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20/02/2012

Je pense que le petit morceau ci-joint est moins mauvais que celui auquel je le substitue, et voici mes raisons

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J'ai vu, il y a environ deux ans, l'Orphelin de la Chine, et spontanément , au sortir du spectacle, j'avais dit, à qui voulait bien l'entendre, que cette pièce m'avait semblé trop longue, diluée, redondante . Je n'ai su qu'après que Volti ne la voulut d'abord qu'en trois actes, et qu'il eut la faiblesse de faire plaisir aux d'Argental et alliés en ajoutant deux actes, avec bien de la peine ; la vivacité d'esprit de ce génial auteur ne luit alors plus que par quelques scènes et répliques . Dommage …

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De nos jours, il est parfois heureux de pouvoir regarder la TV ! et profiter d'un spectacle au langage international, puisque sans paroles , ou presque ; humour, poésie, rêve, délire sont présents et je me suis régalé (comme ils disent dans le midi ) . C'est le Slava's Snowshow , que je vous recommande : http://www.tv-replay.fr/player/19-02-12/slava-s-snowshow-arte-9216151.html

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«  A monsieur le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 18 juillet [1755]

Vous devez, mon cher ange, avoir reçu et avoir jugé notre Orphelin1. Je n'étais point du tout content de la première façon, je ne le suis guère de la seconde. Je pense que le petit morceau ci-joint est moins mauvais que celui auquel je le substitue, et voici mes raisons. Le sujet de la pièce est l'Orphelin, plus on en parle, mieux l'unité s'en trouve. La scène m'en parait mieux filée, et les sentiments plus forts. Il me semble que c'était un très- grand défaut que Zamti et Idamé eussent des choses si embarrassantes à se dire, et ne se parlassent point.
Plus la proposition du divorce est délicate, plus le spectateur désire un éclaircissement entre la femme et le mari. Cet éclaircissement produit une action et un nœud, cette scène prépare celle du poignard, au cinquième acte. Si Zamti et Idamé ne s'étaient point vus au quatrième acte, ils ne feraient nul effet au cinquième: on oublie les gens qu'on a perdus de vue. Le parterre n'est pas comme vous, mon cher ange; il ne fait nul cas des absents. Zamti, ne reparaissant qu'à la fin seulement, pour donner à Gengis occasion de faire une belle action, serait très- insipide il en résulterait du froid sur la scène du poignard, et ce froid la rendrait ridicule. Toutes ces raisons me font croire que la fin du quatrième acte est incomparablement moins mauvaise qu'elle n'était, et je crois la troisième façon préférable à la seconde, parce que cette troisième est plus approfondie. Après ce petit plaidoyer, je me soumets à votre arrêt. Vous êtes le maître de l'ouvrage, du temps, et de la façon dont on le donnera. C'est vous qui avez commandé cinq actes, ils vous appartiennent. Notre ami Lekain doit avoir un habit. Il faudra aussi que Lambert ait le privilège, pour les injures que nous lui avons dites, Mme Denis et moi, et pour l'avoir appelé si souvent paresseux. Thieriot-Trompette me mande que M. Bouret ne lui a point encore fait remettre son paquet. Il soupçonne que les commis en prennent préalablement copie.
J'en bénis Dieu, et je souhaite qu'il y ait beaucoup de ces copies moins malhonnêtes que l'original défiguré et tronqué qui court le monde. Je suis toujours réduit à la maxime qu'un petit mal vaut mieux qu'un grand. A propos de nouveaux maux, pourriez-vous me dire si un certain livre édifiant contre les Buffon, Pope, Diderot, moi indigne, et ejusdem farinae homines, a un grand succès, et s'il y a quelques profits à faire ? Il serait
bien doux de pouvoir se convertir sur cette lecture, et de devoir son salut à l'auteur. Adieu, mon cher et respectable ami, je vous dois ma consolation en ce monde.
Je dois vous mander que M. de Paulmy et M. de La Valette, intendant de Bourgogne, ont pleuré tous deux à notre Orphelin. M. de Paulmy n'a pas mal lu le quatrième acte. Nous le jouerons dans ma cabane des Délices, nous y bâtissons un petit théâtre de marionnettes. Genève aura la comédie, malgré Calvin. J'ai envoyé à M. le maréchal de Richelieu, par M. de Paulmy, quinze chants honnêtes de ce grave poème épique. Je lui ai promis que vous lui communiqueriez l'Orphelin. Voilà un compte très-exact des affaires de la province. Donnez-nous vos ordres, et aimez-nous.
M. le maréchal de Richelieu nous apprend le bruit cruel qui court que je fais imprimer à Genève cet ouvrage, qu'on vend manuscrit à Paris à tout le monde, et que je le gâte. Il n'y a rien de plus faux, ni de plus dangereux, ni de plus funeste pour moi, qu'un pareil bruit. »

