Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/02/2012

dans la lune. J'ai déjà un peu l'air d'y avoir fait un tour

A tous ceux qui ont de la peine : 

http://www.deezer.com/music/track/5187869

depuis crozet sans lune1573.JPG

Au loin, la terre et les humains

 

 

 

« A M. THIERIOT

A Genève, 30 juin [1755]

Il y a un paquet pour vous, mon ancien ami, chez M. Bouret 1. En récompense, instruisez-moi un peu de l'état de notre littérature, de ce qu'on dit de par le monde, et pardonnez au laconisme d'un malade qui a cinq magots de la Chine 2 à polir. Je crois que si j'ai encore un sujet de tragédie à traiter, il faudra que je le prenne dans la lune. J'ai déjà un peu l'air d'y avoir fait un tour.
En attendant, le malingre vous embrasse. »

 

1 Bourel Étienne-Michel (1710-1777), financier, trésorier général de la Maison du roi (1738), fermier général (1743)

 

dissiper cette malheureuse séduction, et ce nuage qui fait voir trouble quand on regarde les enfants qu'on vient de faire

http://www.youtube.com/watch?v=ZJD3NHDKEu4 

Je vous invite à faire connaissance de mon petit copain le merle qui bequète les restes de cotelettes que j'ai données aux chiens et aux chats baladeurs . Il chantera dans quelques semaines .

merle aux cotelettes1506.JPG

Mon amie LoveV est plus printanière .

 http://www.deezer.com/music/track/13139959

 

 

 « A M. le comte d'ARGENTAL.

23 juin [1755]

Mon très-cher ange, j'ai reçu toutes vos lettres à la Chine. Je suis enfoncé dans le pays où vous m'avez envoyé. Je recuis vos magots1, et vous les aurez incessamment. Soyez bien sûr que cette porcelaine-là est bien difficile à faire. La fin du quatrième acte et le commencement du cinquième étaient intolérables, et beaucoup de choses manquaient aux trois autres. Il est bon d'avoir abandonné entièrement son ouvrage pendant quelques mois; c'est la seule manière de dissiper cette malheureuse séduction, et ce nuage qui fait voir trouble quand on regarde les enfants qu'on vient de faire. Je ne vous réponds pas d'avoir substitué des beautés aux défauts qui m'ont frappé, je ne vous réponds que de mon envie de vous plaire, et de l'ardeur avec laquelle j'ai travaillé. Vous verrez si mes maçons d'un côté, et de sèches histoires de l'autre, m'ont encore laissé quelques faibles étincelles d'un talent que tout doit avoir détruit. Ce que vous me dites de Mahomet2 m'engage à vous parler d'Oreste3. Croiriez-vous que c'est la pièce dont les gens de lettres sont le plus contents dans les pays étrangers? Relisez-la, je vous en prie, et voyez si on ne pourrait pas la faire rejouer. Votre crédit, mon cher ange, pourrait-il s'étendre jusque-là ? Je sais que les comédiens sont gens un peu difficiles mais enfin, s'ils veulent que je fasse quelque chose pour eux, ne feront-ils rien pour moi ? J'ai chez moi actuellement le fils de Fierville4. Il y a de quoi faire un excellent comédien et, s'il ne veut pas jouer tous les mots, il jouera très-bien. Il y a de la figure, de l'intelligence, du sentiment, surtout de la voix, et un amour prodigieux pour ce malheureux métier si méprisé et si difficile. Je vous prie, mon cher ange, de m'écrire par M. Tronchin, banquier à Lyon. Je vous conjure de ne pas imaginer que je songe à ce que vous savez 5; on n'y songe que trop pour moi. Ce Grasset a apporté un exemplaire de Paris. Un magistrat de Lausanne l'a vu, l'a lu, et me l'a mandé. L’Allemagne est pleine de copies. Vous savez qu'il y en a dans Paris. Vous n'ignorez pas que M. le duc de La Vallière en a marchandé une. Il n'y a point, encore une fois, de libraire qui ne s'attende à l'imprimer, et peut-être actuellement ce coquin de Grasset fait-il mettre sous presse la copie infâme et détestable qu'il a apportée. Je ne me fie point du tout à ses serments. J'ai sujet de tout craindre. En vérité, je me remercie de pouvoir travailler à notre Orphelin, dans des circonstances aussi cruelles, mais vous m'aimez, vous me consolez il n'y a rien que vous ne fassiez de moi. Mme Denis vous fait mille tendres compliments. Elle mérite le petit mot par lequel j'ai terminé mon lac 6.
Adieu, mon cher ange mes respects à toute la société angélique. »

 

1 L’Orphelin de la Chine .

4 Fierville père débuta à la Comédie française, le 18 mai 1733, dans le rôle de Palamède, de l'Électre de Crébillon; il fut reçu en 1734. Congédié le 24 janvier 1741, avec une pension, il joua ensuite en province il remplissait les rôles de paysan.

