Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/06/2018

J’aime mieux mourir libre que d’avoir une terre de mon nom.

... et cette terre, je ne veux ni l'occuper d'une tonne de marbre gravé, ni la polluer de mes ossements inutiles ( tout feu tout flamme, vive la crémation ).

 Image associée

You too ! birdy .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

13 juillet [1763] 1

Eh ! qui vous a dit, mes divins anges, que je brochais un drame ? Je vous ai dit que le sang me bouillait : mais que de raisons de le faire bouillir quand je considère tout ce qui se passe dans ce monde ? Si mon pot bout, cela ne dit pas qu’il y ait une tragédie dedans ; mais s’il y en avait une, vous seriez ardemment conjurés de ne la donner jamais sous mon nom. Soyez pleinement convaincus que le public ne se tournera jamais de mon côté quand il verra que je veux paraître toujours sur la scène . On se lasse de voir toujours le même homme. On siffla douze fois Pierre Corneille après sa Rodogune, dont  on avait passé bénignement les quatre premiers actes. Voilà comme sont faits les hommes, et surtout les gens de mon pays. Si on eut un enthousiasme extravagant pour l’extravagante et barbare pièce de ce vieux fou de Crébillon, ce fut parce qu’il était misérable, parce qu’il avait été vingt ans sans rien donner 2, et surtout parce qu’on voulait m’humilier. Je n’ai donné Olympie qu’à cause des remarques qui peuvent être utiles aux gens de bien ; c’est pour avoir le plaisir de parler du beau livre des rois, et pour mettre dans tout son jour l’abomination du peuple de Dieu, que j’ai permis que Colini imprimât la pièce. Je ne perds pas une occasion de rendre de petits services à la sacro-sainte 3. Mon zèle est actif. A l’égard de la pièce, je parierai contre qui voudra qu’elle fera un très grand effet sur le théâtre, et j’en ai la preuve . Mais il faut attendre, et j’attends très volontiers.

J’ai toujours trouvé très bon que M. Lekain et Mademoiselle Clairon imprimassent Zulime . Mais ce n’est pas ma faute si un nommé Duchesne ou Grangé 4 en donna une édition clandestine détestable, et si les libraires ne donneraient pas cent écus pour une édition nouvelle . Ce n’est pas ma faute si ce monde est un brigandage. Je donne tout, et on ne me sait gré de rien : c’est un ancien usage.

Mais encore, si je faisais un drame, je ne le ferais pas en six jours . Il m’en coûterait quinze ou seize, car je m’affaiblis de moitié ; et puis, pour les coups de ciseau, il faudrait trois ou quatre mois. Mais mieux vaudrait tout abandonner que d’être connu, et ce ne serait que l’incognito le plus incognito qui pourrait me déterminer. Je vous y mettrais un style dur qui dérouterait le monde . La pièce serait un peu barbare, un peu à l’anglaise . Il y aurait de l’assassinat . Elle serait bien loin de nos mœurs douces . Le spectacle serait assez beau, quelquefois très pittoresque 5. Enfin, si les anges me juraient par leurs ailes qu’ils cacheraient ce secret dans leur tabernacle, je leur jurerais, de mon côté, que les Thieriot et autres n’en croqueraient que d’une dent. Ce drame serait d’un jeune homme qui promettrait quelque chose de bien sinistre, et qu’il faudrait encourager. Ne serait-ce pas un grand plaisir pour vous de vous moquer de ce public si frivole, si changeant, si incertain dans ses goûts, si volage, si français ? Enfin, mes anges, vous avez ranimé ma fureur pour le tripot . En voilà les effets. Mango-Capac est-il imprimé ? Il faut tâcher que le drame inconnu soit un petit Mango, qu’il y ait du fort, du nerveux, du terrible. On ne pleurera pas cette fois ; mais faut-il pleurer toujours ?

Mes anges pardon si je vous importune encore d'un paquet pour frère Damilaville . Permettez-moi cette liberté . 

J’ai lu les remontrances. Vraiment le parlement d’Angleterre ne parlait pas autrement à Charles Ier . Cela est mirifique.

