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20/10/2010

J'ai imaginé comme un éclair et j'ai écrit avec la rapidité de la foudre . Je tomberai peut-être comme la grêle .

 

 

Note rédigée le 23 août 2011 pour parution le 20 octobre 2010 .

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

20 octobre [1761]

 

Ô anges, ô anges,

Nous répétions Mérope (que nous avons jouée sur notre très joli théâtre, et où Marie Corneille s'est attiré beaucoup applaudissements dans le récit d'Isménie que font à Paris de vilains hommes 1) . Elle était charmante .

En répétant Mérope, je disais : voilà qui est intéressant . Ce ne sont pas là de froids raisonnements, de l'ampoulé et du bourgeois . Ne pourrais-tu pas, disais-je tout bas à V..., faire quelque pièce qui tînt de ce genre vraiment tragique ? Ton Don Pèdre sera glaçant avec tes États généraux, et ta Marie de Padille ! Le diable alors entra dans mon corps . Le diable ? non pas, c’était un ange de lumière, c'était vous . L'enthousiasme me saisit . Esdras n'a jamais dicté si vite . Enfin en six jours de temps j'ai fait ce que je vous envoie . Lisez, jugez, mais pleurez .

Vous me direz peut-être que l'ouvrage des six jours est souvent bafoué 2. D'accord, mais lisez le mien . Il y a deux ans que je cherchais un sujet ; je crois l'avoir trouvé . Mais, dira Madame d'Argental, c'est un couvent, c'est une religieuse, c'est une confession, c'est une communion . Oui, Madame, et c'est par cela même que les cœurs seront déchirés . Il faut se retrouver à la tragédie pour être attendri . La veuve du maître du monde des carmélites, retrouvant sa fille épouse de son meurtrier, tout ce que l'ancienne religion a de plus auguste, ce que les plus grands noms ont d'imposant, l'amour le plus malheureux, les crimes , les remords, les passions, les plus horribles infortunes ! En est-ce assez ? J'ai imaginé comme un éclair et j'ai écrit avec la rapidité de la foudre . Je tomberai peut-être comme la grêle . Lisez, vous dis-je, divins anges, et décidez .

Voici peut-être de quoi terminer les tracasseries de la comédie . Fi Zulime ! Cela est commun et sans génie . Donnez la veuve d'Alexandre à Dumesnil, la fille d'Alexandre à Clairon et allez .

Mlle Hus m'a écrit . Elle atteste des dieux contre vous . Qu'elle accouche . J'ai bien accouché , moi, et je n'ai été que six jours au travail . Que dites-vous de Mlle Arnould, 3 et du roi d'Espagne 4?

Ô charmants anges je baise le bout de vos ailes .

 

V, le vieux V, âgé de

soixante et huit commencés . »

 

1 Un personnage, Phanès, qui prend une partie du rôle d'Isménie et notamment son récit dans le V, 6., est ajouté dans une version de Mérope jouée par les Comédiens, et imprimée par Prault en 1758 .

2 Genèse.

3 La cantatrice d'opéra Sophie Arnould avait quitté pour l'amant de Mlle Hus (Bertin) le comte de Lauraguais pendant qu'il séjournait chez V* fin septembre-début octobre ; elle lui reviendra .

19/10/2010

je n'en suis pas l'auteur, mais je n'en serai pas moins persécuté

 http://www.deezer.com/listen-4957040 : Persécution !

I'm calling long distance (appel à Damilaville ? ;-) ) : http://www.deezer.com/listen-4957035

 

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

 

19 octobre 1764

 

Mon cher frère, je sais à n'en pouvoir douter que le procureur général a ordre d'examiner le livre et d'en poursuivre la condamnation. Je sais bien qu'il est prouvé que je n'en suis pas l'auteur, mais je n'en serai pas moins persécuté, et Dieu sait jusqu'où cette persécution peut aller. J'ai heureusement recouvré deux articles dont l'un est tout entier de la main de l'auteur [i].Il est clair comme le jour que l'ouvrage est de plusieurs mains [ii] et qu'on s'est servi de mon orthographe pour me l'attribuer [iii]; n'importe, mon innocence ne me servira de rien. C'est toujours pour moi une consolation bien chère que vous me rendiez justice et que la voix de nos frères se joigne à la vôtre pour publier la vérité. Je subis le sort de tous ceux qui se sont consacrés aux lettres ; on les a opprimés ; mais tous n'ont pas trouvé un ami tel que vous.

