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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Cartes de géographie : C’est peut-être le seul art dans lequel les derniers ouvrages sont toujours les meilleurs

 

"Je suis peu au fait des cabales de votre Paris et de votre Versailles " , c'est vrai pour moi qui ces temps -ci me détache nettement de l'actualité, au point, rendez-vous compte, de ne voir Kho lanta que dans la nuit de mardi à mercredi à des heures que connaisssent bien les parents de bébés affamés :

- 2h du mat

- j'ai des frissons

- bébé braille

- il monte le son

- j'me sens tout seul

- tout seul dans mon lit

- maman ravitaille du bout du sein

- le fruit de ses entrailles

- sacré gamin !

 

Sur l'air bien connu : http://www.dailymotion.com/video/x48f42_5-heures-du-mat-j...

avec mes excuses pour le décalage horaire, j'ai le jet lag !

allaitement.gif

 

 

 

 

 

 

Et maintenant, sans transition , quelques "pauvres et inutiles vérités philosophiques" d'un modeste penseur du XVIIIème siècle qui me plaisent .

 

 

 

 

 

 

« A Nicolas-Claude Thiriot

 

                            M. Helvetius m’a envoyé son Esprit, mon ancien ami ; ainsi  vous voilà délivré du soin de me le faire parvenir : je ne veux point avoir double esprit comme Élisée. Je suis peu au fait des cabales de votre Paris et de votre Versailles .J’ignore ce qui a excité un si grand soulèvement contre un philosophe estimable qui (à l’exemple de saint Matthieu) a quitté la finance pour suivre la vérité [Helvétius était fermier général ; le privilège pour l’impression, accordé le 12 mai, était révoqué le 12 août, et le censeur J.-P. Tercier qui l’avait accordé avait été destitué . Le livre fut condamné par le Parlement le 6 février 1759 et brûlé le 10 février]. Il ne s’agit dans son livre que de ces pauvres et inutiles vérités philosophiques qui ne font tort à personne, qui sont lues par très peu de gens, et jugées par un plus petit nombre encore en connaissance de cause. Il y a tel homme dont la simple signature, mise au bas d’une pancarte mal écrite, fait plus de mal à une province que tous les livres des philosophes n’en pourront jamais causer. Cependant ce sont ces philosophes, incapables de nuire, qu’on persécute.

 

                            Je ne suis pas de son avis en bien des choses : il s’en faut de beaucoup ; et s’il m’avait consulté, je lui aurais conseillé de faire son livre autrement ; mais tel qu’il est, il y a beaucoup de bon, et je n’y vois rien de dangereux. On dira peut-être que j’ai les yeux gâtés.

 

                            Il faut qu’Helvétius ait quelques ennemis secrets qui aient dénoncé son livre aux sots, et qui aient animé les fanatiques. Dites-moi ce qui lui a attiré un tel orage. Il y a cent choses beaucoup plus fortes dans l’Esprit des lois, et surtout dans les Lettres persanes. Le proverbe est bien vrai qu’il n’y a qu’heur et malheur en ce monde.

 

                            Au lieu de me faire avoir cet Esprit, pourriez-vous avoir la charité de m’indiquer quelque bon atlas nouveau, bien fait, bien net, où mes vieux yeux vissent commodément le théâtre de la guerre, et des misères humaines. Je n’ai que d’anciennes cartes de géographie. C’est peut-être le seul art dans lequel les derniers ouvrages sont toujours les meilleurs. Il n’en est pas de même, à ce que je vois, des pièces de théâtre, des romans, des vers, des ouvrages de morale etc.

 

                            Je dicte ce rogaton, mon cher ami, parce que je suis un peu malade aujourd’hui. Mais j’ai toujours assez de force pour vous assurer de ma main que je vous aime de tout mon cœur.

 

                            V.

                            18 octobre 1758. »

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18/10/2009 | Lien permanent

La Suisse n'a jamais rien vu de pareil

... En particulier l'ONU à Genève : décès à 100 ans de son ex- secrétaire général Javier Perez de Cuellar   : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/05/j...

Javier Perez de Cuellar, en janvier 2007, à San Salvador.

 

 

 

« A Marie-Françoise-Catherine de Beauvau-Craon, marquise de Boufflers-Remiencourt

[vers le 30 décembre 1764] 1

Le jeune peintre, madame, que vous avez eu la bonté de m'annoncer n'a pas encore tout à fait le pinceau de Raphaël . Mais il a les grâces de l'Albane et plus d'esprit que les écoles italiennes, flamandes et françaises fondues ensemble . La Suisse n'a jamais rien vu de pareil ; et je crois qu'à Paris et à Versailles il y a peu de peintres qui riment comme lui et peu de rimeurs qui peignent aussi bien . Quand il était abbé, il ressemblait à l'abbé de Chaulieu et à présent qu'il est chevalier il est fort au-dessus du chevalier de Gramont . Il est digne de madame sa mère à qui je souhaite une santé des plus robustes .

Cet aimable peintre a vu à Lausanne une Mme la marquise de Gentil Langalerie, bru de ce M. de Langalerie 2 qui envoya … promener cet imbécile de Chamillard, ministre de la Guerre et des Finances 3, et qui aima mieux se joindre au prince Eugène pour nous battre, que d'être 4

 

Plût au ciel qu’en effet j'eusse été votre père !

Cet honneur n’appartient qu'aux habitants des cieux

Non pas tous encore . Il est des demi-dieux

Assez sots et très ennuyeux,

Indignes d'aimer et de plaire .

Le dieu des beaux esprits, le dieu qui nous éclaire,

Le dieu des beaux vers et du jour

Est celui qui fit l'amour

A madame votre mère .

Vous tenez de tous deux, ce mélange est fort beau.

