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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Moyennant cet accord, tout sera parfaitement en règle ; nous serons débarrassés, vous et moi, d'une discussion qui doit

... Sera-ce l'introduction du juge de la Cour de la Justice de la République pour le procès intenté contre Dupond-Moretti, garde des Sceaux abusif et partial ?

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/05/p...

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Franc comme un âne qui recule

 

 

« Au Conseil suprême de Montbéliard

Messieurs

J'ai reçu les deux billets de Son Altesse Sérénissime . J'en ai sur-le-champ donné avis à M. Jaquelot qui part dans quelques jours pour le Languedoc . Il me mande qu'il apportera l'argent chez moi avant de partir, en déduisant les deux années à cinq pour cent . Je suppose qu'il entend l'intérêt de soixante et dix mille livres pour la première année, et de trente-cinq mille pour la seconde . Il fera le compte lui-même .

Pour vous, messieurs, je me flatte que vous aurez la bonté de vouloir bien m'envoyer un double du compte que j'ai l'honneur de vous remettre, qui se montait à 51392 livres et qui à la fin du mois de mars où nous sommes se montera à la somme de soixante et six mille neuf-cent vingt-trois livres .

Il vous sera aisé, messieurs, de répartir cette somme sur plusieurs fermiers ou régisseurs qui donneront chacun leur soumission pure et simple de me payer au temps désigné, chacun de la portion qui lui sera assignée . Ils y joindront aussi la promesse de me payer de préférences à tous les quartiers de mes rentes, chacun dans le temps désigné par vous . Moyennant cet accord, tout sera parfaitement en règle ; nous serons débarrassés, vous et moi, d'une discussion qui doit vous fatiguer beaucoup et qui désole ma vieillesse .

J'ai l'honneur d’être, avec tous les sentiments que je vous dois,

messieurs

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

A Ferney 16 mars 1768. »

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06/11/2023 | Lien permanent

Mais voici bien une autre paire de manches

... Le bordélique Poutine a osé . Que disent les woke à ce propos ? Ramènent-ils leurs fraises pour dénoncer cette horreur, eux qui hurlent lorsqu'on conserve une statue  ou une place honorable dans les livres d'histoire pour des ministres du temps des colonies et de l'esclavage ? J'écoute ...!

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

22è novembre 1766

Mes anges sauront, ou savent déjà peut-être, que j’ai eu l’honneur de leur adresser deux paquets par M. le duc de Praslin. Le premier contenait une provision pour le tripot, avec une lettre relative au tripot 1.

Le second renferme ma réponse 2 à la lettre du 13è novembre, dont mes anges m’ont gratifié ; et cette lettre, bien ou mal raisonnée, est soumise à leur jugement céleste. Elle est accompagnée des lettres patentes qu’ils m’ont ordonné d’envoyer à Mlle Durancy 3, d’une lettre à M. du Clairon, et surtout de corrections nécessaires à ma création de dix jours. Souvenez-vous bien, je vous en prie, au quatrième acte, scène seconde, du mot de tyrans, auquel il faut substituer celui de Persans .

Ces biens que des tyrans aux mortels ont ravis ,

mettez :

Ces biens que des Persans aux mortels ont ravis 4.

Tyrans sent le Jean-Jacques ; Persans est plus honnête, et il faut être honnête.

Mais voici bien une autre paire de manches 5, comme disait Corneille ; je ne savais pas, quand je dépêchai mes Scythes, que Le Mierre avait fait Les Suisses 6. Or les Suisses et les Scythes, c’est tout un. Il est impossible que Le Mierre et moi ne nous soyons pas rencontrés. Je ne veux point du tout passer pour être son copiste. En faisant présent de ma pièce aux comédiens, je peux passer devant Le Mierre. Les comédiens peuvent dire que c’est une tragédie qui leur appartient en propre, et qu’ils sont en droit de donner les pièces qui sont à eux avant celles dont les auteurs partagent avec eux le profit.

En un mot, il y a plus d’une tournure à donner à la chose. On peut même obtenir un ordre du premier gentilhomme de la chambre ; ô anges ! vous n’avez qu’à battre des ailes, et on fera ce que vous voudrez. Nous ne pensons pas, au couvent, que l’incognito puisse et doive se garder. Le petit La Harpe n’en sait rien ; mais M. Hennin a vu le manuscrit sur ma table. M. de Taulès, qui est curieux comme une fille, est au fait. Il y a une autre raison encore : c’est que maman 7 prétend que les Scythes sont ce que j’ai fait de mieux ; et moi, je vous avoue que, parmi mes médiocres ouvrages, je ne crois pas qu’il y en ait deux plus singuliers que les Scythes.

