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31/07/2018

j’aime à m’acquitter de bonne heure de mes petits devoirs de bon citoyen et de bon sujet ; c’est ainsi que sont faits les véritables philosophes

... Paroles de philosophe !

Qui dit mieux ?

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

12è auguste [1763]

Je commence par dire à M. le ministre du vingtième que M. Marinval ou Morinval, directeur de Lyon, a payé pour moi mes trois vingtièmes pour toute l’année 1763, quoique je ne dusse en payer la moitié qu’au mois de septembre prochain ; mais j’aime à m’acquitter de bonne heure de mes petits devoirs de bon citoyen et de bon sujet ; c’est ainsi que sont faits les véritables philosophes.

Je me flatte qu’on ne trouvera pas mauvais que je vous envoie le gros paquet ci-joint pour le Conseil ; le tout s’adresse à M. Mariette, c’est une affaire très importante, pour laquelle même je vous supplie, mon cher frère, d’encourager le zèle que M. Mariette veut bien me témoigner.

Je bénis Dieu de ce que vous avez reçu tous nos paquets. Vous avez eu la bonté en dernier lieu de m’envoyer les lettres patentes du roi pour des échanges de terre. Je mande à M. Mariette qu’il me manque deux pièces essentielles, qui sont la grosse de mon contrat d’échange et la permission de l’évêque. J’avais envoyé ces deux pièces : elles doivent être ou dans les bureaux de M. de Saint-Florentin, ou chez M. Mariette.

Quant aux autres pièces plus importantes, j’espère en faire tenir à mon frère dès qu’on sera revenu de Compiègne.

Je l’ai déjà supplié de me faire tenir le radoteur ou le radotage 1 ; on dit que c’est un bon ouvrage, qui a été fait sous les yeux de M. le contrôleur-général. Je vous avoue que je crois que les ministres en savent toujours plus que moi . Je pourrais leur dire seulement ce que Despréaux disait au roi : Sire, je me connais mieux en vers que Votre Majesté.

J’ai demandé aussi à frère Thieriot la lettre de Jean-Jacques, qui a fait, dit-on, quelque bruit à Paris.

Est-ce que mon frère connaît le conseiller Nigon ?2 C’est une chose bien extraordinaire qu’un Savoyard sans éducation ait si bien ramoné la cheminée des cagots.

Il me paraît que M. de Fourbonnais avait fait autrefois un fort bon livre de finances 3 , mais comme dit François , magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes 4.

Le présomptueux 5, l’ambitieux 6, mauvais sujets de comédie.

Ecr. l’inf. »

1 Jacob-Nicolas Moreau : Entendons-nous, ou le radotage du vieux notaire (Où il vous plaira, 1763), et Entendons-nous, ou le Radotage du vieux notaire sur la Richesse de l’État .Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96165501

et : http://data.bnf.fr/12000753/jacob-nicolas_moreau/

3 Sur l'ouvrage de Forbonnais, voir lettre du 8 mai 1758 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/08/15/temp-e17f1a4a27109e57869d8c7437cf981f-5141627.html

4 Les plus grands clercs ne sont pas les plus sages. Montaigne, Les Essais

5 La présomption à la mode, de Jean-François Cailhava de l'Esrendoux, donnée le 1er août 1763, n'a eu qu'une seule représentation .

6 V* pense-t-il ici à L’Ambitieux et l'indiscrète, comédie de Destouches reprise en janvier 1761 ? Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58078300.texteImage

30/07/2018

Si on ne veut pas de ce petit disticon , qu’on se couche auprès, car je n’en ferai pas d’autre

... C'est dit .

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Couché, sans bouger, les pattes en croix .

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

10è auguste [1763] , à Ferney 1

Frère, vous m’avez donné une terrible commission, notre langage gaulois n’est point fait pour les inscriptions. Quand vous voudrez du style lapidaire, commencez par retrancher les verbes auxiliaires et les articles. J’essaie pourtant de louer le roi et messieurs de Reims en deux vers, sans article et sans verbe avoir : le roi est un bon prince, les Rémois sont de bons sujets, et il me paraît juste de dire un petit mot de ceux qui font la dépense de la statue :

Peuple fidèle et juste, et digne d’un tel maître,

L’un par l’autre chéri, vous méritez de l’être.

Si on ne veut pas de ce petit disticon 2, qu’on se couche auprès, car je n’en ferai pas d’autre.

