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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

C’est un homme d’un rare mérite que

... Omar Youssef Souleimane  : https://www.lepoint.fr/societe/c-est-grace-au-coran-que-je-suis-devenu-athee-03-01-2018-2183734_23.php

et , côté féminin , de mérite aussi sans conteste , Maryam Manazie : https://www.lepoint.fr/societe/maryam-namazie-il-y-a-un-tsunami-d-atheisme-dans-le-monde-musulman-04-01-2018-2183922_23.php

Je persiste dans l'athéisme, me direz-vous ; oui, car comment concevoir un dieu ou des dieux et esprits angéliques ou sataniques, et un monde féérique ou infernal après la mort ? Pures inventions romanesques, -pour enfants crédules et abrutis,- dont on a fait des armes de domination . Bah !

Amazon.fr - Les Aventures Veridiques de Jean Meslier (1664-1729) Cure, Athee  et Révolutionnaire - Thierry Guilabert, Michel Onfray - Livres

Avec l'approbation de M. de Voltaire

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

23 [Septembre 1765] 1

Or mes anges, voilà donc mon ami Fabry agent par intérim de la parvulissime république de Genève 2. Mais quand vous voudrez, vous m’enverrez les Roués ; et, en attendant, permettez que je vous adresse ce petit mot pour le duc de Vendôme 3.

Je viens de lire le sublime Éloge de Descartes, par M. Thomas. J’aime mieux lire, je vous jure, le panégyriste que le héros. C’est un homme d’un rare mérite que ce Thomas ; et ni Thomas d’Aquin, ni Thomas Didyme, ni Thomas de Cantorberi, n’approchent de lui. Il avait bien voulu m’envoyer son ouvrage, et le paquet contre-signé Praslin était resté chez ce pauvre Montpéroux pendant sa dernière maladie.

Vous voyez donc bien que je reçois mes paquets contresignés, à moins que les résidents ne soient morts, et que c’est pure malice si vous ne m’envoyez pas les Roués, et pure malice encore si Lekain ne me fait pas tenir sa vieille Adélaïde . Car, encore une fois, je suis très en peine de savoir laquelle des trois copies est la passable.

Vous [vous] souciez 4 fort peu de savoir que l’impératrice de Russie, la bonne amie de l’abbé Bazin, voulait avoir des filles pour enseigner le français aux petites filles de son empire. Plusieurs étaient déjà parties. Le conseil de Genève a trouvé cela fort mauvais , et sans aucun respect pour l’impératrice ; il 5 a fait arrêter ces filles dans l’État de Berne, qui a favorisé leur enlèvement 6. L’auguste et ferme Catherine sera très courroucée, et moi je le suis aussi. Cette action me paraît brutale et tyrannique. Je ne prends plus le parti du Conseil genevois que pour mes dîmes.

Voici un placet pour Lekain, sur lequel je vous demande votre protection. »

1 Date complétée par d'Argental.

2 Après que Montpéroux a été suppléé automatiquement par Etienne-Marie Recville, aumonier de la résidence, entre le 7 septembre et le 27 octobre 1765, ce fut Fabry qui occupera le poste du 27 octobre au 16 décembre 1765 .

3 Lekain , bien sûr .

4 Un emploi apparemment comparable est dans une lettre de 1764 ; on a corrigé l'original ici , vous souciez : si soucier se trouve quelquefois à la forme non pronominale, jsuqu'à l'époque classique, le sujet est toujours, dans ce cas, la chose qui cause le souci . Du reste la faute s'explique sur le plan paléographique, et de tels lapsus calami sont fréquent chez V*.

5 V* a d'abord écrit elle, rayé .

6 Il est fait plusieurs fois mention de cette affaire dans les archives de Genève ( CCLXV, 384, 388-389, 397-398, 43, 419-420, 425-427, 430-431, 434, 437-438, etc. )

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23/01/2021 | Lien permanent

Les Anglais, nos vainqueurs, sont obligés de s’imposer des taxes pour payer leurs dettes ; il faut au moins que les vain

... Que ce soit au XVIIIè siècle ou au XXIè, les Anglais ont toujours l'art de semer la zizanie , militairement ou/et économiquement . Comme alliés, vraiment, on peut trouver mieux, non ?

http://blog.lefigaro.fr/agriculture/2018/05/farm-europe-e...

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« A Etienne-Noël Damilaville, Premier commis

des bureaux du vingtième

Quai Saint-Bernard

à Paris

9è mai [1763]

C’est pour vous confirmer, mon cher frère, que je ne peux me dispenser d’attendre les remarques que M. d’Argental a eu la bonté de me promettre de la part de M. le président de Mesnières et de M. l’abbé de Chauvelin. Je dois certainement attendre ces remarques et y déférer ; ils sont instruits, et ils veulent bien m’instruire : c’est à moi de profiter de leurs lumières, et de les remercier. L’enchanteur Merlin 1 n’a donc qu’à tenir bien renfermés tous les grimoires que les frères Cramer lui ont envoyés : il n’y perdra rien ; on pourra même, pour plus de facilité, imprimer à Paris les deux chapitres qu’il faudra corriger. Il serait bon que le nom de ce Merlin fût absolument ignoré de tout le monde ; il faut qu’il soit le libraire des philosophes ; cette dignité peut mener un jour à la fortune ou au martyre ; ainsi il doit être invisible comme les rose-croix.

