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02/02/2010

les suffrages d’un public toujours inconstant qui se plait à élever des idoles pour les détruire

Dédicace à celle qui ...

http://www.youtube.com/watch?v=cdje1bpjbgc

... et qui ...

http://www.youtube.com/watch?v=2kylDMPYFE8&NR=1

... ou inversement ?

samson.jpg

 Rameau, "tête à double croches" et Volti librettiste ... Je n'ai pas trouvé d'illustration musicale pour Samson, mais profitez de celle-ci quand même : "Règne Amour" (cri du coeur !!) extrait de Zoroastre : http://www.youtube.com/watch?v=gpDkWDQzN38

 

 

 

 

« A Berger

 

A Cirey [vers le 2] février 1736

 

                            Le succès de mes Américains  [Alzire ou les Américains , jouée la première fois le 27 janvier 1736, 20 fois à la Comédie française et 2 fois à la cour] est d’autant plus flatteur pour moi, mon cher Monsieur, qu’il justifie votre amitié pour ma personne et votre goût pour mes ouvrages. J’ose vous dire que les sentiments vertueux qui sont dans cette pièce sont dans mon cœur, et c’est ce qui fait que je compte beaucoup plus sur l’amitié d’une personne comme vous dont je suis connu, que sur les suffrages d’un public toujours inconstant qui se plait à élever des idoles pour les détruire, et qui depuis longtemps passe la moitié de l’année à me louer et l’autre à me calomnier. Je souhaiterai que l’indulgence avec laquelle cet ouvrage vient d’être reçu pût encourager notre grand musicien Rameau à reprendre en moi quelque confiance et à achever son opéra de Samson sur le plan que je me suis toujours proposé [V* l’a commencé à l’automne 1733]. J’avais travaillé uniquement pour lui. Je ne m’étais écarté de la route ordinaire dans le poème que parce qu’il s’en écarte dans la musique. J’ai cru qu’il était temps d’ouvrir une carrière nouvelle à l’opéra comme sur la scène tragique les beautés de Quinault et de Lully sont devenues des lieux communs, il y aura peu de gens assez hardis pour conseiller à M. Rameau de faire de la musique pour un opéra dont les deux premiers actes sont sans amour ; mais il doit être assez hardi pour se mettre au dessus du préjugé . Il doit m’en croire et s’en croire lui-même. Il peut compter que le rôle de Samson, joué par Chassé, fera autant d’effet au moins que celui de Zamore [dans Alzire], joué par Dufresne. Tâchez de persuader cela à cette tête à double croches. Que son intérêt et sa gloire l’encouragent ; qu’il me promette d’être entièrement de concert avec moi ; surtout qu’il n’use pas sa musique en la faisant jouer de maison en maison ; qu’il orne de beautés nouvelles les morceaux que je lui ai faits. Je lui enverrai la pièce quand il le voudra, M. de Fontenelle en sera l’examinateur. Je me flatte que M. le prince de Carignan [Victor-Amédée de Savoie, prince de Carignan, directeur de l’Opéra] la protègera et qu’enfin ce sera de tous les ouvrages de ce grand musicien celui qui, sans contredit, lui fera le plus d’honneur.

 

                            A l’égard de M. de Marivaux, je serais très fâché de compter parmi mes ennemis un homme de son caractère et dont j’estime l’esprit et la probité. Il a surtout dans ses ouvrages un caractère  de philosophie, d’humanité et d’indépendance dans lequel j’ai trouvé, avec plaisir, mes propres sentiments. Il est vrai que je lui souhaite quelquefois un style moins recherché et des sujets plus nobles. Mais je suis bien loin de l’avoir voulu désigner en parlant des comédies métaphysiques [pourtant si, dans les lettres à Formont d’avril 1732 et à Moncrif en avril 1733]. Je n’entends par ce terme que ces comédies [par exemple Le Triomphe de Plutus de Marivaux, 1730 ] où l’on introduit des personnages qui ne sont point dans la nature, des personnages allégoriques propres tout au plus pour le poème épique, mais très déplacés sur la scène, où tout doit être peint d’après nature. Ce n’est pas, ce me semble, le défaut de M. de Marivaux. Je lui reprocherai au contraire de trop détailler les passions et de manquer parfois le chemin du cœur, en prenant des routes un peu trop détournées. J’aime d’autant plus son esprit que je le prierais de le moins prodiguer ! [V* écrit à Formont le 29 mai 1732 : « Nous aurons aussi les Serments indiscrets de Marivaux, où j’espère que je n’entendrai rien. »] Il ne faut point qu’un personnage de comédie songe à être spirituel, il faut qu’il soit plaisant malgré lui et sans croire l’être. C’est la différence qui doit être entre la comédie et le simple dialogue. Voilà mon avis, mon cher Monsieur ; je le soumets au vôtre.

 

                            J’avais prêté quelque argent à feu M. de La Clède, mais sans billet. Je voudrais en avoir perdu dix fois davantage et qu’il fût en vie. Je vous supplie de m’écrire tout ce que vous apprendrez au sujet de mes Américains. Je vous embrasse tendrement.

 

                            Qu’est devenu l’abbé Desfontaines ? [condamné par la chambre de l’Arsenal pour avoir fait un libelle contre l’Académie.] Dans quelle loge a-t-on mis ce chien qui mordait ses maîtres ? Hélas ! je lui donnerais encore du pain, tout enragé qu’il est. Je ne vous écris point de ma main, parce que je suis un peu malade. Adieu.

 

                            Voltaire. »

Esprit peu contrariant, comme vous diront mes meilleurs amis, je place en conclusion une ouverture : http://www.youtube.com/watch?v=Uh4O6bGBQNo&NR=1

 

 

 

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