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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Je suis à vos pieds, je vous demande pardon de vous lanterner de ces menus détails . Vous voyez que j'écris de ma main a

...  https://www.lemonde.fr/actualite-medias/portfolio/2019/07...

Il est encore d'autre journalisme que celui de Médiapart, heureusement !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

8è juin , aux Délices, 1764 1

Gabriel Cramer qui sort de chez moi, mon cher frère, me dit qu'il fait donner des exemplaires cornéliens à Mlles Dumesnil , Clairon, Hus, à Lekain et à Brizard . Ainsi frère Thieriot aura cinq exemplaires de moins à gouverner . Je suis à vos pieds, je vous demande pardon de vous lanterner de ces menus détails . Vous voyez que j'écris de ma main assez lisiblement, mais c’est que la fluxion qui était sur les yeux est tombée sur la poitrine .

Dites-moi , je vous prie, mon cher frère, si la Gazette littéraire prend un peu de faveur . Il me semble que cette entreprise pourrait un peu nuire au commerce de maître Aliboron dit Fréron . Je suis enfoncé à présent dans des recherches pédantesques de l'Antiquité . Tout ce que je découvre dépose furieusement contre l'infâme . Ah ! si les frères étaient réunis ! Interim vale et me ama .

N.B. – Je ne sais , mon cher frère, si vous avez donné un Corneille à maître Cicéron de Beaumont . Il doit en avoir de préférence . N'est-il pas un des élus ? Permettez que je mette ici une lettre pour lui .

Il y a un M. Blin de Sainmore qui a fait un joli recueil de vers 2. Il lui faut un Corneille commenté . Je voudrais bien que frère Thieriot me fit l'amitié de le voir, de lui donner de ma part un exemplaire broché . Frère Thieriot pourrait l'engager à donner un supplément des fautes que je n'ai pas remarquées, et à faire en général quelques bonnes réflexions sur l'art dramatique . M. Blin de Sainmore en est très capable . Il demeure chez M. Borde, rue des Capucins ou des Capucines . Allons cher frère Thieriot, démenez-vous dans cette grande affaire . Cher frère donnez un peu de votre zèle à frère Thieriot, qu'il n’épargne pas les frais, nous paierons tout . »

1 L'édition de Kehl qui mêle des extraits de cette lettre et des lettres du 11 juin et du 13 juin 1764 donne ici une date fictive du 13 juin 1764 .

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15/07/2019 | Lien permanent

J'aurais pu donner quelques bons avis; mais je me renferme dans mon obscurité et dans ma solitude, comme de raison.

 ... Et parmi ces "bons avis", l'expression de ma satisfaction de voir que Martine Aubry ne fait pas partie du gouvernement . Voilà un boulet (de charbon ?) qui va tenter d'être à nouveau bienvenu chez les Ch'tis !

Fiat lux !

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« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.

A Monrion, 7 février [1756]

Je vous remercie bien fort, mon héros, de votre belle et instructive épître. Il est vrai que vous écrivez comme un chat, et que, si vous n'y prenez garde, vous égalerez le maréchal de Villars. Je me flatte bien que vous l'égalerez tout de même, quand il ne sera pas question de plume; mais il me semble que le nouveau traité dont le roi de Prusse s'applaudit ne vous permettra pas la guerre de terre. Vous ne seriez pas le premier de votre nom 1 qui eût gagné une bataille navale mais, jusqu'à présent, vous n'avez pas tourné vos vues de ce côté. Vous allez pourtant vous montrer à la Méditerranée; et je voudrais que les Anglais fissent une descente à Toulon, pour que vous les traitassiez comme on vient de les traiter à Philadelphie.
Je reviens à Fontenoy. Je suis encore à comprendre comment ma nièce ne vous donna pas le manuscrit que je lui avais envoyé pour vous. Ce manuscrit ne contenait que des mémoires qu'il fallait rédiger et resserrer, il y avait une grande marge qui attendait vos instructions dans vos moments de loisir.
M. de Ximenès, qui allait souvent chez ma nièce, sait comment ces mémoires, informes et défigurés, ont été imprimés en partie. Je ferai transcrire l'ouvrage entier dès que je serai de retour à mes petites Délices auprès de Genève. Il est bien certain que le nom de Reiss ou de Thésée 2 est une chose fort indifférente mais ce qui ne l'est point, c'est qu'on ose vous contester le service important que vous avez rendu au roi et à la France.
Permettez-moi seulement de vous représenter qu'en vous tuant de dire qu'il n'y a pas un mot de vrai dans la conversation rapportée, vous semblez donner un prétexte à vos envieux de dire que ce qui suit cette conversation n'est pas plus véritable.
Je n'ai pas inventé le Thésée, et, par parenthèse, cela est assez dans le ton de M. le maréchal de Noailles. C'est, encore une fois, votre écuyer Féraulas qui me l'a conté, c'est une circonstance
inutile, sans doute; mais ces bagatelles ont un air de vérité qui donne du crédit au reste; et, si vous me contestez le Thésée publiquement, vous affaiblissez vous-même les vérités qui sont liées à cette conversation. On présumera que j'ai hasardé tout ce que je rapporte de cette journée si glorieuse pour vous.
Au reste, toute cette histoire est fondée sur les lettres originales de tous les généraux; et quelques petites circonstances qu'on m'a dites de bouche ne peuvent, je crois, faire aucun tort au reste de l'histoire, quand je rapporte mot pour mot les lettres qui sont dans le dépôt du ministre.
Je souhaite que la guerre sur mer soit aussi glorieuse que la dernière guerre en Flandre l'a été.
Croirez-vous que le roi de Prusse vient de m'envoyer une tragédie de Mérope mise par lui en opéra ? Il m'avertit cependant qu'il n'est occupé qu'à des traités. Je voudrais que vous vissiez quelque chose de son ouvrage, cela est curieux. Faites vos réflexions sur ce contraste et sur tous ces contrastes. J'aurais pu donner quelques bons avis; mais je me renferme dans mon obscurité et dans ma solitude, comme de raison.
Je ne doute pas que vous ne voyiez Mme de Pompadour avant votre départ. Je n'ai qu'à vous renouveler mon éternel et respectueux attachement. »