 

1 L'Orphelin de la Chine , vu au XXIè siècle : http://www.chinatoday.com.cn/lachine/2004/0402/08.htm

 

 

celui qui a déjà été plus d'une fois le complice des ses friponneries littéraires

Quatre protagonistes : orchestre, violon, piano, violoncelle dans cette oeuvre tonique d'un de mes compositeurs préférés, Beethoven : http://www.musicme.com/Herbert-Von-Karajan/albums/Beethov... .

Ce concerto me semble illustrer ce moment de la vie de Volti qui donne de la plume à tout va pour se défendre, et sauver sa réputation déjà bien écornée, il faut le reconnaître . Cris et chuchotements ...

 

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Friponneries domestiques : Nala, Top Chef !

Volti fait appel à ses relations, dont Marc-Pierre de Voyer , comte d'Argenson, qu'il connait depuis le collège Louis Le Grand, pour le défendre dans cette sulfureuse affaire d'édition de La Pucelle en version trafiquée . Lequel comte aide Volti à sa manière, en gardant un fond de méfiance , en supposant toujours de la malice de la part de l'auteur de tant d'ouvrages déniés et répréhensibles , « friponneries littéraires » qui font trembler l'ordre établi .

 

« Du comte d'ARGENSON 1

A M. BERRYER, lieutenant général de police.2

A Compiègne, ce 7 juillet 1755.

J'ai, monsieur, des avis certains de Genève que Voltaire doit envoyer incessamment à Thieriot une copie manuscrite et complète du poème de la Pucelle 3; vous savez toutes les craintes affectées que Voltaire et Mme Denis marquent depuis longtemps que cet ouvrage ne perce dans le public par l'infidélité prétendue d'un domestique chez qui nous avons eu la complaisance d'envoyer faire des recherches infructueuses. Aujourd'hui, c'est Voltaire lui-même qui en envoie une copie. Peut-on présumer que ce soit à autre intention que pour la faire imprimer par celui qui a déjà été plus d'une fois le complice des ses friponneries littéraires ? C'est ce qu'il est, je crois, important d'approfondir, en usant à cet effet de la prudence et des précautions dont vous êtes capable. Faites donc examiner Thieriot avec soin, et vous découvrirez par là dans ses allures l'usage qu'il fera du manuscrit en question, qu'il doit ou avoir maintenant reçu, ou qu'il recevra certainement dans peu de jours. Je ne doute pas qu'il ne voie à cette occasion quelque libraire; vous connaissez ceux qui sont capables de se charger d'une pareille besogne, soit Lambert, qui a été l'imprimeur de confiance de Voltaire, soit quelque autre. Peut-être aussi Thieriot, avant de donner l'ouvrage à l'imprimeur, voudra-t-il en faire faire une seconde copie, et, en ce cas, les démarches qu'il faudra qu'il fasse pour avoir un copiste n'échapperont pas à votre vigilance. Si vous faites quelques découvertes dans ce genre, je suis persuadé que vous ne laisserez pas échapper l'occasion de saisir l'ouvrage et de faire mettre à la Bastille ceux qui s'en trouveraient chargés. Comme je compte toujours que nous nous verrons dimanche, si d'ici là vous ne parvenez pas au but que je vous propose, nous nous entretiendrons alors des mesures que vous aurez prises, et de ce que vous espérez de leur succès. »

 

1 Marc-Pierre de Voyer, comte d'Argenson, surnommé « la chèvre », à qui V* a demandé d'intervenir pour faire cesser la publication des versions indécentes de La Pucelle . http://fr.wikipedia.org/wiki/Marc-Pierre_de_Voyer_de_Paulmy_d%27Argenson 

et , à propos de cette lettre , pages 99 et suivantes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k208006v/f103.image....

3 Cette affirmation laisse supposer qu'on a lu la lettre de V* à d'Argental datée du 6 juillet ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/02/18/il-vaut-mieux-se-faire-desirer-que-de-se-jeter-a-la-tete.html

 

 

Répétez avec moi : Bon anniversaire Voltaire !!

Cette année, il en est qui vont , grâce au 29 février , pouvoir avoir le plaisir (?) d'éteindre quatre bougies supplémentaires , d'avance bon anniversaire et rendez-vous dans quatre ans !

