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31/07/2014

il ne faut pas qu'une femme paraisse dans le monde sans être mise à son avantage

... Comme ceci  ?

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Un tue l'amour !

Ou comme cela ?

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Entre les deux mon coeur balance, et au fond ça me ficherait la trouille de coucher avec Batman !

 

 

 

« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine

13 juin [1759]

Comme je suis en Russie jusqu'au cou 1, je n'ai que le temps ma chère nièce de vous dire que je suis confondu de ne recevoir aucune nouvelle de mes anges d'Argental ; les affaires de Parme sont considérables je l'avoue et doivent avoir la préférence , mais l'ancienne chevalerie 2 est quelque chose , et mériterait un petit mot . M. le duc de Choiseul a toutes les affaires de l'Europe sur les bras, et cependant m'a écrit trois fois pendant que l'envoyé de Parme ne m'écrit point du tout ; non seulement il était chargé de l'ancienne chevalerie, mais il l'était encore de quelque argent comptant qu'il avait eu la bonté de vouloir bien faire remettre de ma part au conseil de Mgr le comte de La Marche 3. Il peut avoir trouvé la chevalerie injouable, mais encore faut-il le dire et donner quelque signe de vie .

A-t-il ma pièce ? ne l'a-t-il point ? est-il content ? en est-il fâché ? est-il paresseux ? est-il malade ?

J'ai envie de mettre le jurisconsulte d'Hornoy aux prises avec le conseil de la maison de Conti 4 pour le former aux affaires . N'imitez point les envoyés de Parme ,ma chère nièce . Écrivez-moi et ne disons pas un mot de la fille du vieux chevalier jusqu'à ce que j'aie mis quelques pompons à ses habits et quelques diamants à sa coiffure ; il ne faut pas qu'une femme paraisse dans le monde sans être mise à son avantage ; je la coifferai dès que j'aurai gagné la bataille de Pultawa 5 que mon ami Jean-Louis Wagnière et moi allons donner incessamment . Votre sœur et moi nous vous embrassons bien tendrement . »

1 Rédaction de l'histoire de la Russie sous Pierre le Grand .

 

30/07/2014

je me soumets d'ailleurs au pape et à l'Église, avec toute la résignation d'un bon chrétien tel que je suis et que j'ai toujours été

... Résignation !? Résignation ? si ce qu'a fait et dit Voltaire sur la religion et en particulier sur la catholique, est signe  de résignation, je veux bien retourner à l'église illico . En réalité , je crois que je ne cours pas grand risque .

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« A Nicolas-Claude THIERIOT. 1

Chez M. Bélidor

à l'Arsenal

à Paris
Aux Délices, 11 juin [1759].
Mon ancien ami, Mlle Fel 2 est chez moi avec son frère, qui est plus vieux que vous, qui a fait le voyage gaiement, et qui chante encore. Quand vous voudrez venir nous voir sans chanter, vous ne serez pas si bien reçu que chez les Montmorency ; mais oves ad flumina pascit Adonis.3
De là je conclus que vous pourrez très-bien venir philosopher sur les bords de notre lac. J'ai la folie de faire bâtir un très- beau château ; mais ce ne sera pas là que j'aurai l'insolence de vous recevoir, mais bien dans la guinguette des Délices. Vous verrez un homme entièrement libre. Le roi m'a accordé la confirmation des privilèges de ma terre, qui la rendent entièrement indépendante. Je suis parvenu à ce que j'ai désiré toute ma vie, l'indépendance et le repos. Vous ferez fort bien de venir partager avec moi ces deux biens inestimables ; nous ajusterons ensemble l'Histoire de Pierre le Grand. Plus je vais en avant, plus je vois qu'il mérite ce titre. Quand je le vis, il y a quarante ans 4, courant les boutiques de Paris, ni lui ni moi ne 5 doutions que je serais un jour son historien. Je vous avertis qu'il a fait sortir les jésuites de ses États; apparemment que quelque frère Berthier lui avait déplu.
Il y a longtemps que quelqu'un 6 exigea de moi des paraphrases de l'Ancien Testament; je choisis le Cantique des cantiques et l'Ecclésiaste. L'un de ces ouvrages est tendre, l'autre est philosophique. J'ai eu le plaisir de parler au cœur et à la raison; mais je crains bien que les copies de l'Ecclésiaste ne soient falsifiées : je m'en remets à la Sorbonne pour la condamnation des copistes; je me soumets d'ailleurs au pape et à l'Église, avec toute la résignation d'un bon chrétien tel que je suis et que j'ai
toujours été.
Il y a longtemps que j'ai les quatre volumes 7 de M. d'Alembert, et je les ai lus avec un extrême plaisir.