Vous avez (comme ont dit les saintes Écritures)

Une personne et deux natures,

De l'Apollon et du Beauvau 5.

Je suis tendrement dévoué à [l'un] et l'autre , la Suisse est émerveillée de vous . Ferney pleure votre absence . Le bonhomme vous regrette, vous aime, vous respecte infiniment . »

1 L'édition de Kehl, ainsi que toutes les éditions, place cette lettre en 1768 ; les allusions qu'elle contient la mettent en fait tout à la fin de 1764 ; voir la lettre du 15 décembre 1764 à la marquise, ainsi qu'une lettre contemporaine de chevalier de Boufflers à sa mère, lui envoyant « un petit dessin d'un Voltaire pendant qu'il perd une partie aux échecs », vers le 30 décembre ; voir page 277 : https://books.google.fr/books?id=Fog-AAAAYAAJ&pg=PA268&lpg=PA268&dq=voltaire+boufflers+decembre+1764&source=bl&ots=ebmPnDWXWm&sig=ACfU3U1_9vHwKCuWNcXo0p_HOC0eV21qZg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwijoe3G94LoAhUOzIUKHRpYB1AQ6AEwCHoECAoQAQ#v=onepage&q=voltaire%20boufflers%20decembre%201764&f=false

3 Pour V* il n'était « ni politique, ni guerrier, ni même homme de finance » (Siècle de Louis XIV). Voir : http://www.chartes.psl.eu/fr/positions-these/michel-chamillart-ministre-secretaire-etat-guerre-louis-xiv-1654-1721

4 On est ici en bas de page du manuscrit et V* n'a pas terminé sa phrase au dos .

5 La marquise de Boufflers , née de Beauvau-Craon, est la sœur de Charles Juste de Beauvau, prince de Beauvau-Craon , et a été l'amie d’Émilie du Châtelet en même temps que sa concurrente auprès du poète Saint-Lambert .

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05/03/2020 | Lien permanent

Expliquez-moi donc cela , je vous en conjure . Est-il fou ?

... Donald Trump, bien entendu ! Une armée de l'espace ! Coutant des milliards de dollars ! Dans le même temps que des milliers de pompiers luttent contre des incendies énormes depuis des temps infinis avec des moyens finis . Le président bas-de-plafond-décoloré a vu trop de films de série Z, Z comme zinzin (et non pas Zorro !) Résultat de recherche d'images pour "Plan 9 from Outer Space"

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ArgentaI

et à

Jeanne-Grace Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

18è auguste 1763 1

Je reçois la lettre du 11è auguste, de mes divins anges, avec le gros paquet . J'entre tout du coup en matière, car je n'ai pas de temps à perdre .

D'abord , mes anges sauront que toutes les choses de détail ne sont point du tout comme elles étaient .

À l'égard de l'horreur que vous me proposez, et à laquelle Mme Denis n'a jamais pu consentir, cela prouve que vous êtes devenus très méchant depuis que vous êtes ministre 2. C'est ce que je mande à M. le duc de Praslin 3 ; le crime ne vous coûte rien ; nous avions jugé dans l'ignorance des champs, qu'il était abominable que Fulvie voulût assassiner Antoine, que ce n’était point l'usage des dames romaines quand on leur présentait des lettres de divorce, que deux assassinats à la fois, et tous deux manqués, pouvaient révolter les âmes tendres et les esprits délicats . Mais puisque ce comble de l'horreur vous fait tant de plaisir, je commence à croire que le public pourra la pardonner, mais je vous avertis que la combinaison de ces deux assassinats est horriblement difficile . Il est à craindre que l'extrême atrocité ne devienne ridicule . Un assassinat manqué peut faire un effet tragique . Deux assassinats manqués peuvent faire rire , surtout quand il y en a un hasardé par une dame . Toutes les combinaisons que ce plan exige, demandent beaucoup de temps . J'y rêverai, et j'y rêve déjà en vous contant la chose seulement .

Mes divins anges, mon affaire contre la sainte Église est entre les mains de M. Mariette ; cette affaire est terrible . Si nous la perdions, tous les droits, tous les avantages de notre terre nous seraient infailliblement ravis ; nous aurions jeté plus de cent mille écus dans la rivière . Tous nos droits sont fondés sur le traité d'Arau, il ne s'agit aujourd’hui que de savoir qui doit être juge du traité d'Arau, ou le roi qui le connait, ou le parlement de Dijon qui ne le connait pas .

La république de Genève, intéressée comme moi dans cette affaire, a chargé M.M. Crommelin d'en parler ou d'en écrire à M. le duc de Praslin, afin que ce ministre puisse faire regarder au Conseil cette affaire comme une affaire d’État, laquelle doit être jugée au Conseil des parties, comme tous les procès de ce genre y ont été jugés .

Mais aujourd’hui, il ne s'agit que de revenir contre un arrêt de ce même Conseil des parties, obtenu par défaut, et subrepticement contre MM. de Budé qui n'en ont rien su, et qui étaient dans leurs terres en Savoie, quand on a rendu cet arrêt ; il renvoie les parties à plaider au parlement de Dijon, selon les conclusions de l’Église, et contre les déclarations de nos rois que MM. de Budé n'ont pu faire valoir, dans l'ignorance où ils étaient des procédures que l'on faisait contre eux .

C’est à M. Mariette, chargé du pouvoir de MM. de Budé et du nôtre, à revenir contre cet arrêt, et à renouer l'affaire au conseil de parties .

Il sera peut-être nécessaire que préalablement, nous obtenions des lettres patentes du roi, au rapport de M. le duc de Praslin . C'est ce que j'ignore, et sur quoi probablement M. Mariette m’instruira .