Personnellement, je fête, pour obéir à son bon plaisir, le trois cent dix huitième anniversaire de François-Marie Arouet, monsieur de Voltaire, qui revendiqua haut et fort, le 20 février 1694 comme jour de naissance, à la grande surprise de ses contemporains , et depuis, au grand étonnement des historiens et biographes de cette Lumière qui nous éclaire encore .

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Bon anniversaire Volti !

 

 

 

19/02/2012

J'ai mis le bonnet de la Liberté sur ma tête mais je l'ôte honnêtement à de jolis esclaves que j'aime

A propos de liberté lisez ceci , qui est facilement actualisable : http://books.google.fr/books?id=qjEUAAAAQAAJ&pg=PA19&...

 En chanson révolutionnaire :   http://www.youtube.com/watch?v=VTpsAA-0kO8

 En image : http://nababuloscope.over-blog.com/5-categorie-131730.html

Libert-Bonnet03-copie-1.jpg

 

Inspiré par Volti et le paraphrasant :

"Liberté ! liberté ! Ton trône est en ces lieux élyséens,

 ...

 Mais l'ouvrier à pied, rampant dans l'esclavage ,

Te regarde , soupire, vote et meurt dans la douleur."

James, à tous les électeurs de tous bords .

 

 

« A M. de BRENLES.

Aux Délices, 6 juillet [1755]

M. de Bochat est bien heureux; il y a plaisir à être mort, quand on a son tombeau couvert de vos fleurs. J'ai lu, monsieur, avec un plaisir extrême cet Éloge1, qui fait le vôtre. Vous trouvez donc que je suis trop poli avec ma patrie. Il n'y avait pas moyen de reprocher des fers à des esclaves si gais, qui dansent avec leurs chaînes2. J'ai mis le bonnet de la Liberté 3 sur ma tête mais je l'ôte honnêtement à de jolis esclaves que j'aime. Eh bien ! mon cher philosophe, vous voulez donc aussi vous mêler d'être malade, et vous avez en accident ce que j'ai en habitude. Guérissez vite; pour moi, je ne guérirai jamais; je suis né pour souffrir. Votre amitié et un peu de casse me soulagent.
J'ai chez moi M. Bertrand4, de Berne, et je m'en vante. M. le banneret Freudenreich5 me paraît un homme bien estimable; mais mes maladies ne me permettent pas de jouir de leur société autant que je le voudrais. Je ne sais si j'aurai la force d'aller jusqu'à Berne6; mais vous me donnerez celle d'aller à Monrion.
On dit que les douze chants dont vous m'avez parlé sont une rapsodie abominable7. Ce n'est point là, Dieu merci, mon ouvrage il est en vingt chants, et il y a vingt ans que j'avais oublié cette triste plaisanterie, qui me fait aujourd'hui bien de la peine.
Vale, amice.

V. »

1 Éloge historique de M. Charles-Guillaume Loys de Bochat (né à Lausanne en 1695, mort en 1754); Lausanne, 1755, in-8°. http://books.google.fr/books?id=G_Y_AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

2 Allusion à quelques vers de l’Épître sur le lac de Genève, dans lesquels Voltaire parlait des bourgeois de Paris rampant dans l'esclavage. « Liberté  ! liberté ! Ton trône est en ces lieux … / Mais le bourgeois à pied, rampant dans l'esclavage , / Te regarde , soupire et meurt dans la douleur. » : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-34308349.html

4 Élie Bertrand : pasteur ; http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lie_Bertrand

6 Il ira en 1756 .

7 La Pucelle dans la version frauduleuse et scabreuse éditée au grand dam de V* .

18/02/2012

il vaut mieux se faire désirer que de se jeter à la tête

http://www.youtube.com/watch?v=fVKI9M5MgKY

Est-ce ce que pensait le président candidat , se faire prier comme une star ?

"Allez, viens, on t'aime, on n'aime que toi, on te veux, on t'adore , on te soutient ! Tu es le meilleur ! "

Et in petto : "nos revenus en dépendent" ; "tiens bon encore cinq ans , Carla a besoin pouponner aux frais de l'Etat ".

Voir : http://player.canalplus.fr/#/592930     (en particulier à partir de 5'30")

 Et ceci qui remue un sentiment aigre en moi !