5 A publier La Pucelle .

6 Il rend hommage à la liberté et plus spécialement à l'amitié de Marie-Louise Denis, sa nièce et compagne : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-34308349.html

 

11/02/2012

je ne serai que damné. Cela est injuste, car je le suis un peu dans ce monde

 Damned ! Volti ...!

Damné :

http://www.deezer.com/music/track/3117963

damné1183.JPG

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« A madame Marie-Elisabeth de FONTAINE
A Paris.

18 juin [1755]

Vraiment, ma chère nièce, vos ouvrages1 me consoleront bien des miens; nous les attendons avec impatience par M. Tronchin2. Plût à Dieu que vous eussiez pu les apporter vous-même ! Vous ornez notre solitude, en attendant que vous nous y rendiez heureux . Nous avons béni Dieu, et fait notre compliment au digne bénéficier 3. L’Église est sa vraie mère 4; elle lui donne plus qu'il n'a de patrimoine mais je ne serai point content qu'il ne soit évêque. Pour moi, je vois bien que
je ne serai que damné. Cela est injuste, car je le suis un peu dans ce monde. Quelle étrange idée a passé dans la tête de notre ami 5! Je suis bien loin du dessein qu'il m'attribue mais je voudrais vous envoyer la véritable copie6. Il est vrai qu'il n'y a pas tant de draperie que dans vos portraits mais aussi ce ne sont pas les figures de l'Arétin. Darget ne devrait pas avoir cet ouvrage. Il n'en est possesseur que par une infidélité atroce. Les exemplaires qui courent ne viennent que de lui. On en a offert un pour mille écus à M. de La Vallière, et c'est M. le duc de La Vallière lui-même qui me l'a mandé.
Tout cela est fort triste mais ce qui l'est bien davantage, c'est ce que vous me dites de votre santé7. Il est bien rare que le lait convienne à des tempéraments un peu desséchés comme les nôtres. Il arrive que nos estomacs font de mauvais fromages qui restent dans notre pauvre corps, et qui y sont un poids insupportable. Cela porte à la tête, les maudites fonctions animales vont mal, et on est dans un état déplorable. Je connais tous les maux, je les ai éprouvés, je les éprouve tous les jours, et je sens tous les vôtres. Dieu vous préserve de joindre les tourments de l'esprit à ceux du corps ! Si vous voyez notre ami, je vous supplie de le bien relancer sur la belle idée qu'il a eue ; c'est précisément le contraire qui m'occupe.
Je cherche à désarmer les mains qui veulent me couper la gorge, et je n'ai nulle envie de me la couper moi-même. Darget m'écrit8, à la vérité, que son exemplaire ne paraîtra pas; mais peut-il empêcher que les copies qu'il a données ne se multiplient ? Adieu je tâcherai de ne pas mourir de douleur, malgré la belle occasion qui s'en présente. Je vous embrasse, vous et votre fils 9, de tout mon cœur. »






 

1 Douée pour le dessin, cette nièce de V* lui offrit des pastels pour « ses petites Délices » . En ce temps-là, elle se partageait entre son domaine de Hornoy, et l'hôtel d'Herbouville à Paris . Voir lettre du 23 février : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/25/je-suis-de-toutes-les-nations.html

2 Jean-Robert Tronchin, banquier à Lyon qui s'occupait des affaires de V*, et que V* chargeait de nombreuses commissions .

3 L'abbé Mignot : Alexandre-Jean des Aunais reçu les ordres mineurs et obtint les bénéfices de l'abbaye de Scellières (près de Troyes).

4 Alexandre Mignot était avocat et conseiller clerc au Grand Conseil depuis 1750 .

5 Le marquis Claris de Florian, amant de Marie-Elisabeth de Fontaine depuis 1753, oncle du chevalier de Florian (que V* nommera Florianet, futur « neveu par ricochet », le futur fabuliste), qui était alors au berceau. Le marquis de Florian, appelé par Voltaire « grand écuyer de Cyrus » (V* lui avait montré son projet de char de guerre), dans plusieurs lettres, épousa Mme de Fontaine en 1762 après son veuvage de 1756 ; « vivez heureux neveu et nièce » leur dira V* .