On m'avait mandé des bureaux de M. de Saint-Florentin, que cette affaire dépendait de son ministère, parce qu’il a le département de l’Église ; mais M. le duc de Praslin a la département des traités .

Pompée et Fulvie disent qu'ils sont fort fâchés de cet incident qui vient les croiser, que le traité d'Arau n'a aucun rapport avec l'Empire romain et les proscriptions .

Mes anges, ma tête bout, mes yeux brûlent . Je me mets à l'ombre de vos ailes .

Encore un mot, pourtant . M. de Martel, fils de la belle Martel 4, ci-devant inspecteur de la gendarmerie, arrive ici sous un autre nom, par la diligence, avec une vielle redingote pelée, et une tignasse par-dessus ses cheveux ; il dit qu'il vous connait beaucoup . Expliquez-moi donc cela , je vous en conjure . Est-il fou ?

V.

M'est-il permis d'insérer ici ce petit paquet pour frère Damilaville ? Je ne vous parle point de Saül, j'aime mieux Pompée .

Respect, tendresse et reconnaissance .

V. »

1 L'édition de Kehl, suivie des autres, omet à la suite de la copie Beaumarchais tout ce qui suit la première initiale .

2 Pour mémoire, d'Argental est ministre de Parme à Paris .

3 Voir lettre du 21 août 1763 au duc de Praslin : « Je me flatte toujours que vous daignerez aussi être mon juge, et que Mariette vous présentera une requête pour le traité d'Arau. »

4 Mme de Fontaine-Martel :

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11/08/2018 | Lien permanent

Le peuple écoutait ces farces théologiques le cou tendu, les yeux fixes et la bouche ouverte, comme les enfants écoutent

... Béatitude des simples d'esprit qui se délectent aujourd'hui des discours de leurs hommes/femmes politiques préférés , à chacun sa religion , l'une profane n'excluant pas une deuxième couche cléricale , la double peine !

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« A Louis-César de La Baume Le Blanc, duc de La Vallière

[vers le 25 avril 1761]1

Votre procédé 2, monseigneur le duc, est de l'ancienne chevalerie ; vous vous exposez pour sauver un homme qui s'est mis en péril à votre suite . Mais la petite erreur dans laquelle vous m'avez induit, sert à déployer votre profonde érudition . Peu de grands fauconniers 3 auraient déterré les Sermones festivi 4, imprimés en 1502, et réimprimés en 1515 5. Raillerie à part, vous faites une action digne de votre belle âme, en vous mettant pour moi à la brèche .

Vous me disiez dans votre première lettre qu'Urseus Codrus , était un grand prédicateur ; vous m'apprenez dans votre seconde que c’était un grand libertin, mais 6 qu'il n’était pas cordelier . Vous demandez pardon à Saint François d'Assise, et à tout l'ordre séraphique , de la méprise où je suis tombé . Je me joins à vous, et je prends 7 sur moi la pénitence ; mais il reste toujours très 8 véritable, que les mystères représentés à l'hôtel de Bourgogne, étaient beaucoup plus décents que la plupart des sermons de ce temps 9. C'est sur ce point que roule la question .

Mettons qui nous voudrons à la place d'Urseus Codrus, et nous aurons raison . Il n'y a pas un mot dans les mystères qui révolte 10 la pudeur et la piété . Quarante associés qui font, et qui jouent des pièces saintes en français, ne peuvent s'accorder à déshonorer leurs pièces , par des indécences qui révolteraient le public , et qui feraient fermer leur 11 théâtre . Mais un prédicateur ignorant, qui travaille seul, qui ne rend compte à personne de son ouvrage 12, qui n'a nul usage des bienséances, peut mêler dans son discours 13 quelques sottises, surtout quand il les prononce en latin .

Tels étaient par exemple, les sermons du cordelier Maillard, que vous avez sans doute dans votre 14 bibliothèque . Vous verrez dans son sermon du jeudi de la seconde semaine de Carême, qu'il apostrophe ainsi les femmes des avocats qui portent des habits garnis d'or, Vous dites que vous êtes vêtues suivant votre état, à tous les diables votre état, et vous-mêmes mesdemoiselles . Vous me direz peut-être, nos maris ne nous donnent point de si belles robes, nous les gagnons de la peine de notre corps, à trente mille diables la peine de votre corps, mesdemoiselles 15.

Je ne vous répète que ce trait de frère Maillard pour ménager votre pudeur , mais si vous voulez vous donner le soin d'en chercher de plus forts dans le même auteur, vous en trouverez de dignes d'Urseus Codrus . Frère André 16 et Menot 17 étaient fort fameux pour ces 18 turpitudes . La chaire, à la vérité, n'était pas 19 toujours souillée par des obscénités; mais longtemps les sermons ne valurent pas mieux que les mystères de l'hôtel de Bourgogne .

Il faut avouer que les prétendus réformés de France, furent les premiers qui mirent quelque raison dans leurs discours, parce qu'on est obligé de raisonner quand on veut changer les idées des hommes . Cette raison était encore bien loin de l'éloquence . La chaire, le barreau, le théâtre, la philosophie, la littérature, la théologie, tout chez nous fut à quelques exceptions près fort au dessous des pièces qu'on joue aujourd'hui à la foire .

Le bon goût, en tout genre, n'établit son empire que dans le siècle de Louis XIV . C'est là ce qui me détermina, il y a longtemps, à donner une légère esquisse de ce temps glorieux et vous avez remarqué que dans cette histoire, c'est le siècle qui est mon héros, encore plus que Louis XIV lui-même, quelque respect et quelque reconnaissance que nous devions à sa mémoire .

