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11/05/2025

Je voudrais bien avoir des compliments à vous faire sur l’accomplissement des promesses qu’on vous a faites

... Cesser-le-feu en Ukraine ! on a promis de s'en occuper côté européen, mais c'est ne pas compter sur un Poutine qui fait trainer les négociations pour grignoter encore du terrain ; c'est vraiment un pourri quand il s'agit de faire couler le sang des autres :https://actu.orange.fr/monde/guerre-en-ukraine-vladimir-p...

 

 

 

« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally

18 novembre 1769

Je suis devenu plus paresseux que jamais, monsieur, parce que je suis devenu plus faible et plus misérable. Il m’aurait été impossible de faire le voyage de Paris : je peux à peine faire celui de mon jardin. Mme Denis a rapporté une belle lunette, mais il faut avoir des yeux. On perd tout petit à petit, excepté les sentiments qui m’attachent à vous et à Mme de Rochefort.

Je voudrais bien avoir des compliments à vous faire sur l’accomplissement des promesses qu’on vous a faites. C’est là ce qui m’intéresse véritablement : car, en vérité, j’ai beaucoup d’indifférence pour tout le reste. J’espère que M. le duc de Choiseul fera les choses que vous désirez. C’est la plus belle âme que je connaisse ; il est généreux comme Aboul-Cassem, brillant comme le chevalier de Grammont, et travailleur comme M. de Louvois. Il aime à faire plaisir ; vous serez trop heureux d’être son obligé.

Je compte qu’au printemps vous serez un père de famille. Mme de Rochefort accouchera d’un brave philosophe ; il en faut de cette espèce.

Je voudrais bien vous envoyer une nouvelle édition d’une pièce 1 qui commence ainsi :

Je suis las de servir. Souffrirons-nous, mon frère,
Cet avilissement du grade militaire ?

mais je ne sais comment m’y prendre. Il est beaucoup plus aisé d’envoyer des lunettes que des livres.

L’oncle et la nièce disent tout ce qu’ils peuvent de plus tendre à M. et à Mme de Rochefort. »

10/05/2025

Ma foi, votre pape paraît une bonne tête. Comment donc ! depuis qu’il règne il n’a fait aucune sottise

... Léon XIV , grand honneur, obtient un satisfecit voltairien ; qu'il le reçoive en toute modestie .

 

 

« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

À Ferney, le 13 novembre 1769

Votre Éminence veut s’amuser à Rome de quelques vers français : eh bien ! en voilà 1Ma, per tutti i santi 2, oubliez que vous êtes archevêque et cardinal. Souvenez-vous seulement que vous êtes le plus aimable des hommes, l’académicien le plus éclairé, et que vous avez du génie. J’ajouterai encore : Souvenez-vous que vous avez de la bonté pour moi ; et dites-moi, je vous en prie, si vous êtes de l’avis de milord Cornsbury 3.

Vous ne montrerez pas les Guèbres au cardinal Torregiani 4, n’est-il pas vrai ? Ma foi, votre pape paraît une bonne tête. Comment donc ! depuis qu’il règne il n’a fait aucune sottise. »

2 Mais , pour l'amour de tous les saints .

3 Personnage inventé par V* . « Voltaire ne cessait de représenter Racine comme le plus grand des tragiques .Un jour , il s’aperçoit qu’il a poussé trop loin l’enthousiasme. La gloire de Racine finira par éclipser la sienne . Qu’ imagine -t- i l ? Il publie les Guèbres avec une préface où il invente une conversation avec un milord Cornsbury, comme il avait inventé une correspondance avec un M. de la Lindelle . Son milord Cornsbury a pour mission de calmer son admiration et de blâmer son indulgence . Il attaque de front Athalie. Il daube sur Joad [...]

Et après avoir passé sa bile sur Racine , sans courage, sans pudeur , peu s’en faut qu’il ne risque une comparaison entre Athalie et les Guèbres. 

Nous voilà fixés sur la conscience littéraire de Voltaire . » : https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&opi=89978449&url=https://www.forgottenbooks.com/en/download/LuvreShakespearienneSonHistoire16161910_10593053.pdf&ved=2ahUKEwjp78Sc15aNAxXcRaQEHYHaCBkQFnoECCcQAQ&usg=AOvVaw3mT4leAEuZBJaD0yBjzwhu

4 Louis-Marie Torregiani, Florentin, né le 18 octobre 1697 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Luigi_Maria_Torregiani

09/05/2025

reconnaissance et d’admiration pour le zèle de M. de La Croix. Le style de ses lettres me fait juger du succès qu’aura son mémoire en faveur de l’innocence, si cruellement opprimée

... Que sera-t-il possible de faire maintenant depuis le Vatican ?