 

Je joins ici un petit mémoire [iv] que je vous prie d'envoyer à Briasson pour le communiquer aux Encyclopédistes et surtout à M. le chevalier de Jaucourt dont la nièce a acheté à Genève plusieurs exemplaires du Portatif. Les Encyclopédistes doivent sentir qu'on ira du Portatif à eux. Jam proximus ardet Ucalegon [v]. C'est un nommé l'abbé d'Estrées [vi], petit généalogiste et un peu faussaire de son métier, qui a donné le livre au procureur général. On trouve partout des monstres. Cher frère, il faut savoir souffrir. »

 

i Messie de la main de Polier de Bottens. Cf. Lettre du même jour à d'Alembert.

ii Cf. lettre du 19 à d'Alembert, , articles Apocalypse et Enfer.

iii V* a adopté l'orthographe ais, ait conforme à la prononciation ; il lui arrivera de demander à Cramer, imprimeur, de garder l'ancienne graphie pour nier la paternité de certains ouvrages.

iv L'essentiel de ce mémoire est : « Un jeune homme ... ramassa il y a plusieurs années en Suisse quelques manuscrits, dont quelques uns étaient pour le Dictionnaire des Sciences et des Arts . Entre autres l'article Messie ... de M. Polier de Bottens ... Un extrait de l'article Apocalypse, manuscrit ... de M. Abauzit ... L'article Baptême , traduit ... du dr Midleton, Amour, Amitié, Guerre, Gloire destinés à l'Encyclopédie ... Christianisme et Enfer, tirés de la Légation de Moïse de ... Warburton ... Enfin plusieurs morceaux imités de Bayle, de Le Clerc, du marquis d'Argens ... Il en fit un recueil qu'il imprima à Bâle. Ce recueil parait très informe et plein de fautes grossières... »

http://www.voltaire-integral.com/Html/17/bapteme.htm...

http://www.voltaire-integral.com/Html/17/amour.htm

http://www.voltaire-integral.com/Html/17/amitie.htm...

http://www.voltaire-integral.com/Html/19/guerre.htm...

http://www.voltaire-integral.com/Html/19/gloire.htm...

http://www.voltaire-integral.com/Html/18/chretiens.htm...

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Warburton

http://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres...

 

v Déjà tout près brûle Ucalegon.

vi Cf. lettre du 20 octobre 1764 à d'Argental.

18/10/2010

à l'âge de soixante-et-onze ans, malade et presque aveugle, je suis prêt à essuyer la persécution la plus violente

 

 

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http://www.deezer.com/listen-3459671

Dédié à Ludovic, un de mes fils : http://www.deezer.com/listen-1888387

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«A Jean Le Rond d'Alembert

 

19 octobre [1764]

 

Non, vous ne brairez point, mon cher et grand philosophe, mais vous frapperez rudement les Welches qui braient [i]. Je vous défie d'être plus indigné que moi de la maligne insolence de ces malheureux qui, dans leurs Lettres sur l'Encyclopédie [ii], vous ont attaqué si mal à propos , si indignement et si mal. Je voudrais bien savoir le nom de ces ennemis du sens commun et de la probité. Ils sont assez lâches pour réimprimer , à la fin de leur livre, les arrêts du Conseil contre l'Encyclopédie [iii]. Par là, ils invitent le parlement à donner de nouveaux arrêts ; ils embouchent la trompette de la persécution ; et, s'ils étaient les maîtres, il est sûr qu'ils verseraient le sang des philosophes sur les échafauds.