Il est vrai qu'en général nos voisins ne valaient guère mieux que nous . Comment s'est-il pu faire que l'on prêchât toujours et que l'on prêchât si mal ! Comment les Italiens qui s'étaient tirés depuis si longtemps de la barbarie en tant de genres, ne fussent 20 pour la plupart dans la chaire que des arlequins en surplis ; tandis que la Jérusalem du Tasse égalait l'Iliade, que l'Orlando furioso surpassait l'Odyssée, que le Pastor fido 21 n'avait point de modèle dans l'Antiquité, et que les Raphaël et les Paul Véronèse exécutaient réellement ce qu'on imagine des Zeuxis, et des Apelle ?

Il n'est pas 22, monseigneur le duc, que vous n'ayez lu le concile de Trente, il n'y a pas 23 de duc et pair ( à ce que je pense ) qui n'en lise quelque session tous les matins . Vous avez remarqué le sermon de l'ouverture du concile par l'évêque de Bitonto 24.

Il prouva 25 premièrement, que le concile est nécessaire parce que plusieurs conciles ont déposé des rois et des empereurs . Secondement, parce que dans l'Enéide Jupiter assemble 26 le concile des dieux . Troisièmement, parce qu'à la création de l'homme, et à l'aventure de la tour de Babel, Dieu s'y prit en forme de concile . Il assure ensuite que tous les prélats doivent se rendre à Trente comme dans le cheval de Troie : enfin , que la porte du Paradis et celle 27 du concile est la même , que l'eau vive en découle, et que les pères doivent en arroser leurs cœurs comme des terres sèches ; faute de quoi, le Saint-Esprit leur ouvrira la bouche comme à Balaam et à Caïfe .

Voilà ce qui fut prêché devant les états généraux de la chrétienté 28. Le sermon de saint Antoine de Padoue, aux poissons, est encore plus fameux en Italie que celui de M. de Bitonto . On pourrait donc excuser notre frère André et notre frère Garasse, et tous nos gilles de la chaire du 16è et 17è siècle s'ils n'ont pas mieux valu que nos maîtres les Italiens .

Mais quelle était la source de cette grossièreté absurde si universellement répandue en Italie du temps du Tasse ; en France du temps de Montagne, de Charon et du chancelier de L'Hospital ; en Angleterre dans le siècle du chancelier Bacon ? Comment ces hommes de génie, ne réformaient-ils pas leur siècle ? Prenez-vous-en aux collèges qui élevaient la jeunesse, et à l'esprit monacal et théologal, qui mettait la dernière main à notre barbarie que les collèges avaient ébauchée . Un génie tel que le Tasse lisait Virgile, et produisait la Jérusalem . Un Machiavel lisait Térence et faisait La Mandragore . Mais quel moine, quel curé 29, lisait Cicéron et Démosthène ? Un malheureux écolier, devenu imbécile pour avoir été forcé pendant quatre ans, d'apprendre par cœur Jean Despautère 30, et ensuite devenu fou pour avoir soutenu thèse sur l'universel 31, et de la pensée, et sur les catégories, recevait en public son bonnet et ses lettres de démence, et s'en allait prêcher devant un auditoire, dont les trois quarts étaient plus imbéciles que lui , et plus mal élevés .

Le peuple écoutait ces farces théologiques le cou tendu, les yeux fixes et la bouche ouverte, comme les enfants écoutent les contes de sorciers, et s'en retournent tout contrit . Le même esprit qui le conduisait aux facéties de la mère sotte 32, le conduisait à ces sermons, et on y était d'autant plus assidu qu'il n'en coûtait rien 33.

Ce ne fut guère que du temps de Coeffeteau 34 et de Balzac 35, que quelques prédicateurs osèrent parler raisonnablement, mais ennuyeusement, et enfin, Bourdaloue fut le premier en Europe qui eut de l’éloquence en chaire . Je rapporterai encore ici le témoignage de Burnet, évêque de Salisbury qui, dans ses mémoires dit qu'en voyageant en France , il fut étonné de ces sermons, et que Bourdaloue réforma les prédicateurs d'Angleterre, comme ceux de France 36.

Bourdaloue fut presque le Corneille de la chaire ( si l'on ose dire 37) comme Massillon en a été depuis le Racine ; non que j'égale un art profane à un saint ministère 38, ni que j'égale non plus la difficulté médiocre de faire un bon sermon, à la difficulté prodigieuse 39 de faire une bonne tragédie . Mais je dis que Bourdaloue porta la force du raisonnement dans l'art de prêcher, comme Corneille l'avait portée dans l'art dramatique 40, et que Massillon s'étudia à être aussi élégant en prose que Racine l'était en vers .

Il est vrai qu'on reprocha quelquefois 41 à Bourdaloue comme à Corneille, d'être un peu trop avocat, de vouloir quelquefois 42 trop prouver, au lieu de toucher, et de donner quelquefois de mauvaises preuves . Massillon, au contraire , crut qu'il valait mieux peindre et s'émouvoir ; il imita Racine autant qu'on peut l'imiter en prose ; en prêchant pourtant (comme de raison 43) que les auteurs dramatiques sont damnés 44. Son style est pur, ses peintures sont attendrissantes . Relisez ce morceau sur l'humanité 45.

« Hélas ! s'il pouvait être quelquefois permis d'être sombre, bizarre, chagrin, à charge aux autres et à soi-même, ce devrait être à ces infortunés que la misère, les calaminés, les nécessités domestiques, et tous les plus noirs soucis environnent, ils seraient bien plus dignes d'excuse, si portant déjà le deuil, l'amertume, le désespoir souvent dans le cœur, ils en laissaient échapper quelques traits au dehors . Mais faut-il que les grands, les heureux du monde à qui tout rit, et que les joies et les plaisirs accompagnent partout, prétendent tirer de leur félicité même un privilège qui excuse leurs chagrins bizarres et leurs caprices ? Qu'il leur soit permis d'être fâcheux, inquiets, inabordables, parce qu'ils sont plus heureux ? Qu'ils regardent comme un droit acquis à la prospérité , d'accabler encore du poids de leur humeur, des malheureux qui gémissent déjà sous le joug de leur autorité, et de leur puissance ? 46»

Souvenez-vous ensuite de ce morceau de Britannicus :

Tout ce que vous voyez conspire à vos désirs,

Vos jours, toujours sereins , coulent dans les plaisirs ,

L'empire en est pour vous l'inépuisable source ;

Ou si quelque chagrin en interrompt la course,

Tout l'univers, soigneux de les entretenir,

S'empresse à l'effacer de votre souvenir .

