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05/09/2015

Je me borne à mon devoir qui est de vous donner avis de cette affaire

... Quand je saurai l'affaire, vous ne tarderez pas à avoir mon avis !

 

Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 5/9/2015

 

 

« A Michel Lullin de Châteauvieux

5è septembre 1760 aux Délices

Monsieur, Bardin le libraire m'envoya il y a trois jours un libelle intitulé Dialogues chrétiens par M. V., à Genève . On dit qu'il y a un ministre de votre ville très vilipendé dans ces Dialogues . Je dis à Bardin le fils chez moi que je le trouvais fort impudent de m'apporter un libelle à la tête duquel l'imprimeur a mis par Monsieur V. Il me répondit en présence de deux témoins, que ce libelle lui venait de Lyon, qu'un imprimeur nommé Rigolet lui en avait envoyé cent exemplaires, qu'un Genevois avait donné le manuscrit à Rigolet, avec prière d'envoyer les cent exemplaires à Genève et que lui Bardin avait la lettre du Lyonnais qui lui mandait toutes ces circonstances . Le Conseil est éclairé et sage, il verra si cette affaire vaut la peine d'être suivie ; il peut faire brûler le livre, punir le libraire et l'auteur 1.

Je me borne à mon devoir qui est de vous donner avis de cette affaire ; je laisse à votre prudence, monsieur, et à votre bonté pour moi de faire de ma lettre l'usage que vous trouverez à propos, m'en remettant uniquement à vos lumières et à votre autorité .

J'ai l'honneur d'être très respectueusement, M., etc. »

1 À la suite de la requête de V*, cette brochure ,hostile au christianisme malgré son titre (ironique) fut condamnée au feu .

c'est bien dommage qu'il faille tant de paroles pour dire si peu de choses

...  Ainsi en est-il pour gloser sur le confinement ou le déconfinement, les permissions d'ouvertures de commerces et les indemnisations et prêts et tutti quanti dans ce marécage qu'est l'épidémie du Covid-19 .

 

Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 5/9/2015

 

 

« Au marquis Francesco Albergati Capacelli, senatore di Bologna

à Bologna

Aux Délices 5è septembre 1760 1

Je suis dans mon lit depuis quinze jours, monsieur . Vieillesse et maladie sont deux fort sottes choses pour un homme qui aime comme moi le travail et le plaisir . Il est vrai que pour du plaisir vous venez de m'en donner par votre traduction 2, et par votre bonne réponse à ce Caraccioli 3, mais je ne vous en donnerai guère ; et j'ai bien peur que la tragédie des chevaliers errants ne vous ennuie beaucoup ; elle a été confiée à un huguenot de Genève nommé Lefort, parent du fameux Lefort, qui a déniaisé les Russes ; ce Lefort et son compagnon Souchay ont adressé le petit paquet, en toile cirée, à leur correspondant de Milan, ils doivent vous en avoir donné avis .

À l'égard de mon insolent Mylord Shaftsbury, il doit vous être parvenu par les sieurs Bianchi et Balestrerio, banquiers dans la même ville de Milan, où la tragédie est aussi . Mais je vous avoue que je ne sais pas le nom du banquier de la tragédie ; c'est vous qui m'apprenez que c'est un Nadal et un Rigaut à qui Pierre Souchay de Genève a adressé un paquet à Turin pour vous .

Or, retenez bien, monsieur, que ce paquet envoyé par P. Souchay, compagnon de Lefort à Turin, est la tragédie elle-même, bonne ou mauvaise, qu'elle doit aller avec sa toile cirée de Turin à Milan et de Milan à vous . Retenez bien encore que les Milanais Bianchi et Balestrerio ont le Shaftsbury ; vous voilà au fait ; c'est bien dommage qu'il faille tant de paroles pour dire si peu de choses ; je défie la tragédie de vous ennuyer autant que ma lettre .