 

Vous souvenez-vous en quels termes s'exprima Omer dans son réquisitoire [iv]? On l'aurait pris pour l'avocat général de Dioclétien et de Galerius : on n'a jamais joint autant de violence à autant de sottise. Il prétendait que , s'il n'y avait pas de venin dans certains articles de l'Encyclopédie, il y en aurait certainement dans les articles qui n'étaient pas encore faits. Les renvois indiquaient visiblement les impiétés des derniers volumes ; au mot Arithmétique, voyez Fraction ; au mot Astre la religion chrétienne serait renversée : voilà la logique d'Omer.

 

Votre intérêt , celui de la vérité, celui de vos frères ne demande-t-il pas que vous mettiez dans tout leur jour ces turpitudes, et que vous fassiez rougir notre siècle en l'éclairant?

 

Il vous serait bien aisé de faire quelque bon ouvrage sur des points de philosophie , intéressants par eux-mêmes, qui n'auraient point l'air d'être une apologie ; car vous êtes au-dessus d'une apologie. Vous exposeriez au public l'infamie de ces persécuteurs ; vous ne mettriez point votre nom, mais ils sentiraient votre main, et ils ne s'en relèveraient pas [v]. Permettez-moi de vous parler encore de ce Dictionnaire portatif ; je sais bien qu'il y en a peu d'exemplaires à Paris, et qu'ils ne sont guère qu'entre les mains des adeptes . J'ai empêché jusqu'ici qu'il n'en entrât davantage, et qu'on ne le réimprimât à Rouen [vi]; mais je ne pourrai pas l'empêcher toujours. On le réimprime en Hollande. Vous me demandez pourquoi je m'inquiète tant sur un livre auquel je n'ai aucune part [vii]. C'est qu'on me l'attribue ; c'est que, par ordre du roi, le procureur général prépare actuellement un réquisitoire [viii]; c'est qu'à l'âge de soixante-et-onze ans, malade et presque aveugle, je suis prêt à essuyer la persécution la plus violente ; c'est qu'enfin je ne veux pas mourir martyr d'un livre que je n'ai pas fait. J'ai la preuve en main que M. Polier, premier pasteur de Lausanne, est l'auteur de l'article Messie ; ainsi c'est la pure vérité que ce livre est de plusieurs mains [ix], et que c'est un recueil fait par un libraire ignorant.

 

Par quelle cruauté a-t-on fait courir sous mon nom, dans Paris, quelques lignes de cet ouvrage ? Enfin, mon cher maître, je vous remercie tendrement d'élever votre belle voix contre celle des méchants. Je vous avertis que je serai très fâché de mourir sans vous revoir.

 

N.B.- Un abbé d'Estrées, jadis confrère de Fréron, a donné un Portatif au procureur général.[x]


i D'Alembert promettait à la fin de sa lettre du 10 octobre de crier que le Dictionnaire philosophique n'est pas de V* : « ... soyez tranquille, comptez que je vais braire comme un âne, mais à condition que vous ne me reprocherez pas d'avoir pris des précautions pour empêcher les ânes de braire après moi. »

 

ii Lettres sur l'Encyclopédie, pour servir de supplément aux sept volumes de ce dictionnaire, de l'abbé Jean Saas, 1764

http://www.jstor.org/pss/382002

http://books.google.be/books?id=jot8gc-j8AwC&pg=PA289...

 

V* tente de lier son sort à celui des encyclopédistes ; le 29 septembre à Damilaville : « Rien ne serait plus dangereux pour l'Encyclopédie que l'imputation d'un Dictionnaire philosophique à un homme qui a travaillé quelquefois pour l'Encyclopédie même. Cela réveillerai la fureur des Chaumeix, et le Journal chrétien ferait beau bruit. Je me flatte que Protagoras me défendra vivement contre la calomnie » ; le 19 octobre : « Les Encyclopédistes doivent sentir qu'on ira du Portatif à eux. »

http://c18.net/dp/dp.php?no=627

 

iii Arrêts de janvier et février 1759.

iv Réquisitoire du 23 janvier 1759 d'Omer Joly de Fleury devant le parlement.

Page 89 :

http://books.google.be/books?id=areMCQS9AGMC&pg=PA89&...