Britannicus est seul, quelque ennui qui le presse,

Il ne voit dans son sort que moi qui s'intéresse ;

Et n'a pour tout plaisir, seigneur, que quelques pleurs ,

Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs 47.

Je crois voir dans la comparaison de ces deux morceaux, le disciple qui tâche de lutter contre le maître . Je vous en montrerais vingt exemples, si je ne craignais d'être long .

Massillon et Cheminais 48 savaient Racine par cœur, et déguisaient ces vers dans leur prose . C'est ainsi que plusieurs prédicateurs venaient apprendre chez Baron l'art de la déclamation, et rectifiaient ensuite le geste du comédien , par le geste de l'orateur sacré . Rien ne prouve mieux que tous les arts sont frères quoique les artistes soient bien loin de l'être 49.

Le malheur des sermons, c'est que ce sont des déclamations dans lesquelles on dit 50 souvent le pour et le contre . Le même homme qui dimanche dernier assurait qu'il n'y point de félicité dans la grandeur, que les couronnes sont d'épine, que les cours ne renferment que d'illustres malheureux, que la joie n'est répandue que sur le front du pauvre, prêche le dimanche suivant, que le peuple est condamné à l'affliction et aux larmes, et que les grands de la terre sont plongés dans des délices dangereuses .

Ils disent dans l'avent, que Dieu est sans cesse occupé du soin de fournir à tous nos besoins ; et en carême que la terre est maudite . Ces lieux communs les mènent jusqu'au bout de l'année par des phrases fleuries

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05/04/2016 | Lien permanent

vous prétendez qu'on ne meurt que de chagrin? ajoutez-y, je vous prie, les indigestions

... Des deux, mon choix me porterait indiscutablement sur une orgie de chocolat et de bon vin en bonne compagnie !

J'ai mis ce titre  pour ne pas augmenter la morosité du temps, pour ne pas dire la monstruosité, ce qui est de tous les siècles  tant que "les temps éclairés n'influeront que sur un petit nompbre d'honnêtes gens, le vulgaire sera toujours fanatique !" . La flambée de violence de ces minus habens qui tuent et pillent au nom d'un prophète qui n'en peut mais, confirme s'il en était besoin que le fanatisme est le fruit d'obscurs petits esprits .

Allah est grand ! et ses fidèles sont souvent détestables, ils n'ont rien compris, ou alors à force d'interdits promulgués par Mohammed ils pètent les plombs pour se défouler, "saintement" bien sûr !

Mohammed , j'espère que tu as honte de tes fidèles assassins . Est-ce parce que tu étais moche que l'on a interdit de te représenter ? Vaut-il mieux brûler une église avec ses paroissiens ou rire de soi-même caricaturé ?

 

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http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/cabu-est...

"Nous sommes dans le temps de tous les crimes" , mektoub, Inch Allah ! Mais que ça ne dure pas, sinon ... !

 

 

« A M. THIERIOT.

A Monrion, 13 janvier [1757].

Eh bien vous courez donc de belle en belle, et vous prétendez qu'on ne meurt que de chagrin? ajoutez-y, je vous prie, les indigestions.
Il n'a pas tenu à Robert-François Damiens que le descendant de Henri IV ne mourût comme ce héros. J'apprends dans le moment 1, et assez tard, cette abominable nouvelle. Je ne pouvais la croire; on me la confirme: elle glace le sang; on ne sait où l'on en est. Quoi, dans ce siècle! quoi, dans ce temps éclairé ! quoi, au milieu d'une nation si polie, si douce, si légère, un Ravaillac nouveau . Voilà donc ce que produiront toujours des querelles de prêtres! Les temps éclairés n'influeront que sur un petit nombre d'honnêtes gens le vulgaire sera toujours fanatique. Ce sont donc là les abominables effets de la bulle Unigenitus,2 et des graves impertinences de Quesnel, et de l'insolence de Le Tellier 3!
Je n'avais cru les jansénistes et les molinistes que ridicules, et les voilà sanguinaires, les voilà parricides!
Je vous supplie, mon ancien ami, de me mander ce que vous saurez de cet incroyable attentat, si votre main ne tremble pas. Écrivez-moi par Pontarlier les lettres arrivent deux jours plus tôt par cette voie. A Monrion, par Pontarlier, s'il vous plaît. C'est là que je passe mon hiver dans des souffrances assez grandes, en attendant que votre conversation les adoucisse dans ma petite retraite des Délices, auprès de Genève.
J'ai cette indigne édition de la Pucelle. Je me flatte qu'on n'en parle plus. Nous sommes dans le temps de tous les crimes. Je vous embrasse de tout mon cœur. »

2 Bulle Unigenitus Dei Filius : http://fr.wikipedia.org/wiki/Unigenitus

3 Qui poussa Louis XIV à révoquer l’Édit de Nantes . http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Le_Tellier_(homme_d'%...)

 

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19/09/2012 | Lien permanent

Heureusement nous avons du temps devant nous

... Pour lire et accompagner Voltaire, avec Mam'zelle Wagnière .