6 De La Pucelle .

7 Elle tombera assez gravement malade aux Délices en 1756, et sera soignée par François Tronchin .

9 Alexandre-Marie-François de Paule de Dompierre d'Hornoy, deuxième fils de Mme de Fontaine, l'ainé étant mort . V* le nommera « mon gros petit neveu » et le reçut adolescent aux Délices .

 

Mille tendres respects à la philosophe qui vous rend heureux

 Hello, my respects :

http://www.deezer.com/music/track/12713280

 

 

« A M. de BRENLES.

Aux Délices, 18 juin [1755]

J'attends votre prose, mon cher ami, et je vous envoie des vers1. Ils ne sont pas trop bons, mais c'est l'éloge de votre pays, je le louerais de bien meilleur cœur, si j'étais à Monrion2 avec vous. Je compte y aller dès que j'aurai arrangé quelques affaires que j'ai ici. Nous parlerons de l'affaire de Grasset3, mais je n'aurai point de termes pour vous exprimer ma reconnaissance.
Mille tendres respects à la philosophe qui vous rend heureux et qui vous doit son bonheur.

V. »

1 L''Epître sur le lac de Genève : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-34308349.html

2 Près de Lausanne, où V* a loué une maison .

3 Grasset qui veut éditer La Pucelle dans une version erronée .Voir lettres précédentes .

 

10/02/2012

J'ai renoncé à toute société, à tout commerce.

http://www.youtube.com/watch?v=8-KyL2gMxV8&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=u5vQO1Uw90k&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=DP03KUAauWU&feature=related

 

10_2_2012 solitude1424.JPG

 

« A madame Louise-Dorothée de Saxe -Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, par Genève, 16 juin 1755.

Madame, je ne cesserai, sur les bords du lac de Genève et du Rhône, d'adorer la forêt de Thuringe. Je n'importune que bien rarement Votre Altesse sérénissime de mon respectueux attachement et de ma reconnaissance, il faut me regarder comme un homme enseveli dans la solitude. Cette cruelle destinée qui se joue de tous les êtres n'a pas voulu que ma solitude fût dans vos États, où est mon cœur. Elle m'a arraché à votre cour 1. Plût à Dieu que j'y fusse encore . J'oublierais encore plus les infidélités et les orages des autres cours. On m'a fait à celle de Berlin une noirceur nouvelle2. On avait un exemplaire tronqué et très infidèle de cette Jeanne qui vous a quelquefois amusée, et on avait cet exemplaire par des voies qui n'étaient pas trop légitimes, on m'avait promis qu'on n'en abuserait jamais; cependant on l'a envoyé à un ancien secrétaire du roi de Prusse, nommé Darget 3,
qui a renoncé au service du roi, aussi bien qu'Algarotti4. Ce Darget est à Paris; et il court des copies d'un ouvrage que Votre Altesse sérénissime seule aurait dû avoir, s'il avait été digne de vous être présenté.
Je m'amusais, madame, dans ma retraite, quand mes maladies me le permettaient, à retoucher et retravailler cette ancienne rapsodie, à y mettre plus d'ordre, plus d'agréments et surtout plus de décence, sans en ôter la gaieté. C'était pour vous, madame, que je travaillais; mais les maudites nouvelles des infidélités de Berlin et de Paris m'ont fait tomber la plume des mains. J'ai fait l'impossible pour retirer les exemplaires maudits de Berlin et de Paris. Cette affaire m'a causé presque autant de peine que celle de Francfort5. Je suis destiné à me repentir toute ma vie de mon voyage de Brandebourg. Il n'y a que celui de Gotha qui me console. Que puis-je faire maintenant dans la retraite où je me suis enseveli, que de m'occuper à jamais du souvenir de vos bontés, d'en parler tous les jours à la compagne de ma solitude6, de faire mille vœux pour votre auguste maison,
pour la santé de la grande maîtresse des cœurs! J'ai renoncé à toute société, à tout commerce. J'ai même longtemps ignoré la cruelle infidélité qu'on m'a faite. Je voudrais, madame, oublier tout, hors Votre Altesse sérénissime, votre cœur et vos bontés. 
Je la supplie de me conserver toujours cette bienveillance précieuse dont elle m'a honoré. Je suis le plus inutile de ses serviteurs mais je me flatte qu'elle ne dédaignera pas l'hommage d'un ermite qui ne tient plus sur la terre qu'à elle seule, et qui sera jusqu'au dernier moment pénétré pour elle du plus profond respect et d'une reconnaissance infinie. »

 

1 Où V* passa fin avril 1753, après avoir quitté Berlin ; à la demande de la duchesse il écrira les Annales de l'Empire (histoire de l'Allemagne) qu'il terminera en Alsace .