Plus je vieillis, et plus je deviens implacable envers l’infâme ! Quel monstre abominable ! J’embrasse tendrement tous les frères.

Dites-moi, je vous en conjure, des nouvelles du paquet que je vous ai adressé pour M. le comte de Bruc . Si vous ne l’avez pas reçu, il est important que vous le redemandiez, et M. Jeannel vous le fera remettre sans doute en payant . M. d’Alembert ne vous a-t-il pas fait remettre six cents livres ? Je crois que je vous en dois davantage pour le paiement des livres que vous avez eu la bonté de me faire avoir.

Est-il vrai que le parlement fait des difficultés sur les édits du roi 2 ? Ces édits m’ont paru de la plus grande sagesse . Les Anglais, nos vainqueurs, sont obligés de s’imposer des taxes pour payer leurs dettes ; il faut au moins que les vaincus en fassent autant.

Souvenez-vous encore, mon cher frère, qu’il y a un Anglais 3 chargé d’un paquet pour M. d’Alembert ; et si vous voyez ce cacouac, ayez la bonté de le lui dire.

Voilà bien des articles sur lesquels je vous supplie de me répondre. Adieu ; ne vous verrai-je point avant de mourir ? Écrasez l’infâme .

 

Je rouvre ma lettre pour vous dire, mon cher frère, qu’il est important que vous alliez voir M. Jeannel. Je suis au désespoir de ce contre-temps. Vous offrirez le paiement du paquet qu’on a retenu. C’est une bagatelle qui ne peut faire de difficulté ; mais le point essentiel est qu’on vous rende la lettre pour M. le comte de Bruc, l’un de nos frères, très zélé. Il faut au moins obtenir que M. Jeannel ne nous fasse pas de la peine ; c’était, ne vous déplaise, un Meslier dont il s’agissait ; c’était un de mes amis qui envoyait ce Meslier à M. de Bruc . Ni la lettre ni la brochure ne sont parvenues. Je vous ai écrit trois fois sur cette affaire sans avoir eu de réponse. M. de Jeannel est généreux et bienfaisant , il ne refusera pas de nous tirer de ce petit embarras. Je vous répète que je n’avais aucune part ni à la lettre écrite à M. de Bruc, ni à la brochure. Ce paquet fut retenu dans les premiers jours où l’on parlait du mandement de Jean-Jacques à Christophe, et il y a quelque apparence que ce mandement de J.-J. nous aura nui. Je m’en remets à votre prudence ; mais je vous assure que la chose mérite d’être approfondie.

J’ai reçu tous les livres que vous avez eu la bonté de m’envoyer. Je reçois les Troyennes 4 : cela prouve qu’il y a des envois heureux et d’autres malheureux. »

1 Le libraire Merlin que V* surnomme ainsi .

2 Des édits financiers .

3 Macartney .

4 Tragédie de Châteaubrun Voir lettre du 5 mars 1763 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/02/12/e... .

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04/05/2018 | Lien permanent

je dois supporter les inconvénients en jouissant des avantages

... Mais combien ne veulent que le beurre, l'argent du beurre et la main de la crêmière (et plus si affinité ! ) et râlent d'avoir à s'occuper aussi de l'aigre petit lait .

 

 

« A Jean-Baptiste Espérance, comte de Laurencin

24è juin 1767 au château de Ferney par Genève 1

Monsieur, j'ai été très touché de votre lettre 2. Je dois à la sensibilité que vous me témoignez l'aveu de l'état où je me trouve. Je me suis retiré, il y a environ treize ans, dans le pays de Gex, près de la Franche-Comté, où j'ai la plus grande partie de ma fortune; mais mon âge, ma faible santé, les neiges dont je suis entouré huit mois de l'année dans un pays d'ailleurs très riant, et surtout les troubles de Genève et l'interruption de tout commerce avec cette ville, m'avaient fait penser à faire une acquisition dans un climat plus doux. On m'a offert vingt maisons dans le voisinage de Lyon. Tout ce que vous voulez bien m'écrire, et votre façon de penser, qui me charme, me détermineraient à préférer votre château, pourvu que vous n'en sortissiez pas ; mais j'ai avec moi tant de personnes dont je ne puis me séparer que ma transmigration devient très difficile car, outre une de mes nièces, à qui j'ai donné la terre que j'habite, j'ai marié une descendante du grand Corneille à un gentilhomme du voisinage ; ils logent dans le château avec leurs enfants. J'ai encore deux autres ménages dont je prends soin; un parent impotent 3, qu'on ne peut transporter; un aumônier auparavant jésuite 4; un jeune homme 5 que M. le maréchal de Richelieu m'a confié, un domestique trop nombreux et enfin je suis obligé de gouverner cette terre, parce que la cessation du commerce avec Genève empêche qu'on ne trouve des fermiers.