 "0 pauvre nature humaine ! à quoi tiennent nos cervelles, notre vie, notre bonheur"

Bon , moi chat va bien !

 J'attends mon maître .

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« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 10 novembre [1756].

Mon très-cher ange, il y a longtemps que je ne vous ai parlé du tripot 1. M. le duc de Villars est venu de Provence dans mon ermitage, et il a insisté sur Zulime comme vous-même. Je l'avais engagé à venir se faire guérir, par le grand Tronchin, d'un petit rhumatisme que le soleil de Marseille et d'Aix n'avait pu fondre. A peine est-il arrivé que j'ai été pris d'un rhumatisme général sur tout mon pauvre corps, et notre Tronchin n'y peut rien. Il me reste une main pour vous écrire mais il n'y a pas chez moi une goutte de sang poétique qui ne soit figée. Heureusement nous avons du temps devant nous. Vous savez comment s'est terminée la pièce de Pirna 2, par des sifflets. Il a rendu enfin le livre de Poésie 3 le voilà libre, sans armée et sans argent. On est désespéré à Vienne. Le diable de Salomon l'emporte et l'emportera. S'il est toujours heureux et plein de gloire, je serai justifié de mon ancien goût pour lui s'il est battu, je serai vengé.
J'espère que vous verrez bientôt Mme de Fontaine, qui a été sur le point de mourir aux Délices pour avoir abusé de la santé que Tronchin lui avait rendue, et pour avoir été gourmande. M. le maréchal de Richelieu me mande que ce qui paraît faisable à votre amitié et à la bonté de votre cœur ne l'est guère à la prévention. Je m'en suis toujours douté, et je crois connaître le terrain. Il faut que votre archevêque reste à Conflans, et moi aux Délices chacun doit remplir sa vocation. La mienne sera de vous aimer, et de vous regretter jusqu'à mon dernier moment. On me mande qu'il y a une édition infâme de la Pucelle 4, que cet honnête homme de La Beaumelle avait fait imprimer, et qu'on débite dans Paris; mais heureusement les mandements font plus de bruit que les Pucelles.
Vous ne m'avez jamais parlé de l'état de M. de La Marche 5. Je voulais qu'il vînt se mettre entre les mains de Tronchin, mais on dit qu'il est dans un état à ne se mettre entre les mains de personne. 0 pauvre nature humaine ! à quoi tiennent nos cervelles, notre vie, notre bonheur . Portez-vous bien, vous, Mme d'Argental, et tous les anges; et conservez-moi une amitié qui embellit mes Délices, qui me console de tout, et qui seule peut me rendre quelque génie. »

 

1 Voltaire désignait ainsi la Comédie française en particulier, et quelquefois aussi ce qui concernait le théâtre en général.

3 Voltaire, parlant des revers du roi de Prusse, dit qu'il a rendu enfin le livre de poésie, par allusion aux mauvais traitements que Freytag avait fait essuyer à Voltaire sous prétexte de ravoir l'œuvre de poésie. Pour les épisodes de la Guerre de Sept ans voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Sept_Ans

4 II est douteux que La Beaumelle ait été l'éditeur de cette édition de la Pucelle. (Beuchot.)

5 Claude-Philippe Fyot de la marche, ami du collège Louis le Grand .

 

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29/08/2012 | Lien permanent

J'ai renoncé à toute société, à tout commerce.

http://www.youtube.com/watch?v=8-KyL2gMxV8&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=u5vQO1Uw90k&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=DP03KUAauWU&feature=related

 

10_2_2012 solitude1424.JPG

 

« A madame Louise-Dorothée de Saxe -Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, par Genève, 16 juin 1755.

Madame, je ne cesserai, sur les bords du lac de Genève et du Rhône, d'adorer la forêt de Thuringe. Je n'importune que bien rarement Votre Altesse sérénissime de mon respectueux attachement et de ma reconnaissance, il faut me regarder comme un homme enseveli dans la solitude. Cette cruelle destinée qui se joue de tous les êtres n'a pas voulu que ma solitude fût dans vos États, où est mon cœur. Elle m'a arraché à votre cour 1. Plût à Dieu que j'y fusse encore . J'oublierais encore plus les infidélités et les orages des autres cours. On m'a fait à celle de Berlin une noirceur nouvelle2. On avait un exemplaire tronqué et très infidèle de cette Jeanne qui vous a quelquefois amusée, et on avait cet exemplaire par des voies qui n'étaient pas trop légitimes, on m'avait promis qu'on n'en abuserait jamais; cependant on l'a envoyé à un ancien secrétaire du roi de Prusse, nommé Darget 3,
qui a renoncé au service du roi, aussi bien qu'Algarotti4. Ce Darget est à Paris; et il court des copies d'un ouvrage que Votre Altesse sérénissime seule aurait dû avoir, s'il avait été digne de vous être présenté.
Je m'amusais, madame, dans ma retraite, quand mes maladies me le permettaient, à retoucher et retravailler cette ancienne rapsodie, à y mettre plus d'ordre, plus d'agréments et surtout plus de décence, sans en ôter la gaieté. C'était pour vous, madame, que je travaillais; mais les maudites nouvelles des infidélités de Berlin et de Paris m'ont fait tomber la plume des mains. J'ai fait l'impossible pour retirer les exemplaires maudits de Berlin et de Paris. Cette affaire m'a causé presque autant de peine que celle de Francfort5. Je suis destiné à me repentir toute ma vie de mon voyage de Brandebourg. Il n'y a que celui de Gotha qui me console. Que puis-je faire maintenant dans la retraite où je me suis enseveli, que de m'occuper à jamais du souvenir de vos bontés, d'en parler tous les jours à la compagne de ma solitude6, de faire mille vœux pour votre auguste maison,
pour la santé de la grande maîtresse des cœurs! J'ai renoncé à toute société, à tout commerce. J'ai même longtemps ignoré la cruelle infidélité qu'on m'a faite. Je voudrais, madame, oublier tout, hors Votre Altesse sérénissime, votre cœur et vos bontés. 
Je la supplie de me conserver toujours cette bienveillance précieuse dont elle m'a honoré. Je suis le plus inutile de ses serviteurs mais je me flatte qu'elle ne dédaignera pas l'hommage d'un ermite qui ne tient plus sur la terre qu'à elle seule, et qui sera jusqu'au dernier moment pénétré pour elle du plus profond respect et d'une reconnaissance infinie. »

 

1 Où V* passa fin avril 1753, après avoir quitté Berlin ; à la demande de la duchesse il écrira les Annales de l'Empire (histoire de l'Allemagne) qu'il terminera en Alsace .