Un nouveau pape est appelé à régner . Araignée ? quel drôle de nom, pourquoi pas libellule ou papillon !...

Election élair, Léon a la cote , XIV comme notre célèbre royal Louis français , tiendra-t-il aussi longtemps ?

Pourquoi le nouveau pape Robert Francis Prevost a choisi le prénom de Léon ?

Rigolons un peu avec un autre Léon : https://www.youtube.com/watch?v=sxzlkQnG-No&ab_channel=Chansons%2CFolkloreetVari%C3%A9t%C3%A9

 

Site-EC-illustrations-de-texte-Cardinaux-francais-papabile-conclave2-1024x853.png

https://eglise.catholique.fr/vatican/conclave-qui-est-le-...

 

 

« À Joseph Audra

13 novembre 1769

J’ai été plus près, mon cher philosophe, de faire le voyage de l’autre monde que celui de Toulouse. Mme Denis est revenue de Paris prendre soin de mon triste état. Je vous recommande ce pauvre Sirven ; achevez votre ouvrage. La faiblesse de mon corps ne s’étend point sur mes sentiments. Je suis pénétré de reconnaissance et d’admiration pour le zèle de M. de La Croix. Le style de ses lettres me fait juger du succès qu’aura son mémoire en faveur de l’innocence, si cruellement opprimée. Je le prie de regarder cette lettre comme écrite à vous et à lui. Pardonnez-moi tous deux une lettre si courte ; mon état est mon excuse.

Si le pauvre Sirven a besoin d’argent, il n’a qu’à parler ; je vous prie de le lui faire dire. »

08/05/2025

qui peut savoir où il sera et ce qu’il fera ?... la destinée n’est à personne ; elle se moque de nous tous

... Propos fumeux de cardinal bouclé à la Sixtine ?

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Le torchon brûle au conclave

 

 

« À Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

8 novembre 1769

J’attends ces jours-ci, monseigneur, les Souvenirs de madame de Caylus. En attendant, j’ai l’honneur de vous envoyer cette nouvelle édition des Guèbres, dont on dit que la préface est curieuse. Comme vous êtes actuellement le souverain des spectacles, j’ai cru que cela pourrait vous amuser un moment dans votre royaume.

Je ne vous envoie jamais aucun des petits livrets peu orthodoxes qu’on imprime en Hollande et en Suisse. J’ai toujours pensé qu’il m’appartenait moins qu’à personne d’oser me charger de pareils ouvrages, et surtout de les envoyer par la poste. Je n’ai été que trop calomnié ; je me flatte que vous approuvez ma conduite.

Mme Denis m’a assuré que vous me conservez les bontés dont vous m’honorez depuis cinquante ans. J’ai toujours désiré de ne point mourir sans vous faire ma cour pendant quelques jours ; mais il faudra que je me réduise à consigner cette envie dans mon testament, à moins que vous n’alliez faire un tour à Bordeaux l’été prochain, et que je n’aille aux eaux de Barèges ; mais qui peut savoir où il sera et ce qu’il fera ? Mon cœur est à vous, mais la destinée n’est à personne ; elle se moque de nous tous.

Daignez agréer mon tendre respect.

V.

Oserais-je vous supplier, monseigneur, d’ordonner qu’on joue à Paris Les Scythes ? Je n’y ai d’autre intérêt que celui de la justice. Les comédiens ont tiré dix-huit cents francs de la dernière représentation. Je ne demande que l’observation des règles. Pardonnez cette petite délicatesse 1. »

1 On a signalé, à la date du 8 novembre 1769, une lettre de Voltaire à M. Imbert, secrétaire général du lieutenant de police M. de Sartines. Dans cette lettre, datée de Genève, le vieillard se plaint de ses soixante-quinze ans et des infirmités nombreuses qui viennent l’assaillir. Je m’en vais en détail, ajoute-t-il mélancoliquement ; puis, sa philosophie railleuse reparaît, et il prend bravement son parti de ce qu’il ne peut empêcher…. Ce qu’il regrette le plus, c’est sa vue, qui se perd complètement ; et il attribue à la neige cet affaiblissement des yeux.