Je ne comprends pas comment vous ne vous êtes pas fait payer des cent vingt livres par Mme de Fontaine 8. Elle est chargée, par un grand accord de famille, de vous payer cette somme, et vous recevrez votre argent tôt ou tard avec cette lettre.
Bonsoir; je vous quitte pour Pierre le Grand. Je me flatte toujours que, quand vous aurez fait votre cours d'artillerie sous M. Bélidor 9, vous viendrez vous reposer aux Délices.
Vale, nostrorum sermonum candide judex.10

V. »

1 Sur le manuscrit, d'autres mains ont modifié l'adresse : « de la Bastille / chez le perruquier », « de présent à Verdun pour / les deux noms », « à Verdun », le tout rayé ; et « à l'arsenal de la Bastille / chez le perruquier / à Paris / à Paris »

2 Marie Fel , cantatrice française, née à Bordeaux en 1716, débuta à l'Opéra en 1733, et fit les délices du public jusqu'en 1759, année où elle se retira. . Elle passa environ quatre semaines aux Délices au cours d'une tournée .Voir lettre de V* du 7 août 1759 : page 150 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f162.texte

Vers le 5 juin, Mme Denis écrivait à François Tronchin : « Mlle Fel est arrivée chez nous hier au soir, nous la laissons reposer aujourd’hui, nous la ferons chanter demain . J'écris à M. Maler pour le prier de faire dire à Baridon et à Friche de se rendre aux Délices demain pour essayer la façon dont ils l'accompagneront . » ; voir aussi sa lettre du 8 juin 1759 à Cideville citée dans la lettre du 27 mars à de Ruffey : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/15/sa-petulance-augmente-avec-l-age-il-n-a-rien-gagne-sur-ses-d-5369822.html

3 Adonis fait paître les brebis le long du fleuve ; Virgile , Bucoliques, X, 18

4 V* donne des détails sur le séjour du tsar Pierre le Grand dans ses Anecdotes sur le czar Pierre le Grand, 1748 ; mais il ne dit pas l'avoir vu ; du reste dès le 16 mai il se trouvait à La Bastille où il passa le reste de l'année . Voir : http://agora.qc.ca/documents/voltaire--anecdotes_sur_le_czar_pierre_le_grand_par_voltaire

5 Plutôt ne nous doutions .

6 Le duc de La Vallière , pour la marquise de Pompadour .

8 « C'est uniquement ma faute … si je n'ai pas reçu plus tôt les cent vingt livres . Mme de Fontaine avait envoyé plusieurs fois chez moi m'avertir de les venir recevoir » répond Thieriot en juillet 1759 .

9 Bernard Forest de Bélidor (1697-1761 ) est un ingénieur spécialisé dans la fabrication d'explosifs . Thieriot fit un bref séjour chez lui, près de l'Arsenal ; mais dans sa réponse à la présente lettre,il note : « M. Bélidor est à Verdun faisant ses cours de génie . Il faut m'adresser à présent mes lettres à l'Arsenal tout simplement parce que je ne loge plus chez lui . »

10 Porte toi bien, juge sincère de nos entretiens . Horace, Épîtres, I, iv, 1 .

 

29/07/2014

je ferai un mémoire sanglant contre les banqueroutiers, contre les commissions éternelles de ces belles affaires, et contre le receveur des consignations, qui mange tout l'argent

... Que  ce soit au XVIIIè siècle ou au XXIè, c'est une constante qui perdure, l'enrichissement de ceux qui vivent de la défaite des autres .

Ô magnifique métier juteux que celui des liquidateurs de faillites . Charognards ! 