Je suis très fâché que vous ne soyez pas voisin de mon autre frère 3 ; mais je me flatte que vous le voyez souvent. Je voudrais que frère Duclos eût une de ces petites brochures dont vous me parlez .

Il y a une profusion de poésie dans les Quatre Saisons qui fait grand plaisir aux gens du métier.

Je n’ai nulle nouvelle de Protagoras. J’ai lu les Richesses de l’État ; on aurait beau faire cent volumes de cette espèce, ils ne produiraient pas un sou au roi. Ce petit roman de finance n’est point pris du tout de la dîme, attribuée au maréchal de Vauban, laquelle n’est point de ce maréchal, mais d’un Normand nommé La Guilletière 4, autant qu’il peut m’en souvenir.

Il faut absolument que frère Marmontel soit de l’Académie, en attendant frère Diderot ; je voudrais les recevoir tous les deux, et puis m’enfuir dans mes  montagnes. Tâchez, pour Dieu, de me faire avoir cette lettre extravagante de Jean-Jacques. Frère, je vous embrasse tendrement. »

1 On a parfois donné Damilaville comme destinataire, mais elle répond manifestement à la lettre de Thieriot dont on a déjà parlé dans la lettre du même jour à Pigalle . Voici quelques extraits de cette lettre : « La Mort de César a été fort bien remise au théâtre . Brisan et Lekain s'y sont fait beaucoup applaudir […] Je n'ai pas été content […] de cette fin si belle qui n'a jamais eu à Paris le succès que j'ai vu à Londres […] Nos acteurs français sont des polissons qui rendent languissamment de si beaux tableaux […] Vous aurez vu les Richesses de l’État brochure de M. Roussel, conseiller au parlement, dont l'idée grossièrement prise de M. le maréchal de Vauban et de M. le marquis de Mirabeau et plus grossièrement exposé et développé, a produit déjà dix-neuf autres brochures […] Jean-Jacques vient d'écrire une lettre du pied du Mont Jura à l'entrée de la Forêt noire plus orgueilleuse et plus extravagante que tout ce qu'il a écrit précédemment […] Avez-vous des nouvelles de Protagoras et de Luc ? Ils doivent bientôt se quitter . M. Watelet m'a dit qu'il s'était appointé avec Protagoras pour le joindre et le mener faire son tour d' Italie . La place de Bougainville ne sera remplie qu'après la Saint-Martin ; jusqu'à présent l'élection ne regarde que Marmontel . M. le président Hénault a manqué de laisser aussi la sienne […] J'ai transporté mes pénates de la Culture-Sainte-Catherine sur le quai des Célestins à la porte de l'Arsenal […] Je suis voisin de M. l'archevêque d'Albi […] Il tient un grand État dans l'Arsenal […] Il diminuera la cour de M. de Paulmy dont on attend incessamment le retour . J’ai gagné toute sorte d'agréments dans cette transmigration, excepté […] de loger ensemble Damilaville et moi . Ses affaires s'y sont opposées mais au moins en suis-je bien plus près , et n'ayant que deux ponts à traverser .»

La Lettre de J.-J. Rousseau, de Genève, qui contient sa renonciation à la société civile, ses derniers adieux aux hommes adressée au seul ami qui lui reste au monde, est en fait de Pierre-Firmin de Lacroix : voir https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5789272v/f2.image.texteImage et http://data.bnf.fr/12239578/pierre-firmin_de_lacroix/

2 V* se sert de la forme grecque du mot qui est effectivement un neutre .

3 Damilaville .

4 En fait l'ouvrage de Vauban fut attribué à Pierre Le Pesant de Boisguilbert à cause de son Détail de la France, 1695, réédité sous le titre Testament politique de M. de Vauban, 1707 [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k95291q.image]. Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Le_Pesant_de_Boisguilbert

et http://data.bnf.fr/12182460/pierre_le_pesant_de_boisguilbert/

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9bastien_Le_Prestre_de_Vauban

29/07/2018

je désespère d’en venir à bout

... Déclaration qui bien sûr ne concerne pas le maillot jaune en ce dernier jour de course élyséenne , mais évidemment la foule des voyageurs qui comptent sur la SNCF pour les mener à bon port : very bad trip !

 

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Geraint Thomas : préparatif avant la dernière étape des Champs Elysées ...

