20/11/2025
Va te faire foutre, va gratter ton cul avec celui du résident *; tu as du pain dans tes poches pour les grimauds ; tu viens de la part de ces bougres de Français de Ferney
... Hola ! hola ! hola ! On se calme amis Genevois . N'oubliez pas que vous vivez grâce à tous ces frontaliers qui jour après jour vous permettent de vivre correctement . Ils ne volent pas leur pain, alors respect SVP.
* Non, il ne manque pas un P. ;-)
Bien sûr cette citation date un peu, il est vrai, mais on n'est pas loin de dire la même chose au sein d'un certain parti politique d'extrême droite suisse comme l'UDC : https://lecourrier.ch/2024/12/17/lextreme-droite-hier-et-aujourdhui/
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_Conseil_du_canton_de_Gen%C3%A8ve
« A Pierre-Michel Hennin
« Va te faire foutre, va gratter ton cul avec celui du résident ; tu as du pain dans tes poches pour les grimauds ; tu viens de la part de ces bougres de Français de Ferney, etc., etc., etc.1 »
Ce sont là, monsieur, les propres mots de la philippique prononcée aujourd’hui, 16 du mois de la jeunesse, contre Dalloz, commissionnaire de Ferney, porteur, non de pain pour les grimauds, mais d’une petite truite pour notre souper.
Ces galanteries arrivent fort souvent. Nous en régalerons M. le duc de Choiseul, à qui nous devons d’ailleurs des remerciements pour avoir fait acheter et payer par le roi nos montres de grimauds 2. Je n’ai point vu le cul de Dalloz ; je ne crois pas qu’il soit digne de gratter le vôtre. Passe encore pour celui 3 à qui vous destiniez vos Grâces. Mais franchement les bontés des Genevois deviennent trop fortes depuis le soufflet donné à tour de bras, dans la rue, au président du Tillet 4. On dit dans l’Europe que notre nation porte un peu au vent, et a l’air trop avantageux.
Ces petits avertissements, que l’auguste république de Genève daigne lui donner, la corrigera sans doute, et le roi lui en aura une très grande obligation.
Nous vous prions, Mme Denis et moi, de vouloir bien présenter nos très humbles remerciements à monsieur le syndic de la garde et à monsieur le commandant de la sublime porte de Cornevin 5.
On dit le pain ramende 6 dans la superbe ville de Gex, et que le blé n’y vaut plus que 24 livres la coupe, c’est-à-dire 50 livres le setier ; c’est marché donné. Rien ne fait mieux voir la haute prudence des Welches, qui vendirent tout leur blé en 1769, ne se doutant pas qu’ils auraient faim en 1770.
Bonsoir, monsieur, l’oncle et la nièce vous font les plus tendres compliments.
16è juin 1770 à Ferney.»
1 Une bonne partie de ces termes et d'autres fragments du dialogue sont reproduits dans les pièces conservées dans les papiers de Hennin et dans les registres du conseil de Genève . L'information des autorités genevoises ne dément pas les propos tenus par le sergent Raisin qui fut « censuré » et « envoyé aux prisons pour trois jours » mais souligne que « le domestique du sr de Voltaire a insulté et fait résistance à la garde, refusant de s'arrêter pour que la voiture qu'il conduisait fut visitée, suivant l’ordre publié de la part du Conseil, et que c'est cette résistance qui a occasionné la dispute « . Le Conseil, rendant justice à Voltaire sur les insultes, en demanda au résident sur la résistance de son domestique. Celui-ci « conv[int] que le domestique avait tort » mais « ne donna aucune espérance qu'il put obtenir aucune satisfaction du sr de Voltaire sur les insolences de son domestique ». pour recevoir tous ceux auxquels le bouleversement général inspire le desseins de chercher une autre patrie . » L’incident est assez caractéristique de l'attitude de V* à un moment où il se sent soutenu contre les Genevois .
2 Pour les Genevois, les grimauds sont les Français . Du reste un rapport de Hennin à Choiseul de ce même jour 16 juin 1770, mentionne les effets de la protection du ministre : « La faveur dont vous honorez la manufacture de Ferney et les secours que M. de Voltaire lui donne engagent les meilleurs ouvriers de Genève à s'y porter .il ne manque en ce lieu ainsi qu'à Versoix que des maisons
3 Le roi de Prusse.
4 C’est en 1765 que ce fait avait eu lieu. Le président du Tillet était venu à Genève, fort malade, pour se mettre entre les mains du docteur Tronchin, et il y languissait depuis trois ans. Un citoyen de Genève, probablement dans un accès de mécontentement contre la conduite du gouvernement français envers sa patrie, lui donna un soufflet au milieu de la rue.
