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26/09/2023

Le sentiment est tout ce qui me reste

... A savoir la capacité d'apprécier ce qui m'entoure , du laid au détestable en passant par le beau et l'admirable , le monde et ses habitants sont une source inépuisable .

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Tout nouveau, tout beau ?

 

 

« A Antoine-Bernard de Raymond, marquis de Modène, etc.

à Tarascon 1

Ferney, 13 janvier 1768 2

Il y a plus de deux ans, monsieur, que je n'ai écrit à Son Altesse Électorale . Il y a trois ans que je n'en avais que soixante et treize . Il y a deux ans que je ne sors guère de mon lit . J'ai fait chercher la lettre dont vous me faites l'honneur de me parler, et je ne l’ai point trouvée . Quand je serais plus jeune que je ne suis, je n'aurais pas pour vous des sentiments plus vifs . Le sentiment est tout ce qui me reste .

J'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire.

Au château de Ferney par Genève 15è février 1768. »

1 Cette adresse a été biffée et remplacée d'une autre main par : « Au café de M. Guion sur le cours à Aix-en-Provence » ; aujourd'hui Café des Deux Garçons : voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Deux_Gar%C3%A7ons

2 Original signé ; l'édition Paul Le Clerc « Deux inédits relatifs à la correspondance de Voltaire », Revue d'Histoire littéraire, mars-avril 1972.

Voir : https://www.e-enlightenment.com/person/raymoantoi001172/

et : https://gw.geneanet.org/fdst?lang=fr&iz=65764&p=antoine+joseph+bernard&n=de+raymond+de+modene

25/09/2023

Se plaint du contenu de la Gazette de Berne sous la direction de son nouveau rédacteur en chef

... De nos jours aussi il est possible de se rebeller contre une direction déplaisante et possiblement malfaisante : au Monde  https://www.lejdd.fr/Medias/La-grogne-s-installe-au-Monde...

et au JDD dirigé par un journaliste d'extrême droite Geoffroy Lejeune : https://www.lepoint.fr/economie/apres-40-jours-de-greve-un-premier-jdd-sous-l-ere-geoffroy-lejeune-06-08-2023-2530721_28.php#11

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Le prosélytisme d'extrême droite en marche

 

 

 

« A Albrecht Friedrich von Erlach

[13 février 1768] 1

[Se plaint du contenu de la Gazette de Berne sous la direction de son nouveau rédacteur en chef.]

1  Lettre connue par la réponse d'Erlach du 21 février 1768 qui dit avoir reçu le 17 les deux lettres du 13 et du 16 février, et remercie pour les Annales de l'Empire promises .

Voir lettre du 9 février : http://voltaireathome.hautetfort.com/index-1.html

Les militaires, ou je me trompe fort, seront réduits à être philosophes, jusqu’à ce qu'il arrive quelque grand événement dans l'Europe

... Foin de la philosophie ! les canons donnent de la voix auprès de l'Europe .

Mon ami Voltaire , nous avons à faire avec de sales individus qui sont l'opposé  "du petit nombre qui préfère l'intérêt public à son ambition . " L'appât du gain et un égo surdimensionné ne connaissent pas de limites pour peu que l'on ait quelque pouvoir décisionnel . Peu d'espoir de paix, la race des Gandhi est définitivement tarie, les hindous eux-mêmes sont désormais violents .

Comme de toute éternité, on en sera réduit à ce pis-aller : "Chaque nation réparera petit à petit ses pertes comme elle pourra ."

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La bonne volonté en action

 

 

« A Adam, comte Loewenhaupt 1

13è février 1768

Je voudrais bien , monsieur, que votre nouvelle fût vraie, et qu'on assemblât un concile en Espagne, surtout un concile de philosophes . Ce serait une assemblée de pères de la rédemption des captifs . Ils délivreraient les âmes que les révérends pères dominicains retiennent prisonnières .

Les pas que l'on fait dans le Milanais, à Venise et à Naples sont des pas de tortue . Les calculs de probabilités font croire qu'on pressera un jour la cadence . Je ne serai pas témoin de cette belle révolution, mais je mourrai avec les trois vertus théologales qui font ma consolation, la foi que j'ai à la raison humaine, laquelle commence à se développer dans le monde ; l'espérance que des ministres hardis et sages détruiront enfin des usages aussi ridicules que dangereux ; et la charité, qui me fait gémir sur mon prochain, plaindre ses chaînes et souhaiter sa délivrance .