2 Une copie partielle de La Pucelle est parvenue dans les mains de libraires par Frédéric II ou par son frère Henri .

3 Voir lettres précédentes à Darget et de Darget :

5 Les « avanies de Francfort » où V* fut arrêté le 31 mai 1753 en quittant la Prusse, et resta prisonnier jusqu'au 6 juillet , avec sa nièce Marie-Louise Denis .Voir par exemple la lettre au Vénérable Conseil de Francfort : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/07/08/b69f85f3f4bb3d0eb001b2c5347a626a.html

6 Marie-Louise Denis .

 

09/02/2012

il faut un peu de temps pour achever le tableau des sottises humaines

 Petit exemple de ce que peut la trouille de Dieu et, encore plus, de ses représentants ( VRP =Véritables Requins Prédateurs ) barbus ou imberbes, mitrés ou calottés .

M. Hollande et M. Sarkozy, grands laïcs en peau de lapin (cacher ), habités de l'éternelle envie de se faire élire grand chef, sont allés caresser dans le sens du poil  la communauté juive, François s'offrant le luxe de faire lever Nicolas qui n'aime pas qu'on lui passe la main dans le dos, ne sachant pas où ça peut finir . Sourires de larrons pour chasse au pognon .

A quand leurs visites et leurs paroles encourageantes chez les mormons, les intégristes de feu Mgr Lefebvre , les raheliens, les pentecotistes, les adventistes, tous les tr-istes confits en religion, sans omettre nos "frères" musulmans en quète de reconnaissance ? Deux mois de campagne, ça va être court ! Les oubliés seront ils capables de faire un choix ? Vous le saurez dans le prochain épisode de : " Il faut m'élire !" 

sottises voilées.jpg

Paquet de sottises voilées uni à un amateur éclairé .

(Sac bio, consigné, renouvelable à la demande)

 

 

 

« A M. Jean-Baptiste-Nicolas de FORMONT 1

Aux Délices, 13 de juin [1755]