Sur Imbert, voir lettre du 20 mai 1761 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/20/ceux-qui-sont-a-la-tete-de-la-police-savent-assez-combien-le-5791361.html

et voir le journal le XIXe siècle du 10 janvier 1878 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7558985p/f3.vertical.r=8%20novembre%201769

07/05/2025

vous courez, vous soupez, vous conversez, et surtout vous pensez. Ainsi, madame, vivez 

... Quelques-unes , sinon toutes, les femmes suivantes correspondent à ce constat voltairien et méritent le voeu qu'il émet : https://www.forbes.fr/50-over-50-2025-palmares/

Longue et belle vie à elles .

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond , marquise Du Deffand

Ferney, 1er novembre 1769

Si je suis en vie au printemps, madame, je compte venir passer dix ou douze jours auprès de vous avec Mme Denis. J’aurais besoin d’une opération aux yeux, que je n’ose hasarder au commencement de l’hiver. Vous me direz que je suis bien insolent de vouloir encore avoir des yeux à mon âge, quand vous n’en avez plus depuis si longtemps.

Mme Denis dit que vous êtes accoutumée à cette privation ; je ne me sens pas le même courage. Ma consolation est dans la lecture, dans la vue des arbres que j’ai plantés, et du blé que j’ai semé. Si cela m’échappe, il sera temps de finir ma vie, qui a été assez longue.

J’ai ouï parler d’un jeune homme fort aimable, d’une jolie figure, ayant de l’esprit, des connaissances, un bien honnête, qui, après avoir fait un calcul du bien et du mal, s’est tué à Paris d’un coup de pistolet. Il avait tort, puisqu’il était jeune, et que par conséquent la boîte de Pandore lui appartenait de droit. Un prédicant de Genève, qui n’avait que quarante-cinq ans, vient d’en faire autant : c’était une maladie de famille ; son grand-père, son père, et son frère, lui avaient tous donné cet exemple. Cela est unique, et mérite une grande considération. Gardez-vous bien d’en faire jamais autant : car vous courez, vous soupez, vous conversez, et surtout vous pensez. Ainsi, madame, vivez : je vous enverrai bientôt quelque chose d’honnête 1, ainsi qu’à votre grand’maman. Je n’ai guère le temps d’écrire des lettres, car je passe ma vie à tâcher de faire quelque chose qui puisse vous plaire à toutes deux ; j’en ai pour l’hiver.

J’aime passionnément le mari de votre grand’maman 2; c’est une belle âme. Croyez-moi, il vaut mieux que tout le reste : il se ruinera ; mais il n’y a pas grand mal, il n’a point d’enfants. Mais surtout qu’il ne haïsse point les philosophes parce qu’il a plus d’esprit qu’eux tous ; c’est une fort mauvaise raison pour haïr les gens.

Je vois qu’on me regarde comme un homme mort : les uns s’emparent de mes sottises ; les autres m’attribuent les leurs. Dieu soit béni !

Comment se porte le président Hénault ? je m’intéresse toujours bien tendrement à lui. Il a vécu quatre-vingt-deux ans ; ce n’est qu’un jour. On aime la vie, mais le néant ne laisse pas d’avoir du bon.

Adieu, madame ; je suis à vous jusqu’au premier moment du néant. Mme Denis vous en dit autant. »

2 Le duc de Choiseul.

06/05/2025

Vous dites que tous les hommes ne peuvent pas être grands, mais que tous peuvent être bons

... Ce que ne comprend ni n'admet M. Retailleau (qui n'est ni grand, ni bon ) au moment où la naturalisation française devient plus difficile à acquérir  et que de son côté le président appâte les cerveaux US et autres en débloquant quelques millions pour eux alors que la recherche française est au régime sec : ah quels gouvernants nous avons là, comprend qui peut, je t'aime, moi non plus !

 

 

« A Jean-François Marmontel

1er novembre 1769

Mon cher ami, mon cher confrère, j’ai été enchanté de votre souvenir et de votre lettre. Vous dites que tous les hommes ne peuvent pas être grands, mais que tous peuvent être bons : savez-vous bien que cette maxime est mot à mot dans Confucius ? Cela vaut bien la comparaison du royaume des cieux avec de la moutarde 1, et de l’argent placé à usure 2.

Je conviens, mon cher ami, que la philosophie s’est beaucoup perfectionnée dans ce siècle ; mais à qui le devons-nous ? aux Anglais ; ils nous ont appris à raisonner hardiment. Mais à quoi nous occupons-nous aujourd’hui ? à faire quelques réflexions spirituelles sur le génie du siècle passé.

