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17/09/2023

nous nous sommes flattés au contraire que la supériorité était indulgente, et que les grâces ne rebutaient pas la naïveté

... Bon dimanche !

 

 

« Voltaire et Marie-Françoise Dupuits

à Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul 1

8è février 1768 à Ferney

Madame, un vieillard presque aveugle, et une jeune femme qui serait bien fière si elle avait des yeux comme les vôtres, vous supplient de daigner agréer leurs hommages et leurs remerciements. Nous devons à votre protection tout ce que M. le duc de Choiseul a bien voulu accorder à M. Dupuits 2. Si le vieux bonhomme et moi nous avions quelque petite partie de la succession de Pierre Corneille, nous la dépenserions en grands vers alexandrins pour vous témoigner notre reconnaissance . Mais les temps sont bien durs, et la plupart des vers qu'on fait le sont aussi. Nous nous défions même de la prose. Nous entendons si peu les livres qu'on nous envoie de Paris que nous craignons d'avoir oublié notre langue.

Nous sommes très honteux l'un et l'autre d'exprimer notre extrême sensibilité dans un style si barbare mais, madame, nous vous supplions de considérer que nous sommes des Allobroges. Des gens arrivés de Versailles nous ont dit qu'il fallait absolument avoir de la finesse, de la justesse dans l'esprit, des grâces et du goût, pour oser vous écrire . Nous ne les avons point crus. Nous ne sommes pas de votre espèce, et nous nous sommes flattés au contraire que la supériorité était indulgente, et que les grâces ne rebutaient pas la naïveté.

Nous sommes, dans cette confiance, avec un profond respect,

madame,

vos très humble s et très obéissants serviteurs

Corneille Dupuits,

Voltaire. »

16/09/2023

Voyez si je me trompe

... Suivons l'argumentaire d'Emmanuel Macron, qui , certains l'oublient, est un chef d'Etat et doit certains égards à un autre chef d'Etat fut-ce le Pape . Qu'ont dit les bas de plafond de gauche lors de la participation à des cérémonies autrement plus désagréables accueillant des sommités fort peu démocratiques , mais à caresser dans le sens du poil pour raisons financières et un semblant de paix ?

https://www.francetvinfo.fr/monde/vatican/pape-francois/v...

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Viva il Papa ! Viva Emmanuel !

 

 

« A Charles-Jean-François Hénault

A Ferney 6 février 1768

J'allais vous écrire, monsieur, lorsque M. Dupuits, mon cher gendre adoptif, m'apporte le beau présent dont vous m'honorez 1. Je dis toujours qu'il vive autant que sa gloire 2.

Comme je travaille à une nouvelle édition du Siècle de Louis XIV, j'ai été obligé d'examiner d'assez près l'ordre chronologique des ministres . Je trouve que le maréchal-duc de La Meilleraye 3 fut surintendant des Finances en 1648 pendant l'exil de Particelli dit Emeri 4, que votre imprimeur a orthographié Perticelli .

Voyez si je me trompe, et si vous avez le temps encore de faire un carton .

Voyez encore si dans la même page 575 vous ne pourriez pas placer Abel Servien surintendant conjointement avec Foucquet .

Il me paraît aussi absolument nécessaire de ne pas omettre que le marquis de La Vieuville 5 fut créé surintendant et duc et pair en 1651 . Je pense qu’en serrant un peu vous pourriez aisément réformer ces bagatelles . Il ne s'agirait que d'un seul feuillet .

Je ne prendrais pas la liberté de vous faire cette prière à l'occasion d'un autre règne que celui de Louis XIV, mais ce règne est si beau et si grand en tout genre, il est tellement devenu l'époque de la gloire de la nation par la foule des grands homme qui l'ont illustré, qu'on ne peut ce me semble négliger aucun des hommes qui ont eu part à l'administration . Le maréchal de La Meilleraye d'ailleurs était un homme dans le goût du duc de Sully, un peu brutal, mais vrai juste, économe . Il lui manqua un Henri IV . Il n'avait qu'un Mazarin .

Votre ouvrage sera un des beaux monuments de ce grand siècle, car vous êtes né sous Louis XIV . On vous continuera un jour, on vous imitera, mais on ne vous ressemblera pas .