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«  A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 6 juillet [1755]

Mon cher ange, gardez-vous de penser que le quatrième et le cinquième magot soient supportables; ils ne sont ni bien cuits ni bien peints. L'Orphelin était trop oublié 1. Zamti, qui avait joué un rôle principal dans les premiers actes, ne paraissait plus qu'à la fin de la pièce; on ne s'intéressait plus à lui, et alors la proposition que sa femme lui fait de deux coups de poignard, un pour lui et un autre pour elle, ne pouvant faire un effet tragique, en faisait un ridicule. En un mot, ces deux derniers actes n'étaient ni assez pleins, ni assez forts, ni assez bien écrits. Mme Denis et moi nous n'étions point du tout contents. Nous espérons enfin que vous le serez. Il faut commencer par vous plaire pour plaire au public. Je vais vous envoyer la pièce. Elle ne sera peut-être pas trop bien transcrite, mais elle sera lisible. Le roi de Prusse m'a repris un de mes petits clercs pour en faire son copiste; c'était un jeune homme de Potsdam 2. J'ai rendu à César ce qui appartient à César, et il ne me reste plus qu'un scribe 3 qui a bien de la besogne en vers et en prose. Ce n'est pas une petite entreprise pour un malade de corriger tous ses ouvrages, et de faire cinq actes chinois. Mais, mon cher ange, quel temps prendrez-vous pour faire jouer la pièce? Pour moi, je vous avoue que mon idée est de laisser passer tous ceux qui se présentent, et surtout de ne rien disputer à M. de Châteaubrun 4. Il ne faut pas que deux vieillards se battent à qui donnera une tragédie, et il vaut mieux se faire désirer que de se jeter à la tête. J'imagine qu'il faudrait laisser l'hiver à ceux qui veulent être joués l'hiver. En ce cas, il faudrait attendre Pâques prochain, ou jouer à présent nos Chinois. Il y aurait un avantage pour moi à les donner à présent. Ce serait d'en faire la galanterie à Mme de Pompadour, pour le voyage de Fontainebleau. Il ne m'importe pas que l'Orphelin ait beaucoup de représentations. J'en laisse tout le profit aux comédiens et au libraire, et je ne me réserve que l'espérance de ne pas déplaire. Si cette pièce avait le même succès qu'Alzire 5, à qui Mme Denis la compare, elle servirait de contre-poison à cette héroïne d'Orléans,6 qui peut paraître au premier jour; elle disposerait les esprits en ma faveur. Voilà surtout l'effet le plus favorable que j'en peux attendre. Je crois donc, dans cette idée, que le temps qui précède le voyage de Fontainebleau est celui qu'il faut prendre mais je soumets toutes mes idées aux vôtres. J'envoie l'ouvrage sous l'enveloppe de M. de Chauvelin7. Je vous prie, mon divin ange, de le donner à M. le maréchal de Richelieu. Qu'il le fasse transcrire, s'il veut, pour lui et pour Mme de Pompadour, si cela peut les amuser.
J'ai cru devoir envoyer à Thieriot, en qualité de trompette8, cet autre ancien ouvrage dont nous avons tant parlé. J'aime bien mieux qu'il coure habillé d'un peu de gaze que dans une vilaine nudité et tout estropié. On le trouve ici très joli, très-gai, et point scandaleux. On dit que les Contes de La Fontaine sont cent fois moins honnêtes. Il y a bien de la poésie, bien de la plaisanterie, et, quand on rit, on ne se fâche point; surtout nulle personnalité. Enfin on sait qu'il y a trente ans que cette plaisanterie court le monde. La seule chose désagréable qu'il y aurait à craindre, ce serait la liberté que bien des gens se sont donnée de remplir les lacunes comme ils ont pu, et d'y fourrer beaucoup de sottises qu'ils ont ajoutées aux miennes.
Mon cher ange, je suis bien bon de songer à tout cela. Tout le monde me dit ici que je dois jouir en paix de mon charmant ermitage; il est bien nommé les Délices,; mais il n'y a point de délices si loin de vous. Mille tendres respects à tous les anges. »

 

 

3 Le jeune Jean-Louis Wagnière qu'il a engagé au château de Prangins a environ quinze ans . http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Louis_Wagni%C3%A8re

4 Jean-Baptiste Vivien de Châteaubrun : reçu à l'Académie française le 5 mai précédent, après avoir donné une tragédie de Philoctète en cinq actes (1er mars 1755). Il avait écrit Mahomet II , empereur des Turcs qui fut joué le 13 novembre 1714.

8 Thieriot rapportait volontiers toutes les nouvelles parisiennes à V* et à Paris les nouvelles que V* voulait faire circuler .