 

 

v Le 12 octobre, V* lui demande de « fournir un ou deux articles pour la nouvelle édition du Dictionnaire philosophique. »

vi Chez Besongne.

Chercher « besongne » dans :

http://www.gedhs.ulg.ac.be/ebibliotheque/articles/droixhe...

 

vii Le 10 octobre, d'Alembert : « Vous me paraissez ... bien alarmé pour peu de chose ... quelle preuve a-t-on que vous soyez l'auteur ...? » Le duc de Choiseul, non dupe, lui écrira d'être tranquille.

viii Le 12, à d'Alembert : « On en a déjà parlé au roi comme d'un livre dangereux, et le roi en a parlé sur ce ton au président Hénault. » Cf. lettre à d'Argental du 20 octobre.

ix Toujours le 12, à d'Alembert : « L'article Apocalypse est tout entier M. Abauzit ... Messie est tout entier de M. Polier, premier pasteur de Lausanne . Il envoya ce morceau avec plusieurs autres à Briasson, qui doit avoir encore l'original. Il était destiné à l'Encyclopédie. Enfer est en partie de l'évêque de Glocester Warburton... » ; ce même jour, à Damilaville : « ... l'original est entre mes mains et on en avait envoyé une copie ... aux libraires de l'Encyclopédie. »

http://www.voltaire-integral.com/Html/20/messie.htm...

http://www.voltaire-integral.com/Html/18/enfer.htm

http://www.voltaire-integral.com/Html/17/apocalypse.htm...

 

 

x « autrefois associé avec Fréron » ; sur d'Estrées, cf. lettre du 19 octobre à Damilaville et celle du 20 à d'Argental.

17/10/2010

Comme tout est changé ! et que je me sais bon gré d'avoir vécu pour tous ces grands évènements !

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« A Frédéric II, roi de Prusse

 

16 oct[obre] 1772

 

Sire, la médaille est belle, bien frappée, la légende noble et simple, mais surtout la carte que la Prusse jadis polonaise présente à son maître fait un très bel effet [i]. Je remercie bien fort Votre Majesté de ce bijou du Nord. Il n'y en a pas à présent de pareils dans le Midi.

 

La paix a bien raison de dire aux palatins :

Ouvrez les yeux, le diable vous attrape,

Car vous avez à vos puissants voisins

Sans y penser longtemps servi la nappe.

Vous voudrez donc bien trouver bel et beau

Que ces voisins partagent le gâteau.

 

C'est assurément le vrai gâteau des rois [ii], et la fève a été coupée en trois parts. Mais la paix ne s'est-elle pas un peu trompée ? J'entends dire de tous côtés que cette paix n'a pu venir à bout de réconcilier Catherine Seconde et Moustapha, et que les hostilités ont recommencé depuis deux mois. On prétend que parmi ces Français si babillards il s'en trouve qui ne disent mot et qui n'en agissent pas moins sous terre [iii].

 

On dit que les mêmes gens qui gardent Avignon au Saint-Père [iv] ont un grand crédit dans le sérail de Constantinople. Si la chose est vraie, c'est une scène nouvelle qui va s'ouvrir. Mais il n'y en a point de plus belle que les pièces que l'on joue en Prusse et en Suède [v].Le Roi votre neveu [vi] paraît digne de son oncle.

 

Je remercie Votre Majesté de remettre dans la règle le célèbre couvent d'Oliva [vii], car le bruit court que vous êtes prieur de cette bonne abbaye et que dans peu tous les novices de ce couvent feront l'exercice à la prussienne. Je ne m'attendais il y a deux ans à rien de tout ce que je vois. C'est assurément une chose unique que le même homme se soit moqué si légèrement des palatins pendant six chants entiers [viii] et en ait eu un nouveau royaume pour sa peine. Le Roi David faisait des vers contre ses ennemis mais ses vers n'étaient pas si puissants que les vôtres. Jamais on n'a fait un poème ni pris un royaume avec tant de facilité. Vous voilà, Sire, le fondateur d'une très grande puissance. Vous tenez un des bras de la balance de l'Europe, et la Russie devient un nouveau monde. Comme tout est changé ! et que je me sais bon gré d'avoir vécu pour tous ces grands évènements !