Toutes ces raisons me forcent à demeurer où je suis, quelque dur que soit le climat, dans quelque gêne que les troubles de Genève puissent me mettre. M. le duc de Choiseul a bien voulu adoucir le désagrément de ma situation par toutes les facilités possibles. D'ailleurs ma terre, et une autre dont je jouis aux portes de Genève, ont un privilège presque unique dans le royaume, celui de ne rien payer au roi, et d'être parfaitement libres, excepté dans le ressort de la justice. Ainsi vous voyez, monsieur, que tout est compensé, et que je dois supporter les inconvénients en jouissant des avantages.

Je vous remercie de vos offres, monsieur, avec bien de la reconnaissance. Vos sentiments m'ont encore plus flatté; je vois combien vous avez cultivé votre raison. Vous avez un cœur généreux et un esprit juste. Je voudrais vous envoyer des livres qui pussent occuper votre loisir. Je commence par vous adresser un petit écrit qui a paru sur la cruelle aventure des Calas et des Sirven ; je l'envoie à M. Tabareau, qui vous le fera tenir. Si je trouve quelque occasion de vous faire des envois plus considérables, je ne la manquerai pas. Il est fort difficile de faire passer des livres de Genève à Lyon. Il est triste que ces ressources de l'âme, et les consolations de la retraite, soient interdites.

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. 

Voltaire

gentilhomme ordinaire

de la chambre du roi .»

1 Manuscrit olographe, sauf la date ; édition de Kehl ; Pierre Cornuau Lettres autographes composant la collection de Mme G. Whitney Hoff, 1934 . le manuscrit est passé à la vente Sotheby le 11 juin 1968.

2 Le comte de Laurencin croyant que V* voulait s'établir près de Lyon lui a offert sa propre maison près de Villefranche-sur-Saône.

3 Daumart .

4 Le père Adam .

5 C. Galien .

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07/01/2023 | Lien permanent

Je sais à quel point il est dangereux

.... dit Poutine sur Prigojin, lequel dit la même chose en parlant de Poutine , les deux se servant d'un de l'autre pour assoir leurs fortunes . Avantage pour celui qui a le plus d'armes à disposition ou qui a le plus de combattants efficaces ? Wagner donne un nouveau "Maître chanteur" , et sa musique est détestable .

Quand deux charognards s'entendent, les herbivores se planquent : https://www.lexpress.fr/monde/europe/russie-comment-pouti...

L'autorité de Poutine entamée

 

 

 

« A Pierre-Michel Hennin

Lorsque vous prîtes le sieur Gallien 1, monsieur, l’humanité et l’espérance qu’il se corrigerait sous vos yeux m’engagèrent à ensevelir dans le silence tous les sujets que je pouvais avoir de me plaindre de lui.

M. le maréchal de Richelieu, qui l’avait fait enfermer à Saint-Lazare pendant une année, me l’envoya, et me pria de veiller sur sa conduite. Toute ma maison sait quelles attentions j’ai eues pour lui. M. le maréchal me recommanda expressément de le faire manger avec les principaux domestiques. J’ai rempli toutes les vues de M. le maréchal, autant qu’il a été en moi, pendant une année entière. J’ai dissimulé tous ses torts.

Depuis qu’il est chez vous, il a écrit à M. le maréchal de Richelieu des lettres dont je ne dois pas assurément être content, et que M. le maréchal m’a renvoyées.

Je me flatte que vous approuverez le silence que j’ai gardé si longtemps avec vous, et l’aveu que je suis obligé de vous faire aujourd’hui.

Je suis bien sûr, au reste, que vous n’avez pas admis ce jeune homme dans vos secrets, et que vous avez bien senti dès le premier jour qu’il n’était pas fait pour être dans votre confidence. Je sais à quel point il est dangereux, et vous ne savez pas ce que j’en ai souffert.

Le parti que vous prenez de le chasser est indispensable. Comptez que vous prévenez par là des chagrins qu’il vous aurait attirés. Il voulait aller chez ses parents au village de Salmorans, dont il est natif 2. Je pense qu’il est à propos qu’il y retourne incessamment. La plus grande bonté que vous puissiez avoir pour lui est de l’avertir sérieusement qu’il se prépare un avenir bien malheureux, s’il ne réforme pas sa conduite.

L’article de ses dettes sera très embarrassant. Je pense qu’il serait assez convenable que vous fissiez rendre les bijoux à ceux qui les ont vendus, et qui ne sont pas payés. Je crois qu’il doit beaucoup au sieur Souchay, marchand de drap. M. le maréchal de Richelieu ne veut point entrer dans ses dettes, qu’il avait expressément défendues. Cependant, si on peut faire quelque accommodement, je ne désespère pas qu’il n’accorde une petite somme.

Nous sommes infiniment sensibles, maman et moi, à l’embarras et aux désagréments que sa mauvaise conduite peut vous causer.

Adieu, monsieur ; je vous embrasse avec le plus tendre et le plus respectueux attachement.

V.