Venons à ce qui n'est point ennuyeux ; c'est votre traduction de Phèdre, c'est le plus grand honneur qu’ai jamais reçu Racine . Je remercie tendrement l'enfant de la nature Goldoni ; je remercie le signor Paradisi, mais c'est vous surtout, monsieur, que je remercie .

L'Algarotti a donc quitté Machiavel pour faire l'amour, il passe son temps entre les muses et les dames, et fait fort bien . Si le cher Goldoni m'honore d'une de ses pièces il me rendra la santé ; il faut qu'il fasse cette bonne œuvre . Au lieu de me faire donner l'extrême-onction, je fais répéter Alzire autour de mon lit, et nous allons ouvrir notre théâtre, dès que je serai debout ; nous n'avons pas de sénateurs Genevois qui jouent la comédie ; les pédants de Calvin n'approchent pas les sénateurs de Bologne ; je n'ai pu corrompre encore que la jeunesse ; je civilise autant que je peux les Allobroges . Les Genevois avant que je fusse leur voisin n'avaient pour divertissement que de mauvais sermons ; ils ne sont point nés pour les beaux-arts comme messieurs de Bologne ; Vous avez le génie et les saucissons, mais nos chers Genevois n'ont rien de tout cela ; ils ont besoin en fait de plaisir du compelle intrare 4. Adieu monsieur, je vous aime comme si je vous avais vu et entendu .

Recevez les respects de l'ermite

V. »

1 Une autre main a changé Bologna en Medicina sur le manuscrit original ; Les passages suivants sont omis dans toutes les éditions : « Caraccioli ; elle a été confiée […] Venons à ; A lieu de me faire donner l'extrême-onction, ; ils ont besoin en fait de plaisir du compelle intrave ; recevez […] V. »

2La Fedra, 1758 à Venise, traduction de Phèdre de Racine .

3 Apparemment une réponse par lettre à Louis-Antoine de Caraccioli .

4 Force les à entrer : Évangile de Luc, XIV, 23 .

04/09/2015

votre argent hérétique sera employé à bâtir une petite église catholique ; il faut se faire des amis du Mammon d'iniquité, comme dit l'autre

... Il est remarquable, et inadmissible, qu'il soit plus aisé de bâtir une mosquée en pays majoritairement chrétien ( hormis au Vatican , faute de place ) qu'une église, si modeste, soit elle en pays musulman . Voltaire, la tolérance fout le camp .

 

Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 4/9/2015

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

Banquier

à Lyon

3è septembre 1760

Vos petits secours, mon cher correspondant, viennent bien à propos ; votre argent hérétique sera employé à bâtir une petite église catholique ; il faut se faire des amis du Mammon d'iniquité, comme dit l'autre . Je vous écris avant que la poste d'Allemagne soit arrivée, ainsi vous n'aurez point de nouvelles, du moins par moi, des ours et des tigres qui jouent de la griffe en Silésie .

Je vous ai supplié, mon cher monsieur, de vouloir bien vous intéresser aux campagnes de l'ancien dénombrement ; je les préfère à toutes celles du roi de Prusse, et j'aime mieux du frumental 1 que des lauriers ; ayez donc la charité de m'envoyer à votre loisir cent livres de ce beau frumental qu'on vend chez les minimes, ou près des minimes ; mais comme vous aimez beaucoup mieux le vin que le foin, et que vous vous y connaissez davantage, daignez m'envoyer deux mille bouchons ; et puissé-je dans deux ans déboucher avec vous quelques bouteilles . J'embrasse bien tendrement mon cher correspondant .

V. »

1 Frumental, selon Bescherelle, 1858, est proprement un adjectif signifiant « de l'ordre du blé » .

03/09/2015

Tout salé qu'est cet homme, il a bien l'air d'être un peu corrompu

... Libre choix parmi les hommes politiques, les chefs d'Etats et de gouvernements en particulier , les exemples ne manquent pas .

Voir : https://transparency-france.org/actu/indice-de-la-percept...