 

Dieu merci je prédis et je dis il y a plus de trente ans que vous feriez de très grandes choses, mais je n'avais pas poussé mes prédictions aussi loin que vous avez porté votre très solide gloire. Votre destin a toujours été d'étonner la terre. Je ne sais pas quand vous vous arrêterez, mais je sais que l'aigle de Prusse va bien loin.

 

Je supplie cette aigle de daigner jeter sur moi chétif du haut des airs où elle plane, un de ces coups d'œil qui raniment le génie éteint. Je trouve si votre médaille est ressemblante que la vie est dans vos yeux et sur votre visage et que vous avez, comme de raison, la santé d'un héros [ix].

 

Je suis à vos pieds comme il y a trente ans, mais bien affaibli. Je regarderai le regno redintegrato quand je voudrai reprendre des forces.

VOTRE VIEUX IDOLÂTRE »

 

i Le 16 septembre Frédéric a envoyé la médaille de Jakob Abraham qui célèbre le partage de la Pologne ( traité de Saint Saint-Pétersbourg le 25 juillet, signifié à la Pologne le 2 septembre) ; la nouvelle carte présentée au roi porte l'inscription « regno redintegrato ». A Catherine II, V* écrira le 2 novembre : « Ce mot de « redintegrato » est singulier ; j'aurais autant aimé « novo » . Le « redintegrato » conviendrai mieux à l'Empereur des Romains s'il voulait monter à cheval avec vous ... » Frédéric a reçu la Prusse polonaise moins les villes libres de Dantzig et le Thorn.

partage pologne regno redintegratio fred ii 1772 abraham jacob.jpg

ii Le 18 novembre, V* écrira à Frédéric à propos de ce partage dont les préliminaires ont eu lieu à Potsdam : « On prétend que c'est vous, Sire, qui avez imaginé le partage de la Pologne et je le crois parce qu'il y a là du génie et que le traité s'est fait à Potsdam. »

iii Frédéric répondra le 1er novembre : « Je crois qu'il y a des Français qui gardent le silence, et qui ont un grand crédit au sérail ;mais mes nouvelles de Constantinople m'apprennent que le congrès de paix se renoue ... »

iv La cour de France reprit Avignon au pape en 1768 et rendit la ville au moment de la dissolution de l'ordre des Jésuites.

v Cf. lettre du 16 septembre à d'Alembert.

vi Gustave III de Suède ; fils de Louise-Ulrique, sœur de Frédéric, avec qui V* avait eu une galanterie littéraire en 1743.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gustave_III_de_Su%C3%A8de

http://fr.wikipedia.org/wiki/Louise-Ulrique_de_Prusse

 

Gustav_III de suède.jpg

 

 

vii Abbaye proche de Dantzig sur les terres annexées par la Prusse.

Page 289 :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ge...

viii Poème de Frédéric : La guerre des Confédérés ; cf. lettre à Frédéric du 6 décembre 1771.

Page 185 :

http://books.google.be/books?id=6cxWAAAAMAAJ&pg=PA463...

ix Frédéric répondra : « ... ni mes portraits ni mes médailles ne me ressemblent . Je suis vieux , cassé, goutteux, suranné, mais toujours gai et de bonne humeur . D'ailleurs les médailles attestent plutôt les époques qu'elles ne sont fidèles aux ressemblances. »

16/10/2010

il a voulu que je l'admirasse dans sa gloire

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A écouter sans modération pour oublier les âneries (je reste poli, mais je n'en pense pas moins) de ces imbéciles syndicats et partis de gauche suivis de leurs maigres imbéciles séides qui pourissent la vie de ceux qui veulent vivre et travailler tout simplement . Je vous crache à la figure, bandes de Tartuffes qui sciez la branche sur laquelle nous sommes assis, faible branche que celle des retraites, mais qui par vos soins ne sera que fétu dans peu d'années.