A Ferney 4è janvier 1768. »

1 Hennin a averti V* le 4 janvier 1768 que ledit Gallien a fait publier l'ouvrage suivant : « Les Morts politiques ou dialogue républicain entre Ésope bourgeois d'Amorie, et Abauzit bourgeois de Genève . Par un vieillard moribond très célèbre, qui ne sait rien »(aux Enfers, 1768), qui a paru le 31 décembre . Hennin a fait part à V* du mécontentement qu'il éprouve contre Gallien, et lui a demandé ce qu'il doit faire de celui-ci après cette nouvelle incartade.

Voir : https://books.google.fr/books/about/Les_morts_politiques_ou_dialogues_r%C3%A9pub.html?id=gIPOoQEACAAJ&redir_esc=y

2 Ailleurs Voltaire le dit né à Voiron. (Georges Avenel)

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28/07/2023 | Lien permanent

Genève, qui fait pour deux millions de contrebande par an, serait anéantie dans peu d’années

... si jamais la douane réussissait à saisir tout les fonds illégaux qui trouvent refuge dans les coffres helvétiques, et qui ne sont pas limités à deux millions . On peut voir ce qui se passait au temps de Voltaire qui dénonce une illégalité qui est toujours d'actualité : https://journals.openedition.org/chs/1470

Autour de l'Arve, des histoires de contrebande souvent dramatiques - Le  Messager

Contrebandiers contre douaniers , gendarmes contre voleurs, les truands ont souvent encore une longueur d'avance

 

 

 

« A Pierre de Buisson, chevalier de Beauteville

À Ferney, 10 février 1767

Monsieur, certainement j’irai rendre à Votre Excellence les visites dont elle m’a honoré quand elle voulait mettre la paix chez des gens qui ne méritent pas d’avoir la paix.

M. le duc de Choiseul m’a donné à la vérité toutes les facilités possibles ; mais, quelques bontés qu’il ait, la gêne et le fardeau retombent toujours sur nous. Quel pays que celui-ci ! Je n’ai pu trouver dans Paris une lettre de change sur Genève ; il faut faire venir l’argent par la poste. Les coches de Lyon et de Suisse n’arrivent plus, et je peux vous assurer qu’on trompe beaucoup M. le duc de Choiseul si on lui écrit que les Genevois souffrent ; il n’y a réellement que nous qui souffrons. On croit se venger d’eux, et on nous accable. Si on voulait effectivement rendre la vengeance utile, il faudrait établir un port au pays de Gex, ouvrir une grande route avec la Franche-Comté, commercer directement de Lyon avec la Suisse par Versoix, attirer à soi tout le commerce de Genève, entretenir seulement un corps de garde perpétuel dans trois villages entre Genève et le pays de Gex ; cela coûterait beaucoup, mais Genève, qui fait pour deux millions de contrebande par an, serait anéantie dans peu d’années 1. Si on se borne à saisir quelques pintes de lait 2 à nos paysannes, et à les empêcher d’acheter des souliers à Genève, on n’aura pas fait une campagne bien glorieuse.

Pardonnez-moi la liberté que je prends en faveur de la confiance que vous m’avez inspirée, et de l’intérêt très réel que j’ai à tous ces mouvements.

La petite affaire de la sœur du brave Thurot est finie de la manière dont je l’aurais finie moi-même si j’avais été juge. Je n’en ai point importuné M. le duc de Choiseul ; j’ai la principale obligation de tout à monsieur le vice-chancelier.

Je vous conseille de jeter Les Scythes dans le feu, car je les ai bien changés ; et je vais m’amuser à en faire une meilleure édition.

Permettez que M. le chevalier de Taulès trouve ici les assurances des sentiments que j’aurai pour lui toute ma vie.

J'ai l’honneur d’être, avec bien du respect, et la plus tendre reconnaissance de toutes vos bontés, monsieur, de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire. »

1 On a ici la première allusion à un projet hardi qui fut adopté par Choiseul, et qui aurait pu effectivement ruiner Genève si le ministre n'avait pas été destitué en 1770 . Si l'entreprise concernant Versoix avait été exécutée, cette localité n'aurait certainement pas été cédée à Genève et à la Confédération helvétique après la chue de Napoléon en 1815 . Le plan de V* témoigne non seulement de son côté bâtisseur mais aussi de sa rancune envers Genève .

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19/06/2022 | Lien permanent

On tient en esclavage les corps et les esprits autant qu’on le peut. Pour comble de malheur, la fausse politique protège

...Tant de gouvernements fonctionnent en ce sens que je manque de place pour tous les citer, les pays démocratiques même n'étant pas capables d'échapper à cette tare , voir par exemple bon nombre d'Etats des USA et ce voyou de Trump , alors que dire des théocraties et dictatures ?