 

1 Allusion à la digue construite par les ordres du cardinal de Richelieu, en 1628, pour fermer le port de la Rochelle à la flotte anglaise.

2 Ceci est relatif à ce passage du récit de la bataille de Fontenoy dans l'Histoire de la guerre de 1741 , Amsterdam, 1755, in-12, seconde partie, page 163 « M. le duc de Richelieu se présente hors d'haleine, l'épée à la main, et couvert de poussière. « Eh bien, Reiss, lui dit le maréchal de Noailles » (c'était une plaisanterie entre eux), « quelle nouvelle apportez-vous? » Voir aussi page 244 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411331n/f247.image
Apparemment que Richelieu avait fait observer à Voltaire que le surnom qu'on lui donnait n'était pas Reiss, mais Thésée. (Beuchot.)
Richelieu parait avoir tout simplement contesté la vérité de ce détail.

 

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16/05/2012 | Lien permanent

Le premier de l’État, quand il a pu déplaire, S’il est persécuté, doit souffrir et se taire 

... Est-ce bien entendu M. Emmanuel Macron ?

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

4è mars 1767 1

Mon cher ami, le mémoire des Sirven réussira. Les traits du premier mémoire, conservés dans le second, feront un très grand effet. L’éloquence perce à travers le style du barreau.

Je vous adresserai les Sirven aussitôt que vous voudrez. Vous serez leur protecteur à Paris. Je me réserve à vous écrire plus amplement sur leur compte, quand je les ferai partir. Il faudra un passeport de M. le duc de Choiseul : nous sommes bien sûrs de n’être pas refusés.

La querelle que l’on fait à mon cher Marmontel n’est qu’une farce, en comparaison de la tragédie des Sirven et des Calas. Cette farce sera sifflée. Voici un petit madrigal d’un jeune homme de Mâcon 2, sur la bêtise de la sacrée faculté :

Vénérables sorboniqueurs,
De l’enfer savants chroniqueurs,
Vous prétendez que Marc-Aurèle
Doit cuire à jamais dans ce lieu :
Pour récompenser votre zèle,
Puisse incessamment le bon Dieu
Vous donner la vie éternelle !

Vous voyez que les provinces se forment. Je n’ai pas le temps de vous parler beaucoup des Scythes. Je vous dirai seulement qu’un serment de punir de mort les gens convient fort dans les premiers actes de Tancrède et de Brutus, mais qu’il serait un peu déplacé dans un mariage, et qu’il serait assez ridicule qu’une femme prévît qu’on tuera son mari, lorsqu’il n’est menacé par personne. Vous sentez qu’une telle finesse serait trop grossière.

Tout dépendra du rôle d’Obéide. Il faudra que Lekain se donne la peine d’adoucir et d’attendrir la voix de Mlle Durancy, qu’on dit un peu dure et un peu sèche. Si vous avez lu la préface que je voulais aussi faire lire à M. Diderot, vous aurez vu que mon intention n’était point de faire jouer cette pièce ; mais puisque mes amis veulent qu’on la représente, j’y consens. Cela pourra donner quatre ou cinq représentations avant Pâques. Les comédiens en ont besoin ; après quoi je ne m’en mêlerai plus. Je suis bien aise que la police ait passé ces deux vers :

Le premier de l’État, quand il a pu déplaire,
S’il est persécuté, doit souffrir et se taire ,3


et encore celui-ci :

Pourrais-tu rechercher cette basse grandeur ?4

La police a jugé sagement que ces choses-là n’arrivaient qu’en Perse.

