13/04/2023
Je suis idolâtre de trois choses : de la liberté, de la tolérance, et de votre impératrice
... Hélas, ce n'est plus une impératrice -- qui ne fut certainement pas parfaite --qui est à la tête de la Russie, mais un malfaisant salopard , Poutine, chef d'une clique de profiteurs, comme lui, à sa botte et qui fait couler le sang , tant russe qu'ukrainien , sans vergogne . Voltaire te méprise et te hait : Ecrasons l'infâme !
« Au comte Alexandre Romanovitch Vorontsov
25 auguste 1767, à Ferney.
Monsieur,
Je suis, il est vrai, à mon cinquième accès de fièvre, et j'ai soixante et quatorze ans ; mais tant que je ne serai pas mort, j'embrasserai avec avidité ce que vous me proposez 1. Je crois même que votre projet me fera vivre. Les grandes passions donnent des forces. Je suis idolâtre de trois choses : de la liberté, de la tolérance, et de votre impératrice . Je prie ces trois divinités de m'inspirer. J'attends vos ordres.
J'ai l'honneur d'être, avec le plus tendre respect, monsieur, de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 On peut supposer que Vorontsov a demandé à V*, de la part de Catherine, d'écrire ce qui devient l'Essai historique critique sur les dissensions des églises de Pologne, 1767 , qui paraîtra peu de temps après sous le pseudonyme de Bourdillon : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/461
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je ne me porte pas si bien que vous mais vous m'étonnez de me dire qu'il ne faut pas travailler dans la vieillesse ; c'est, ce me semble, la plus grande consolation de notre âge
... Mon pauvre Voltaire, ils sont des millions à ne pas avoir goût pour cette consolation; ils faut avouer qu'eux n'aiment pas le travail qui n'est que leur gagne-pain .
« A l'abbé Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet
Doyen de l'Académie française etc.
près du Louvre
à Paris
23è auguste 1767.
Si j'étais votre Atticus, mon cher Cicéron, praeclare venderem 1 votre livre très instructif ; et je vous assure qu'au propre votre libraire le vendra à merveille. Je vous assure que je ne me porte pas si bien que vous mais vous m'étonnez de me dire qu'il ne faut pas travailler dans la vieillesse ; c'est, ce me semble, la plus grande consolation de notre âge ; decet musarum cultorem scribentcm mori 2. Je ne hais pas même la guerre à mon âge , cela me ranime, et je ris quelquefois dans ma barbe.
Si je ne peux plus faire de tragédies, on en fait chez moi qui vaudront mieux que les miennes . Nous les jouerons bientôt sur le théâtre de Ferney. Je ne faisais pas mal les rôles de vieillard; mais je deviens aveugle tous les jours, et je ne pourrais plus jouer que le rôle de Tirésias. Puissiez-vous avoir la goutte, mon cher confrère ! Bernard de Fontenelle 3 en avait quelques accès, et il vécut jusqu'à cent ans , c'est un avant-goût de la vie éternelle.
Il faut que je vous envoie quelque jour La Défense de mon oncle . Il y a je ne sais quelle bavarderie orientale et hébraïque qui pourra amuser un savant comme vous.
J'admire votre style, et votre petite écriture nette et ferme. Pour moi, je suis obligé presque toujours de dicter. Vous êtes meliore luto 4 que moi. Non equidem invideo; miror magis. 5
Mes respects à l'Académie, je vous en supplie; et quelques sifflets, si vous le voulez, à la Sorbonne.
Et, sur ce, je vous embrasse de tout mon cœur, avec les sentiments les plus inaltérables. Ainsi fait ma nièce.
V. »
1 Je vendrais très bien . Le livre dont il est question est : Remarques sur la langue française : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8339z.image
( Traité de la Prosodie française, 1736 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50813j.image)
2 D'après le mot attribué à Vespasien par Suétone : Divus Vespasianus, XXIV : Imperatorem […] stantem mori oportere, c'est-à-dire : « Il faut qu'un empereur meure debout », ici :Il faut que celui qui cultive les muses meure en écrivant .
3 Cette façon de désigner un contemporain par son prénom et son nom est rare à l'époque, spécialement chez V*.
4 Juvénal, Satires, XIV, 35 ; d'une meilleure argile . Allusion à la fable antique du premier homme fait de limon ou d'argile .