Je pense donc qu’il faut hardiment courir les risques des sifflets. Je pense qu’il faut faire lire la pièce devant mon gros neveu, et même devant Damilaville ; qu’il faut donner ce plaisir à vos amis, et vous en faire un amusement. J’attends vos ordres pour lire Les Scythes ou Les Suisses à notre ambassadeur suisse, à Hennin, à Taulès, à La Harpe, à Dupuits, qui ne savent rien encore bien positivement. J’attends vos ordres, dis-je, et je me prosterne.

V. »

3 La distribution des rôles des Scythes. C'est effectivement Mlle Durancy qui créa le rôle d'Obéide .

4Tout ce passage sera par la suite remanié .

6 Le Mierre a composé un Guillaume Tell qui sera représenté avant Les Scythes , le 17 décembre 1766 .

7 Mme Denis .

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24/02/2022 | Lien permanent

Un instinct heureux fait apercevoir aux femmes d'esprit si on parle bien ou mal 

... Je n'en dirai pas plus .

Citations de 15 femmes d'esprit qu'on admire Résumé et avis -

https://des-livres-pour-changer-de-vie.com/citations-de-1...

 

 

« A Nicolas Beauzée 1

Au château de Ferney par Genève, 14è janvier [1768]

Si je demeurais, monsieur, au fond de la Sibérie, je n'aurais pas reçu plus tard le livre que vous avez eu la bonté de m'envoyer 2. Le commerce a été interrompu jusqu'au commencement de novembre, et depuis ce temps nous avons été ensevelis dans les neiges. Enfin, monsieur, j'ai eu votre paquet et la lettre dont vous m'honorez. Je vois avec beaucoup de plaisir les vues philosophiques qui règnent dans votre Grammaire . Il est certain qu'il y a, dans toutes les langues du monde, une logique secrète qui conduit les idées des hommes sans qu'ils s'en aperçoivent, comme il y a une géométrie cachée dans tous les arts de la main, sans que le plus grand nombre des artistes s'en doute. Un instinct heureux fait apercevoir aux femmes d'esprit si on parle bien ou mal ; c'est aux philosophes à développer cet instinct. Il me paraît que vous y réussissez mieux que personne. L'usage, malheureusement, l'emporte toujours sur la raison. C'est ce malheureux usage qui a un peu appauvri la langue française, et qui lui a donné plus de clarté que d'énergie et d'abondance . C'est une indigente orgueilleuse qui craint qu'on ne lui fasse l'aumône. Vous êtes parfaitement instruit de sa marche, et vous sentez qu'elle manque quelquefois d'habits. Les philosophes n'ont point fait les langues, et voilà pourquoi elles sont toutes imparfaites.

J'ai déjà lu une grande partie de votre livre. Je vous fais, monsieur, mes sincères remerciements de la satisfaction que j'ai eue, et de celle que j'aurai. J'ai l'honneur d'être, avec toute l'estime que vous méritez, monsieur, vôtre .

Voltaire

gentilhomme ordinaire

de la chambre du roi. »

1 Nicolas Beauzée, né à Verdun en 1717, mort en janvier 1789. Voir : https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/nicolas-beauzee

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Beauz%C3%A9e

2 Grammaire générale , ou exposition raisonnée des éléments nécessaires du langage pour servir de fondement à l'étude de toutes les langues, deux volumes in-8°, 1767 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50449f.image

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13/08/2023 | Lien permanent

si ce n'est pas jeudi qu'on prêche, ce sera assurément cette semaine

... Et j'ai intérêt à me dépécher, car avec la semaine de trente cinq heures, il ne me reste que peu de temps pour vous apporter la bonne parole .

Allez ! j'appelle un copain à l'aide, il est un peu fâché avec les liaisons (mal-t-à-propos), mais par contre il apprécie le wihsky, ce qui peu compenser , à mes yeux en tout cas .

http://www.jukebo.fr/eddy-mitchell/clip,pas-de-boogie-woogie,vlmsz.html

 

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 Ceci est un boogie woogie et non une partie carrée, bande de malotrus !