Mon ancien ami et mon philosophe, je vous regretterai toute ma vie, vous et Mme du Deffant 2. Elle s'est donc accoutumée à la perte de la vue. Il me reste des yeux, mais c'est presque tout ce qui me reste. Je ne lui écris pas, qu'aurais-je à lui mander de ma solitude? que je vois de mon lit le lac de Genève, le Rhône, l'Arve, des campagnes, une ville, et des montagnes. Cela n'est pas honnête à dire à quelqu'un qui a perdu deux yeux, et, qui pis est, deux beaux yeux, mais je voudrais l'amuser, et vous aussi. Je voudrais vous envoyer certain poème3 dans le goût de messer Ariosto, qui court dans Paris, indignement défiguré, plein de grossièretés et de sottises. Je veux en faire pour vous une petite copie bien propre, et vous l'envoyer. Vous en connaissez déjà quelque chose, il est juste que vous l'ayez tout entier, et tel que je l'ai fait, puisque des gens sans goût l'ont tel que je ne l'ai pas fait. Mandez-moi comment, et par qui, je peux vous faire tenir cette ancienne plaisanterie, que je m'amusai à corriger il y a quelques années. Je ne veux pas perdre mes peines et c'est en être payé que de faire passer deux ou trois heures à me lire les gens qui sont capables de bien juger. Notre ami Cideville 4 est de ce petit nombre. S'il est encore à Paris, quand vous aurez cet ancien rogaton, je vous prierai de lui en faire part car deux copies sont trop longues à faire. J'aimerais mieux vous envoyer cette espèce d'Histoire générale qu'on a autant défigurée que mon petit poème ariostin. C'est un ouvrage plus honnête, plus convenable à mon âge et à mon goût; mais il faut un peu de temps pour achever le tableau des sottises humaines, depuis Charlemagne jusqu'à nos jours. J'ai été indigné et ennuyé de la manière dont on a presque toujours écrit les grandes histoires chez nos modernes. Un homme qui ne saurait pas que Daniel 5 est un jésuite le prendrait pour un sergent de bataille. Cet homme ne vous parle jamais que d'aile droite et d'aile gauche. On retrouve enfin le jésuite quand il est à Henri IV, et c'est encore bien pis. Il semble qu'il ait voulu écrire la vie du révérend père Cotton 6, et qu'il parle par occasion du meilleur roi qu'ait eu la France; mais ce qu'il oublie toujours, c'est la nation. L'histoire des mœurs et de l'esprit humain a toujours été négligée. C'est un beau plan que cette histoire c'est dommage que la bibliothèque du roi ne soit pas sur les bords de mon lac. Je n'ai pas laissé de trouver quelque secours , je travaille quand je me porte tolérablement, je bâtis, je plante, je sème, je cultive des fleurs, je meuble deux maisons aux deux bouts du lac, tout cela fort vite, parce que la vie est courte. Mme Denis a eu assez de philosophie et assez d'amitié pour quitter la vilaine maison que nous occupions à Paris 7, et pour se transporter dans le plus beau lieu de la nature. Il fallait sans doute cette philosophie et cette amitié, car on est assez porté à croire qu'un trou à Paris vaut mieux qu'un palais ailleurs. Pour moi, je n'aime ni les trous ni les palais; mais je suis très-content d'une maison riante et commode, encore plus content de mon indépendance, de ma vie libre et occupée; et sans vous, sans Mme du Deffant, sans quelques autres personnes que je n'oublierai jamais, je serais bien loin de connaître les regrets.  Adieu, mon ancien ami , continuez à tirer le meilleur parti que vous pourrez de ce songe de la vie. Je vous embrasse tendrement. »

 

1 Ce fut un ami de Mme du Deffant connu de V* depuis 1723 à Rouen, lors de l'édition de la Henriade . V* le nomme « philosophe aimable » et parfois « Aristarque ».

3 La Pucelle.

4 Rouennais lui-aussi , Pierre-Robert le Cornier de Cideville : .http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Robert_Le_Cornier_de_Cideville

5 On trouve dans l'article Ana, Anecdotes du Dictionnaire philosophique : « De l’abjuration de Henri IV. Le jésuite Daniel a beau me dire, dans sa très sèche et très fautive Histoire de France, que Henri IV, avant d’abjurer, était depuis longtemps catholique, j’en croirai plus Henri IV lui-même que le jésuite Daniel . » http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabriel_Daniel

6 Qui fut confesseur de Henri IV. Ses activités sont critiquées vertement ici : http://www.histoirepassion.eu/spip.php?article1358

 

08/02/2012

quelques corsaires de la littérature annoncent avoir votre ouvrage....Sont-ils faits pour résister à la tentation de mille louis?

 http://www.youtube.com/watch?v=dnKkGRLISQ4&feature=related

 

rhapsodie in blue1069.JPG

 Les joies de l'hiver !

Petit matin bleu, comme mes doigts, mes oreilles, et mon nez que je ne vous montrerai pas !

 

 

« De M. Claude-Etienne DARGET i.

 

 

 

[juillet 1755]