 

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« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine
Le 11 juin [1759] 1
On fait une tragédie , ma chère nièce, en trois semaines, il n'y a rien de plus aisé, mais en trois semaines on ne l'achève pas. Je me suis remis vite au czar Pierre 2, afin de perdre de vue la pièce, et de la revoir dans quelque temps avec des yeux rafraîchis et un esprit désintéressé : c'est alors que je serai un censeur très-sévère. En attendant, je vous exhorte à vous faire raison des Bernard. Si, pendant que vous avez la main à la pâte, vous pouviez tirer aussi quelque chose de la banqueroute de ce faquin de Samuel, fils de Samuel, maître des requêtes, surintendant de la maison de la reine, et banqueroutier frauduleux, ce serait une bonne affaire pour la famille. Il faudra charger d'Hornoy de cette affaire quand il aurait 3 fait son droit, et qu'il aura emporté vigoureusement ses licences ; il prendra des conseils de son oncle l'abbé 4, et il n'est pas douteux qu'alors il ne triomphe.
Pour moi, je ferai un mémoire sanglant contre les banqueroutiers, contre les commissions éternelles de ces belles affaires, et contre le receveur des consignations, qui mange tout l'argent.
Êtes-vous à Paris ? êtes-vous à Hornoy ? Pour moi, la tête me fend, ma cervelle bout du czar Pierre et des tragédies , de trois terres que je gouverne bien ou mal, de deux maisons que je bâtis, et des vers de Luc 5, auxquels il faut répondre. Je ne sais ce que c'est que ce Sermon des cinquante 6 dont vous me parlez; c'est apparemment le sermon de quelque jésuite qui n'aura eu que cinquante auditeurs : c'est encore beaucoup ; les pauvres diables me paraissent actuellement bien grêlés. Mais si c'était quelque sottise anti-chrétienne, et que quelque fripon osât me l'imputer, je demanderais justice au pape, tout net. Je n'entends point raillerie sur cet article : je me suis déclaré hardiment contre Calvin, aux Délices; et je ne souffrirai jamais que la pureté de ma foi soit attaquée.
Je crois notre ami d'Argental un peu empêtré de son ambassade 7. Il ne m'écrit point, et je suis persuadé que je recevrai un volume de lui sur la Chevalerie 8. J'ai bien peur que ses négociations parmesanes ne fassent un peu languir des traités qu'il avait entamés pour moi avec M. le comte de La Marche, notre seigneur suzerain 9.
Mes correspondances dans le Nord vont toujours leur train.
Je suis plus content que jamais de la cour de Pétersbourg. Il nous est venu ici un petit Russe très-aimable 10, proche parent d'une impératrice, et qui pour cela n'en est pas plus grand seigneur.
Je vous écris à bâtons rompus, comme vous voyez, ma chère nièce ; c'est que je n'ai pas dormi, et que je n'en peux plus.
Ayez grand soin de votre santé, et dites-m'en, s'il vous plaît, des nouvelles. Je vous embrasse tendrement, vous, votre famille, et vos amis. Adieu, ma chère enfant; je vous recommande Thieriot, à qui vous devez quarante écus 11, en vertu des pactes de famille. »

 

 

1 C'est par erreur que cette lettre a toujours été classée à l'année 1761; elle est de 1759. (Georges Avenel.)

2 V* n'exagère pas, voir la lettre de Mme Denis citée à propos de la lettre du 3 juin 1759 à de Bussy : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/07/24/sa-parole-d-honneur-ce-qui-est-comme-vous-savez-en-fait-de-traite-un-pacte.html

3On attendrait plutôt aura .

4 L'abbé Mignot.

5 Voyez la lettre de Frédéric du 18 mai 1759.

6 Cette lettre, qui, répétons-le, est bien de 1759, prouve que le fameux Sermon des cinquante fut publié trois ans avant la Profession de foi du Vicaire savoyard, qui parut en 1762.

7 Il avait été nommé, au mois de mai 1759, ministre plénipotentiaire de Parme près la cour de Versailles.

8Tancrède , dont vers la même époque Mme d'Argental renvoyait à V* des vers corrigés avec un long commentaire , vers le 10 juin 1759 .

9 A propos de la propriété et des droits sur Ferney .

11 Voyez la lettre du même jour à Thieriot. : page 120 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b.f132

 

28/07/2014

Les Russes avancent et tout est en mouvement

... Eh ! oui, ces fichus Russes reculent rarement et ils dérangent tout le monde ! Comme les chevaux de trait ils portent des oeillères et vont le front baissé, têtus, obstinés , obéissant aux guides de celui qui tient le fouet (ou le bon d'entrée pour le goulag, n'est-ce pas mister'As Poutine !)