Je vous remercie, mon cher ami, de l’intérêt que vous prenez à mes petites affaires. Je ne me suis point encore ressenti des arrangements économiques de M. le duc de Virtemberg.

J’écris à Cadix au sujet de la banqueroute des Gilly, mais j’espère très peu de chose. Les Gilly n’ont fait que de mauvaises affaires.

Vous m’avez mandé, par votre dernière lettre, que Mlle de L’Espinasse 5 désirait des sottises complètes . Il n’y a qu’à en prendre un recueil chez Merlin, le faire relier, et le lui envoyer. Ce sera autant de payé sur les mille livres qu’il doit à Wagnière.

Je reçois dans ce moment une lettre de M. de Courteilles, qui est enchanté de votre mémoire.

Je vous embrasse plus fort que jamais. E[crasez] L['infâme] .

M. Damilaville est prié de donner cours aux incluses 6

1 Copie contemporaine Darmstadt B. ; édition de Kehl. Le poste scriptum,manquant dans la copie Darmstadt est remplacé par Kehl et toutes éditions, sauf celle de 1813, par une phrase empruntée à la lettre du 6 mars : Je voudrais vous envoyer du Lamberta, mais comment faire ? 

2V* lui-même , bien entendu .

3 Les Scythes, Ac. I, sc. 3 .

4 Ibid, mais le vers a été légèrement modifié .

5 Voir lettre du 3 mars 1766 à d'Alembert : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvre... .

6 Ce peut être la lettre à M***, conseiller au parlement, etc. :.D’Alembert ne publia qu’en 1767 la Lettre à M***, conseiller au parlement de ***, pour servir de supplément à l’ouvrage qui est dédié à ce même magistrat, et qui a pour titre : Sur la Destruction des jésuites en France, par un auteur désintéressé ; mais cette lettre était faite dès 1765. Ou alors il s'agit sans doute d'un certain nombre de lettres de ce 4 mars 1767 , sinon toutes .

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16/08/2022 | Lien permanent

Ainsi va le monde

..."pour que ces hommes ineptes ne mourussent pas de faim et de misère" dit Frédéric der Grosse, en préambule, ou en complément de Voltaire . Bien des rois en ce XXIè siècle correspondent exactement à ces déclarations du XVIIIè , hélas .

 Bien des hommes politiques aussi ! sans avoir besoin de les chercher outre frontières, nous avons notre lot français qui se renouvelle sans trêve , et au fil d'élections qui mobilisent de moins en moins d'électeurs, ils ne vont bientôt représenter qu'eux mêmes . Et nous , éternels contribuables, allons-nous continuer à les nourrir grassement .

Quand je vois les sommes faramineuses dépensées pour quelques prétendues grand'messes de partis, comme à l'UMP avec Copé et Sarko, je frémis à l'idée de leur confier la gestion de la France . Pas vous ?

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N'oublions pas les guignolos et guignolettes  de la téléréalité qui n'intéressent qu'eux-mêmes .

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

Au château de Tournay par Genève

9 avril [1759]

Madame, daignez recevoir ces vers que le roi de Prusse m'ordonne absolument de publier 1 . Ils sont tristes et convenables au temps . Puissiez-vous madame vivre aussi heureuse que les dernières années de Mme la margrave de Bareith ont été cruelles,2 puisse le ciel donner à votre Altesse Sérénissime les jours qu'il lui a ôtés et prolonger votre vie précieuse 3.

Je ne lis point les gazettes sans frémissement et sans douleur . Je vois que les deux partis prennent toujours vos terres pour le champ de leurs dévastations . Il est vrai qu'il y a de vastes étendues de pays encore plus à plaindre . On écrit aujourd'hui que tout est en combustion dans le Portugal, que les jésuites ont trouvé le secret de faire soulever les peuples, secret connu d'eux depuis assez longtemps , mais je ne puis plaindre un pays d'inquisition quand vos forêts sont abattues . On va s'égorger encore en Allemagne, et on prépare des fêtes à Lyon . Ainsi va le monde . On apprend à cinq heures du soir la mort de cinq à six mille hommes et on va gaiement à l'Opéra à cinq heures et un quart . Le roi de Prusse pour s'amuser à Breslau a fait l'oraison funèbre d'un maître cordonnier . Il dit dans cette pièce d'éloquence que la plupart des rois auraient même été de mauvais cordonniers et que Dieu ne les a fait rois que parce qu'ils n'auraient pu gagner leur vie que dans ce métier là 4. Il a oublié nos talons rouges dans cette oraison funèbre . Cependant il les avait vus . Je fais des vœux pour que vos Altesses Sérénissimes et la grande maîtresse des cœurs voient les talons de tous ceux qui viennent vous piller . Que Votre Altesse Sérénissime daigne toujours agréer les souhaits et le profond respect du Suisse V. »