Il y a plus de six mois que je n'ai écrit à Mme Du Deffand, mais je n'ai pas eu un moment à moi . Les maladies et les travaux m'accablent . Ce n'est point vous qui avez quatre-vingt ans, c'est moi . Mais j'aime encore les belles-lettres comme si je n'en avais que vingt-cinq. Elles font le charme des derniers jours de ma vie . Je présente toujours requête à la nature pour qu'elle prolonge vos jours, qu'elle adoucisse l'état de Mme Du Deffand, et qu'elle la dédommage s'il se peut de ce qu'elle lui a ôté . Mon gendre me donne dans l'instant une lettre d'elle . La poste va partir . Je ne lui écrirai que lundi, mais je lui serai tendrement attaché comme à vous jusqu'au dernier moment de ma vie .

V. »

1 L'édition de Paris , 1768, du Nouvel abrégé chronologique : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56063559

2 Réminiscence approximative d'un vers de V* lui-même, dans une lettre en vers mêlée de prose à Hénault ; le vers exact était : Qu'il vive autant que son ouvrage . Lettre du 4 décembre 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/11/27/qu-il-vive-autant-que-son-ouvrage.html

4 Michel Particelli, seigneur d'Emery : https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Particelli_d%27%C3%89mery

15/09/2023

je ne m'y connais pas

... Telle est la franche réponse actuelle des spécialistes en prévisions des tremblements de terre :https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/maroc/seisme/se...

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ça va péter ! mais quand et où ?

 

 

« A François de Chennevières

[vers le 6 février 1768]

Je vous prie, mon cher ami, de faire rendre sur-le-champ cette lettre à M. de Taulès 1.

Voici un petit ouvrage 2 d'un commis des finances, que je vous prie de faire lire à ceux qui savent calculer. Mandez-moi si les calculs sont justes, car je ne m'y connais pas.

V. »

2 L'Homme aux quarante écus .

Il n'y a que les superstitieux à qui la vérité déplaise

...

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« Au chevalier Pierre de Taulès

6 février 1768 à Ferney

Si vous vous intéressez, monsieur, à la gloire du plus beau siècle que la France ait vu naître, si vous voulez l'enrichir de vos connaissances, il n'y a pas un moment à perdre. Cela est plus digne de la postérité que les tracasseries de Genève ; l'ouvrage tire à sa fin . J'avais eu l'honneur de vous mander 1 que j'ai prévenu M. le duc de Choiseul ; je ne doute pas que, si vous lui dites un mot, il ne vous permette de m'envoyer des vérités ; il les aime, il sait qu'il est temps de les rendre publiques. Il n'y a que les superstitieux à qui la vérité déplaise. Si vous me secourez, le Siècle de Louis XIV vous aura obligation, et moi aussi, qui suis de ce siècle l'homme du monde qui vous est le plus attaché. Les Genevois ont brûlé le théâtre de ce pauvre Rosimond 2, que ne brûlaient-ils celui de Paris? On dit qu'il est détestable. Je n'aime pas les incendiaires cela peut aller loin. Rome fut brûlée sous Néron, et Genève pourrait bien être brûlée sous le vieux Du Luc.

Votre très humble et très obéissant serviteur.»

14/09/2023

Je ne mérite pas d'être servi le premier

...

 

 

« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore, etc.

rue des Capucines

à Paris

6è février 1768 à Ferney

Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien faire porter chez M. Damilaville les six volumes de Racine pour lesquels j'ai souscrit entre vos mains . M. Damilaville qui a bien voulu avancer pour moi une partie du prix de la souscription paiera le reste . Il y a plus d'un mois que le livre est en vente 1. Je ne mérite pas d'être servi le premier, mais mon zèle pour la gloire de ce grand homme et votre amitié pour moi me font espérer que du moins je ne serai pas oublié .

J'ai l'honneur d'être,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

13/09/2023

Il n'importe pas qu'on accuse les morts, mais il importe beaucoup que l'on n'accuse pas les vivants

...

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

Mon cher ange, mon gendre 1 m'apporte votre lettre ; il est enchanté de vos bontés, et moi je suis désespéré. M. le duc de Choiseul s'est déclaré violemment contre les Sirven, après m'avoir promis qu'il serait leur protecteur 2. Mais le repas dont vous me parlez me fait encore plus de peine . Saint-Hyacinthe était, à la vérité, un sot dans la conversation, mais il écrivait bien . Il a fait de bons journaux, et il y a de lui un Militaire philosophe, imprimé depuis peu en Hollande, lequel est ce qu'on a fait peut-être de plus fort contre le fanatisme 3. Le dîner a été imprimé sous son nom pourquoi donc l'attribuer à une autre personne? Cela est injuste et barbare . Il y a plus, cela est très dangereux et d'une conséquence affreuse. On est déchaîné de tous les côtés ; on cherche l'ouvrage de Saint-Hyacinthe pour le faire brûler. M. Suard est l'homme du monde le plus capable de détourner des soupçons odieux qui perdraient un vieillard aimé de vous, et rempli pour vous de la tendresse la plus inaltérable.