5 Virgile, Bucoliques, I, 11 ; Je ne t'en envie pas pour autant : c'est plutôt que je t'admire .
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12/04/2023
je vous enverrai tous les articles signés, quand j'aurai achevé de tout payer
... Hi ! happy tax payer : https://www.leparisien.fr/economie/impots/impots-nouveau-bareme-exonerations-ce-quil-faut-savoir-avant-de-declarer-ses-revenus-2022-13-04-2023-GGWVETEOQFGKVDWG2NIM5HR7EM.php
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
22è auguste 1767 à Ferney
Vous m'avez ordonné, monseigneur, de donner dix louis d'or à Gallien, mais voici un compte de 722 livres 9 sols, dont je vous enverrai tous les articles signés, quand j'aurai achevé de tout payer. De la façon dont il y allait, sa personne revenait à deux mille livres par an. Il a un frère qui a été à Maroc à meilleur marché. Je crois qu'il aura toute sa vie la reconnaissance qu'il vous doit, que M. Hennin le stylera et le fera beaucoup travailler. Son poste, qui lui vaut mille francs par an, outre le logement, la nourriture et le chauffage, pourra bientôt lui valoir plus de cent louis d'or, en vertu d'un arrangement pour les certificats de vie et pour les passeports . Plus il aura, plus il devra vous être obligé. Il paraît être pénétré de vos bontés.
J'eus l'honneur de vous adresser, par la dernière poste, deux exemplaires de la nouvelle édition des Scythes, l'un pour vous, l'autre pour le théâtre de Bordeaux mais j'implore toujours votre protection pour le Fontainebleau prochain.
J'espère, avant de mourir, vous envoyer un petit divertissement 1 pour vous amuser dans votre royaume. Conservez-moi vos bontés, et agréez mon attachement et mon respect.
V. »
1 Charlot .
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11/04/2023
Il m'a répondu que s'ils étaient innocents il leur donnerait toute sa protection
... "C'est bien du Macron " déclare en substance Garry Kasparov, propos critiques de la part de cet ex-champion d'échecs, et il n'est pas, hélas, seul de cet avis : https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/macron-di...
« A Paul-Claude Moultou
J'ai la fièvre, mon cher ami; je ne puis vous dire qu'un mot. J'ai écrit à M. de Richelieu, il y a trois semaines 1, pour ces malheureux protestants qu'on accuse d'avoir été en masque chez un curé. Il m'a répondu que s'ils étaient innocents il leur donnerait toute sa protection 2. Vous verrez par le mémoire ci-joint 3 que je suis moi-même en guerre avec un protestant . Je lui ai fait parler un peu vivement, de la part du roi, par M. de Gudanes, commandant de la province de Foix.
J'ai lu aussi L'Ingénu. Il est, comme vous savez, de l'auteur du Compère Matthieu, et il faut qu'il en soit. Je vous embrasse le plus tendrement du monde.
V.
22è auguste 1767. »
1 Lettre du 22 juillet 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/18/j-aime-mieux-mes-enfants-tortus-et-bossus-que-les-beaux-bata-6433833.html
2 Lettre Besterman D 14327 du 1er août 1767 . En fait, Richelieu se garde de vouloir se mêler de cette affaire et fait confiance au parlement de Guyenne .
3 Toujours le mémoire contre La Beaumelle .
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10/04/2023
Les Français, persécutés et chargés de chaînes, dansent très joliment avec leurs fers quand le geôlier n'est pas là
...
« A Jean-François Marmontel
22è auguste 1767 1
Je reçois, mon cher ami, votre lettre du 7è auguste, car août est trop welche. Vous avez dû recevoir la mienne dans laquelle je vous disais que notre impératrice, notre héroïne de Scythie, avait traduit le XVè chapitre. On m'assure, dans le moment,, qu'il est traduit en italien, et dédié à un cardinal 2, c'est de quoi il faut s'informer; mais ce qu'il faut surtout souhaiter, c'est que la Sorbonne le condamne . Elle sera couverte d'un ridicule et d'un opprobre éternels ; elle sera précisément au niveau de Fréron.
Je vous recommande La Harpe quand je ne serai plus. Il sera un des piliers de notre église il faudra le faire de l'Académie 3. Après avoir eu tant de prix, il est bien juste qu'il en donne.
Au reste, souvenez-vous que s'il y a dans l'Europe des princes et des ministres qui pensent, ce n'est guère qu'en France qu'on peut trouver les agréments de la société. Les Français, persécutés et chargés de chaînes, dansent très joliment avec leurs fers quand le geôlier n'est pas là . Nous avons eu des fêtes charmantes à Ferney. Mme de La Harpe a joué comme Mlle Clairon, M. de La Harpe comme Lekain, M. de Chabanon infiniment mieux que Molé . Cela console.
Passerez-vous votre hiver à Aix-la-Chapelle ? En ce cas, mandez-moi comment on pourrait faire pour vous envoyer un petit paquet sous l'enveloppe de Mme Filleul4.
Adieu, mon cher confrère . Je n'écris point de ma main . Je suis aveugle comme votre Bélisaire; je répète son credo, mais je ne le commente pas si bien que lui.