1 C'est donc un exemplaire imprimé que V* adresse .

2 Pour la vie de la margravine, soeur de Frédéric II, voir : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-36489&M=pagination

3 Mot suivi de vie rayé .

4 V* adapte dans son style les dires du roi . Frédéric II avait écrit : « Oui, messieurs, ce bon citoyen que nous pleurons avait des qualités qui n'auraient point déparé le trône, tandis que nombre de ceux qui l'occupent sans talent et sans application ne seraient que de mauvais cordonniers, si l'aveugle fortune qui dirige les naissances ne les avaient faits ce qu'ils sont, par charité, et pour que ces hommes ineptes ne mourussent pas de faim et de misère . » (Œuvres de Frédéric, XV, 106)

 

 

 

 

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01/06/2014 | Lien permanent

Je n'ai pas pas peint les docteurs assez ridicules, les hommes d’État assez méchants, et la nature humaine assez folle .

 ... Et il tiendra parole, fort heureusement .

Cependant qu'on ne se méprenne pas lorsqu'il s'adresse aux docteurs, ce ne sont pas là les médecins soignant les corps mais ces doctes théologiens qui veulent asservir les âmes par des affirmations trop souvent fumeuses .

Pour les hommes d'Etat et la nature humaine, il a raison et est en dessous de la réalité .

A propos d'Etat, voyez l'article "démocratie" : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-dictionnaire-philosophique-d-comme-democratie-111882244.html

 Et à propos de la folle nature humaine, voir l'article "prophètes" : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-dictionnaire-philosophique-p-comme-prophetes-111882156.html

 Catégorie handisport

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... j'écrirai sur les hommes moins qu'on n'a écrit sur les insectes

 

 

« A Jean LEVESQUE de BURIGNY

Aux Délices , 10 de mai [1757]

Je ne puis trop vous remercier monsieur, de votre présent 1. Vous vous associez à la gloire d’Érasme et de Grotius en écrivant si bien leur histoire . On lira plus que ce que vous dites d'eux que leurs ouvrages ; il y a mille anecdotes dans ces deux vies qui sont bien précieuses pour les gens de lettres . Ces deux hommes sont heureux d'être venus avant ce siècle ; il nous faut aujourd’hui quelque chose d'un peu plus fort . Ils sont venus au commencement du repas ; nous sommes ivres à présent : nous demandons du vin du Cap 2 et de l'eau des Barbades 3 .

J'espère vous présenter dans un an, si je vis, cette Histoire des mœurs dont vous avez souffert l'esquisse . Je n'ai pas pas peint les docteurs assez ridicules, les hommes d’État assez méchants, et la nature humaine assez folle . Je me corrigerai . Je dirai moins de vérités triviales et plus de vérités intéressantes . Je m'amuse à parcourir les petites-maisons de l'univers ; il y a peut-être de la folie à cela mais elle est instructive . L'histoire des dates , des généalogies, des villes prises et reprises, a son mérite mais l'histoire des mœurs vaut mieux à mon gré . En tout cas j'écrirai sur les hommes moins qu'on n'a écrit sur les insectes 4.

Je finis par reprendre l'histoire de Grotius et pour avoir un nouveau plaisir . Conservez-moi vos bontés monsieur, et soyez persuadé de la tendre estime de votre, etc.

L'ermite Voltaire »

4 Les Mémoires pour servir à l'Histoire des insectes, par Réaumur, sont en six volumes in-4°; l'édition in-4° de l'Essai sur les Mœurs ne forme que trois volumes.

 

 

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30/10/2012 | Lien permanent

voici le temps d'imprimer séparément cette pièce , de laquelle vous pourrez tirer un profit assez honnête

 

 

 

 

« A Georg Conrad Walther

libraire du roi à Dresde .

 

A Potsdam ce 6 mars [1752]

 

J'ai reçu votre paquet, mon cher ami . Vous pouvez être sûr que M. de Francheville fera toutes les choses que vous lui recommanderez . J'attends les trois cartons que vous m'avez promis . Vous aurez avant qu'il soit peu le grand ouvrage dont je vous ai parlé i, mais en attendant je suis bien aise de vous dire que la tragédie de Catilina ou Rome sauvée vient d'avoir à Paris un des plus heureux succès que j'aie jamais eus au théâtre ii et que ainsi voici le temps d'imprimer séparément cette pièce iii, de laquelle vous pourrez tirer un profit assez honnête . Voyez si vous voulez y ajouter le Catilina de Crébillon . Ces deux pièces de comparaison pourraient piquer la curiosité du public surtout lorsqu'elles seraient accompagnées de quelques remarques curieuses .

 

On pourra vous envoyer le tout avec une préface historique et critique . Cela pourrait faire un petit volume qui serait de défaite iv.