 

Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 3/9/2015

 

 

« A Louis-Gaspard Fabry, Maire et

subdélégué

à Gex

3è septembre 1760 aux Délices 1

Monsieur, il paraît que M. Dubu n'était pas aussi au fait que vous des droits du roi concernant La Perrière ; et il paraît que le sieur Sédillot est trop au fait des affaires dont il se mêle ; il a si bien entendu celles du sel que je me flatte qu'il en recevra quelques remerciements du Conseil . Tout salé qu'est cet homme, il a bien l'air d'être un peu corrompu .

Je suis à vos ordres, monsieur, pour le jour qu'il vous plaira choisir ; si c'est votre commodité de nous faire l'honneur de venir dîner vendredi prochain à Ferney, nous vous ferons dîner à une heure précise, afin que vous ayez le temps de donner vos ordres pour le marais de Magny ; M. Vuaillet aura l'honneur de vous accompagner . Si vous ne pouvez nous donner vendredi nous sommes prêts Mme Denis et moi, pour le jour que vous nous donnerez, nos moments sont à vous, mais les vôtres sont au public .

J'ai l'honneur d'être avec un inviolable attachement

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

1 La copie Dufour, qui est comme toujours très fidèle, a été suivie .

 

On m'envoie souvent de mauvais vers, de mauvaises brochures ; vos lettres me consolent

... Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 3/9/2015

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

3 septembre 1760 1

Je vous envoie, monsieur, une lettre à cachet volant pour M. Diderot 2. Je crois que vous vous intéressez autant que lui à tout ce que mon cœur lui dit ; vous pensez tous deux de la même façon . C'est un grand bonheur pour moi que je vous aie connus tous deux ; ce n'est à la vérité que par vos lettres ; mais votre âme s'y peint, et elle enchante la mienne .

Je vis dans la retraite, mais je n'ai pas un moment de loisir . Je dois quatre lettres à M. Thieriot ; je ne lui écris qu'un petit billet , et je vous supplie monsieur, de vouloir bien vous en charger . Je fais mes lettres courtes, pour ne pas trop enfler le paquet .

On m'envoie souvent de mauvais vers, de mauvaises brochures ; vos lettres me consolent . Si vos occupations vous permettaient de me dire quelquefois des nouvelles de la littérature, et surtout de M. Diderot, ce serait une nouvelle obligation que je vous aurais . Comptez, monsieur, que je sens jusqu'au fond du cœur le prix de l'amitié que vous voulez bien me témoigner .

Oserais-je vous supplier de faire parvenir, par la petite poste, cette lettre à Mme Belot 3? »

1 La copie ancienne ne donne pas le quantième . Le texte du manuscrit est corrompu et fondu avec une partie d'une lettre postérieure . Le texte publié dans la Correspondance littéraire (qui n'identifie pas le destinataire) paraît correct et est ici suivi .

2 Lettre encore inconnue .

3 Lettre non retrouvée .

Je n'aime point du tout que le singe me prenne pour le chat, et qu'il se serve de ma patte pour tirer les marrons du feu

... Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 3/9/2015

 

 

« A Gabriel Cramer

Mercredi matin [3 septembre 1760]

Voici L’écossaise 1; il faut commencer par imprimer L’épître dédicatoire ; ensuite la Lettre de Jérôme Carré aux Parisiens, que monsieur Cramer doit avoir dans le petit recueil que je n'ai point , parce que le relieur ne me l'a pas encore rendu . Je suis obligé de dire avec douleur qu'il y a des pages entières dans l'histoire du Czar , où l'encre n'a point mordu sur le papier . Je soupçonne que c'est parce que le papier des exemplaires à moi envoyé est un peu trop gros . Monsieur Cramer m'avait promis du papier de Hollande pour les présents que je dois faire ; j'aurais voulu avoir à présenter à Mgr l’Électeur palatin un exemplaire relié ; si monsieur Cramer veut avoir la bonté de m'en envoyer un, je lui serai très obligé .