 

 

« A M. Jacques-Abram-Elie-Daniel de BRENLES.

Ce dimanche [6 mars 1757].

On prétend que monsieur votre beau-frère 1, le prêtre, voudrait voir une pièce tirée du Nouveau Testament. Nous prêchons peut-être l'Enfant prodigue jeudi, après quoi on a pour le dessert un opéra-buffa 2. Prenez vos mesures là-dessus, mon cher philosophe si ce n'est pas jeudi qu'on prêche, ce sera assurément cette semaine. Bonsoir je vous serai attaché, à vous et à la philosophe votre compagne, toutes les semaines de ma vie.

V. »

1 La femme de Clavel , Étiennette Chavannes avait trois frères pasteurs : Emmanuel-Louis (1715-1800), Alexandre-César (1731-1800), François (1727-1803)

 

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11/10/2012 | Lien permanent

Le bonheur n'est ni dans les hôtelleries d'Allemagne, ni dans les antichambres des empereurs, ni dans les antres enfumés

... Il est sur scène, comme ici, amour et amitié d'abord : http://concert.arte.tv/fr/awa-ly-au-festival-au-fil-des-voix

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 Musique comme je l'aime , une voix vraie et rare , que demander de plus ?

 

 

« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck, née comtesse d'Oldembourg

Au château de Ferney pays de Gex

en Bourgogne par Genève 5è mars 1762

Il y a environ un an, madame, que je n'ai reçu d'autre lettre de vous, que celle dont je suis honoré aujourd’hui, en date du 8 février 1.

Vous savez combien j'ai toujours plaint votre situation . Ma sensibilité redouble avec vos chagrins . En vérité, madame, il est temps de finir vos malheurs, et vos courses . Le bonheur n'est ni dans les hôtelleries d'Allemagne, ni dans les antichambres des empereurs, ni dans les antres enfumés des procureurs et des avocats .

Puissiez-vous retrouver auprès de madame votre mère un peu de ce repos que vous avez perdu ! Si par hasard vous étiez aussi mécontente de l'Ost-Frise, que vous l'avez été de Berlin, de Vienne, et de La Haye, je prendrais la liberté de vous offrir un château assez logeable pour vous , et pour tout votre monde . La terre est entièrement libre, et ne serait point saisie par le roi de Dannemarck . Il n'y a guère de terre plus libre en Europe ; elle a un assez beau jardin, et vous y auriez toutes les commodités de la vie . Cela vaudrait un peu mieux que Montriond .

Vous seriez d'ailleurs à portée des personnes pour qui vous nous intéressez , et que vous avez mises à Tubinge . Mais il n'y a pas d'apparence que vous vous sépariez d'une mère aussi respectable et tendre que la vôtre .

Tout ce que je puis vous dire, madame, c'est que je suis entièrement à vos ordres . Mme Denis partage mes sentiments ; comptez sur nous comme sur vos vrais amis ; et agréez mon tendre respect .

V.

Je ne peux écrire de ma main étant assez malade . »

1 Cette lettre ne nous est pas parvenue .

 

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21/02/2017 | Lien permanent

rien n’est plus triste que de donner des sujets de plainte à ceux à qui on a rendu service

... Subtile et adorable affirmation de Voltaire .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

5è mai 1764 aux Délices

Mes divins anges verront par la lettre ci-jointe dans quel embarras je me trouve . Je me flatte que la bonté de monsieur d'ArgentaI m'en tirera , et qu'il m'épargnera une violente tracasserie que j'essuie pour des contes dont je ne me soucie guère . J'avais très grand sujet de me plaindre que mon nom se trouvât à la tête des fadaises de Guillaume Vadé, d’autant plus que parmi ces fadaises il y a des choses qu'on trouvera trop hardies, et je consens de tout mon cœur qu'on les supprime entièrement ; mais je ne me suis point servi des paroles choquantes rapportées par M. Crommelin .

D'ailleurs , Cramer m'a juré qu'il avait supprimé toutes les feuilles du titre dont j'avais lieu de me plaindre . Je vous demande en grâce de m'écrire [un mot]1 par lequel vous me renvoyez la lettre que je vous écrivis au mois d'avril pour cette petite affaire 2; j'en ai gardé copie, je la montrerai au plaignant, et tout sera apaisé . Je vous aurai la plus grande obligation du monde, car rien n’est plus triste que de donner des sujets de plainte à ceux à qui on a rendu service .