Songez-vous bien qu’une cabale de jaloux imbéciles a mis pendant quelques années la partie carrée d’Electre 3, d’Iphianasse, d’Oreste, et du petit Itys, le tout en vers barbares, à côté des belles scènes de Corneille, de l’Iphigénie de Racine, des rôles de Phèdre, de Burrhus, et d’Acomat ? Cela seul peut empêcher un honnête homme de revenir à Paris.

Cependant je ne veux point mourir sans vous embrasser, vous et M. d’Alembert, et MM. Duclos, de Saint-Lambert, Diderot, et le petit nombre de ceux qui soutiennent, avec le quinzième chapitre de Bélisaire, la gloire de la France.

J’aurai besoin, si je suis en vie au printemps, d’une petite opération aux yeux, que quinze ans et quinze pieds de neige ont mis dans un terrible désordre. Je n’approcherai point mon vieux visage de celui de Mlle Clairon ; mais j’approcherai mon cœur du sien. Ses talents étaient uniques, et sa façon de penser est égale à ses talents.

Mme Denis 4 vous fait les compliments les plus sincères.

Adieu ; vous savez combien je vous aime. Je n’écris guère ; un malade, un laboureur, un griffonneur n’a pas un moment à lui. »

4 Elle venait d’arriver à Ferney (voir lettre à d'Alembert du 18 octobre 1769 ), dont elle était absente depuis mars 1768 ; voir lettre du 1er mars 1768 à Richelieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/10/16/il-faut-tout-a-des-femmes-6466269.html

et du 4 mars 1768 à Mme de Saint-Julien : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/10/23/m-6467427il-faut-etre-pour-cela-du-metier-des-heros-et-je-n-ai-pas-l-honneu.html

05/05/2025

Je n’entre point dans la politique qui a toujours appuyé la cause de Dieu,...la politique n’est pas mon affaire : je me suis toujours borné à faire mes petits efforts pour rendre les hommes moins sots et plus honnêtes

... On est loin de Voltaire homme de bonne volonté ;  à cette heure, on en apprend et confirme de belles sur le détestable Mélenchon qui ne trouverait pas grâce auprès du Patriarche : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-brief-politiq...

 

 

« À Frédéric II, roi de Prusse

Ferney, novembre 1769

Sire, un Bohémien qui a beaucoup d’esprit et de philosophie, nommé Grimm, m’a mandé que vous aviez initié l’empereur 1 à nos saints mystères, et que vous n’étiez pas trop content que j’eusse passé près de deux ans sans vous écrire 2.

Je remercie Votre Majesté très humblement de ce petit reproche : je lui avouerai que j’ai été si fâché et si honteux du peu de succès de la transmigration de Clèves que je n’ai osé depuis ce temps-là présenter aucune de mes idées à Votre Majesté. Quand je songe qu’un fou et un imbécile comme Ignace a trouvé une douzaine de prosélytes qui l’ont suivi, et que je n’ai pas pu trouver trois philosophes, j’ai été tenté de croire que la raison n’était bonne à rien ; d’ailleurs, quoi que vous en disiez, je suis devenu bien vieux, et, malgré toutes mes coquetteries avec l’impératrice de Russie, le fait est que j’ai été longtemps mourant et que je me meurs.

Mais je ressuscite, et je reprends tous mes sentiments envers Votre Majesté, et toute ma philosophie, pour lui écrire aujourd’hui au sujet d’une petite extravagance anglaise qui regarde votre personne. Elle se doutera bien que cette démence anglaise n’est pas gaie ; il y a beaucoup de sages en Angleterre, mais il y a autant de sombres enthousiastes. L’un de ces énergumènes, qui peut-être a de bonnes intentions, s’est avisé de faire imprimer dans la gazette de la cour, qu’on appelle the Whitehall Evening-Post, le 7 octobre, une prétendue lettre de moi à Votre Majesté, dans laquelle je vous exhorte à ne plus corrompre la nation que vous gouvernez. Voici les propres mots fidèlement traduits : « Quelle pitié, si l’étendue de vos connaissances, vos talents et vos vertus, ne vous servaient qu’à pervertir ces dons du ciel pour faire la misère et la désolation du genre humain ! Vous n’avez rien à désirer, sire, dans ce monde, que l’auguste titre d’un héros chrétien. »

Je me flatte que ce fanatique imprimera bientôt une lettre de moi au Grand Turc Moustapha, dans laquelle j’exhorterai Sa Hautesse à être un héros mahométan ; mais comme Moustapha n’a veine qui tende à le faire un héros, et que ma véritable héroïne, l’impératrice de Russie, y a mis bon ordre, je ne crois pas que j’entreprenne cette conversion turque. Je m’en tiens aux princes et aux princesses du Nord, qui me paraissent plus éclairés que tout le sérail de Constantinople.