Je vous botte le cul aussi, sans retenue . Crétins et lâches que vous êtes ! Vous flattez ce qu'il y a de moins bon dans la population qui devient populace , hooligans politiques !

 

 

 

 

« A Pierre-Louis Moreau de Maupertuis

membre de toutes les académies de l'Europe,

chez M. Moreau de Maupertuis rue Sainte Anne à Paris

 

 

A Brunswick 16 octobre 1743

 

J'ai reçu dans mes courses la lettre où mon cher aplatisseur de ce globe [i] daigne se souvenir de moi avec tant d'amitié. Est-il possible que je ne vous aurai jamais vu que comme un météore toujours brillant et toujours fuyant de moi ? n'aurai-je pas la consolation de vous embrasser à Paris ? J'ai fait vos compliments à vos amis de Berlin, c'est-à-dire à toute la cour, et particulièrement à M. de Valori, vous êtes là comme ailleurs , aimé et regretté ; on m'a mené à l'académie de Berlin, où le médecin Eller [ii] a fait des expériences par lesquelles il croit faire croire qu'il change l'eau en air élastique. Mais j'ai été encore plus frappé de l'opéra de Titus,[iii] qui est un chef-d'œuvre de musique. C'est sans vanité une galanterie que le roi m'a faite, ou plutôt à lui ; il a voulu que je l'admirasse dans sa gloire. Sa salle d'opéra est la plus belle de l'Europe. Charlottembourg est un séjour délicieux, Fédéric en fait les honneurs et le roi n'en sait rien. Le roi n'a pas encore fait tout ce qu'il voulait. Mais sa cour, quand il veut bien avoir une cour, respire la magnificence et le plaisir. On vit à Potsdam comme dans le château d'un seigneur français qui a de l'esprit, en dépit du grand bataillon des gardes, qui me paraît le plus terrible bataillon de ce monde. Jordan ressemble toujours à Ragotin [iv], mais c'est Ragotin bon garçon et discret avec seize cents écus d'Allemagne de pension. D'Argens est chambellan avec une clef d'or à sa poche, et cent louis dedans payés par mois. Chazot, ce Chazot que vous avez vu maudissant la destinée, doit la bénir ; il est major, et a un gros escadron qui lui vaut seize mille livres au moins par an. Il l'a bien mérité, ayant sauvé le bagage du roi à la dernière bataille [v]. Je pourrais dans ma sphère pacifique jouir aussi des bontés du roi de Prusse, mais vous savez qu'une plus grande souveraine nommée Mme du Châtelet me rappelle à Paris. Je suis comme ces Grecs qui renonçaient à la cour du grand roi pour venir être honnis par le peuple d'Athènes.

 

J'ai passé quelques jours à Bareith. Son Altesse Royale [vi] m'a bien parlé de vous. Bareith est une retraite délicieuse où on jouit de tout ce qu'une cour a d'agréable sans les incommodités de la grandeur. Brunswik où je suis a une autre espèce de charmes. C'est un voyage céleste où je passe de planète en planète pour revoir enfin ce tumultueux Paris où je serai très malheureux si je ne vois pas l'unique Maupertuis que j'admire et que j'aime pour toute ma vie.

 

V. »

i Cf. lettre du 6 octobre.

iii Tito Vespasiano, ovvero la Clemenza di Tito, de Johann Adolf Hasse. Dans ses Mémoires, V* dit qu'il était « mis en musique par le roi lui-même aidé de son compositeur. »

iv Dans Le Roman comique de Scarron:

vi Wilhelmine, margravine de Bayreuth soeur de Frédéric.http://fr.wikipedia.org/wiki/Wilhelmine_de_Bayreuth

Sophia_Friderica_Wilhelmine_Prinzesssin_von_Preussen.jpg


 

15/10/2010

moi je me suis fait libre

 

Note rédigée le 25 août 2011 pour mise en ligne le 15 octobre 2010 .

 

Même si je n'ai pas la liberté qu'une aisance matérielle peut donner, comme celle de Volti,  je me suis moi aussi "fait libre" très simplement en employant deux petits mots : oui, non .