 

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... dans l'espoir de la bise de la miss chargée de remettre le maillot jaune 2018

 

 

« A Jean-Baptiste Pigalle

[10 août 1763] 1

Il y a longtemps, monsieur, que j’ai admiré vos chefs-d’œuvre 2, qui décorent un palais du roi de Prusse, et qui devraient embellir la France. La statue dont vous ornez la ville de Reims me paraît digne de vous ; mais je peux vous assurer qu’il vous est beaucoup plus aisé de faire un beau monument, qu’à moi de faire une inscription. La langue française n’entend rien au style lapidaire. Je voudrais dire à la fois quelque chose de flatteur pour le roi et pour la ville de Reims ; je voudrais que cette inscription ne contînt que deux vers ; je voudrais que ces deux vers plussent au roi et aux Champenois ; je désespère d’en venir à bout.

Voyez si vous serez content de ceux-ci :

Peuple fidèle et juste, et digne d’un tel maître,

L’un par l’autre chéri, vous méritez de l’être.

Il me paraît que, du moins, ni le roi ni les Rémois ne doivent se fâcher. Si vous trouvez quelque meilleure inscription, employez-la 3. Je ne suis jaloux de rien ; mais je disputerai à tout le monde le plaisir de sentir tout ce que vous valez.

J’ai l’honneur d’être, avec tous les sentiments que vous méritez, etc.

Voltaire. »



1 La date donnée par Lefèvre n'est qu'une glose d'éditeur, mais elle est exacte . La lettre de Pigalle à laquelle répond V* a été transmise par Thieriot dans une lettre du 30 juillet 1763 : « Le célèbre Pigalle m'a remis la lettre ci-jointe avec le petit dessin de Cochin . Ce grand sculpteur aussi poli et aimable qu'il est habile homme, possède vos ouvrages beaucoup plus que bien des gens de lettres […]. » Elle est datée du 23 juillet et évoque le projet de la statue de Louis XVV destinée à Reims : «  […] Lorsque je fus choisi pour l'exécution de ce monument, j'avais encore l'esprit frappé d’une pensée que j'ai lue autrefois dans vos ouvrages […] Vous y blâmez l'usage […] de mettre autour des monuments de ce genre des esclaves enchaînés, comme si on ne pouvait louer les grands que par les maux dont ils ont accablé l'humanité . »

2 Mercure attachant ses talonnières et Vénus qui donne un message à Mercure, marbres de Pigalle donnés par Louis XV à Frédéric II .

3 De fait, la statue de Louis XV à son inauguration eu août 1765 portait cette inscription : « A Louis XV le meilleur des rois . Par la douceur de son gouvernement a fait le bonheur des peuples . »

 

 

28/07/2018

si vous avez du loisir, jetez un coup d’œil sur tout ce que je vous envoie

... Petite prière de blogger qui se rappelle au bon souvenir de tout lecteur occasionnel ou fidèle .

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Je  le répèterai autant que nécessaire ... 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

10è auguste [1763]

Mon cher frère, si vous avez du loisir, jetez un coup d’œil sur tout ce que je vous envoie, et daignez le faire dépêcher à son adresse . Je trouve cette façon plus sûre .

Je vois, Dieu soit loué, que le paquet où était la lettre de change n’a point été perdu . On a eu plus de pitié de nous que je ne croyais .

Si vous pouvez m'envoyer cette lettre de Jean-Jacques qui a fait tant de bruit, je vous aurai une extrême obligation .

Je compte que vous recevrez incessamment des mémoires concernant nos vingtièmes .

Buvez à ma santé avec frère Platon 1 et

Ecr l'inf. »

1 Diderot .

27/07/2018

... s'informer .... nous en informer .

... Qualité de base demandée à cette fameuse/fumeuse commission d'enquête parlementaire , ce qui ne semble pas être le cas en ce jour où LR et LFI font un caca nerveux, suivis par le parti communiste (normal pour un parti à la dérive),  et claquent la porte parce qu'ils sont insatisfaits des réponses  qui ne correspondent pas au scénario  de démolition qu'ils ont en tête depuis la dernière déculottée électorale .

Motion de censure , soit ! ces effets de manches inutiles pour donner l'impression d'être les défenseurs de la République valent un pet de lapin, comme dit ma grand-mère , femme sensée .

 Image associée

Parlementaires bwaaa bwaaaa bwaaaaa !

 https://actu.orange.fr/politique/commission-d-enquete-sur...