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«À Jean-Robert Tronchin

à Lyon

Je me souviens, mon cher monsieur, que je vous avais prié de vouloir bien faire toucher mille francs à la veuve Eustache 1 à Rouen pour le paiement de sa toile en attendant qu'elle envoyât son compte ; je reçois ce compte aujourd'hui . Il est de 1748 livres . Je vous supplie de vouloir bien les faire tenir incessamment à Mme du Coudray à Rouen ; c'est elle qui s'est chargée d'envoyer les ballots . Vous pourriez, monsieur, avoir la bonté d'envoyer à cette Mme du Coudray une lettre de change de pareille somme payable à vue sur qui il vous plaira . Je n'ai aujourd'hui aucune nouvelle . Je crois le roi de Prusse parti enfin de Landshut . Les Russes avancent et tout est en mouvement .

Je vous serais très obligé si vous voulez bien m'envoyer dans quelques jours un petit mémoire de votre main spécifiant l'argent que vous avez donné pour moi à l’Électeur palatin et ce qui doit me revenir par an, et par semestre de la rente stipulée . Vous me feriez plaisir aussi d’ajouter qu'ayant délivré les fonds longtemps avant le terme de juillet, c’est au 1er juillet que je dois être payé de mon revenu ; j'enverrais ce petit mémoire à son ministre 2 et je le prierais de vouloir bien vous charger de me payer cette rente tous les six mois, aux 1ers juillet et aux 1ers janvier .

Le docteur a tiré monsieur votre frère d'une maladie qui paraissait bien dangereuse 3.

Je vous embrasse bien tendrement .

V.

9è juin [1759] aux Délices

Je reçois dans ce moment, monsieur, votre lettre du 8 juin . Vous me comblez toujours d'attentions et de bontés . La paire de harnais vieux de volée pour 50 livres sera très bien venue à l'académie 4. J'ai de beaux harnais de timon, un étalon superbe pour mes juments . Rien ne me manque.

À l'égard des trois harnais dont vous me favorisez ils sont sont pour des chevaux de cinq pieds, à peu près taille de cavaliers . Je vous renouvelle mes remerciements . »

2 Le baron Heinrich Anton von Beckers ; voir par exemple la du lettre 8 avril 1759 au baron : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/31/je-n-ai-que-le-temps-de-plier-ce-billet-5381780.html

4 L'académie de lésine , voir lettre du 16 mai 1759 à Jean-Robert Tronchin .

 

 

 

 

 

27/07/2014

Après avoir tracassé toute sa vie dans l’héroïsme et dans les arts, qu'emporte-t-on dans le tombeau , un vain nom qui ne nous appartient plus

...

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« A Frédéric II, roi de Prusse

[vers le 5 juin 1759] 1

Vos derniers vers sont aisés et coulants,

Ils semblent faits sur les heureux modèles

Des Sarasin, des Chaulieu, des Chapelle :

Ce temps n'est plus . Vous êtes du bon temps .

Mais pardonnez au lubrique évangile

Du bon Pétrone, et souffrez sa gaîté .

Je vous connais, vous semblez difficile ;

Mais vous aimez un peu d'impureté ,

Quand on y joint la pureté du style .

Pour Maupertuis de poix-résine enduit,

S'il fait un trou jusqu'au centre du monde,

Si dans ce trou male mort le conduit,

J'en suis fâché ; car mon âme n’abonde

En fiel amer, en dépit sans retour .

Ce n'est pas moi qui le mine et le tue ;

Ah ! C'est bien lui qui m'a privé du jour,

Puisque c'est lui qui m’ôta votre vue .

Voilà tout ce que je peux répondre , moi malingre et affublé d'une fluxion sur les yeux, au plus malin des rois et au plus aimable des hommes, qui me fait sans cesse des balafres, et qui crie qu'il est égratigné 2. Balafrez MM. de Daun et Fermer, mais épargnez votre vieille et maigre victime .