Voir lettre du 2 décembre 1765 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/03/30/les-soufflets-degouteraient-les-voyageurs-6306649.html
5 La porte de Cornevin ou Cornavin est celle par où l’on sort de Genève pour aller à Ferney, ou de Ferney aux Délices. Actuellement elle est près de la gare de chemin de fer .
6 Ramender est un mot populaire, selon Littré, qui signifie diminuer le prix le prix en parlant d'une denrée .
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Il arrive de jour en jour dans ce pays-ci des personnes non moins à plaindre
... Ce cher Voltaire peut encore être cité en accord avec l'actualité , les catastrophes climatiques, les dictatures, les famines et les guerres envoyant encore un flot ininterrompu de migrants . Hélas, tout comme lui, on doit constater :"on ne peut à présent être assez heureux pour [tous] les secourir ."
« A Suzanne Bardin
[vers juin 1770] 1
Celui à qui madame Bardin a fait l’honneur d'écrire est entouré de malheureux et de mourants . Il ne peut suffire ni au devoir de les secourir ni aux bâtiments qu'il est obligé de construire .
La personne dont madame Bardin parle n'est point l'épouse du gentilhomme avec lequel elle est retirée .
On les plaint tous les deux, mais on ne peut à présent être assez heureux pour les secourir .
Il arrive de jour en jour dans ce pays-ci des personnes non moins à plaindre .
On présent ses respects à madame Bardin. »
1 Manuscrit olographe passé en vente chez Sotheby le 6 novembre 1951 ; le manuscrit porte d'une main tardive ( XIXè siècle ) la mention suivante : « billet de Voltaire en réponse à une lettre sans signature dans laquelle on lui demandait une information et des secours pour les Français réfugiés en Suisse ». L'auteur de cette note était loin de penser qu’en cette circonstance, au moins, c’était la France qui donnait asile à des réfugiés chassés de Suisse par des dissensions intestines, et non l'inverse .
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19/11/2025
Vous jouirez du plaisir de voir prospérer votre pays et d'avoir contribué à son bonheur
... Ecoutez les paysans M. Macron !
« A Louis-Gaspard Fabry
12è juin 1770 à Ferney
Monsieur,
Grâce à vos bonté officieuses, la fabrique de montres prospérera . Raffo déménage déjà, et retourne en Savoie . Nous aurons incessamment les meilleurs artistes de Genève qui viendront occuper cette maison . Mais Raffo veut la louer neuf louis d'or ; cela ne serait pas juste puisque je ne loue que sept louis une maison beaucoup plus considérable avec six arpents de pré 1. Quand on donnera six louis d'or à Raffo ce paiement sera fort honnête .
Le roi a déjà acheté six montres de votre fabrique dont deux sont garnies de diamants . Vous jouirez du plaisir de voir prospérer votre pays et d'avoir contribué à son bonheur .
J'ai l'honneur d'être avec l'attachement le plus respectueux ,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 Argument personnel.
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Notre manufacture française... doit être respectée ... Je vous demande en grâce d’en parler vertement
... Entendez-vous M. Macron ? Se féliciter en se regardant le nombril n'est pas suffisant . Nos partenaires et concurrents vous suivront-ils ?
« A Pierre-Michel Hennin
Lundi au soir 11è juin 1770 à Ferney
La personne à qui nous avons proposé des grâces 1 en a tant qu’elle ne se soucie pas d’en acheter des autres. D’ailleurs, leur sexe est un empêchement dirimant 2.
Au surplus, le nommé Charles, huissier de je ne sais quels magnifiques et très honorés seigneurs 3, s’est avisé d’assigner le sieur Dufour, directeur de la manufacture royale de Ferney, naturalisé Français, protégé spécialement par le roi, et si bien protégé que le roi vient de lui acheter et de lui payer argent comptant six belles montres de sa façon, pour encourager ladite manufacture royale.
On ne voit pas de quel droit les magnifiques et très honorés seigneurs assignent le très magnifique et honoré Dufour.