 

 

« A Paul-François de Quélen-Stuer de Caussade, duc de Saint-Mégrin 1

A Ferney  le 4è novembre 1768

Monsieur le duc, le vieux malade solitaire a été pénétré de l’honneur de votre visite et de votre souvenir. Il vous écrit à Paris, comme vous le lui avez ordonné. En quelque lieu que vous soyez, vous y faites du bien, vous acquérez continuellement de nouvelles lumières, et vous fortifiez votre belle âme contre les préjugés de toute espèce. Vous avez voyagé, dans la plus grande jeunesse 2, dans le même esprit que voyageaient autrefois les vieux sages, pour connaître les hommes et pour leur être utiles . Vous vous êtes mis en état de rendre un jour les plus grands services à votre nation 3 . Vous avez parcouru les provinces et les frontières en philosophe et en homme d’État . La raison et la patrie en sentiront un jour les effets. Je ne verrai pas ces jours heureux, mais je mourrai avec la consolation d’avoir vu celui qui les fera naître.

Votre philosophie bienfaisante est déjà connue 4, elle a été ornée des grâces de votre esprit ; tous les gens de lettres vous ont applaudi : il viendra un temps où la nation entière pourra vous avoir de plus grandes obligations. Vous êtes né dans un siècle éclairé ; mais la lumière qui s’est étendue depuis quelques années n’a encore servi qu’à nous faire voir nos abus, et non pas à les corriger ; elle a même révolté quelques esprits qui, faits pour les erreurs, pensent qu’elles sont nécessaires. Plus la raison se développe, plus elle effraye le fanatisme. On tient en esclavage les corps et les esprits autant qu’on le peut. Pour comble de malheur, la fausse politique protège ce fanatisme funeste. Il en est de certaines superstitions comme des déprédations autorisées dans la finance : elles sont anciennes, elles sont en usage : donc il les faut soutenir. Voilà comme l’on raisonne ; on agit en conséquence, et il y en a eu des exemples bien funestes.

Si quelqu’un peut contribuer un jour à rendre la France aussi heureuse qu’elle commence à être éclairée, c’est assurément vous, monsieur le duc. Les Montausier on rendu leur nom célèbre dans le siècle des beaux-arts 5, vous pourrez rendre le vôtre immortel dans celui de la philosophie . C’est ce que je souhaite et que j’espère du fond de mon cœur. Vous m’avez inspiré une tendre vénération ; je ferai des vœux, dans le peu de temps qui me reste à vivre, pour que vous soyez à portée de déployer vos grands talents, et de faire tout le bien dont la France a encore besoin.

Agréez mon profond respect. Si vous avez quelque ordre à me donner, signez seulement une L, et un V 6. Permettez-moi de faire mes compliments à M. Dupont, qui est si digne de votre amitié. »

2 Né en 1746 , il n'a donc que vingt-deux ans.

3 Il deviendra en effet ministre des Affaires étrangères sous Louis XVI.

4 Allusion au Portrait de Mgr le dauphin, 1766, anonyme, qui a été fort admiré ; voir par exemple la Correspondance littéraire, édition Tourneux, VII, 3 , à la date du 1er avril 1766 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57813823.r=.langFR.textePage

5 Charles de Sainte-Maure, duc de Montausier ( 1610-1690 ) a été gouverneur du dauphin Louis. C'est à lui qu'on doit les éditions dites ad usum delphini : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ad_usum_Delphini

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16/05/2024 | Lien permanent

c'est un recueil aussi insipide que si l'on avait imprimé les mémoires de mon tailleur et de mon boucher

... Serait-ce la trêve ou accord commercial entre Macron et Trump ?

https://www.20minutes.fr/economie/2699631-20200121-taxe-gafa-trump-macron-conclu-treve-evitant-guerre-commerciale

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Explique-moi ça !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

25 novembre 1764

Mon cher frère,

Les auteurs du Portatif dont la plupart sont à Lausanne, sont un peu étonnés du bruit qu'a fait leur livre , ils ne s'y attendaient pas . Je m'attendais encore moins à en être soupçonné ; mais dès que je fus certain qu'on avait parlé au roi en termes très forts 1 et qu'on avait voulu exciter contre moi jusqu'à l'évêque d'Orléans , je fus obligé d'aller au-devant des coups qu'on me portait . Je me trouvais alors dans des circonstances très épineuses, j'y suis encore ; il s'agit d'obtenir de nouvelles lettres patentes du roi en faveur de la terre de Ferney : vous m'avouerez que le Portatif n'était pas une bonne recommandation . Il eût été inutile de la désavouer à la cour si je n'avais pas fait le même désaveu à la ville ; les deux démarches étaient indispensables . Je savais ce que les Omer avaient dit et il valait certainement mieux aller au-devant de la calomnie que d'attendre pour la réfuter quelque aveu tiré du grand escalier . Ne doutez pas que quelque bigot n'eût proposé mon exclusion de l'Académie .

Enfin mon avis sera toujours qu'on écrase l'infâme et qu'elle ignore la main qui l'écrase .