Ainsi avec la foi, l'espérance et la charité j'achève ma vie en bon chrétien . Je me flatte de deux choses que l'on a crues longtemps impossibles , le silence des théologiens et la paix entre les princes . Je ne vois de plusieurs années aucun sujet de rupture entre les souverains et les douze cent mille hommes armés qui font la parade . Chaque nation réparera petit à petit ses pertes comme elle pourra . Ce n'est peut-être pas trop vous faire ma cour que de vous prédire qu'il n'y aura point de guerre . C'est dire à un bon danseur qu'on ne donnera point de bal, mais vous êtes du petit nombre qui préfère l'intérêt public à son ambition . Les militaires, ou je me trompe fort, seront réduits à être philosophes, jusqu’à ce qu'il arrive quelque grand événement dans l'Europe . Je suis très sensible, monsieur le comte, aux bontés que vous avez eues pour mon gendre adoptif M. Dupuits . Si vous avez quelques ordres à donner concernant monsieur votre fils 2, ne nous épargnez pas . Tout ce qui habite Ferney vous est dévoué, ainsi que moi . Ni ma vieillesse, ni mes maladies n'affaiblissent les sentiments d'attachement et de respect avec lesquels j'ai l'honneur d'être, monsieur . »

Il vaut mieux rédiger les lois de la Russie que d'aller consulter les lois de la Chine

... Oui , peut-être ! Copains comme cochons ? Un fond de communisme mâtiné de capitalisme à des fins personnelles, des idées hégémoniques de hyènes pour bouffer leurs proches voisins, et l'absence absolue de morale, voilà ceux qui dominent près de deux milliards d'individus : liberté , leurs lois te nient , peste ou choléra , tu dois crever .

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Un malfaisant + un malfaisant = des millions de morts

 

 

« Au comte Andrei Petrovitch Schouvalov

A Ferney, 12è février 1768

Vous m'avez écrit de Moscou, monsieur, une lettre 1 telle qu'on n'en écrit point de Versailles, soit pour le style, soit pour le fond des choses, et vous avez enflammé mon cœur. Je ne sais si vous connaissez la mauvaise comédie des Visionnaires 2, qui eut autrefois en France le plus grand succès. Il y a dans cette pièce une vieille folle qui est amoureuse d'Alexandre. Pour moi, je suis un vieux fou amoureux de Catherine, qui me paraît autant au-dessus d'Alexandre que le fondateur est au-dessus du destructeur.

Voici un sermon 3 dont il me paraît qu'elle est la sainte. Le prédicateur propose hardiment pour modèle, à une petite nation, l'exemple du plus vaste empire du monde. On rend de justes hommages à la législatrice du Nord dans mon voisinage, tandis qu'en France on fait encore le panégyrique de saint François, fondateur des cordeliers , de saint Dominique, à qui nous devons les jacobins, de saint Norbert 4 qui nous a donné les prémontrés. Nous leur avons assurément beaucoup d'obligations, et je trouve fort bon qu'ils aient des autels, quoique nous prétendions n'être point idolâtres. Je révère fort sainte Thérèse et sainte Ursule, mais j'aime mieux sainte Catherine.

Je suis bien étonné que Diderot, en faveur de qui cette sainte Catherine a fait des miracles 5, ne lui ait pas chanté quelques antiennes. Il craint apparemment certains hérétiques qui sont en France, et qui sont très mal instruits. Ce serait, ce me semble, une œuvre pie assez nécessaire que de convertir ces hérétiques-là. J'espère bien qu'ils ouvriront les yeux à la lumière, et qu'ils seront tous de ma religion.

Vous êtes à la tête, monsieur, du plus beau comité que je connaisse 6. Il vaut mieux rédiger les lois de la Russie que d'aller consulter les lois de la Chine, et je vous aime mieux législateur qu'ambassadeur.

Je fais partir, dans quelques jours, un gros ballot que Sa Majesté Impériale a daigné me demander pour sa bibliothèque. Il n'arrivera pas sitôt . Il y a environ un quart du globe entre vous et moi, et c'est de quoi je suis bien fâché.

Je me mets aux pieds de madame la comtesse. Ma nièce est enchantée de votre souvenir . Elle partage mes sentiments [...]. »

1 Elle est conservée 

4 L'ordre des Prémontrés ou Norbertins a été effectivement fondé par St Norbert : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_des_chanoines_r%C3%A9guliers_de_Pr%C3%A9montr%C3%A9

5 Sur ce miracle de générosité bien comprise, voir : https://www.lefigaro.fr/histoire/2017/09/21/26001-20170921ARTFIG00270-5-choses-a-savoir-sur-catherine-ii.php

V* fait valoir ses propres mérites, qui contrastent avec l'ingratitude de Diderot, lequel n'ose pas prendre à ce moment entièrement fait et cause pour Catherine .