Je vous prie réellement, monsieur, et raillerie à part, d’interposer votre autorité pour que dorénavant on s’abstienne de pareilles violations de territoire, sans quoi on serait obligé de traiter fort mal lesdites assignations, juridiquement parlant. Il est temps de mettre ordre à ces impertinences. Notre manufacture française, protégée par le roi, et travaillant pour le roi, doit être respectée.
Je vous demande en grâce d’en parler vertement. Vous savez que la loi est qu’on assigne à Gex ceux qui demeurent dans le territoire de Gex. Nous prévoyons que, si on ne met pas un frein à ces polissonneries, elles reviendront tous les jours ; le temps de nos artistes est précieux. Mme Denis se joint à moi pour vous prier avec la plus vive instance de soutenir les droits des Français. Vous n’avez pas besoin d’être prié.
Mille respects à madame votre sœur et à vous.
V. »
1 Note de Hennin sur le manuscrit : « Le roi de Prusse à qui M. de Voltaire avait proposé d'acheter le tableau des Grâces ». Il répondra le 12 à V* : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7919
Voltaire avait proposé au roi de Prusse, dans une lettre du 4 mai 1770, l’achat du tableau de Carle Vanloo, représentant les Trois Grâces, qui appartenait à Hennin. Le roi répondit, le 24 du même mois, qu’il n’achetait plus de tableaux depuis qu’il payait des subsides : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7893
2 Allusion claire aux mœurs de Frédéric II sur lesquelles V* s'étend dans ses Mémoires . Voir dirimant : https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/dirimant.php
3 De la république de Genève.
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18/11/2025
Les émigrants arrivent en foule et ne savent où se loger; les paysans, les maçons, les charpentiers, tout le monde augmente du quadruple le prix de toutes choses
... 1770 ou 2025 ? 1770 et 2025 ! L'histoire se répète . Trop !
Voltaire et Marie-Louise Denis
« A Louis-Gaspard Fabry, Chevalier
de l'ordre du roi et
Subdélégué
à Gex
2de Lettre du 11è Juin 1770, à Ferney 1
Nous apprenons dans ce moment que Raffo ayant affiché hier à la porte de l'église, que sa maison était à louer, a ce matin retiré l'affiche, et quand de nouveaux émigrants sont venus pour faire marché avec lui, il leur a répondu qu'elle était louée.
Les émigrants arrivent en foule et ne savent où se loger; les paysans, les maçons, les charpentiers, tout le monde augmente du quadruple le prix de toutes choses. Il est d'une nécessité indispensable de marquer des logements à la craie et d'en fixer le prix.
La maison de Raffo est surtout d'une nécessité absolue. Monsieur Fabry est prié de nous envoyer sur le champ un ordre à la requête de Mme Denis et de Mr de Voltaire pour loger les survenus chez Raffo, moyennant le prix convenable.
Nous avons été obligé de loger cette nuit plusieurs horlogers dans le corps du château, ce qui nous incommode beaucoup.
Nous écrivons dans ce moment à M. le duc de Choiseul; nous lui rendons compte de la nécessité pressante où nous sommes de loger les survenants 2 par billets dans le village de Ferney. Nous sommes sûrs qu'il approuvera tous les bons offices que Monsieur Fabry aura rendu dans cette occasion importante aux émigrants, à la fabrique de montres et à nous.
Nous présentons nos obéissances très humbles à Monsieur Fabry.
Voltaire pour moi et Mme Denis .»
1 Original signé, cachet de cire rouge en la possession de Thérèse Gabrielle Suzanne Emma de Laure , née Fabry, jusqu'à sa mort en 1913 .
2 Sur le manuscrit ce mot remplace habitants qui a, été biffé .
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17/11/2025
une excuse trop valable
... Quand ? Comment ? Pourquoi ? Pour qui ?
A vous de jouer !
« A Joseph-Jérôme Le François de La Lande
Le vieillard très malade que M. Le Français a bien voulu honorer de son attention, et des meilleurs vers qu’on ait faits depuis longtemps, lui demande bien pardon de le remercier si tard, et de ne le remercier qu’en prose : soixante-seize ans, des montagnes pleines de neige qui lui font perdre la vue, et des maladies cruelles, sont une excuse trop valable ; agréez-la, monsieur, avec la reconnaissance respectueuse que vous doit le solitaire honoré de vos bontés.