J'attends toujours des Du Marsais, des Saint-Evremond, des Meslier . J'ai reçu des Énoch 2, cela n'est pas publici saporis 3. Je n'ai point vu les lettres de Jean-Jacques 4, on ne les connait point encore dans notre Suisse . On a aussi imprimé sous mon nom des Lettres secrètes . On dit que c'est M. Robinet qui m'a joué ce beau tour 5. Si les lettres sont secrètes, il ne fallait donc pas les rendre publiques, mais on croit que le secret restera entre M. Robinet et son imprimeur ; on m'a mandé que c'est un recueil aussi insipide que si l'on avait imprimé les mémoires de mon tailleur et de mon boucher . Vous voyez qu'on me regarde comme un homme mort, et qu'on vend tous mes effets à l'encan et que Robinet s'est chargé de mon pot de chambre .

Adieu, mon cher frère, adieu, mon cher philosophe. »

1 Cette affirmation souvent répétée de V* fut considérée avec ironie par d'Argental et d’Alembert qui savaient apparemment à quoi s'en tenir . Elle n'en accréditera pas moins une rumeur dont on retrouve des traces, par exemple, dans une lettre du 5 décembre de milord Maréchal à Rousseau : « On dit que le roi de France en ayant ouï parler, dit : Est-ce qu'on ne peut faire taire cet homme ? », voir page 436 : https://books.google.fr/books?id=X1ZixOxS2M8C&pg=PA436&lpg=PA436&dq=lettre+de+milord+mar%C3%A9chal+%C3%A0+rousseau+5+d%C3%A9cembre+1764&source=bl&ots=VBRvWdJmdF&sig=ACfU3U2zJCAgKb-_Qeq4f7xqU3-qGkGJrg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiL_NqXsJPnAhVRRBoKHST8A10Q6AEwAHoECAIQAQ#v=onepage&q=lettre%20de%20milord%20mar%C3%A9chal%20%C3%A0%20rousseau%205%20d%C3%A9cembre%201764&f=false

3 Du goût du public .

4 Les Lettres écrites de la montagne, 1764 , sont parvenues à Genève quelques jours auparavant ; des exemplaires incomplets avaient été reçus de paris trois semaines plus tôt . Voir : http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/old2/file/rousseau_lettres_de_la_montagne.pdf

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21/01/2020 | Lien permanent

les anciens amis sont les seuls qui tiennent au fond de notre être, les autres ne les remplacent qu'à moitié

... En est-il de même pour les amours anciennes ?

Si oui pourquoi en chercher de nouvelles , mister president of France, car si je compte bien (une moitié de moitié) vous en seriez désormais à un quart d'amourette ?

 http://www.youtube.com/watch?v=h4Bi6S-sY2E

J'attendais mieux , par exemple ceci : http://www.youtube.com/watch?v=HpNCrL0hii8

 

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« A Marie de Vichy de Chambond, marquise du DEFFAND

Aux Délices, 27 décembre [1758]

J'apprends, madame, que votre ami et votre philosophe Formont a quitté ce vilain monde 1. Je ne le plains pas; je vous plains d'être privée d'une consolation qui vous était nécessaire. Vous ne manquerez jamais d'amis, à moins que vous ne deveniez muette; mais les anciens amis sont les seuls qui tiennent au fond de notre être, les autres ne les remplacent qu'à moitié. Je ne vous écris presque jamais, madame, parce que je suis mort et enterré entre les Alpes et le mont Jura; mais, du fond de mon tombeau, je m'intéresse à vous comme si je vous voyais tous les jours. Je m'aperçois bien qu'il n'y a que les morts d'heureux. J'entends parler quelquefois des révolutions de la cour, et de tant de ministres qui passent en revue rapidement, comme dans une lanterne magique. Mille murmures viennent jusqu'à moi, et me confirment dans l'idée que le repos est le vrai bien, et que la campagne est le vrai séjour de l'homme.

Le roi de Prusse me mande quelquefois que je suis plus heureux que lui: il a vraiment grande raison; c'est même la seule manière dont j'ai voulu me venger de son procédé avec ma nièce et avec moi. La douceur de ma retraite, madame, sera augmentée, en recevant une lettre que vous aurez dictée; vous m'apprendrez si vous daignez toujours vous souvenir d'un des plus anciens serviteurs qui vous restent.

Vous voyez sans doute souvent M. le président Hénault, l'estime véritable et tendre que j'ai toujours eue pour lui me fait souhaiter passionnément qu'il ne m'oublie pas.

Je ne vous reverrai jamais 2, madame; j'ai acheté des terres considérables autour de ma retraite; j'ai agrandi mon sépulcre. Vivez aussi heureusement qu'il est possible; ayez la bonté de m'en dire des nouvelles. Vous êtes-vous fait lire le Père de famille?3 cela n'est-il pas bien comique? Par ma foi, notre siècle est un pauvre siècle auprès de celui de Louis XIV; mille raisonneurs, et pas un seul homme de génie; plus de grâces, plus de gaieté; la disette d'hommes en tout genre fait pitié. La France subsistera mais sa gloire, mais son bonheur, son ancienne supériorité. qu'est-ce que tout cela deviendra ?