J'étais à courir le monde, mon ancien ami, quand les deux lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, le 11 et le 13 du mois dernier, sont arrivées ici. Elles m'ont suivi à Vésel, où j'ai été me mettre aux pieds de mon ancien maitreii, qui m'a reçu avec une bonté qui mérite à jamais mon attachement et ma reconnaissance; et ce n'est que dans ce moment enfin que je les reçois ici. J'y réponds aussi dans le moment, et je désirerais bien sincèrement que mon exactitude pût contribuer à votre tranquillité; j'entre dans vos peines, et je les partage. Vous auriez peut-être eu moins besoin de consolation si j'avais été toujours à portée d'être votre consolateur. Vous êtes un des grands hommes que je connaisse qui aient le plus de besoin de n'être entouré que d'honnêtes gens. Je n'ai été touché des injures qu'a débitées La Beaumelle que parce qu'il les mettait dans votre boucheiii, et que mon cœur souffrait à avoir des motifs de se refermer pour vous. Je suis enchanté et tranquillisé par les choses obligeantes que vous me dites à cet égard, et je vous en remercie comme d'un bienfait. Ce qui contribue à la paix de l'âme ne peut pas être d'un prix médiocre pour les âmes sensibles. Je suis très-sincèrement touché de l'inquiétude où vous êtes sur le sort de votre Pucelle. Vous n'avez point en mon amitié la confiance que j'ose me flatter d'avoir méritée, vos terreurs ne tomberaient pas sur le manuscrit qui est entre les mains de mon beau-frère. Je ne nie pas que l'on ait su qu'il existait, et c'est ma faute. Sans moi, sans l'envie que j'ai eue de satisfaire la plus juste curiosité du peu de gens de goût que je vous ai nommés, et de les confirmer, par la lecture de cet ouvrage, dans leur admiration pour vous, personne n'aurait entendu parler de ce manuscrit; on ignorerait son existence. Il n'a point été copié ici, ni en France, ni ailleura vous y pouvez compter. Il n'a point été vu, il a toujours été enfermé dans une cassette comme un bijou aussi précieux qu'il l'est en effet; et je vous jure sur mon honneur que je n'ai entendu parler du nommé Grasset que par vous, et que ce n'est pas de cet exemplaire que M. le duc de La Vallière a été le maître de donner mille écus. Mon beau-frère est parti, monsieur, pendant mon voyage, il y a aujourd'hui quinze jours. Il a remporté votre trésor, qu'il a conservé et gardé ici avec tant de soin qu'il m'a refusé de me le confier pour une soirée où je voulais le lire à une femme de mes amies, qui par son esprit méritait bien de l'entendre, mais où il ne pouvait pas être en tiers. Je n'ai point murmuré de sa méfiance, je lui en avais fait une loi à son arrivée. Soyez donc bien persuadé, mon ancien ami, que si ce Grasset a un exemplaire à vendre, ce n'est ni celui-là, ni copie de celui-là. La vérité même n'est pas plus vraie que ce que je vous avance ici, et je m'en établis la caution et le garant, vis-à-vis de vous et vis-à-vis de tout le monde. Je n'ai d'autre bien que ma réputation et ma probité, et vous pouvez compter que je ne les exposerais pas témérairement si j'avais le plus petit doute. J'aurai l'honneur de voir M. d'Argental à ce sujet. Cette malheureuse affaire me devient personnelle, puisque c'est mon zèle indiscret pour quelques amis qui a commis le secret que mon beau-frère s'était imposé sur la possession de ce trésor. Que parle-t-on de mille écus pour ce manuscrit? Un libraire de Hollande en a, je le sais, offert mille louis; mais ce ne serait pas avec tout l'or des Incas qu'on le retirerait des mains dans lesquelles je sais qu'il existe; et encore une fois, monsieur, ce n'est pas des dépôts que vous avez faits de ce côté-là que vous devez avoir de l'inquiétude.
Vous êtes le maître d'écrire au prince Henri, il ne fera que vous confirmer ce que je vous certifie. Il connalt mon beau-frère, et en répondra avec la même assurance que j'en réponds moi-même. Mais pourquoi asseoir vos soupçons uniquement sur ce manuscrit . Ne savez-vous pas qu'il en existe d'autres en d'autres lieux, où l'on en connalt peut-être bien moins le prix et l'importance? Le seul conseil que je puisse vous donner, mon cher ami, est d'être bien certain que ce n'est pas de ce côté-là que vous éprouverez jamais le plus petit sujet de chagrin. Soyez également tranquille sur ce que quelques corsaires de la littérature annoncent avoir votre ouvrage. Il n'est pas public; ils vous en imposent. Sont-ils faits pour résister à la tentation de mille louis?
Ma situation est plus tranquille que brillante. Je vis au milieu de ma patrie. J'ai quelques amis et une amie; et je ne formerais plus de désirs si mon fils ne me faisait pas une nécessité des soins que je dois me donner pour augmenter un peu ma fortuue. Mes protecteurs me le font espérer, et je tâcherai de les seconder par ma conduite. Je viens de lire votre Épître au lac de Genève. Vous êtes toujours vous-méme, puissiez-vous l'être longtemps ! Je vous embrasse de tout mon cœur, monsieur, et je ferai vos commissions auprès de M. de Croismare et de M. Duverney, qui y seront très- sensibles. »

 

ii Frédéric II dont il a été le lecteur et secrétaire particulier .C'est à cette époque qu'il fit la connaissance de V* et que commença leur amitié .