Je ne réponds autre chose à l’auteur qui m’impute cette belle lettre à Votre Majesté, que ces quatre lignes-ci :

« J’ai vu dans le Whitehall Evening-Post, du 7 octobre 1769, no 3668, une prétendue lettre de moi à Sa Majesté le roi de Prusse : cette lettre est bien sotte ; cependant je ne l’ai point écrite. Fait à Ferney, le 20 octobre 1769.

« Voltaire. »

Il y a partout, sire, de ces esprits également absurdes et méchants, qui croient ou qui font semblant de croire qu’on n’a point de religion quand on n’est pas de leur secte. Ces superstitieux coquins ressemblent à la Philaminte des Femmes savantes de Molière ; ils disent 3: Nul ne doit plaire à Dieu que nous et nos amis.

J’ai dit quelque part 4 que La Mothe Le Vayer, précepteur du frère de Louis XIV, répondit un jour à un de ces maroufles : « Mon ami, j’ai tant de religion que je ne suis pas de ta religion. »

Ils ignorent, ces pauvres gens, que le vrai culte, la vraie piété, la vraie sagesse, est d’adorer Dieu comme le père commun de tous les hommes sans distinction, et d’être bienfaisant.

Ils ignorent que la religion ne consiste ni dans les rêveries des bons quakers, ni dans celles des bons anabaptistes ou des piétistes, ni dans l’impanation et l’invination 5, ni dans un pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, à Notre-Dame des Neiges, ou à Notre-Dame des Sept Douleurs ; mais dans la connaissance de l’Être suprême, qui remplit toute la nature, et dans la vertu.6

Je ne vois pas que ce soit une piété bien éclairée qui ait refusé aux dissidents de Pologne les droits que leur donne leur naissance, et qui ait appelé les janissaires de notre saint-père le Turc au secours des bons catholiques romains de la Sarmatie. Ce n’est point probablement le Saint-Esprit qui a dirigé cette affaire, à moins que ce ne soit un saint-esprit du révérend père Malagrida, ou du révérend père Guignard, ou du révérend père Jacques Clément.

Je n’entre point dans la politique qui a toujours appuyé la cause de Dieu, depuis le grand Constantin, assassin de toute sa famille, jusqu’au meurtre de Charles Ier, qu’on fit assassiner par le bourreau, l’Évangile à la main ; la politique n’est pas mon affaire : je me suis toujours borné à faire mes petits efforts pour rendre les hommes moins sots et plus honnêtes. C’est dans cette idée que, sans consulter les intérêts de quelques souverains (intérêts à moi très inconnus), je me borne à souhaiter très passionnément que les barbares Turcs soient chassés incessamment du pays de Xénophon, de Socrate, de Platon, de Sophocle, et d’Euripide. Si l’on voulait, cela serait bientôt fait ; mais on a entrepris autrefois sept croisades de la superstition, et on n’entreprendra jamais une croisade d’honneur : on en laissera tout le fardeau à Catherine.

Au reste, sire, je suis dans mon lit depuis un an ; j’aurais voulu que mon lit fût à Clèves.

J’apprends que Votre Majesté, qui n’est pas faite pour être au lit, se porte mieux que jamais, que vous êtes engraissé, que vous avez des couleurs brillantes. Que le grand Être qui remplit l’univers vous conserve ! Soyez à jamais le protecteur des gens qui pensent, et le fléau des ridicules.

Agréez le profond respect de votre ancien serviteur, qui n’a jamais changé d’idées, quoi qu’on dise. »

1 Allusion à l’entrevue de Frédéric avec l’empereur Joseph II, à Neisse, au mois d’août 1769 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Rencontre_de_Fr%C3%A9d%C3%A9ric_II_avec_l%27empereur_Joseph_II_%C3%A0_Neisse_en_1769

. Voltaire appelle Grimm Bohémien à cause du Petit Prophète de Boehmischbroda dont celui-ci était l’auteur : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9617986b.texteImage

3 C’est Armande (et non Philaminte), qui, dans Les Femmes savantes, acte III, scène 2, dit :

Nul n’aura de l’esprit, hors nous et nos amis.

Voir fin de la scène 2 : https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Femmes_savantes/Acte_III