Digérez, madame, conversez, prenez patience, et recevez, avec votre ancienne amitié, les assurances tendres et respectueuses de l'attachement du Suisse

Voltaire »

1 Sur le « portrait » de Formont par Mme du Deffand, voir Lewis, VIII,92-94 . La marquise répondra longuement à V* le 5 janvier 1759 .Voir (en particulier page 5 ): http://www.edebiyatdergisi.hacettepe.edu.tr/198852JaleErlat.pdf

2 Sur une copie manuscrite de cette lettre, Walpole a noté : « Il l'a vue encore plus de dix [plutôt vingt] ans après cette lettre . » [lorsque V* retourna à Paris]

3 De Diderot .

 

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13/01/2014 | Lien permanent

Voltaire, le bon Dieu te doit un grand merci

Vers onze heures du soir ce samedi 30 mai 1778, la plus brillante des Lumières du XVIIIè siècle change de monde .

Houdon-Volt tete marbre national gallery of art washington.jpg

J'aime les bustes de Volti, emperruqué ou  à l'antique, mais j'ai un faible pour cette tête réalisée par le génial Houdon qui nous montre l'homme qui sut allier, comme on le voit, l'ironie (parfois mordante ) à une extrême bonté . Il eut la grandeur d'affronter le doute, de reconnaître humblement, lucidement que l'Homme ne saura jamais tout . A mes yeux, et selon mon coeur, et je ne suis certainement pas le seul, il est un modèle d'homme de bonne volonté .

 

Il y a deux cent trente trois ans , Volti (ceux qui fréquentent ce blog connaissent déjà ce surnom affectueux que je donne à François-Marie Arouet de Voltaire ) cessa de souffrir et put enfin échapper à ses ennemis qui sont les dogmes religieux, l'intolérance, le fanatisme et l'imbécilité malveillante .

"Mon Dieu, rendez mes ennemis bien ridicules !" disais-tu, et je ris avec toi .

Mais aussi, tu dis avec une grande foi et sincérité, cette prière qui devrait être universelle pour tous ceux qui se targuent de croire en Dieu :

http://www.litteratureaudio.net/Voltaire_-_La_Priere_a_Di...

 

Plutot que la lettre d'un homme dit "mort pour la France", j'aimerais qu'on lise plutôt l'article sur la "Tolérance" du Dictionnaire philosophique :

http://www.voltaire-integral.com/Html/20/tolerance.htm

"Qu’est-ce que la tolérance? c’est l’apanage de l’humanité. Nous sommes tous pétris de faiblesses et d’erreurs; pardonnons-nous réciproquement nos sottises, c’est la première loi de la nature."

Et extrait du Traité sur la Tolérance :

"Il ne faut pas un grand art, une éloquence bien recherchée, pour prouver que des chrétiens doivent se tolérer les uns les autres. Je vais plus loin : je vous dis qu'il faut regarder tous les hommes comme nos frères.
Quoi ! mon frère le Turc ? mon frère le Chinois ? le Juif? le Siamois ?

Oui, sans doute ; ne sommes-nous pas tous enfants du même père, et créatures du même Dieu ?


Mais ces peuples nous méprisent ; mais ils nous traitent d'idolâtres !

Hé bien ! je leur dirai qu'ils ont grand tort. Il me semble que je pourrais étonner au moins l'orgueilleuse opiniâtreté d'un iman ou d'un talapoin, si je leur parlais à peu près ainsi :

« Ce petit globe, qui n'est qu'un point, roule dans l'espace, ainsi que tant d'autres globes ; nous sommes perdus dans cette immensité. L'homme, haut d'environ cinq pieds, est assurément peu de chose dans la création. Un de ces êtres imperceptibles dit à quelques-uns de ses voisins, dans l'Arabie ou dans la Cafrerie : "Écoutez-moi, car le Dieu de tous les mondes m'a éclairé : il y a neuf cents millions de petites fourmis comme nous sur la terre, mais il n'y a que ma fourmilière qui soit chère à Dieu ; toutes les autres lui sont en horreur de toute éternité ; elle sera seule heureuse, et toutes les autres seront éternellement infortunées." »


Ils m'arrêteraient alors, et me demanderaient quel est le fou qui a dit cette sottise.

Je serais obligé de leur répondre : « C'est vous-mêmes. » Je tâcherais ensuite de les adoucir ; mais cela serait bien difficile.


Je parlerais maintenant aux chrétiens, et j'oserais dire, par exemple, à un dominicain  inquisiteur pour la foi : « Mon frère, vous savez que chaque province d'Italie a son jargon, et qu'on ne parle point à Venise et à Bergame comme à Florence. L'Académie de la Crusca a fixé la langue ; son dictionnaire est une règle dont on ne doit pas s 'écarter, et la Grammaire de Buonmattei est un guide infaillible qu'il faut suivre ; mais croyez-vous que le consul de l'Académie, et en son absence Buonmattei, auraient pu en conscience faire couper la langue à tous les Vénitiens et à tous les Bergamasques qui auraient persisté dans leur patois? »

 

Je me permettrai d'ajouter mon frère athée ! qui, s'il ne croit pas en Dieu, peut croire en l'Homme en toute fraternité .