 

Au reste vous pourriez, tant pour l'emballage des ballots qu'on vous a fait tenir que pour la peine de ceux qui ont fait les remarques sur Catilina et autres menus frais et déboursés nécessaires, envoyer la somme de 100R v payable sur quelque banquier de Berlin . Cela ne vous gênerait pas beaucoup et paierait à peine les frais d'autant plus que de 1500 écus auxquels vous vous étiez accordés pour le Siècle de Louis XIV, on s'est contenté de 1400 vi. Ainsi vous aurez Rome sauvée absolument pour rien . C'est sur quoi nous attendons votre réponse . Si vous avez l'histoire chronologique de l'abbé Lenglet du Fresnoy vii, en deux tomes, vous me ferez plaisir de me l'envoyer sans délai . J'en ai un besoin pressant .

 

Je suis entièrement à vous, mon cher Walther, et vous embrasse de tout mon cœur .

 

Voltaire . »

 

i Le 15 janvier, V* va envoyer de quoi faire sept volumes des Œuvres complètes, et il lui annonçait pour le mois de juin « le La Fontaine pour premier auteur classique » de la série d'éditions commentées qu'il projette de faire( sans suite) ajoutant qu'il « ne ferai pas attendre pour le reste » ; ce reste est sans doute ce dont il s'agit bien qu'il continue à corriger Le Siècle de Louis XIV en tenant compte des critiques et documents qu'on lui envoie .

Voir aussi : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-le-siecle-de-lo...

ii A d'autres correspondants, V* parle d'ivresse « passagère du public » à Cideville et d'enthousiasme qui « passe » à d'Argental, les 10 et 11 mars .

Pages 369 et 370 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800327/f374.image.r...

iii Le 18 mars il annoncera à Walther qu'il faut apporter des corrections .

 

iv = qui se débiterait facilement .

vi Ce marché a été négocié en janvier . Le 15, il lui écrit : « (des libraires hollandais) ont écrit à M. de Francheville et lui ont offert dix-huit cents écus de l'édition du Siècle de Louis XIV pour 2400 exemplaires . Vous auriez la préférence ..., on vous donnera les 2400 exemplaires pour 1500 écus, ce qui est à peu près les 500 ducats que vous offrez avec l'honoraire dû à M. de Francheville et au secrétaire » ; le 18 : « Quand M. de Francheville a mis le prix de quinze cents écus à l'édition qu'il vous offre ..., il a fait le compte juste de tout ce que l'ouvrage a coûté ... Cependant, si vous ne voulez pas entrer dans cette considération, on vous laissera les 2400 exemplaires pour quatorze cents écus . »

Voir : http://c18.net/vo/vo_textes_siecle.php?div1=45

vii Tables chronologiques de l'histoire universelle de Lenglet du Fresnoy.

Voir par ex. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k204271w.r=.langFR

et

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2042728.r=.langFR...

 

 

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06/03/2011 | Lien permanent

Vous avez, messieurs, autant de charlatanisme en physique qu'en médecine mais enfin il est toujours beau d'encourager de

 ... Avec en ce moment, il me semble , une palme remportée sur le Net par le logiciel RIOT, espion performant, plus fort que 007 : http://www.bfmtv.com/high-tech/riot-moteur-scanne-vos-requetes-et-vie-privee-447272.html

riot espion web.jpg

 

 Utile !?

 

 

 

« A M. Nicolas-Claude THIERIOT.
Chez Mme la comtesse de Montmorency

rue Vivienne à Paris
Aux Délices, 7 décembre. [1757]
Vous avez su, mon ancien ami, comment les Français ont été vengés par les Autrichiens. Dix-sept ponts jetés en un moment sur l'Oder, des retranchements attaqués en treize endroits à la fois, une victoire aussi complète que sanglante, l'artillerie prussienne prise, Breslau bloquée, ce sont là des consolations et des encouragements. Il faut espérer que M. le duc de Richelieu réparera de son côté le malheur de M. de Soubise. Le roi de Prusse m'écrit toujours des vers en donnant des batailles mais soyez sûr que j'aime encore mieux ma patrie que ses vers, et que j'ai tous les sentiments que je dois avoir.