Votre majesté dit qu'elle ne craint point notre argent . En vérité le peu que nous en avons n'est pas redoutable . Quant à nos épées vous leur avez donné une petite leçon ; Dieu vous doint 3 la paix, sire, et que toutes les épées soient remises dans le fourreau ! Ce sont les dignes vœux d'un philosophe suisse . Tout le monde se ressent de ces horreurs, d'un bout de l'Europe à l'autre . Nous venons d'essuyer à Lyon une banqueroute de dix-huit cent mille francs, grâce à cette belle guerre .

Pour le parlement de Paris, ce tripot de tuteurs des rois diffère un peu du parlement d'Angleterre . Les sottises dites à haute voix par tant de gens en robe, et avocats et procureurs, ont germé dans la tête de Damiens, bâtard de Ravaillac ; les sottises prononcées par les jésuites ont couté un bras au roi de Portugal ; joignez à cela ce qui se passe de la Vistule au Main, et voilà le meilleur des mondes possibles tout trouvé .

Encore une fois, puissiez-vous terminer bientôt cette malheureuse besogne ! Vous êtes législateur, guerrier, historien, poète, musicien, mais vous êtes aussi philosophe . Après avoir tracassé toute sa vie dans l’héroïsme et dans les arts, qu'emporte-t-on dans le tombeau , un vain nom qui ne nous appartient plus ; tout est affliction ou vanité 4 comme disait l'autre Salomon, qui n'était pas celui du Nord . À Sans-Souci, à Sans-Souci, le plus tôt que vous pourrez .

De Prades est donc un Doëg,5 un architophel 6? Quoi ! il vous a trahi, quand vous l'accabliez de biens ! Ô meilleur des mondes possibles, où êtes-vous ! Je suis manichéen comme Martin 7.

Votre majesté me reproche dans ses très jolis vers de caresser quelquefois l'inf... ; et , mon Dieu, non ; je ne travaille qu'à l'extirper ; et j'y réussis beaucoup parmi les honnêtes gens . J'aurai l'honneur de vous envoyer dans peu un petit morceau 8, qui ne sera pas indifférent .

Ah ! Croyez-moi, sire, j'étais tout à fait pour vous ; je suis honteux d'être plus heureux que vous, car je vis avec des philosophes, et vous n'avez autour de vous que d’excellents meurtriers en habits écourtés . À Sans-Souci, sire, à Sans-Souci ; mais qu'y fera votre diablesse d'imagination , est-elle faite pour la retraite , oui, vous êtes fait pour tout .

Votre grammairien de Potsdam .9 »

1 Cette lettre répond à une lettre de Frédéric II du 18 mai 1759 : page 96 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f108.image.r=roi%20de%20prusse

 qui comportait vers et prose . Frédéric II recevra la présente le 29 juin 1759 selon Catt .

2 Frédéric disait : «  … vous caresserez encore l'infâme d'une main, et l’égratignerez de l’autre, vous la traiterez comme vous en usez envers moi et envers tout le monde . »

5 L'Édomite qui tua les prêtres de Nob sur le commandement de Saül ; Samuel I, XXI, 1-9 ; XXII, 6-23 ; http://saintebible.com/1_samuel/22-9.htm

6 Achitophel, qui se rallia à Absalon révolté contre David . Bien que V* n'ait pas récemment mentionné de Préades, du moins dans les lettres que nous connaissons, Frédéric lui consacrai un paragraphe de sa lettre du 18 mai 1759, voir réf. Note 1 .

7 Dans Candide , évidemment .

8 Le Sermon des cinquante ? Dont l'idée remonte au temps de Potsdam .

9 La formule finale est empruntée à Catt .

26/07/2014

je crois remplir mon devoir en demandant instamment votre protection pour ceux qu'on opprime

... Et combien de Voltaires soucieux de leurs devoirs faudrait-il  pour que le monde s'améliore ?