 

tous les sentiments que vous doivent toutes les femmes qui sentent et qui pensent

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«  A M. le maréchal duc de RICHELIEU

 

[juillet 1755]

 

 

La voulez-vous, la voulez-vous pour vous amuser, monseigneur ? Quoi ? qui ? la Pucelle, la Pucelle .Vous en avez trouvé un petit nombre dans le cours de votre aimable vie. Je vous l'enverrai par la voie que vous ordonnerez. J'en ai une copie en quinze chants, mais fort exacte, quoique griffonnée. Vous la ferez transcrire, vous m'honorerez d'une place dans votre bibliothèque. Vous l'aurez plus complète et plus finie que personne, et cela ne laissera pas d'égayer votre belle imagination. C'est le vrai bréviaire de mon héros.
L'Orphelin de la Chine n'est pas si gai; je l'envoie à M. d'Argental, pour qu'il le soumette à vos lumières. Je voudrais vous faire ma cour en vers et en prose, quand vous êtes de loisir. Mme Denis vous assure de tous les sentiments que vous doivent toutes les femmes qui sentent et qui pensent et moi, je vous renouvelle, pour toute ma vie, le plus tendre et le plus respectueux attachement. »

 

 

 

 

 

 

 

15/02/2012

je ne sais pas trop comment je peux suffire à toutes les sottises que j'ai entreprises

 

 

 

 

« A madame de FONTAINE,

à Paris.

Aux Délices, 2 juillet [1755]

Je vous écris, ma très-chère nièce, en faisant clouer au chevet de mon lit votre portrait et celui de votre fils. En vérité, voilà trois chefs-d'œuvre de votre façon qui me sont bien chers, vous, le petit d'Hornoy 1, et son pastel. Vous ne pouviez faire ni un plus joli enfant ni un plus joli portrait. Le vôtre est parfaitement ressemblant. Vous êtes un excellent peintre 2, et vous me consolez bien du portrait détestable que nous avions de vous. Je vous remercie bien tendrement de tous vos beaux ouvrages. Quand viendrez-vous donc voir les lieux que vous avez déjà embellis? Dieu merci, les vaches vous sont plus favorables que les ânesses 3. Pour moi, j'ai un âne qui me fait bien de la peine 4; car mon âne tient un grand rang dans l'ouvrage que vous savez, et on lui a fait de terribles oreilles dans les maudites copies qui courent. Je vous enverrai certainement la véritable leçon, et vous en ferez tout ce qu'il vous plaira. Je vous enverrai aussi notre Orphelin de la Chine5. Mais, en vérité, nous n'avons guère le temps de nous reconnaître, et je ne sais pas trop comment je peux suffire à toutes les sottises que j'ai entreprises. Il s'en faut bien que j'aie la santé que M. Tronchin6 me donne si libéralement. Il s'imagine que quiconque a eu le bonheur de le voir et de lui parler doit se bien porter, il est comme les magiciens, qui croyaient guérir avec des paroles. Il a raison, car personne ne parle mieux que lui, et n'a plus d'esprit; mais je ne m'en porte pas mieux.
A propos, Thieriot a douze chants de ce que vous savez, demandez-les-lui sur-le-champ. Faites-les copier; cela vous amusera, vous et votre frère7, quand il sera las de lire son bréviaire et de rapporter des procès. Je voudrais bien que mon abbaye fût aussi sur les bords de la Seine8; mais j'ai bien l'air d'avoir planté le piquet pour jamais sur les bords du lac de Genève. Les malades ne se transportent guère, à moins que ce ne soit aux eaux de Plombières, lorsque vous irez 9. »

1 Alexandre-Marie-François-de-Paule de Dompierre d'Hornoy, né à Abbeville le 23 juillet 1742, conseiller au parlement en 1763, président en 1780; mort en janvier 1828. La terre d'Hornoy est à huit lieues d'Amiens. Son frère ainé est mort en bas age .

3 Elle est en mauvaise santé, et a pris du lait d'ânesse sans succès ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/02/11/je-ne-serai-que-damne-cela-est-injuste-car-je-le-suis-un-peu.html

4 Le fameux chant de l'âne de La Pucelle dont des versions scabreuses circulent : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-pucelle-d-orleans-chant-vingtieme-86569397.html

7 L'abbé Mignot qui est aussi conseiller au Parlement .

8 L'abbaye de Scellières, dont l'abbé Mignot a obtenu le bénéfice, et où Voltaire fut inhumé en 1778, était située dans la commune de Romilly-sur-Seine.

9 Les deux alinéas qui, dans Beuchot, sont à la fin de cette lettre forment une lettre à part. Voyez au 23 août 1755