Je n'ai point lu les rogatons pédantesques de je ne sais quel malheureux qui a voulu justifier le meurtre de Servet. Je sais seulement que ces écrits sont ici regardés avec mépris et avec horreur de tous les honnêtes gens sans exception. Comptez qu'il est heureux de vivre avec des magistrats qui vous disent Nous détestons l'injustice de nos pères, et nous regardons avec exécration ceux qui veulent la justifier.
Vous voyez, mon ancien ami, quels progrès a faits la raison. C'est à ces progrès qu'on doit le peu d'effet des billets de confession et de vos dernières querelles. En d'autres temps elles auraient bouleversé le royaume.
J'ai lu et relu l'Éloge de Dumarsais, et je bénis la noble hardiesse de M. d'Alembert; j'attends le septième volume de l'Encyclopédie. Tous les articles ne peuvent être égaux, mais il y en a d'admirables dans chaque volume.
Je suis bien aise que les poètes fassent fortune quand leurs ouvrages ne la font pas, et qu'un poète succède à un fermier général 1. J'ai aussi quelquefois chez moi une fermière générale, c'est Mme d'Épinai mais je ne l'épouserai pas, elle a un mari jeune et aimable. Pour elle, c'est à mon gré une des femmes qui ont le meilleur esprit. Si ses nerfs étaient comme son âme et en avaient la force, elle ne serait pas à Genève entre les mains de M. Tronchin 2. Nous ne sommes jamais sans quelque belle dame de Paris. On ira bientôt à Genève comme on va aux eaux, et on s'en trouvera mieux.
Ferchault Reaumur 3 avait, je crois, dix-sept mille livres tournois de pension pour avoir gâté du fer et de la porcelaine, et pour avoir disséqué des mouches. Il a été bien payé. Vous avez, messieurs, autant de charlatanisme en physique qu'en médecine mais enfin il est toujours beau d'encourager des arts utiles.
Si quid novi, scribe veteri amico.4 »

1 Mme Dufort (Mademoiselle de Caulincourt, mariée en premières noces à Grimod Dufort. ) avait épousé Jean-Jacques Lefranc de Pompignan . 

Desnoiresterres cite à son propos une lettre à Marmontel du 13 août 1760, dans laquelle Voltaire ironise sur la fonction de Dufort, directeur des postes : « Quoique Le Franc ait épousé la veuve d’un directeur des postes, il ne peut empêcher qu’on ne me donne, tous les ordinaires, une liste de ses ridicules ».

2 Théodore Tronchin, médecin célèbre .

3 Mort le 17 octobre 1757 . V* est trop critique et injuste . Réaumur avait fait découvertes et travaux importants. Il a laissé à l'Académie des sciences la rente de 12000 livres qui lui avait été accordée en récompense de ses travaux sur le fer et l'acier .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9-Antoine_Ferchault_de_R%C3%A9aumur

4 S'il y a quelque chose de nouveau, écris-le à ton vieil ami .

 

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13/02/2013 | Lien permanent

Je ferai retentir les échos du mont Jura et des Alpes, du nom de l'auguste

... Marine Le Pen, véritable reine des lèche-culs envers Matteo Salvini ; elle vient de faire son numéro dans "la belle ville de Milan" où elle n'a pas eu de termes assez élogieux pour ses coreligionnaires nationalistes et souverainistes dans "cette gigantesque réunion historique" où  "le RN a mis le sujet européen au coeur des discussions", avec  un "bilan fantastique" alors que l'Union européenne a "un bilan terrifiant" sur lequel elle "pourrait parler trois heures ". Son discours est un remarquable remake de ceux qui ont cours dans ces merveilleux pays totalitaires qui semblent bien lui plaire : "nous  sommes des pays souverainistes" se gargarise-t-elle sans fin  .

Ah ! quel bel avenir que celui ce cette harengère nous promet !*

*[Que les gentilles harengères me pardonnent ce désagréable rapprochement]

 

 

« A François-Pierre Pictet

à Pétersbourg

Au château de Ferney 20è avril 1764 1

Mon cher géant, je vous devais un compliment de condoléance 2, et un autre de félicitation ; le triste état de ma santé ne m'a permis de m'acquitter d'aucun de ces devoirs . On dit que vous avez fait un brillant mariage 3, attendu qu'il est fondé sur des pierreries . Je ne doute pas que votre femme n'ait encore plus d'éclat et que vous ne soyez le géant du monde le plus heureux . Je ne sais ni ce que vous faites ni où vous êtes . Peut-être votre auguste souveraine va-t-elle conquérir la Chine ; peut-être va-t-elle donner des lois à la Pologne, vous pourrez devenir mandarin ou palatin ; mais quoi qu’il vous arrive je m’intéresserai toujours à vous , comme si vous étiez encore sur les bords du lac Léman , où j'achève paisiblement ma vie . Je ferai retentir les échos du mont Jura et des Alpes, du nom de l'auguste Catherine . Je me souviens d'une tragédie de Quinault, dont Boileau se moque 4, parce que l'auteur introduisait une reine des Massagètes, écrivant sur ses tablettes un madrigal . Boileau n'imagine pas qu'une reine des Massagètes puisse avoir de l'esprit . Il serait bien étonné s'il revenait au monde, et s’il savait que la souveraine de la vaste Scythie a plus d'esprit que lui, écrit mieux en prose, et possède plus de langues qu'il n'en savait . C'est ainsi que Cicéron raillait son frère 5 qui avait accompagné César dans sa descente en Angleterre ; il lui demande s'il a vu chez les Anglais beaucoup de philosophes ; il ne prévoyait pas qu’un jour il [y] en aurait à Londres beaucoup plus qu'à Rome .