Je crois qu'il est nécessaire de tirer au moins deux cent cinquante exemplaires du petit mémoire envoyé de Paris touchant Fréron 2; il importe à la société que cet homme soit connu à Paris et dans les provinces, et que ses feuilles soient décriées . Monsieur Cramer y est d'autant plus intéressé que j’espère lui procurer avant qu'il soit un mois, l'impression du Journal encyclopédique 3.

Bardin m'a envoyé une petite brochure intitulée Dialogues chrétiens 4. Votre professeur Vernet, docteur en théologie, est cruellement déchiré dans le second dialogue, c'est-à-dire qu'il est peint trait pour trait ; je savais une partie des petites anecdotes rapportées dans ce 2è dialogue ; mais je ne sais point ce que c'est que son aventure à propos du livre de la vie heureuse de La Mettrie, dont il est question ; l'éditeur s'est avisé de mettre un gros M. V... à la tête de cette brochure, il aurait dû plutôt en faire honneur à M. C... Je n'aime point du tout que le singe me prenne pour le chat, et qu'il se serve de ma patte pour tirer les marrons du feu ; ce n'est pas que je ne sois fort aise avec tous les honnêtes gens que ce Vernet soit vilipendé, c'est un homme pour qui j'ai, comme vous , le plus profond mépris ; et si jamais je le rencontre devers Tournay, je lui en donnerai des preuves , mais je ne veux point d'un honneur que je ne mérite pas, et je ne veux pas absolument qu'on prenne le C... pour le V... Il y a répétition vers les trois heures à Tournay . Si je peux envoyer un carrosse j'en enverrai un . J'embrasse de tout mon cœur Caro Gabriele 5.

Jeanne l'abandonnée se lamente de n'avoir pas d'anciens romans pour sa préface , et l'Histoire générale a besoin de la perpétuité de la foi,6 et de la réponse du ministre Claude 7. Ista debuit facere, et illa non omittere . Quid novi hodie mane?8 »

1 Ceci se réfère non au Café (Cramer, 1760), mais au texte publié dans la Collection complète des œuvres de M. de Voltaire, 1761 .

3 Voir la lettre du 27 août 1760 à Pierre Rousseau : et les propositions que V* y fait au directeur du Journal encyclopédique : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/11/16/ce-n-est-pas-un-bon-moyen-de-faire-connaitre-un-ouvrage-que-6277700.html

5 Cher Gabriel .

7 Jean Claude : Réponse aux deux traités intitulés « La Perpétuité de la foi de l'église catholique touchant l'eucharistie, 1665 .

8 Il devait faire ceci, et ne pas faire cela . Quoi de nouveau ce matin ?

02/09/2015

souvent ce qui plait en France, ne plait qu'à des Français

... Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 2/9/2015

 

 

« Au comte Alexandre Romanovitch Vorontsov, à Paris

1er septembre 1760

Monsieur, le cousin de M. Aléthof est presque aussi malade que M. Aléthof l'était pour avoir lu le discours de M. Lefranc ; mais il espère qu'il n'en mourra pas comme ce pauvre Aléthof ; le thé de l'empereur de la Chine fortifiera son estomac ; il ne s'attendait pas à recevoir une marque si touchante de vos bontés ; il aura l'honneur de vous envoyer incessamment un exemplaire de l'histoire de l'empereur, qui a fait , pour le moins, autant de bien à son pays, que les Yao, les Yu et les Fo-hi en ont fait au leur . Un Russe à Paris tel que vous, monsieur, est fait pour donner une grande idée de la nation que Pierre le Grand a formée, vous êtes, entre nous , un de ses meilleurs ouvrages . On dit qu'on va jouer à Paris un chevalier errant , nommé Tancrède . Je voudrais bien que vous fussiez à Paris, quand on donnera cette farce, et que vous voulussiez avoir la bonté de m'en dire votre avis, souvent ce qui plait en France, ne plait qu'à des Français, mais ce qui obtient votre suffrage doit obtenir celui de l'Europe ; si je n'étais pas malade, je vous en dirais bien davantage ; il faut que je m'en tienne à vous assurer, monsieur, de mon très sincère et tendre respect . »