 

N'a-t-on pas là de quoi faire un monde meilleur ?

 

Mam'zelle Wagnière, j'aime à penser que vous , fidèle entre les fidèles, êtes de coeur avec moi . Je vous dédie ce qui suit :

http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/v...

PS .- Hier, Volti m'a demandé de vos nouvelles, quand je lui ai rendu visite  en n'omettant pas la caresse que vous savez pour lui, et la grimace que nous réservons à son sinistre voisin !

 

 

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30/05/2011 | Lien permanent

Plus on est vieux et malade, plus il faut rire. La décrépitude est trop triste.

http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definitio...

http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/citations...

http://fr.wikisource.org/wiki/Trait%C3%A9_d%E2%80%99%C3%A...

 

Très documenté, remarquable  : MESURES ANCIENNES :

http://www.genefourneau.com/mesures.html

 

fleureau-demi-setier.jpg

 

 

"Nous autres qui connaissons le prix du blé,...", et mes attaches paysannes me permettent de voir de près ce qui revient aux petits producteurs : des clopinettes !

Rien à voir avec les céréaliers, les gros, ceux qui restent à la maison près de l'ordinateur, qui envoient des paperasses sans nombre pour toucher des subventions coquettes . Et ils se plaignent ! Les délais pour avoir le dernier Range Rover ou la Porsche Cayenne, c'est vrai, sont trop longs !

Sans rire, ils se mettent la tête sur le billot auprès des banques en faisant la course à la productivité, donc matériel énorme et hors de prix et traitements phytosanitaires et insecticides à tout-va ! Je ne les plains pas .Ils sont victimes de leurs excès, un jour viendra où ils comprendont . Peut-être !... Le fameux bon sens paysan qui est père d'un bon nombre de couillonnades n'est pas mort . Dommage ,dites-vous ?

Chantons encore :

http://www.deezer.com/listen-6538238

 

 

 

« A Suzanne Necker

 

3è septembre 1773, à Ferney

 

Madame

 

Je ne connais pas plus l'auteur modeste et couronné de l'Éloge de Colbert [i], que je ne connais l'auteur téméraire et honni des Fragments sur l'Inde [ii]. Je me doute seulement que le sage qui a remporté le prix de l'Académie, mériterait peut-être de succéder au grand homme qu'il a si bien loué. Son principal mérite à mes yeux jusqu'à présent , était d'avoir rendu justice au vôtre. Je ne connaissais pas ses grands talents, et la raison en est que je n'avais eu presque jamais l'honneur de le voir.

 

Je lui sais bien bon gré d'avoir un peu prêché les économistes et les athées. Il y a sous le gouvernement de Dieu du bien et du mal, comme il y en avait en France sous l'administration de Jean-Baptiste ; mais cela n'empêche pas qu'on ne doive adorer Dieu, et estimer beaucoup Jean-Baptiste Colbert [iii].

 

Nous autres qui connaissons le prix du blé, et qui le payons encore trente francs le setier, après la récolte la plus abondante , nous savons que Jean-Baptiste était très avisé de tenir continuellement la main à l'exportation, et nous ne l'appelons point un esprit mercantile comme messieurs les économistes l'ont nommé.

 

Quand à feu la Compagnie des Indes [iv], je vois, Madame, que je me suis mépris. Nous avons quelques Genevois et moi, envoyé un vaisseau à Bengale [v]. Vous me faites trembler pour notre entreprise. Mais dans les derniers temps de la Compagnie, on ne tremblait pas, on pleurait. Pour moi, je rirai encore si les cinquante-neuf personnes qui sont sur notre vaisseau mangent tout notre argent et se moquent de nous, comme il y a très grande apparence. Plus on est vieux et malade, plus il faut rire. La décrépitude est trop triste.

 

Nous présentons, Mme Denis et moi, nos très humbles respects à monsieur et à madame Necker, et c'est du fond de notre cœur.

 

V. »


i Jacques Necker : Eloge de Jean-Baptiste Colbert, discours qui a remporté le prix de l'Académie française ne 1773 ,1773.

ii Voltaire ; cf. lettre à Marin du 12 juin 1773.

iii A Mme du Deffand, le 1er novembre : « ... c'était un ouvrage qu'on ne pouuvait faire qu'avec de l'arithmétique . Aussi est-ce un excellent banquier qui a remporté le prix. J'avoue que je ne saurais souffrir qu'un homme qui a porté un habit de drap de Vanrobais ou de velours de Lyon, qui a des bas de soie à ses jambes, un diamant à son doigt, et une montre à répétition dans sa poche, dise du mal de Jean-Baptiste Colbert à qui on doit tout cela. La mode est aujourd'hui de mépriser Colbert et Louis XIV . Cette mode passera ... »

iv Le 13 août, un arrêt du Conseil a suspendu le privilège de la Compagnie des Indes.

v L'Hercule .

 

 

Bien des années auparavant, en 1709,le colégien François-Marie a connu ceci : 

http://telematinduweb.skynetblogs.be/archive/2008/01/28/l...

 

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03/09/2010 | Lien permanent

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