Voir note page 542 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome43.djvu/552 et page 553 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome44.djvu/563

6 Schouvalov a été nommé directeur de la commission chargée de réformer la législation .

24/09/2023

les calomnies les plus absurdes sont dangereuses

... Mais comment repérer les fake news ?

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https://www.fnac.com/a18098572/Elise-Gravel-L-attaque-des-slips-tueurs-la-BD-pour-apprendre-a-combattre-les-fake-news

 

 

« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally

et à

Jeanne-Louise Pavée de Provenchères de Rochefort d'Ally 1

12 février 1768

Hier il arriva dans ma cour, couverte de quatre pieds de neige, un énorme panier de bouteilles de vin de Champagne. A la vue de ce puissant remède contre la glace de nos climats et celle de la vieillesse, je reconnus les bontés de deux nouveaux mariés qui, dans leur bonheur, songent à soulager les malheureux . C'est une vertu qui n'est pas ordinaire.

Comptez, monsieur et madame, que je suis aussi reconnaissant que vous êtes généreux. Votre nectar de Champagne vient d'autant plus à propos que celui de Bourgogne a manqué cette année. Vous êtes venus à notre secours dans le temps que nous étions livrés à nos ennemis, au plat vin de Beaujolais et de Mâcon.

Vous nous avez flattés, Mme Denis et moi, que vous pourriez bien, en passant, venir boire de votre vin. Nous aurons certainement la discrétion de ne pas tout avaler, et nous vous réserverons votre part bien loyalement.

J'avouerai à M. le comte de Rochefort que [je] suis très affligé d'un bruit qui court dans Paris, que j'ai dîné autrefois avec le comte de Boulainvilliers et l'abbé Couet. Je vous jure que je n'ai jamais eu cet honneur. C'est une chose cruelle de m'attribuer toutes les fadaises irréligieuses qui paraissent depuis plusieurs années . Il y en a plus de cent. Les auteurs se plaisent à me les imputer. C'est un funeste tribut que je paye à une réputation qui me pèse plus qu'elle ne me flatte.

Il est très-certain que ce Dîner, dans lequel on ne servit que des poisons contre la religion chrétienne, est de Saint-Hyacinthe, et fut imprimé et supprimé il y a quarante ans juste. Cela est si vrai qu'on parle dans ce petit livre du commencement des convulsions et du cardinal de Fleury, et que tout y atteste l'époque où il fut composé.

Je sais, par une triste expérience, combien les calomnies les plus absurdes sont dangereuses, et viennent m'assiéger jusqu'au fond de ma retraite et empoisonner les derniers jours de ma vie. Votre amitié, monsieur, et la justice que vous me rendez, sont mes consolations. J'y ajoute celle d'employer mes derniers jours à la gloire de la patrie et de la religion, en donnant une édition du Siècle de Louis XIV, augmentée d'un grand tiers. Voilà ma seule occupation . Il n'est pas juste qu'on cherche à me perdre pour toute récompense.

Je suis pénétré des sentiments les plus respectueux pour les deux nouveaux mariés de Champagne. »

23/09/2023

L'opéra subsistera, parce que les trois quarts de ceux qui y vont n'écoutent point... on se rend à l'opéra par désœuvrement, et pour digérer

... C'est vrai qu'il y a des oeuvres difficiles à écouter , oeuvres pour initiés, ou sourds ! Etat des lieux : https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/opera/

Côté représentations, n'oublions pas que les distractions offertes au couple royal britannique ont été particulièrement cucul, ou même grotesques, comme la ridicule partie de ping pong heureusement écourtée ( je parie que les résidents d'EHPAD auraient fait mieux ) .

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Tir à balles réelles, gare aux balles perdues

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon de

l'Académie des belles-lett res, etc.

rue du Doyenné Saint-louis du Louvre

à Paris

12è février 1768

Mon cher confrère, tout va bien puisque Eudoxie est faite. Voilà une belle étoffe toute prête mais c'est un brocart de Lyon pour habiller des arlequins. Vous aurez probablement tout le temps de mettre encore des pompons à votre brocart. Il ne se présente pas un acteur supportable, pas une actrice qui soit bonne à autre chose qu'à faire des enfants. Rien dans la province qui donne la plus légère espérance.