Mes anges, je n’ai pas un moment à moi depuis dix ans. Je vous conjure de dire à M. le p[rési]d[ent] de La Marche combien je lui suis obligé. Le contrat de l’acquisition de Ferney est au nom de madame Denis ; je lui ai donné la terre. Comment l’appeler de mon nom ? Je n’ai point d’enfants ; et si Messieurs m’échauffent les oreilles, je quitterai tout plutôt que de ne leur pas répondre ; car, après tout, la vérité est plus forte qu’eux, et je connais gens qui prendront mon parti. J’aime mieux mourir libre que d’avoir une terre de mon nom.

Je n’ai point écrit à M. Chauvelin l’ambassadeur. Que lui dirai-je ? que je suis très mécontent de son frère 6 ?

Mes divins anges, pardonnez mon petit enthousiasme.

Respect et tendresse.

V.»

1 Dans l’édition de Kehl , et suivantes, manque le 4è paragraphe biffé sur la copie Beaumarchais .

2 Les sept premières tragédies de Crébillon furent représentées entre 1705 et 1726 ; les deux suivantes, et dernières, le furent ne 1748 et 1754 ; Le Triumvirat eut une gestation particulièrement laborieuse, Cromwell ne fut jamais représenté .

3 Par ironie, la religion chrétienne .

4 ou Grangé est ajouté au dessus de la ligne sur le manuscrit .

6L'abbé Henri-Philippe de Chauvelin : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Philippe_de_Chauvelin

29/06/2018

Je vous jure que ma vivacité pour cette affaire ne se ralentira jamais

... Voltaire l'a dit et l'a fait, non pas seulement pour l'affaire Calas mais aussi pour une dizaine d'autres, et de nos jours Simone Veil , femme admirable qui va le rejoindre au Panthéon, nous fait voir ce que c'est qu'être vraiment engagé . Puissent-ils être nombreux ceux qui s'engagent pour le bien avec tant de coeur .

  Résultat de recherche d'images pour "simone veil panthéon"

Lumineuse .

 

 

« A Philippe Debrus

à Genève

12 juillet [1763]

On me mande, monsieur, que les pièces du procès sont arrivées, et que ce Pilate de procureur général n'a jamais voulu qu'on produisit les requêtes que l'innocent Calas avait présentées pour faire entendre des témoins en sa faveur . Je vous jure que ma vivacité pour cette affaire ne se ralentira jamais . Faites-moi l’amitié de me communiquer toutes les nouvelles que vous aurez ; il n'y a qu'à les envoyer chez MM. Souchay, je vous les rendrai toujours le jour suivant .

Mille compliments à vous et à vos amis . »

28/06/2018

On trouve les remontrances du parlement un libelle séditieux, mais je ne me mêle pas de ces affaires-là

... qu'on trouve dans la réforme constitutionnelle, qui avec son flot d'amendements au gré de députés dont l'intelligence laisse parfois à désirer , nous vaut, par exemple, un «principe de la tradition chrétienne de la France» d'Eric Ciotti qui se fait heureusement renvoyer au vestiaire , et ce n'est malheureusement pas la seule ânerie qui va être défendue bec et ongles par nos beaux parleurs avides de reconnaissance .

Voir : http://www.lefigaro.fr/politique/2018/06/27/01002-2018062...

 Image associée

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

12 juillet [1763] 1

Orate fratres .2

Dieu bénit nos travaux . Jean-Jacques l'apostat n'a pas laissé de rendre de grands services par son vicaire savoyard .

Presque tout le peuple de Genève est devenu philosophe . On a trouvé très mauvais que le conseil de Genève ait fait bruler le livre de Jean-Jacques . Ce n'est pas ainsi disent-ils qu'on doit traiter un citoyen . Deux cents personnes parmi lesquelles il y avait trois prêtres sont venues faire de très fortes remontrances, mais il faut que vous sachiez que Jean-Jacques n'a été condamné que parce qu'on m'aime pas sa personne .

Admirez la Providence . L'auteur de L’Oracle des fidèles 3, livre excellent trop peu connu, était un valet de chambre d'un conseiller clerc de la seconde des enquêtes nommé Nigon de Bercy 4, cloître Notre-Dame . Il est venu chez moi, il y est, c'est une espèce de sauvage comme le curé Meslier .