2 Une copie partielle de La Pucelle est parvenue dans les mains de libraires par Frédéric II ou par son frère Henri .

3 Voir lettres précédentes à Darget et de Darget :

5 Les « avanies de Francfort » où V* fut arrêté le 31 mai 1753 en quittant la Prusse, et resta prisonnier jusqu'au 6 juillet , avec sa nièce Marie-Louise Denis .Voir par exemple la lettre au Vénérable Conseil de Francfort : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/07/08/b69f85f3f4bb3d0eb001b2c5347a626a.html

6 Marie-Louise Denis .

 

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10/02/2012 | Lien permanent

Il ne me faut que la retraite, du soleil, et un ami

 

... Une amie aussi .

retraite soleil ami3926.JPG

 

 

 

 

« A M. POLIER DE BOTTENS.

Aux Délices, 14 novembre [1755].

J'aurais bien voulu, mon cher monsieur, que vous eussiez repassé par Genève, au lieu de prendre la route des Petits-Cantons. Vous auriez trouvé un vieux malade qui vous aime de tout son cœur, et qui vous aurait fait les honneurs d'une cabane assez jolie, que je préfère assurément au palais de Turin, et à tous les palais. Dans la belle description que vous me faites de la Lombardie, je ne regrette que les îles Borromées, parce qu'elles sont solitaires et qu'on y a chaud. Il ne me faut que la retraite, du soleil, et un ami. J'en ai perdu un dans M. de Giez; je le connaissais depuis fort peu de temps. La seule bonté de cœur m'avait procuré son amitié et ses services, il s'était fait un plaisir d'arranger cette autre petite cabane de Monrion. J'ai été touché sensiblement de sa perte, et je suis tout étonné d'être toujours à moitié en vie, et de traîner mes maux et mes souffrances, quand je vois périr au milieu de leur carrière des hommes si robustes. Vraiment, monsieur, je ferai de grand cœur le même marché avec vous qu'avec lui; il jouissait de Monrion comme moi, il y avait passé une partie de l'été, il était le maître de la maison, daignez l'être, elle vous appartient à meilleur titre qu'à moi je ne l'ai acquise que pour vous et pour M. de Brenles. C'est vous qui, le premier, m'avez invité à venir me retirer sur les bords de votre lac. La maison auprès de Genève m'a séduit; il faut avouer que les jardins sont délicieux et l'aspect enchanteur, je m'y suis ruiné; mais je préférerai Monrion, si vous voulez bien regarder cet ermitage comme le vôtre. Venez-y quand je n'y serai pas mais venez-y surtout quand j'y serai, consolez-y un malade, et éclairez un être pensant. J'y ai actuellement deux domestiques qui arrangent mon petit ménage, ou plutôt le vôtre. Comptez que cette retraite me tiendra lieu avec vous des iles Borromées. Je compte m'y établir incessamment, pour l'hiver je n'en sortirai point. Il m'est impossible de quitter le coin de mon feu dès que le mauvais temps est venu. J'aurai une chambre pour vous, une pour notre ami M. de Brenles, de bon vin, un cuisinier assez passable, quelques livres qui n'en sortiront point, et qui pourront amuser mes hôtes, voilà mon petit établissement d'hiver, que je vous prie encore une fois de regarder comme votre maison toute l'année.
Je ne sais pas si M. de Brenles est revenu de la campagne, mais je me flatte qu'il sera de retour quand ma santé me permettra de me transporter à Monrion. J'ai appris, depuis quelques jours, que la Pucelle est imprimée. Votre honnête capucin proposa dans Francfort à un nommé Esslinger, libraire, de faire cette édition, il voulut vendre son manuscrit trop cher. Esslinger ne put conclure avec lui, il faut que ce bon capucin l'ait vendu à un autre. Les magistrats de Genève m'ont promis qu'ils empêcheraient cette capucinade effrontée d'entrer dans leur petit district; je ne sais comment faire pour en obtenir autant à Lausanne. On dit l'édition très- mauvaise, et pleine de fautes. Je ne ferai pas le moindre reproche à M* 1 de son goût pour les capucins, et je resterai tranquille.
Savez-vous que le conseil de Genève s'est fait représenter la belle lettre de Grasset à Bousquet, et que Grasset est décrété de prise de corps?
Le papier me manque, je finis; tecus in æternum. »

 

1 Sans doute M. de Montolieu. Voir lettre du 12 août précédent, à Polier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/03/15/malgre-toutes-les-horreurs-qui-m-environnent-je-ne-me-jetter.html

 

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19/04/2012 | Lien permanent

Je salue toujours les frères et les fidèles ; je m'unis à eux dans l'esprit de vérité et de charité . Nous avons des fau

... Urbi et orbi ! Bien dit pape François ! Belles Pâques ! Voltaire serait fier de toi, il n'aurait pas dit mieux, je crois . 