A Ferney ce 11 juin1770.1 »
1 Ed. « Réponse de M. de Voltaire » à une pièce de 28 vers par « M. Le François, ancien officier de cavalerie » commençant et finissant comme suit :
Le juste monument qu'on élève à ta gloire
Dans l'auguste séjour des filles de mémoire,
Cause à tes ennemis le plus mortel chagrin .
….........................................................
Dans l'univers entier ta gloire est répandue,
Et ce n'est qu'avec lui que périra ton nom. »
Le tout paru dans le Mercure de France de juillet 1770, II, 27 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3746630f/f26.item.r=le%20francois
17:48 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les choses nécessaires ne doivent pas être survendues; il faut un prix raisonnable au pain et aux maisons
... Que dire de plus sensé que Voltaire ? Xavier Emmanuelli lui aurait plu .
Voir et écouter cet homme qui s'est soucié de son prochain et l'a aidé : https://www.institutdiderot.fr/les-rendez-vous-de-linstit...

Quand aura-t-elle fin ?
Voltaire et Marie-Louise Denis
« à Louis Gaspard Fabry
11e juin 1770, à Ferney 1
Vraiment, Monsieur, nous avons toujours payé les vingtièmes pour toutes les pièces qui composent le territoire de l'Ermitage. Mais vous sentez bien quelle est la chicane du Genevois Vernet. Vous devez avoir vu par l'aveu du nommé Le Sage qu'il agit pour Vernet même, qu'il veut nous faire payer en détail pour les champs et prés ci-devant appartenants à Pasteur pour lesquels nous avons déjà payé en gros. Il veut faire accroire que ces pièces ne sont point de l'Ermitage acheté des Choudens, mais qu'elles appartenaient à ce Pasteur dont il a acheté pour cent écus le bien qui lui restait et qui vaut quinze mille livres à ce qu'on m'a dit.
Nous vous répétons, Monsieur, que nous avons les actes par lesquels feu Pasteur vendit aux Choudens ce pré et ce champ; et les actes par lesquels Choudens nous vendit le tout pour la somme de six mille livres.
C'est sur ces actes mêmes que le rejet est spécifiés, et c'est malgré ce rejet que Vernet fait agir le nommé Le Sage, et demande avec absurdité le paiement de la taille que nous ne devons point, et le paiement des vingtièmes que nous avons faits régulièrement.
Le ridicule de cette chicane saute aux yeux, et vous voyez assez dans quel esprit Vernet fait cette tentative. En un mot, nous ne devons rien, et nous ne souffrirons pas que des genevois aient l'insolence de nous vexer dans le royaume.
Ayez la bonté de relire les propositions du nommé Le Sage faites au nom de Vernet, et vous en serez indigné.
A l'égard du sieur Raffo vous voyez clairement, Monsieur, qu'il veut abuser de la nécessité où sont les émigrants d'être logés. Les choses nécessaires ne doivent pas être survendues; il faut un prix raisonnable au pain et aux maisons. Je suis très persuadé que vous pouvez marquer pour les émigrants le logement de Raffo, Savoyard, comme on marque des logements pour les troupes. Mr le duc de Choiseul trouve très bon actuellement qu'on loge chez Vernet, et trouvera très bon qu'on loge dans notre village avec le consentement du seigneur. Quand vous aurez donné un ordre aux émigrants de loger chez Raffo, il sera juste d'assigner un loyer proportionné au prix que lui a coûté la maison. S'il veut la vendre on pourra lui donner aussi quelque chose au delà du prix de l'achat 2.
Mais nous pensons que vous êtes en droit d'assigner cette maison aux émigrants en considération de la nécessité pressante, et l'utilité d'une fabrique qui fait déjà des progrès sensibles. Nous nous en remettons à votre prudence et à votre bonne volonté.
Nous avons l'honneur d'être avec bien de la reconnaissance
Monsieur
Vos très humbles et très obéissants serviteur et servante.
Voltaire .
Denis. »
1 Copie littérale par Théophile Dufour, qui a été suivie . L'original était en possession de Gabrielle Suzanne Emma de Laure, née Fabry, jusqu'à sa mort en 1913 . Voir : https://gw.geneanet.org/ftidzrd4w?lang=fr&n=fabry&oc=0&p=gabrielle+therese+suzanne+emma
2 Le ton à l'égard de Raffo s'est radouci deuis la lettre du 6 juin 1770 à Fabry : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/11/09/nous-vous-aurons-une-obligation-essentielle-si-vous-voulez-bien-nous-defair.html
17:05 | Lien permanent | Commentaires (0)

