913717, développés http://www.deezer.com/listen-6913726 , souplesse http://www.deezer.com/listen-6913730

 

 

 

« A Pierre-Michel Hennin

 

[vers octobre 1766]

 

Notre hôpital, Monsieur, est très sensible à votre charité. Maman [1] est affligée d'un rhumatisse et ne peut faire aucun exercisme [2]. Pâté [3] est accouchée d'un faux germe comme certaine Julie du sieur Jean-Jacques ; mais elle n'en est que plus belle. Cornélie-chiffon [4] est garde-malade. Je suis en bonnet de nuit . Père Adam trotte. Nous sommes tous également pénétrés de vos bontés. Mettez mon cadavre et ce qui me reste d'âme aux pieds de M. l'ambassadeur [5]. Mille tendres et respectueux remerciements. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 Mme Denis est appelée « maman » par Marie-Françoise Corneille.

2 V* écrit « rhumatisse » et « exercisme » sur le manuscrit .

3 Mme Pajot de Vaux , soeur de M. Dupuits qui a épousé M-F. Corneille.

Page 39: http://books.google.fr/books?id=BiBfgKE_Tf8C&pg=PA39&... 

NDLR : "nièce de Voltaire" par ricochet, je crois . A vérifier.

4 M.-F. Corneille.

12/10/2010

ceux qui ont moins d'esprit et plus de préjugés... sont des hiboux offensés du grand jour ; et malheureusement il y a trop de ces hiboux dans le monde

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« A Frédéric II, roi de Prusse

 

A La Haye, le 12 octobre [1740]

 

Sire,

 

Votre Majesté est d'abord suppliée de lire la lettre ci-jointe du jeune Luisius [i]; elle verra quels sont en général les sentiments du public sur l'Anti-Machiavel.

 

M. Trevor, l'envoyé d'Angleterre, et tous les hommes un peu instruits approuvent l'ouvrage unanimement. Mais je l'ai, je crois, déjà dit à Votre Majesté ; il n'en est pas tout à fait de même de ceux qui ont moins d'esprit et plus de préjugés. Autant ils sont forcés d'admirer ce qu'il y a d'éloquent et de vertueux dans le livre, autant ils s'efforcent de noircir ce qu'il y a d'un peu libre. Ce sont des hiboux offensés du grand jour ; et malheureusement il y a trop de ces hiboux dans le monde ; quoique j'eusse retranché ou adouci beaucoup de ces vérités fortes qui irritent les esprits faibles, il en est cependant encore resté quelques-une dans le manuscrit copié par Vanduren [ii]. Tous les gens de lettres, tous les philosophes, tous ceux qui ne sont que gens de bien, seront contents, mais le livre est d'une nature à devoir satisfaire tout le monde ; c'est un ouvrage pour tous les hommes et pour tous les temps. Il paraitra bientôt traduit dans cinq ou six langues.

 

Il ne faut pas, je crois, que les cris des moines et des bigots s'opposent aux louanges du reste du monde : ils parlent, ils écrivent, ils font des journaux ; il y a même dans l'Anti-Machiavel, quelques traits dont un ministre malin pourrait se servir pour indisposer quelques puissances.

 

C'est donc, Sire, dans la vue de remédier à ces inconvénients que j'ai fait travailler nuit et jour à cette nouvelle édition [iii],dont j'envoie les premières feuilles à Votre Majesté . Je n'ai fait qu'adoucir certains traits de votre admirable tableau, et j'ose m'assurer qu'avec ces petits correctifs qui n'ôtent rien à la beauté de l'ouvrage, personne ne pourra jamais se plaindre, et cette instruction des rois passer à la postérité comme un livre sacré que personne ne blasphèmera.

 

Votre livre, Sire, doit être comme vous ; il doit plaire à tout le monde : vos plus petits sujets vous aiment, vos lecteurs les plus bornés doivent vous admirer.