 

 

« A Joseph-Marie Balleidier, Procureur

à Gex

Monsieur Balleidier est prié de s'informer si M. de Divonne 1 a la dîme entière de sa terre, et de nous en informer . Je lui serais obligé .

Voltaire.

10 auguste [1763] »

1 Gilbert de La Forest, comte de La Forest-Divonne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_de_La_Forest_Divonne

26/07/2018

Ne m'épargnez point, vous ne me trouverez jamais négligent quand il s'agira de vous servir

... Ou plus exactement : « S’ils cherchent un responsable, le seul responsable, c’est moi et moi seul. » déclare Emmanuel Macron à propos de "l'affaire Benalla" . C'est dit . Qu'on s'en souvienne . 

 On ne dira jamais assez combien il est dangereux pour un chef d'Etat de donner un petit pouvoir à un médiocre ; s'il avait fait son service militaire, il aurait su qu'il n'y a rien de pire qu'un sous-fifre qui pète plus haut que son cul sous prétexte qu'il a une mini-ficelle sur la manche, se prétend indispensable et joue à la mouche du coche . Trop tard, le mal est fait .

 Image associée

Un peu de théâtre , ça peut donner le change

 

 

« A Charles-Manoël de Végobre, Avocat

à Genève

8è auguste [1763] à Ferney

Monsieur,

J'ai sur-le-champ exécuté vos ordres, j'ai écrit à M. Dubois une lettre pressante accompagnée d'un mémoire . Ne m'épargnez point, vous ne me trouverez jamais négligent quand il s'agira de vous servir .

N'avez-vous pas reçu un petit mot de moi, par lequel je vous supplie de me dire s'il est vrai que le parlement de Toulouse ait l'absurdité d'admettre des quarts et des huitièmes de preuve ?

J'ai l'honneur d'être sans quarts ni huitièmes, mais entièrement, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

V. »

25/07/2018

La poste est une belle invention, mais il y faut un peu de fidélité, et même de l'indulgence

... Surtout en cette période estivale où ce sont des étudiants qui font la distribution du courrier ; visiblement ce ne sont pas des gens de lettres et ils nous donnent l'occasion de faire le facteur pour mettre dans la bonne boîte d'un voisin le courrier indûment reçu . Reconnaissons-leur quand même le courage de travailler quand tant de leurs collègues coincent la bulle .

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« A Etienne-Noël Damilaville

8è auguste [1763]

Je vous prie, mon cher frère, de lire le nouveau mémoire ci-joint, et de vouloir bien le faire passer à M. Mariette .

Vous avez dû recevoir une petite plainte 1 de moi contre le receveur de votre vingtième , qui demeure à Belley à quinze lieues de chez nous, et qui veut que nous lui envoyions un exprès pour le payer . Le directeur des vingtièmes du pays m'est venu voir, et s'est chargé d'accommoder l'affaire . Il se trouve que ce directeur est précisément M. de Marinval 2 à qui vous avez disputé ce que vous n'avez eu ni l'un ni l'autre .

Je n'ai point vu la lettre que Jean-Jacques a écrit 3 à Paris , dans laquelle ce fou traite les philosophes aussi mal que les prêtres afin qu'il ne lui reste aucun ami sur la terre .

J'ai lu Les Quatre Saisons 4 du cardinal de Bernis . Il y a la valeur de quatre-vingt saisons, au moins ; les campagnes que j’habite ne sont pas si fertiles, il s'en faut de beaucoup . Quelle terrible profusion de vers !

Je prie mon cher frère de me mander s'il a reçu des paquets par M. d'Argental . La poste est une belle invention, mais il y faut un peu de fidélité, et même de l'indulgence .

Je prie mon cher frère de m'envoyer sur-le-champ la lettre de Jean-Jacques s'il en a une copie . N'est-ce pas une lettre à M. le duc de Luxembourg qui tient seize pages ? On dit qu'elle a été lue de Mgr le Dauphin .

Ma tendre bénédiction à tous les frères .

Écr l'inf. »

3 Sic, suivant un usage bien attesté .

4 Les Quatre Saisons ou les Georgiques françaises, poème par M. le c. de B ; à son propos Thieriot écrit le 30 juillet : « Je ne dédaigne pas autant que frère Damilaville Les Quatre saisons du cardinal de Bernis . Je voudrais que les traits de la vielle fable s'y montrassent avec moins de profusion[...] ». Voir : http://tolosana.univ-toulouse.fr/fr/notice/044224028