Vous rendriez service aux frères, si vous faisiez informer chez le conseiller Nigon de Bercy ce que c'est qu'un Savoyard nommé Simon Bugex 5 qui a été chez lui en qualité de valet de chambre et de copiste . Apparemment ce Simon Bugex, auteur de L'Oracle des fidèles, était paroissien du vicaire savoyard de Jean-Jacques . C'est bien dommage de la tragédie de Socrate soit un ouvrage détestable, mais on ne peut le faire bon et jouable . On trouve les remontrances du p[ar]l[emen]t un libelle séditieux, mais je ne me mêle pas de ces affaires-là .

Orate fratres et vigilate 6.

Ecr l'inf. »

1 L'édition Correspondance littéraire donne le texte de cette lettre suivi d'une « Épître aux fidèles, par le grand apôtre des Délices » ; voir lettre du 15 mai 1763 à Helvétius : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/05/11/quelle-plus-belle-vengeance-a-prendre-de-la-sottise-et-de-la-6050586.html

2 Priez frères .

3 Sur cet ouvrage, voir lettre du 8 décembre 1760 à Thieriot : « L'Oracle des anciens fidèles, pour servir de suite et d'éclaircissement à la sainte Bible, Berne , 1760, de Simon Bigex . V* désigne le véritable auteur dans sa lettre à Damilaville du 12 juillet 1763 ; l'attribution qu'il fait ici de l’ouvrage est-elle une plaisanterie ? Sur Bigex, voir Louis Bouvier :  « Simon Bigex, secrétaire de Voltaire », Revue savoisienne, Annecy, 15 novembre 1863, IV, 85-87 . »

5 On verra bientôt que V* engagea à son service ce Bugex, dont le nom, quelque peu transformé en Bigex, lui servit parfois de pseudonyme .

6 Priez frères et soyez vigilants .

27/06/2018

Ma patrie a certainement plus besoin d'officiers comme vous, et en tout genre elle a besoin d'hommes

... Le Service National Universel y contribuera-t-il ?

https://www.sudouest.fr/2018/06/26/service-national-unive...

 

 

« Au colonel David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

etc.

à Lausanne 1

Ferney 12è juillet 1763

J'ai écrit, monsieur, je vous ai obéi avec un zèle auquel je crains que le succès ne réponde pas . Si on me fait réponse, j'aurai l'honneur de vous en instruire . Vous savez combien il me serait doux de vous servir , et combien je serais flatté de vous avoir pour compatriote . Ma patrie a certainement plus besoin d'officiers comme vous, et en tout genre elle a besoin d'hommes . Je suis étonné que vous ayez lu le petit traité sur la tolérance 2, et je suis honteux que vous ne l'ayez pas eu de ma main . Je crois qu'il faut encore attendre quelque temps . Les pièces du procès des Calas ne sont arrivées à Paris que la semaine passée ; le procureur général de Toulouse a eu l’infamie de supprimer les requêtes que le malheureux Calas avait présentées pour faire entendre les témoins qui devaient déposer en sa faveur . Ce Pilate en sera pour son infamie . Nous allons pousser l'affaire avec la plus grande chaleur . J'en ai de mon côté qui me prennent une partie de mon temps ; il est précieux à mon âge et je voudrais le passer avec vous . Conservez-moi des bontés qui font le charme de ma vie . »

1 Ces deux mots sont, sur le manuscrit, rayés et remplacés par « à Hermenches » et, d'une autre main encore, « pour Moudon ».

2 On voit ici que la publication du Traité sur la tolérance fut suspendue quelque temps alors que l'ouvrage était déjà imprimé .

26/06/2018

mon cher ami ; il faut que vous réchauffiez l'Académie

... Mais qui est le "chauffeur" aujourd'hui ?

http://www.academie-francaise.fr/actualites

 Je ne connais que Frédéric Mitterrand, les trois autres sont, à mes yeux d'ignare, de parfaits inconnus . La verve mitterrandienne pourrait effectivement mettre un peu plus de couleur sous la coupole . A suivre ...