Je vous supplie de ne point donner encore à Lekain la nouvelle copie des Roués ; vous recevrez par la première poste des changements nouveaux, qui m'ont paru d'une nécessité absolue . Je vous demanderais pardon de toutes les peines que je vous donne, s'il ne s'agissait pas d'une conspiration dont vous êtes le premier mobile . Plus je m'efforce de rendre la pièce tolérable, et plus j'ai droit à votre indulgence . »

1 Le manuscrit porte une tache d'encre .

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03/06/2019 | Lien permanent

Il n'y a rien de gâté ; ce n'est qu'un compliment de perdu

... Par exemple, voir Joe Biden qui se bagarre contre Facebook, ce remarquable cluster de désinformation concernant les vaccins contre le Covid :  https://www.lemonde.fr/international/article/2021/07/17/j...

 

 

 

« A Georges Auzière

[20 avril 1766 ?]1

Il n'y a rien de gâté ; ce n'est qu'un compliment de perdu . On va vite travailler à rédiger un mémoire , le plus court et le plus clair qu'on pourra , lequel n'offensera personne et qui sera examiné par des médiateurs remplis d'impartialité et de justice . »

1 Copie contemporaine contresignée par Rilliet et Auzière ; l'édition Émilie Cherbuliez donne une version fantaisiste , Isaac Cornuaud, Mémoires […] sur Genève et la révolution de 1770 à 1795 . La lettre est datée par le fait qu'elle répond à une lettre de Georges Auzière du [20 avril] dans laquelle celui-ci raconte à V* une démarche qu'il a conduite de façon assez malheureuse auprès de Beauteville, auquel il devait faire remettre un mémoire de Taulès sur les affaires de Genève ; Auzière est le représentant des « natifs et habitants » . Sur le compliment dont parle V*, voir B. Gagnebin : « Le médiateur d’une petite querelle genevoise », 1955.

Voir : http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1140163a1c/?letters=decade&s=1760&r=12060

et : https://books.google.fr/books?id=VLtSCwAAQBAJ&pg=PT396&lpg=PT396&dq=voltaire+auzi%C3%A8re+avril+1766&source=bl&ots=C6VCSTDZYh&sig=ACfU3U1gMcY7yTALDSEwF2Jfoa_NCU4aZw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwidp4nIu-rxAhWo4IUKHWohBNQQ6AEwBnoECAYQAw#v=onepage&q=voltaire%20auzi%C3%A8re%20avril%201766&f=false

et : https://books.google.fr/books?id=yf49WX1FTfsC&pg=PA317&lpg=PA317&dq=voltaire+auzi%C3%A8re+avril+1766&source=bl&ots=FpkrosJuD2&sig=ACfU3U0nZu0ASkogXvyJ1I8KU-xxLLolIQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwidp4nIu-rxAhWo4IUKHWohBNQQ6AEwCXoECAcQAw#v=onepage&q=voltaire%20auzi%C3%A8re%20avril%201766&f=false

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18/07/2021 | Lien permanent

il ne me reste de force que pour vous souhaiter une vie plus heureuse que n'est la fin de la mienne

... Tristounet le Patriarche . Dur dur de se  retrouver seul .

 

 

« A Marie-Louise Denis

au Palais royal

à Lyon

Dimanche au soir 6è mars 1768 à Ferney

Hier, cinq cents personnes s'attroupèrent autour de Tronchin Boissier, et le menacèrent de l'assassiner . Les chefs du peuple ont mis cinquante hommes dans son appartement pendant la nuit pour le garder . Aujourd’hui dimanche le Conseil des deux cents a voulu remettre le conseil général à huitaine, et le peuple a été à Saint-Pierre 1.

A une heure j'ai reçu une lettre par laquelle on vous offre d'acheter Ferney, et de vous payer moitié argent comptant, et moitié rentes viagères . Il ne s'agit plus que du prix . J'en demanderai cent mille écus . Voyez si vous voulez vous relâcher jusqu’à deux cent cinquante mille livres . Pour moi, je suis accablé de douleur, d'un si violent mal de tête accompagné de fièvre qu'il ne me reste de force que pour vous souhaiter une vie plus heureuse que n'est la fin de la mienne .