 

Ne doutez pas que votre secret, étant entre les mains de tant de personnes, ne soit bientôt su de tout le monde. Un homme de Clèves disait, tandis que Votre majesté était à Moyland : « Est-il vrai que nous avons un roi, un des plus savants et des plus grands génies de l'Europe ? On dit qu'il a osé réfuter Machiavel. »

 

Votre cour en parle depuis plus de six mois. Tout cela rend nécessaire l'édition que j'ai faite, et dont je vais distribuer les exemplaires dans toute l'Europe, pour faire tomber celle de Vanduren, qui d'ailleurs est très fautive.

 

Si après avoir confronté l'une et l'autre Votre Majesté me trouve trop sévère, si elle veut conserver quelques traits retranchés ou en ajouter d'autres, elle n'a qu'à dire ; comme je compte acheter la moitié de la nouvelle édition de Paupie pour en faire des présents, et que Paupie a déjà vendu par avance l'autre moitié à ses correspondants, j'en ferai commencer dans quinze jours une édition plus correcte, et qui sera conforme à vos intentions. Il serait surtout nécessaire de savoir bientôt à quoi Votre Majesté se déterminera, afin de diriger ceux qui traduisent l'ouvrage en anglais et en italien. C'est ici un monuments pour la dernière postérité, le seul livre digne d'un roi depuis quinze cents ans. Il s'agit de votre gloire : je l'aime autant que votre personne. Donnez-moi donc, Sire, des ordres précis.

 

Si Votre Majesté ne trouve pas assez encore que l'édition de Vanduren soit étouffée par la nouvelle, si elle veut qu'on retire le plus qu'on pourra d'exemplaires de celle de Vanduren, elle n'a qu'à ordonner. J'en ferai retirer autant que je pourrai sans affectation dans les pays étrangers, car il a commencé à débiter son édition dans les autres pays ; c'est une de ces fourberies à laquelle on ne pouvait remédier. Je suis obligé de soutenir ici un procès contre lui ; l'intention du scélérat était d'être seul le maître de la première et de la seconde édition. Il voulait imprimer et le manuscrit que j'ai tenté de retirer de ses mains et celui même que j'ai corrigé. Il veut friponner sous le manteau de la loi. Il se fonde sur ce qu'ayant le premier manuscrit de moi, il a seul le droit d'impression ; il a raison d'en user ainsi : ces deux éditions et les suivantes feraient sa fortune, et je suis sûr qu'un libraire qui aurait seul le droit de copie en Europe gagnerait trente mille ducats au moins.

 

Cet homme me fait ici beaucoup de peine. Mais, Sire, un mot de votre main me consolera ; j'en ai grand besoin, je suis entouré d'épines. Me voilà dans votre palais. Il est vrai que je ne suis pas à charge de votre envoyé [iv]; mais enfin un hôte incommode au bout d'un certain temps. Je ne peux pourtant sortir d'ici sans honte, ni y rester avec bienséance sans un mot de Votre Majesté à votre envoyé.

 

Je joins à ce paquet la copie de ma lettre à ce malheureux curé [v] dépositaire du manuscrit, car je veux que Votre majesté soit instruite de toutes mes démarches.

 

Je suis, etc. »

 

i V* dans ses Mémoires parle des malheurs de ce fils d'un ancien ambassadeur de Prusse à La Haye, victime de Frédéric-Guillaume.http://books.google.fr/books?id=KiwTAAAAQAAJ&pg=PA378...

http://www.voltaire-integral.com/Html/01/07MEMOIR.html

ii Il s'agit sans doute de la première édition Van Duren ; cf la lettre à Frédéric du 20 juillet 1740.

iii Il s'agit certainement de l'édition suivante de l'Anti-Machiavel, chez Paupie, 1740.

v Cyrille Le Petit « pasteur de l'église française catholique à La Haye ».

http://books.google.fr/books?id=U5sGAAAAQAAJ&pg=PA479...

  

grand duc bubo-bubo-2.jpg

http://www.deezer.com/listen-256158