Vous ai-je prié de persuader M. Suard ? Non ; je vous ai supplié de l'engager à rendre un service digne d'un honnête homme. Il n'importe pas qu'on accuse les morts, mais il importe beaucoup que l'on n'accuse pas les vivants. Que vous coûterait-il de prier M. Suard de passer chez vous, et de l'engager à rendre ce service ? Je vous le demande au nom de l'amitié. Les personnes avec lesquelles vous vivez en intimité croiront ce qu'elles voudront . Je suis bien sûr qu'elles ne me feront pas de mal mais les autres peuvent en faire beaucoup.

La poste va partir, je n'ai que le temps de vous dire combien il est nécessaire qu'on ne me calomnie point auprès du roi, et que M. Suard et M. l'abbé Arnaud, que je vous crois attachés, empêchent qu'on ne me calomnie dans la ville.

Je vous embrasse avec la plus vive tendresse. 

V.

6è février 1768.»

1 Dupuits .

2 La requête des Sirven fut admise le 23 janvier 1768 au Conseil du roi , mais rejetée . Les ministres, dont Choiseul ont craint de soulever toute la magistrature en ayant l'air de mettre en cause les prérogatives des parlements régionaux . Il faudra donc utiliser une autre tactique .Voir : https://www.site-magister.com/afsirv.htm

3 Bien entendu Le Dîner du comte de Boulainvilliers .

il y aura un peu de peine

...

 

« A Anne-Madeleine-Louise-Charlotte-Auguste de La Tour du Pin de Saint-Julien

5è février 1768 à Ferney

Votre lettre, madame, vos bontés, pour mon fils adoptif, votre souvenir de mon respectueux attachement pour vous, le désir que vous me témoignez d'honorer encore ma chaumière de votre présence ; tout cela ranime mon cœur et tourne ma vielle tête . Je suis pénétré de la bienveillance que M. le duc de Choiseul daigne me conserver . Il veut faire quelque chose de mon petit pays barbare ; il y aura un peu de peine .

Vous me faites, madame, beaucoup d'honneur et un mortel chagrin en m'attribuant l'ouvrage de Saint-Hyacinthe , imprimé il y a quarante ans . Les soupçons dans une matière aussi grave seraient capables de me perdre, et de m'arracher au seul asile qui me reste sur la terre, dans une vieillesse accablée de maladies qui ne me permet pas de me transplanter . Mes derniers jours seraient empoisonnés de la manière la plus funeste .

Je vous conjure, madame, par toute la bonté de votre cœur, de bien dire surtout à M. le duc de Choiseul que je n'ai, ni ne puis avoir aucune part à la foule de ces ouvrages hardis qu'on imprime et qu'on réimprime depuis plusieurs années, et qui ont fait une prodigieuses révolution dans les esprits d'un bout de l'Europe à l'autre .

Puisque vous avez envoyé à M. le duc de Choiseul une partie de l'imprimé de Saint-Hyacinthe en manuscrit 1 vous êtes en droit plus que personne de certifier que le nom de Saint-Hyacinthe est imprimé à la tête de la brochure avec la date de 1728 .

De plus, il y a cent traits dans cet ouvrage qui indique évidemment le temps auquel il fut composé 2. Vous n'étiez pas née alors, madame, il s'en faut de beaucoup, mais toute jeune que vous êtes, vous avez un cœur toujours occupé de faire du bien . Empêchez donc qu'on ne me fasse du mal . Repoussez la calomnie . Mon fils Dupuits vous doit tout, et je vous devrai autant que lui .

Votre très humble et très obéissant serviteur V. avec bien du respect . »

1 Effectivement Le Dîner du comte de Boulainvilliers circula en manuscrit quelque temps avant d'être imprimé, ainsi que l'atteste la Correspondance littéraire en date du 1er janvier 1768 , mais l’argumentation qui suit n'en doit pas moins être considérée des plus faibles .

2 Effectivement, mais l'ouvrage contient aussi, vers la fin , une référence à l'Histoire critique de la philosophie, de Bourreau Deslandes qui ne fut publiée qu'en 1737 ,

voir lettre du 6 décembre 1757 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/02/13/nous-autres-droles-de-francais-nous-sommes-plus-expeditifs-n.html