Vous autres Allobroges vous vous formez aussi, les Genevois s'adonnent à la vraie philosophie : un petit horloger accusé devant votre sacré consistoire d'avoir commis le péché énorme de la fornication, et condamné à demander pardon à genoux, a répondu à la vénérable compagnie qu'il n'en ferait rien . On a eu beau lui dire que les empereurs, Louis le Débonnaire et Henri IV s'étaient mis à genoux devant des prêtres , il a répondu que cela était bon pour les empereurs, mais qu'un horloger de Genève n’était pas si sot . Tout le peuple a pris son parti, et le consistoire a eu un beau pied de nez .

Vous voyez que vous pouvez revenir dans votre patrie en toute sûreté ; les fils de conseillers, et surtout les géants ont plus de droits que les horlogers . Mon théâtre subsiste toujours en dépit de Calvin, vous y jouerez le rôle qui vous plaira . Pour moi qui suis vieux et presque aveugle, j'ai renoncé à ce plaisir-là comme aux autres , mais je ne renoncerai jamais au plaisir de vous aimer et d'être aimé de vous .

V. »

1 Sur l'original , mention « f[ran]co Nuremberg ».

2 Sa sœur Camille-Anne est morte le 18 mars 1764 .

3 La nouvelle est fausse car Pictet épousera à Paris Catherine Le Maignen le 22 août 1764 .

4 Tragédie Cyrus, dont Boileau se moque en même temps que du roman de Mlle de Scudéry, dans son Dialogue sur les héros de roman ; Wagnière a écrit du tragédie, hésitant probablement entre du tragédien et d'une tragédie . Voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/BOILEAU_HEROSDEROMAN.pdf

et : http://théâtre-documentation.com/content/la-mort-de-cyrus-philippe-quinault

5 Cicéron , Ad Quintum, II, XV ; http://remacle.org/bloodwolf/orateurs/signis.htm

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18/05/2019 | Lien permanent

Nous ne savons plus ce que nous voulons . Notre nation est folle et probablement le sera toujours

... Voltaire dixit , l'actualité le confirme . J'ai envie de renoncer à ma nationalité quand je vois ce dont sont capables mes compatriotes   (agresseurs de pompiers et des soignants ) pires que des charognards , à mettre en cage d'urgence .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

27 mars 1764] 1

Eh bien mes anges gardiens, si on donne des ordures à l'Opéra-Comique, on montre donc la rareté et le curiosité 2 à la Comédie-Française ? Il est vrai qu'il faut un peu de ces facéties pour réveiller le public assoupi qui dort au théâtre depuis si longtemps . Il a fallu dissiper l'ennui de l'uniformité . Le grand malheur de notre théâtre c'est que presque toutes les tragédies se ressemblent . Comment fera-t-on d'ores en avant ?3 Voilà mon embarras . Il paraît aussi difficile de trouver des auteurs et des acteurs qu'à un contrôleur général de trouver de l'argent . Je croyais que ce serait Grandval qui grasseyerait le rôle d'Antigone mais il a été annoncé, dit-on , par ce bellâtre de Bellecour, qui avec ses gestes de province répand dit-on la glace à pleines mains . Je crois révérence parler qu'Olympie a été mieux jouée à Ferney qu'à Paris . L'exagération est un peu forte, mais il faut pardonner aux campagnards d'aimer le vin cru . Il arrivera malheur au théâtre parisien . La pompe et le grand appareil du spectacle ayant réussi on ne voudra plus donner que du Servandoni 4. Les anciennes pièces paraîtront fades et les nouvelles ne seront que les grandes marionnettes ; nous passerons en tout d'une extrémité à l'autre . Nous ne savons plus ce que nous voulons . Notre nation est folle et probablement le sera toujours , mais ce qu'il y a de plus plaisant ce sont les gens de votre pays qui veulent faire les graves . Ne riez-vous pas prodigieusement de tout ce que vous voyez ? Que vous faites à merveille de songer à vous amuser dès qu'il est quatre heures et demie, et d'aller juger les belles lenteurs de Clairon et les belles convulsions de Dumesnil ? Avouez que je suis bien bon d'abandonner ma charrue et mon râteau pour amuser MM. les Parisiens, mais c'est vous qui m'y avez forcé, c'est vous qui avez fait L'Orphelin de la Chine, Tancrède, Le Droit du Seigneur, Olympie et Les Roués . Je vous enverrai quand vous voudrez un nouveau quatrième acte pour ces Roués ; je n'ai pas actuellement mon clerc à côté de moi, mais la chose ne presse pas et vous avez du temps devant vous.

Je suis très fâché de la goutte de M. le duc de Praslin 5 et je suis très aise que Mme de Pompadour se porte mieux . Il est vrai qu’elle aimait beaucoup Catilina, mais enfin c'est toujours aimer les belles-lettres, et c'est un goût assez rare à votre cour . Avez-vous entendu parler de la palissotise 6 intitulée La Dunciade ? Je me flatte que M. le duc de Choiseul ne » 

1 On ne possède que les quatre premières pages de la lettre, le reste du texte ne peut être suppléé par aucune autre source .