J'embrasse tendrement mes autres enfants, M. et Mme Dupuits .

Si ce billet vous trouve encore à Lyon, j'attends un mot de réponse . Sinon, M. Tabareau le fera passer à Paris . »

1 C'est là que, suivant la coutume, doit se réunir le Conseil général .

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27/10/2023 | Lien permanent

Il n'est pas permis à un bon sujet de se donner des plaisirs quand la cour est dans les alarmes

... A quoi va servir ce nouveau bidule mis au jour par notre président omniprésent et omniscient ?

https://www.ladepeche.fr/2022/08/30/conseil-de-defense-en...

 

 

 

« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally

16 mars [1767]

Je vous dois depuis longtemps une réponse, mon cher ami . J'amusais mes maux et ma décrépitude en faisant jouer Les Scythes à Ferney ; mais , sur la nouvelle de l'état de Mme la dauphine, nous avons tout interrompu . Il n'est pas permis à un bon sujet de se donner des plaisirs quand la cour est dans les alarmes et peut-être dans le deuil .

Je vous supplie de faire mes tendres compliments à M. de Chennevières .

S'il y a quelque chose de nouveau, ayez la bonté de nous le mander . Nous prions la […] de se souvenir toujours de nous . »

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31/08/2022 | Lien permanent

Il faut savoir oser ; la philosophie mérite bien qu'on ait du courage . Il serait honteux qu'un philosophe n'en eût poin

...  ce n'est pas la peine de les passer à ramper sous des coquins méprisables 

 

Mis en ligne le 12/11/2020 pour le 17/7/2015

 

 

« A Clause-Adrien Helvétius

16 juillet 1760 au château de Tournay

par Genève 1

J'ai reçu mon cher philosophe, votre paquet de Voré 2 avec le même plaisir que ressentaient les premiers fidèles quand ils recevaient des nouvelles de leurs frères confesseurs et martyrs . Je suis toujours inconsolable que vous n'ayez pas imité le président de Montesquieu, qui se donna bien de garde de faire imprimer son ouvrage en France 3, et qui se réserva toujours le droit de le désavouer en cas que les monstres de la bigoterie se soulevassent contre lui .

Je suis d'ailleurs convaincu qu'en y corrigeant une centaine de pages on aurait émoussé les glaives du fanatisme, et le livre n'y aurait rien perdu 4. Je l'ai relu plusieurs fois, avec la plus grande attention, j'y ai fait des notes ; si vous le vouliez, on en ferait une seconde édition, dans laquelle on confondrait les ennemis du bon sens .

Il faudrait que vous donnassiez la permission d'éclaircir certaines choses et d’en supprimer d'autres . Me Joly de Fleury n'aurait rien à répliquer si on lui coupait les deux mains,5 et si on lui faisait voir que ce sont ces deux mains qui ont procuré aux hommes les idées de tous les arts, puisque sans les deux mains, aucun art n'eût pu être exercé . La main droite de Me Joly de Fleury a écrit un réquisitoire qui pêche contre le sens commun, d'un bout à l'autre . Vous avez donné malheureusement prétexte à tous les ennemis de la philosophie, mais il faut partir d’où l'on est .

A votre place, je ne balancerais pas à vendre tout ce que j'ai en France ; il y a de très belles terres dans mon voisinage, et vous pourriez y cultiver en paix les arts que vous aimez .

Il est bien plaisant, ou plutôt, bien impertinent et bien odieux qu'on persécute dans les Gaules ceux qui n'ont pas dit la centième partie de ce qu'ont dit à Rome les Lucrèce, les Cicéron, les Pline, et tant d'autres grands hommes .

Je vous prie instamment de m'envoyer tout votre poème 6 ; je vous en dirai mon avis, si vous le voulez , avec la sincérité d'un homme qui aime la vérité, les vers et votre gloire . Ayez la bonté de m'écrire sous le couvert de M. de Villemorien, directeur et intendant des postes à Paris . Les paquets me seront rendus plus promptement, plus sûrement, et d'une manière plus commode . Vous pourrez lui écrire quatre lignes, par lesquelles vous lui direz que je vous ai prié d'envoyer vos paquets sous son enveloppe .