 Me revient en mémoire un exemple de ce qui pourrit quotidiennement le bon vouloir, le cas Thomas Fabius (je n'ai pas grand mérite à m'en souvenir, c'est récent) qui à mes yeux met en lumière la pourriture du milieu du jeu, même réglementé , et des trafics d'influence dès lors qu'on est près du pouvoir . Laurent Fabius se passerait bien, -du moins je l'espère-, d'avoir un tel énergumène pour fils (là, j'ai mis énergumène, mais je pense trou du cul ). Combien de joueurs réguliers connaissez-vous qui aient fait fortune légalement au jeu ? Je n'en connais pas et la fréquentation de croupiers me confirme que tout est fait pour que ce soit le casino et donc l'Etat qui gagne à coup sûr . Thomas, demande des protections autant que tu veux, arrête de nous prendre pour des jambons, et paye tes dettes, ça ne te coûtera pas grand peine, vu comment tu l'as gagné, escroc !

 http://www.valeursactuelles.com/l%E2%80%99ardoise-sal%C3%...

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« A Antoine-Jean-Gabriel Le Bault

Aux Délices , près de Genève

4 juin 1759

Monsieur, pardonnez à mon importunité ; il ne s'agit que d'une vache, c'est le procès de M. Chicaneau,1 mais vous verrez par la lettre ci-jointe d'un procureur de Gex 2 qu’une vache dans ce pays-ci suffit pour ruiner un homme ; c'est en partie ce qui contribue à dépeupler le pays de Gex, déjà assez malheureux ; les procureurs sucent ici les habitants, et les envoient ensuite écorcher aux procureurs de Dijon . Un nommé Chouet, ci-devant fermier de la terre de Tournay, veut absolument ruiner un pauvre homme nommé Sonnet, et ledit Chouet étant fils d’un syndic de Genève, croit être en droit de ruiner les Français ; il a surpris la vache de Sonnet mangeant un peu d'herbe dans un champ en friche, lequel champ je certifie n'avoir été labouré ni semé depuis plusieurs années . Un grand procès s'en est ensuivi à Gex, l'affaire a été ensuite portée au parlement, il y a déjà plus de frais que la vache ne vaut . Je suis si touché d'une telle vexation que je ne peux m'empêcher d'implorer vos bontés pour un Français qu'on ruine bien mal à propos . Voudriez-vous, monsieur, avoir la charité d'envoyer chercher le procureur Larcher . Ce pauvre homme a trois témoins qui peuvent déposer que la vache saisie n'avait commis aucun dégât ; on n'a point voulu les écouter, et tout se borne à demander beaucoup d'argent ; je crois remplir mon devoir en demandant instamment votre protection pour ceux qu'on opprime .

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire . »

1 Chicaneau est un personnage des Plaideurs , de Racine .

 

25/07/2014

vous nous avez sauvé de la petite honte de voir que les étrangers protestants, et ayant porté les armes contre le roi, puissent avoir des droits que les Français catholiques n'avaient pas

... J'adore cet homme, ce Volti quand il pousse le bouchon et se fiche de la tête des puissants avec toutes les apparences de la bienséance .

Bravo Volti de nous avoir sauvés de "la petite honte" de voir que l'on peut encore dans notre république, maltraiter, tuer qui que ce soit en fonction de son appartenance religieuse, rejeter tous ceux qui ne sont pas Français de France et catho si possible comme le prônent un certain nombre de bas du front .

NDLR - Voltaire dans sa grande sagesse laisse les hommes libres, libres de connaître la "petite mort" sans distinctions de croyances ; il n'y a pas de petits plaisirs à négliger .

 

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Manifestations permises ou interdites, pour les Palestiniens, contre Israël, ou pour les Juifs et contre l'antisémitisme, beaucoup de bruit, de désordre, de conneries dites et faites et au bout du compte ni un Palestinien épargné, ni un Juif tranquille, du gâchis humain et matériel .

Tolérance où es-tu ?

Ici , pour ceux qui ont encore plus de deux neurones et ne se laissent pas embrigader sous n'importe quelle bannière de meneurs/semeurs de m..., prenez en de la graine et dîtes merci à Voltaire (et à Mam'zelle Wagnière) :

http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/le-traite-de-la-tolerance-avertissement-des-editeurs-de-kehl.html

 

 

 

«  Voltaire et Marie-Louise Denis

à

Dominique-Jacques Barberie, marquis de Courteilles 1

3è juin 1759 à Lausanne 2

Nous sommes très sensibles, monsieur, à la bonté que vous avez eue de vouloir bien vous prêter à nos justes demandes . Nous avons reçu le brevet du roi, et nous vous présentons nos très sincères remerciements ; vous nous avez sauvé de la petite honte de voir que les étrangers protestants, et ayant porté les armes contre le roi, puissent avoir des droits que les Français catholiques n'avaient pas ; ce qui vous 3 a touché encore plus, c'est qu'une telle grâce fait beaucoup de bien à un petit pays très malheureux et très pauvre , en donnant du prix à une terre qui sans cela n'en aurait eu aucun .