2 Sur la rareté et la curiosité, voir lettre du 16 décembre 1760 à Lekain : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1760-partie-48-121093171.html

3 D'ores en avant est considéré comme archaïque par le Dictionnaire de Trévoux, 1721 ; tandis que Richelet, 1680, le donne comme « pas trop usité ».

5 Ce mot est écrit Prazlin, ce qui ne témoigne pas de la prononciation de V* puisqu'il écrit par ailleurs Pralin, par exemple dans la lettre du 21 mars 1764 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/04/28/il-n-etait-pas-juste-en-verite-que-ce-fut-moi-qui-semat-et-l-6146886.html

6 On a vu palissotise dans la lettre du 26 mars 1764 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/05/02/j-ai-toujours-dit-ce-que-j-ai-pense-et-je-ne-connais-aucun-cas-dans-lequel.html

L'édition de La Dunciade, ou la Guerre des sots, poème dont V* parle ici est de Chelsea et est présente dans sa bibliothèque ; elle ne comprend que trois livres . V* acquiert plus tard l'édition de Londres , 1771 ; voir lettre du 4 avril 1764 à Palissot : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-12.html

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02/05/2019 | Lien permanent

J’aime encore mieux un sifflet qu’un changement fait malgré moi

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

25è mars [1763]

Je viens de la lire 1 ; la voilà donc , il en sera ce qu’il pourra . Mais c’est à cette seule condition qu’on la jouera comme je l’ai faite, et non point comme je ne l’ai pas faite, parce que c’est mon ouvrage que je donne, et non pas celui d’un autre. J’aime encore mieux un sifflet qu’un changement fait malgré moi. S’il y a la moindre difficulté, je supplie mes anges de supprimer tout.

Le rôle d’Olympie demande de la naïveté, de la tendresse, et au cinquième acte une douleur renfermée en elle-même : cela n’exige pas des talents bien supérieurs ; pour peu que l’actrice ait une voix et une figure intéressantes, le rôle doit être touchant.

Il s’agirait d’avoir un Cassandre qui eût de la voix, de la figure, et de la chaleur ; sans quoi le risque est assez grand. Enfin voilà de quoi amuser mes anges pendant le saint temps de Pâques.

Ils n’ont pas daigné me dire s’il est vrai qu’on ait mis à la Bastille un réviseur théâtral nommé Marin, pour quatre vers d’un Théagène 2 dont on a fait, dit-on, l’application la plus maligne et la plus injuste au roi 3. Il me paraît qu’au contraire ce Marin est très louable de n’avoir pas seulement soupçonné que ces vers pussent regarder Sa Majesté. Je ne crois pas qu’il y ait de pièce qui pût rester au théâtre, si on y cherchait des allusions. Cela est du plus mauvais exemple du monde.

On dit que Jean-Jacques a écrit une lettre à l’archevêque de Paris, dont le titre est : Jean-Jacques à Christophe 4. La lettre, dit-on, est fort salée : on peut écrire comme on veut à des archevêques quand on est à Neuchâtel, dans le pays du roi de Prusse.

Madame Denis remercie bien mes anges : elle est fort languissante . Mes yeux vont en dépérissant, comme de raison. Lisez le bonhomme Salomon : vous verrez que quand celles qui se mettent à la fenêtre ne s’y mettent plus, quand celles qui allaient au moulin n’y vont plus, quand la corde s'est cassée sur le bord du puits 5, il faut faire une honnête retraite etc.

Mes tendres respects pour moi et ma pupille. »

1 Olympie .

2 Théagène et Chariclée, tragédie de Dorat, jouée le 2 mars 1763 .

3 Marin , dont on a déjà parlé dans la lettre du 4 janvier 1763 à Cramer ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/11/14/si-on-ne-prend-pas-ce-parti-tout-sera-infailliblement-perdu-5999156.html ) avait été embastillé quelques jours pour avoir laissé passer les vers suivants, aussi malveillants que détestables :

Au trône, du berceau ces monarques admis,

Ont droit de végéter dans la pourpre endormis,

Et , chargeant de son poids un ministre suprême,

De garder pour eux seuls l'éclat du diadème .

4 Rousseau avait répondu à la condamnation de l'Emile par l'opuscule intitulé Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris ; sous le titre de son exemplaire, V* a écrit : « Le titre est une bouffonnerie et l'ouvrage veut être sérieux. » . Voir : https://www.rousseauonline.ch/pdf/rousseauonline-0027.pdf

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lettre_%C3%A0_Christophe_de_Beaumont

5 Référence biblique à l'Ecclésiaste,XII, 3-6, dont V* fait usage à bon escient .

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19/03/2018 | Lien permanent

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