C'est une chose fort triste que le succès de la pièce des Philosophes . Cette prétendue comédie est en général bien écrite, c'est son seul mérite , mais ce mérite est grand dans le temps où nous sommes . Les oppositions qu'on a voulu faire aux représentations, n'ont fait qu'irriter la curiosité maligne du public ; il fallait rester tranquille et la pièce n'aurait pas été jouée trois fois , elle serait tombée dans le néant de l'oubli , qui engloutit tout ce qui n'est que bien écrit , et qui manque de ce sel, sans lequel rien ne dure ; mais les philosophes ne savent pas se conduire, magis magnos clericos, non sunt magis magnos sapientes 7.

M. Palissot m'a envoyé sa pièce reliée en maroquin, et m'a comblé d'éloges injustes qui ne sont bons qu'à semer la zizanie entre les frères . Je lui ai répondu 8 qu'à la vérité je croyais faire des vers aussi bien que MM. d'Alembert, Diderot et Buffon ; que je croyais même savoir l’histoire aussi bien que M. Daubenton 9, mais que dans tout le reste je me croyais très inférieur à tous ces messieurs et à vous . Je lui ai conseillé d'avouer qu'il avait eu tort d’insulter très mal à propos les plus honnêtes gens du monde . Il ne suivra pas mon conseil, et il mourra dans l'impénitence finale .

Tachez de vous procurer Le Pauvre Diable, Le Russe à Paris, et L’Épître d'un frère de la doctrine chrétienne ; ce sont des ouvrages très édifiants . Je crois que M. Saurin peut vous les faire tenir . On m'a dit que dans Le Russe à Paris, il y a une note importante qui vous regarde 10. Les auteurs de tous ces ouvrages ne paraissent pas trop craindre les persécuteurs fanatiques . Il faut savoir oser ; la philosophie mérite bien qu'on ait du courage . Il serait honteux qu'un philosophe n'en eût point quand les enfants de nos manœuvres vont à la mort pour quatre sous par jour . Nous n'avons que deux jours à vivre , ce n'est pas la peine de les passer à ramper sous des coquins méprisables . Adieu mon cher philosophe, ne comptez pour votre prochain que les gens qui pensent, et regardons le reste des hommes comme les loups, les renards et les cerfs 11 qui habitent nos forêts . Je vous embrasse de tout mon cœur .

V. »

1 Pour le jour, V* avait d’abord noté 15 ; Le passage Ayez la bonté […] sous son enveloppe supprimé dans l'édition de Kehl manque aussi dans les éditions suivantes .

2 La maison de campagne (actuellement Orne) dont V* avait entendu parler dans une lettre de Thieriot du 26 septembre 1758 où Helvétius s'était retiré .

3 L'Esprit des lois fut d'abord publié à Genève .

4 Le Livre de l'Esprit . Implicitement, V* marquait déjà ici un certain désaccord avec les thèses athées d'Helvétius ; ses réserves grandiront pour aboutir à une réfutation de l'athéisme dans l'Histoire de Jenni .

5 Voir De l'Esprit, , 1, sur le rôle des mains dans l'évolution de l'humanité .

6 Le poème du Bonheur que Marivaux mentionne dans Le Miroir (1755) et qui ne parut pas du vivant d'Helvétius .

7 Les plus grands clercs ne sont pas les plus sages ; réminiscence de Rabelais, voir lettre du 25 février 1758 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/07/23/temp-9e2fbb75f17d2b7f9de6124f28ff7479-5127775.html

8 Voir lettre du 23 juin 1760 à Palissot : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire...

9 Le jésuite Guillaume Daubenton avait connu une grande popularité par La Vie du bienheureux Jean-François Régis, 1716 ; V* ne le mentionne pas dans la lettre du 23 juin à Palissot , mais il avait cette ouvreuse dans sa bibliothèque .

10 Cette note sur Helvétius est ainsi conçue : « M. Helvétius, admirable (ce mot n'est pas trop fort) par une action unique : il a quitté deux cent mille livres de rente pour cultiver les belles-lettres en paix », voir Le Russe à Paris , vers 65 .

11 Les loups sont les jansénistes, les renards les jésuites ; la même idée apparait dans le Pot-pourri dans un passage composé à peu près à la même époque : «  ... s'ils [les jésuites] sont perdus [...] vous n'y gagnerez rien : vous serez accablé par la faction des jansénistes . Ce sont des enthousiastes féroces [...] Songez que les fanatiques sont plus dangereux que les fripons . »

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17/07/2015 | Lien permanent

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