V. »
1 L'édition de Kehl est incomplète de l'avant-dernier paragraphe .
2 En réalité, la première traduction italienne de l'ouvrage Belisario, 1768, est dédiée à Caterina Dolfin Tiepolo .
3 La Harpe y entrera une dizaine d'années plus tard : https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/jean-francois-de-la-harpe
4 Mme Filleul est la dame que Marmontel a accompagnée aux eaux .Voir : https://books.google.fr/books?id=htIQiwALb6sC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=filleul&f=false
19:21 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je sais, monsieur, que vous vous amusez quelquefois de littérature. J'ai fait chercher L'Ingénu, pour vous l'envoyer, et j'espère que vous le recevrez incessamment
... Cher président , saurez-vous perdre un peu de votre morgue ?
« A Etienne-Noël Damilaville
22 auguste 1767 1
Je sais, monsieur, que vous vous amusez quelquefois de littérature. J'ai fait chercher L'Ingénu, pour vous l'envoyer, et j'espère que vous le recevrez incessamment. C'est une plaisanterie assez innocente d'un moine défroqué, nommé Laurent, auteur du Compère Matthieu 2.
J'ai vu à Ferney, depuis peu de jours, votre ami, qui est menacé de perdre entièrement les yeux, et dont la santé est très altérée. Il m'a montré des lettres des ministres, de MM. les maréchaux de Richelieu et d'Estrées, et de toute la maison de Noailles, au sujet de La Beaumelle. Il m'a dit que ses démarches étaient absolument nécessaires, que les écrits de La Beaumelle étaient très répandus dans les pays étrangers, et qu'on n'y recherchait même d'autre édition du Siècle de Louis XIV que celle qui a été faite par ce malheureux, et qui est chargée de falsifications et de notes infâmes. Ce La Beaumelle est un énergumène du Languedoc, un esprit indomptable, qu'il a fallu écraser. Le canton de Berne 13, outragé dans ses libelles, en a demandé justice au ministère.
On dit que M. de Beaumont fait le factum pour les protestants de Guyenne, accusés d'avoir assassiné les curés. Je ne vois pas comment il peut faire à Paris un mémoire sur une enquête secrète instruite à Bordeaux.
Pourriez-vous, monsieur, avoir la bonté de me faire parvenir le petit livre de la Théologie portative 4? Vous savez qu'on n'a pas voulu faire une seconde édition de l'ouvrage de mathématiques . Le libraire dit qu'on est surchargé d'éléments de géométrie. Il n'y a plus de livres qu'on imprime plusieurs fois, que les livres condamnés. Il faut aujourd'hui qu'un libraire prie 5 les magistrats de brûler son livre pour le faire vendre.
Votre ami malade vous fait les plus tendres compliments . Je vous prie de faire tenir le billet ci-joint 6.
J'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Boursier. »
1 Copie contemporaine Darmstadt B. ; l'édition de Kehl supprime la phrase relative à la Théologie portative et celle qui fait dire au libraire qu'on est « surchargé d'éléments de géométrie ».
3 Dans son ouvrage intitulé Mes Pensées, La Beaumelle outrage plusieurs familles bernoises; voyez tome XV, page 101. : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome15.djvu/111
4 Paul-Henri Dietrich, baron d'Holbach : Théologie portative ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne, par M. l'abbé Bernier, 1768, qui doit avoir été imprimé dès cette époque . D’Alembert en parle à V* le 14 août 1767 . V* mettra dans son exemplaire en note « livre dangereux ».
5 Mot remplacé par supplie dans l'édition de Kehl .
6 Texte de la copie de Darmstadt et de l'édition de Kehl ; la Correspondance littéraire porte à la place : « Il passe la moitié de la journée à souffrir, et l'autre à travailler », qui est un emprunt à la fin de la lettre du 26 août 1767 .
19:16 | Lien permanent | Commentaires (0)
On lui prépare un petit divertissement assez singulier et assez intéressant
... Paroles d'opposants au gouvernement envers Emmanuel Macron . Mais rira bien qui rira le dernier !
« A Marc-Antoine-Jean-Baptiste Bordeaux de Belmont
Directeur des spectacles
à Bordeaux
M. de Belmont doit avoir reçu la nouvelle édition des Scythes faite à Lyon 1, qui est infiniment meilleure que toutes les autres. On en a envoyé 2 deux exemplaires à monsieur le maréchal; il y en a un pour M. Belmont. On lui prépare un petit divertissement assez singulier et assez intéressant qu'on lui enverra dès qu'il aura été joué sur le théâtre de Ferney 3. On lui fait les plus sincères compliments. On est si malade qu'on ne peut écrire plus au long.
V.
21è auguste 1767 à Ferney. »
1 Celle de Bordes.
2 En même temps que la lettre du 17 août 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/04/07/si-vous-pouviez-faire-effacer-la-note-d-infamie-qu-un-sot-pr-6437205.html
3 Il s'agit de Charlot, joué à Ferney en septembre 1767; voyez la lettre du 23 décembre 1767, adressée à M. de Belmont : 7104 de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut
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