Utilisés selon votre goût, selon votre humeur, selon votre savoir ils vous ouvrent la porte à une réflexion sans tabous , et à vous d'en tirer les conclusions . 

 Sans oublier le " je ne sais pas" et son corollaire "je vais essayer de savoir" qui n'ont rien de honteux, au contraire .

Débarassez-vous de superstitions et de coutumes vides de sens, ne craignez pas d'être sans gourou, sans coach , sans carte de parti ni de syndicat, sans chien ni poisson rouge, sans parapluie , sans rubrique des chiens écrasés, sans Face book .

 

 

 http://www.youtube.com/watch?v=I8JOl6zUS6Y

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 http://www.youtube.com/watch?v=bwnVaWlyi2Q

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

15 octobre [1759]

 

Je trouve, mon cher philosophe, qu'un conseiller du parlement n'a rien de mieux à faire que d'aller en Italie . M. l'abbé de Saint-Non 1 m'a paru digne de ce voyage que vous vouliez faire . Si jamais l'envie vous en reprend, passez hardiment par Genève et seulement ne donnez plus sur nous la préférence à des prêtres sociniens 2. Vous êtes bien bon de songer s'ils existent . S'ils osaient, ils reconnaitraient Jésus-Christ pour Dieu s'ils pouvaient à ce prix assister à mes spectacles et être admis au petit théâtre que j’ai fait à Tournay tout près des Délices . Les Genevois se battent pour avoir des rôles . Vous avez daigné accabler ce fou de Jean-Jacques par des raisons 3, et moi je fais comme celui qui pour toute réponse à des arguments contre le mouvement se mit à marcher . Jean-Jacques démontre qu'un théâtre ne peut convenir à Genève, et moi j'en bâtis un 4. De meilleurs philosophes que Jean-Jacques écrivent sur la liberté, et moi je me suis fait libre . Si quelqu'un est en souci de savoir ce que je fais dans mes chaumières et s’il me dit que fais -tu là maraud ?5 Je lui réponds : je règne, et j’ajoute que je plains les esclaves . Votre pauvre Diderot s'est fait esclave des libraires et est devenu celui des fanatiques . Si j'avais un terme plus fort que celui du mépris et de l'exécration, je m'en servirais pour tout ce qui se passe à Paris . Vous êtes né, mon cher philosophe, dans le temps de Mme de La Raubière . Vous demanderez ce que c'est . Mme de La Raubière disait que c’était un foutu temps .

 

J'ai entendu parler d'un frère L’Arrivée, jésuite 6, qui confesse, dit-on, Mesdames, et qui est à la cour en grand crédit . On dit que c'est le plus pétulant idiot qui soit dans l’Église de Dieu . Ne trouvez-vous pas que le nom de L’Arrivée est celui d'un valet de comédie ? On dit que ce maroufle se mêle d'être persécuteur . Quand il s’agit de faire du mal les jansénistes, et les molinistes se réunissent, et tous les philosophes sont ou dispersés ou ennemis les uns des autres . Quels chiens de philosophes ! Ils ne valent pas mieux que nos flottes, nos armées et nos généraux .

 

Luc 7 se débat violemment mais Luc périra, je vous en réponds . C'est un autre fou dangereux, et c'est bien dommage .

 

Dulce mari magno 8etc. Je finirai ma vie en me moquant d'eux tous . Mais je voudrais m'en moquer avec vous . Je vous embrasse en Confucius, en Lucrèce, en Cicéron, en Julien , en Collins, en Hume, en Shafstburi, en Midleton, en Bolingbroke ; etc. , etc. »

 

1 Jean-Claude Richard de Saint-Non ; qui venait de passer chez V* avec un petit mot de d'Alembert .

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Richard_de_Saint-Non

2 Pendant son séjour d'août 1756, V* disait que d'Alembert avait dîné tous les jours avec des pasteurs « prêtres sociniens » ou « sociniens honteux » : allusion à la polémique qui suivit la parution de l'article « Genève » dans l'Encyclopédie en 1757 ;

voir lettre à d'Alembert du 8 janvier 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/08/je-vous-conjure-instamment-d-avoir-toujours-du-courage.html