Les Genevois se sont avisés de brûler le théâtre qu'on avait bâti dans leur ville pour les rendre plus doux et plus aimables. J'ai grand-peur qu'on n'en fasse autant à Paris. Il ne reste que cette ressource aux gens qui ont un peu de goût. L'opéra subsistera, parce que les trois quarts de ceux qui y vont n'écoutent point. On va voir une tragédie pour être touché ; on se rend à l'opéra par désœuvrement, et pour digérer.

Vous croyez donc, mon cher confrère, que les grands joueurs d'échecs 1 peuvent faire de la musique pathétique, et qu'ils ne seront point échec et mat ? À la bonne heure, je m'en rapporte à vous . Faites tout ce qu'il vous plaira. Je remets entre vos mains la mâchoire d'âne, les trois cents renards, la gueule du lion, le miel fait dans la gueule, les portes de Gaza, et toute cette admirable histoire.

Je suis toujours très indigné, je vous l'avoue, de l'épigramme contre M. Dorat, que l'auteur a fait courir sous mon nom avec peu de probité. On m'a joué des tours plus cruels, et je garde le silence. Il y a encore plus de barbarie à m'attribuer un Dîner, moi qui ne me mets presque plus à table. Ce Dîner a été fait il y a plus de quarante ans. Les gens de lettres sont plus inhumains qu'on ne pense . Ils exposent un pauvre homme aux plus grands dangers, pour avoir seulement le plaisir de deviner. Ils disent « Voilà son style, c'est lui. » Eh mes amis ! pour peu que vous ayez d'honnêteté, ne devriez-vous pas dire : Ce n'est pas lui? Pourquoi calomniez-vous vos camarades ?

Je vous porte mes plaintes, mon cher ami, contre toutes ces injustices, parce que je connais votre cœur. Tout le monde ne vous ressemble pas. Vous n'imaginez point avec quelle vivacité de sentiment mes vieux bras se tendent vers vous, et combien mon cœur vous aime.

V. »

1 Ce passage fait voir que Chabanon avait proposé à Voltaire de laisser mettre l'opéra de Samson en musique par Philidor, qui passait pour le plus grand joueur d'échecs de son temps. Il parait que cela n'eut pas de suite.

Le temps est venu où la vérité doit paraître; et, quand on la dit sans blesser les bienséances, on ne doit déplaire à personne

...

 

« A Maigrot 1

12 février 1768 à Ferney

Je vous remercie, monsieur, de toutes vos bontés. La lettre de Louis XIV 2 m'était absolument nécessaire . Elle fait voir avec évidence qu'il en voulait personnellement à l'archevêque de Cambrai. Je trouve que, dans cette affaire, ce monarque se conduisit plus en homme piqué qu'en roi ; et que le cardinal de Bouillon concilia noblement son devoir d'ambassadeur avec celui d'un ami.

J'ai déjà donné la bataille de Steinkerque 3. J'ai dit simplement que la France regretta le prince de Turenne, qui donnait l'espérance d'égaler un jour son grand-oncle 4.

J'ai retrouvé heureusement la lettre de Louis XIV au cardinal de La Trémoille, écrite en 1710, contre le cardinal de Bouillon 5. Il dit, dans cette lettre, qu'il est à craindre que ce doyen du Sacré-Collège ne devienne un jour pape. Cette anecdote est curieuse, et mérite de passer à la postérité. Le temps est venu où la vérité doit paraître; et, quand on la dit sans blesser les bienséances, on ne doit déplaire à personne.

Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien présenter mon respect et mes remerciements à monseigneur le duc de Bouillon. Je ne suis point étonné qu'un homme de votre mérite soit auprès de lui. On ne peut-être plus reconnaissant que je le suis des lumières que vous m'avez communiquées.

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments d'un cœur pénétré de vos bontés, monsieur, votre, etc. »

1 Guillaume Jean Louis MAIGROT, Intendant des Maisons, Affaires et Finances de S. A. Monseigneur le Duc de Bouillon, demeurant à Paris à l'hôtel deBouillon, quay Malaquais, paroisse St Sulpice, Voir : https://www.bellabre.com/genealogie/individual.php?pid=I3782&ged=fradin

5 Siècle de Louis XIV, chap. XXXVIII, page 69- : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Si%C3%A8cle_de_Louis_XIV/%C3%89dition_Garnier/Chapitre_38

La copie donne La Trimouille .