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Les petits cadeaux entretiennent l'amitié ! Tope-là, ou plutôt  : Pope, là !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

et à

Nicolas-Claude Thieriot

11 avril 1761

Je salue toujours les frères et les fidèles ; je m'unis à eux dans l'esprit de vérité et de charité . Nous avons des faux-frères dans l'église : Jean-Jacques qui devait être apôtre est devenu apostat ; sa lettre de laquelle j'ai rendu compte aux frères, et dont je n'ai point de réponse 1, était le comble de l'absurdité et de l'insolence .

Pourquoi a-t-on mis ( comme on le dit ) à la Bastille le censeur de Sobieski 2, et pourquoi laisse-t-on impuni le censeur de L'Année littéraire, qui donne son infâme approbation à des lignes infâmes contre une fille respectable ?

Pesselier m'a envoyé son ouvrage contre la Théorie de l'impôt 3. Je voudrais qu'on renvoyât toutes ces théories à la paix, et qu'on ne parlât point du gouvernement dans un temps où il faut le plaindre, et où tout bon citoyen doit s'unir à lui .

Je prie monsieur Thieriot de m'envoyer Quand parlera--telle ?4 Il faut bien que je rie comme les autres ; et il n'y a guère de critique dont on ne puisse profiter . Je recommande l'incluse aux frères, et les remercie tendrement de leur zèle . »

1 On sait que V* n'avait pas répondu .

 

 

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28/03/2016 | Lien permanent

si vous étiez comme moi exposée à donner à dîner tous les jours à des Russes, à des Anglais, à des Allemands, vous serie

... Répète François Hollande à sa Julie préférée .

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« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand

à Saint-Joseph

à Paris

18è august 1761 au château de Ferney

J’ai connu des gens, madame, qui se plaignaient de vivre avec des sots, et vous vous plaignez de vivre avec des gens d’esprit. Si vous avez imaginé que vous retrouveriez la politesse et les agréments des La Fare et des Saint-Aulaire, l’imagination des Chaulieu, le brillant d’un duc de La Feuillade, et tout le mérite du présent Hénault, dans nos littérateurs d’aujourd’hui, je vous conseille de décompter.

Vous ne sauriez, dites-vous, vous intéresser à la chose publique. C’est assurément le meilleur parti qu’on puisse prendre : mais si vous étiez comme moi exposée à donner à dîner tous les jours à des Russes, à des Anglais, à des Allemands, vous seriez un peu embarrassée d’être Française.

Je m’occupe du temps passé pour me dépiquer du temps présent. Je crois qu’il vaut mieux commenter Corneille que de lire ce qu’on fait aujourd’hui. Toutes les nouvelles affligent, et presque tous les nouveaux livres impatientent.

Mon commentaire impatientera aussi ; car il sera fort long. C’est une entreprise terrible que de discuter Cinna et Agésilas, Rodogune et Attila, le Cid et Pertharite. Je ne crois pas que, depuis Scaliger, il y ait eu un plus grand pédant que moi. L’ouvrage contiendra sept ou huit gros volumes  cela fait trembler.

Vous devez, madame, avoir actuellement M. le président Hénault : il faut que vous me protégiez auprès de lui. J’ai envoyé à l’Académie l’Epître dédicatoire, que je crois curieuse ; la préface sur le Cid, dans laquelle il y aussi quelques anecdotes qui pourront vous amuser ; les notes sur le Cid, sur les Horaces, sur Cinna, Pompée, Heraclius, Rodogune, qui ne vous amuseront point, parce qu’il faut avoir le texte sous les yeux.

Je voudrais bien que M. le président Hénault prît tout cela chez monsieur le secrétaire, et qu’il en dît son avis à M. de Nivernais. Je crois qu’il conviendrait qu’ils allassent tous deux à l’Académie, et qu’ils me jugeassent ; car il me faut la sanction de la compagnie, et que l’ouvrage, qui lui est dédié, ne se fasse que de concert avec elle. Je ne suis point du tout jaloux de mes opinions ; mais je le suis de pouvoir être utile, et je ne peux l’être qu’avec l’approbation de l’Académie. C’est une négociation que je mets entre vos mains, madame ; celle de M. de Bussy 1 sera plus difficile.

Vous vous plaignez de n’avoir rien qui vous occupe : occupez-vous de Pierre Corneille, il en vaut la peine par son sublime et par l’excès de ses misères.

Je vous sais bon gré, madame, de lire l’Histoire d’Angleterre par Thoyras 2. Vous la trouverez plus exacte, plus profonde et plus intéressante que celle de notre insipide Daniel. Je ne pardonnerai jamais à ce jésuite d’avoir plus parlé de frère Cotton que de Henri IV, et de laisser à peine entrevoir que ce Henri IV soit un grand homme.

Si vous aimez l’histoire, je vous en enverrai une dans quelques mois 3, qui est fort insolente, et que je crois vraie d’un bout à l’autre ; mais actuellement laissez-moi avec le grand Corneille.

Je vous réitère, madame, les remerciements de ma petite élève, qui porte un si beau nom, et qui ne s’en doute pas. Je me mets aux pieds de madame la duchesse de Luxembourg. Adieu, madame ; vivez aussi heureuse qu’il est possible ; tolérez la vie : vous savez que peu de personnes en jouissent. Vous vous êtes accoutumée à vos privations ; vous avez des amis, vous êtes sûre que quand on vient vous voir, c’est pour vous-même. Je regretterai toujours de n’avoir point cet honneur, et je vous serai attaché bien véritablement jusqu’au dernier moment de ma vie. »

1 Envoyé en Angleterre pour préparer les bases d'une pacification générale .

3 La nouvelle édition de l'Essai sur les moeurs ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/tag/essai%20sur%20les%20moeurs/3

 

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22/07/2016 | Lien permanent

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