La terre de Tournay se trouve précisément dans le même cas ; M. de Brosses ne 4 l'a vendue très chèrement et fort au-delà de son prix que parce qu'il en a garanti tous les droits et toutes les franchises .

Il est vrai que de longtemps nous ne pourrons demeurer dans ces terres . Ce qu’on appelle le château de Tournay est une vilaine prison, ou plutôt un nid de hibou, qui malgré toutes les dépenses qu'on y fait n’est point logeable . C'est d'ailleurs un pays où l'on gèle au mois de juin . Le château de Ferney ne peut être achevé de longtemps ; ainsi, monsieur, nous sommes obligés de passer presque tout notre temps aux Délices sur le territoire de Genève . Vous savez que nous ne pouvons nous nourrir que de blé étranger, et que notre sol n'en porte Pas . Vous nous donnâtes il y a quelques années une permission de prendre soixante coupes de blé en France . Cette permission est encore à la maison de Délices, nous n'en avons fait usage qu'une ou deux fois , avec le commis des Bureaux, parce que nous avons toujours acheté notre froment de M. de Boisy, ancien seigneur de Ferney, et du fermier de M. de Brosses, et quand nous en avons acheté des jésuites nous n'avons écrit une carte aux commis que pour les instruire que le blé des jésuites était pour nous .

Nous enverrons aux commis la permission qui nous reste encore, nous la laisserons entre leurs mains, et elle pourra servir en partie à nous faire avoir le blé qui nous manque jusqu'à la récolte . Nous nous en remettons entièrement à vos bontés et aux convenances pour le blé de nos terres . Nous comptons n'en semer que ce qu'il faudra pour notre maison, et pour la nourriture d'environ soixante et dix domestiques, soit de campagne, soit autres . Le reste de nos terres sera destiné pour les pâturages afin d'entretenir les haras du roi dont nous nous sommes chargés à nos frais, sans recevoir aucun avantage, et sans avoir d'autres chevaux que les nôtres ; nous ne voulons que servir, et servir librement . Ce petit pays si délabré et si misérable a déjà changé de face ; il y a moins de misère et moins de maladies , les loups et les renards étaient le seul gibier du canton ; nous avons établi des gardes-chasse , que l'on ne connaissait pas avant nous ; et nous avons fait venir des œufs de perdrix de cent lieues 5 ; les dépenses sont immenses et la recette nulle, mais le plaisir de faire du bien est le plus grand des revenus . Si tous ceux qui ont des terres pensaient ainsi, le royaume serait peut-être encore plus florissant qu'il ne l'est . Nos efforts pourront mériter au défaut de nos succès, votre estime et votre bienveillance .

Nous ajoutons que nous avons fait deux semoirs qui coûtent chacun 400 livres . Ils labourent, sèment et recouvrent cinq rayons à la fois ; cette invention est chère, mais elle peut être d'une très grande utilité à tous les seigneurs qui voudront prendre le soin, trop négligé, de cultiver leurs terres .

Nous avons l'honneur d'être avec toute la reconnaissance possible, et toute l'envie de vous plaire,

monsieur,

vos très humbles et très obéissants serviteur et servante

Voltaire . Denis . »

2 Mentions sur le manuscrit : « R[eçu] le 10 juin 1759 », et minute de la réponse de Courteilles qui écrit notamment : « Je suis fort aise que vous preniez du goût pur le pauvre pays de Gex . Il a grand besoin de secours . Quand vous aurez besoin de grains, vous n'aurez qu'à vous adresser à M. Fabry et je lui envoierai un passeport . »

3 Pour nous, sans doute .

4 V* avait d'abord écrit me ; que dans la suite a été ajouté au-dessus de la ligne .

5 Oeufs envoyés par le duc de La Vallière , voir lettre à Jean-Robert Tronchin du 16 mai 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/06/30/je-veux-peupler-mes-terres-d-hommes-et-de-perdrix-5402179.html