15/08/2010
qui méprise les grands peut bien mépriser les sots
Des sots gentils :
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Du mépris à la méprise, de la méprise au mépris ...
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Mépris , Le Mépris : assez emphatique !
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« A Nicolas-Claude Thiriot
[Monsieur Thiriot l'aîné
rue des Prouvères à Paris]
A Londres 4 août v.s. [15 n.s.] 1728
Voici qui vous surprendra, mon cher Thiriot, c'est une lettre en français. Il me paraît que vous n'aimez pas assez la langue anglaise pour que je continue mon chiffre avec vous. Recevez donc en langue vulgaire les tendres assurances de ma constante amitié. Je suis bien aise d'ailleurs de vous dire intelligiblement que si on a fait en France des recherches de La Henriade chez les libraires ce n'a été qu'à ma sollicitation ; j'écrivis il y a quelque temps à M. le garde des Sceaux et à M. le lieutenant de police de Paris pour les supplier de supprimer les éditions étrangères de mon livre [i], et surtout celles où l'on trouverait cette misérable critique dont vous me parlez dans vos lettres [ii]. L'auteur est un réfugié connu à Londres, et qui ne se cache point de l'avoir écrite. Il n'y a que Paris au monde où l'on puisse me soupçonner de cette guenille. Mais odi profanum vulgus et arceo [iii], et les sots jugements et les folles opinions du vulgaire ne rendront point malheureux un homme qui a appris à supporter des malheurs réels, et qui méprise les grands peut bien mépriser les sots. Je suis dans la résolution de faire incessamment une édition correcte du poème auquel je travaille toujours dans ma retraite. J'aurais voulu, mon cher Thiriot, que vous eussiez pu vous en charger pour votre avantage et pour mon honneur [iv]. Je joindrai à cette édition un essai sur la poésie épique qui ne sera point la traduction d'un embryon anglais mal formé [v] mais un ouvrage complet et très curieux pour ceux qui quoique nés en France veulent avoir une idée du goût des autres nations. Vous me mandez que des dévots gens de mauvaise foi ou de très peu de sens ont trouvé à redire que j'aie osé, dans un poème qui n'est point un colifichet de roman, peindre Dieu comme un être plein de bonté et indulgent aux sottise de l'espèce humaine. Ces faquins-là feront tant qu'il leur plaira de Dieu un tyran, je ne le regarderai pas moins comme un être aussi bon et aussi sage que ces messieurs sont sots et méchants.
Je me flatte que vous êtes pour le présent avec votre frère. Je ne crois pas que vous suiviez le commerce comme lui. Mais si vous le pouviez faire j'en serais fort aise car il vaut mieux être maître d'une boutique que dépendant d'une grande maison. Instruisez-moi un peu de l'état de vos affaires et écrivez moi, je vous en prie, plus souvent que je ne vous écris. Je vis dans une retraite dont je n'ai rien à vous mander au lieu que vous êtes dans Paris où vous voyez tous les jours des folies nouvelles qui peuvent encore réjouir votre pauvre ami assez malheureux pour n'en plus faire.
Je voudrais bien savoir où est Mme Berniè[res] et ce que fait le chevalier anglais des Alleurs [vi]. Mais surtout parlez-moi de vous à qui je m'intéresserai toute ma vie avec toute la tendresse d'un homme qui n'a rien de mieux à faire au monde qu'à vous aimer.[vii] »
i Le 2 mai, en anglais, à Thiriot : « … il faut que vous alliez chez M. Hérault, le lieutenant de police ; je lui ai déjà envoyé un exemplaire de La Henriade, en le priant instamment de faire saisir tous ceux qui pourraient se glisser en France avant que j'aie reçu du gouvernement la permission de publier ce livre... » ; Thiriot doit aussi « implorer » l'appui de Hérault contre l'édition « pirate » entreprise en France.
ii La critique de Faget ; cf. lettre au Daily Post du 31 mars.
iii = Je hais la foule profane et la tiens à l'écart.
iv Le 2 mai, à Thiriot , il demande de s'entendre avec un libraire français réputé si une permission était accordée : « il faut que le libraire fasse deux éditions, l'une in-quarto pour mon propre compte, et une autre in-octavo à votre profit. » Thiriot se déroba.
v Effectivement, il ne fera pas une simple traduction de l'Essay ; cf. lettre à Swift du 25 décembre 1727.
vi A des Alleurs, en anglais, en avril : « Vous qui êtes un parfait Britannique, vous devriez passer la manche et venir nous trouver. Je vous assure de nouveau qu'un homme de votre caractère ne serait pas mécontent d'un pays où chacun n'obéit qu'aux lois et à sa fantaisie. »
vii Dernière lettre d'Angleterre connue (1990) ; V* aurait eu quelques fâcheuses affaires à la fin de son séjour et serait parti en octobre-novembre, furieux contre les Anglais selon Lord Peterborough.
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