3 Voir la Lettre de d'Alembert à M. J.-J. Rousseau , sur l'article « Genève », 1759.

http://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_de_d%E2%80%99Alembert_%C3%A0_M._J.-J._Rousseau_sur_l%E2%80%99article_Gen%C3%A8ve

6 François-André L’Arrivée, confesseur des filles du roi .

7 Frédéric II ; voir lettre du 25 août 1759 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/08/24/7ee3c111bfab5da7b657b0c44a4d4b32.html

8 … il est doux quand sur la vaste mer ...

 

 

vous connaissez trop bien la faiblesse humaine pour ne pas savoir que nous ne sommes les maîtres de rien

 

Lettre rédigée le 27 août 2011 pour parution le 15 octobre 2010.

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

15 octobre [1755]

 

Mon cher ange, vous commencez donc à être un peu content . Vous le seriez davantage sans trois terribles empêchements, la maladie, l'éloignement et une Histoire générale qui me tue . Puis-je songer au seul Gengis 1, quand je me mêle du gouvernement de toute la terre ? Les Japonais et les Anglais, les jésuites et le talapoins, les chrétiens et les musulmans me demandent audience . J'ai la tête pleine du procès de tous ces gens-là . Vous avez beau me dire que la cause de Gengis doit passer la première ; vous connaissez trop bien la faiblesse humaine pour ne pas savoir que nous ne sommes les maîtres de rien . Dites à vos fleurs de s'épanouir, à vos blés de germer ; ils vous répondront : attendez ; cela dépend de la terre et du soleil . Mon cher ange, ma pauvre tête dépend de tout . Je fais ce que je peux, quand je peux . Plus je vais en avant, plus je me tiens une machine griffonnante . Pour vous , messieurs de Paris, faites suivant vos volontés, ordonnez, coupez, taillez, rognez, faites jouer mes magots devant les marionnettes de Fontainebleau, et qu'on y déchire l'auteur au sortir de la pièce, tandis que je languis malade dans mon ermitage entre la casse et des livres ennuyeux .

 

J'ai mandé à Lambert que je serai peut-être assez fou pour lui donner en son temps une nouvelle tragédie à imprimer 2, mais ce n'est pas du pain cuit pour Lambert . Il faut que les nations soient jugées, et que le génie me dise : travaille . En attendant, mon divin ange, j'ai recours à vous auprès de Lambert . Il s'avise d'imprimer un recueil de toutes mes sottises et il n'a encore aucune des corrections, aucun des changements sans nombre que j'y ai faits . C'est encore un travail assez grand de mettre tout cela en ordre . Dites-lui , je vous en conjure, qu'il ne fasse rien avant que je lui aie fait tenir tous mes papiers . Ce paresseux est bien ardent quand il croit qu'il y va de son intérêt, mais son intérêt véritable est de ne rien faire sans mes avis et sans mes secours . De quoi se mêle-t-il de commencer sans me le dire une édition de mes œuvres lorsqu'il sait que j'en fais une à Genève, et lorsqu'il a passé une année entière sans vouloir profiter des dons que je lui offrais ? Il m'envoya il y a un an une feuille de La Henriade 3 et s'en tint là ; et point de nouvelles . Je lui mandai enfin que je paierais sa feuille et qu'il s'allât promener . Je donnai mes guenilles à d'autres . Et à présent le voilà qui travaille, et sans m'avoir averti .

 

Je vous prie , mon cher ange, de lui laver la tête en passant, si vous le rencontrez en allant à la comédie, si vous vous en souvenez, si vous voulez bien avoir cette bonté . Je vous demande bien pardon de mon importunité . Mais encore faut-il être imprimé à sa fantaisie . Adieu, je voudrais travailler à la vôtre, et réussir autant que j'ai envie de vous plaire . »


3 V* en a accusé réception le 24 septembre 1754 .