 Résultat de recherche d'images pour "frédéric mitterrand académie française"

 Et s'il est élu, il sera -à ma connaissance- le seul académicien à brûler les planches ("Bonsoir", à l'automnne 2018 )

 

 

« A Jean-François Marmontel

7è juillet 1763, à Ferney par Genève

Voilà le froid Bougainville mort 1, mon cher ami ; il faut que vous réchauffiez l'Académie . Je vais écrire à tous mes amis, ce n'est pas que vous en ayez besoin, c'est uniquement pour me faire honneur . J'ose croire même que vous n'aurez point de concurrent 2; votre excellent ouvrage vous ouvre toutes les portes . Il n'y a pas longtemps qu’étant las de faire des commentaires sur Corneille, j'ai renvoyé le lecteur à votre Poétique , en lui disant qu'il n'y en a point de meilleure .

Figurez-vous que je vous avais envoyé par M. Bouret une jolie édition de La Pucelle, avec quelques remarques sur la poésie hébraïque 3 que j'ai trouvée toujours d'une extravagance très insipide .

Adieu mon cher confrère, je vous embrasse avec la plus tendre amitié . »

2 Vers la fin du livre VII de ses Mémoires, Marmontel raconte comment il amena son rival Antoine-Léonard Thomas à retirer sa candidature : voir : page 278 : https://books.google.fr/books?id=92MuAAAAYAAJ&pg=PA289&lpg=PA289&dq=livre+VII+M%C3%A9moires+Marmontel&source=bl&ots=I7963NYOhL&sig=XO7rM_rqWLUXv0lp4brdFi0c7l0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi18-qU5PDbAhWEPhQKHexnC_QQ6AEIUDAH#v=onepage&q=thomas&f=false

3 C'est donc à cette époque que V* fit le compte rendu de l’ouvrage de Robert Lowth, De sacre poesi Hebraeorum praeectiones acdemiae Osconi, 1763, qui ne parut dans la Gazette littéraire de l'Europe que le 30 septembre 1764 . le jugement qu'il porte dans la phrase suivante, sur la poésie hébraïque, inspirera plusieurs de ses ouvrages dans la années suivantes notamment Le Taureau blanc . Mais il ne rend pas compte des sentiments de V* à l'égard de la poésie de la Bible qui le fascine autant qu'elle l'irrite .

25/06/2018

J'ai lu il y a longtemps les prétendues Richesses de l’État

... Pour ne parler que de la France, ce qui m'intéresse, - et vous aussi sans doute- : https://fr.wikipedia.org/wiki/Budget_de_l%27%C3%89tat_fra...

 Résultat de recherche d'images pour "2018 richesse de l'etat francais"

ça fait peur ! Non ? concernant un simple quidam comme moi, il y a belle lurette que j'aurais été mis en liquidation judiciaire . 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

[7 juillet 1763] 1

Avez-vous reçu mon cher ami les trois feuilles ? en voulez-vous d'autres ? Merlin m'envoie-t-il ce que je lui ai demandé par le coche ? Thieriot dort-il beaucoup ? Les loups hurlent-ils contre l'Histoire générale ?

J'ai lu il y a longtemps les prétendues Richesses de l’État . L'auteur est parent de Gribouille 2 , il propose de donner 750 millions au lieu de trois cents pour nous soulager .

Faites-moi l’amitié d'envoyer cette lettre à mon ami Marmontel et qu'ensuite notre Platon revivifie notre Académie . »

1 L'édition Lettres inédites donne pour date décembre 1763 . V* a demandé Richesses de l’État à Damilaville le 15 juin ( lettre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/09/ils-prechaient-un-peu-trop-l-egalite-laquelle-ne-peut-ni-pla.html ) ; comme il existe une lettre à Marmontel du 7 juillet, la présente doit avoir été écrite le même jour : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-22.html

2 Roussel de La Tour proposait de ranger les contribuables par classes, suivant leur fortune, qu'ils auraient évaluée eux-mêmes . Il comptait sur la vanité pour que chacun se plaçât aussi haut que possible, et espérait ainsi obtenir des rentrées accrues d'impôts . Voir : http://data.bnf.fr/12336832/roussel_de_la_tour/

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1057812p

24/06/2018

Je suis bien aise de ne point parler en mon nom, il y a toujours quelque ridicule à parler de soi

... Qu'on se le dise, cher(e)s autobiographes de tout poil !

Je mets dans le même sac les logorrhéiques des réseaux dits so-ciaux (en réalité commer-ciaux ) .

Heureusement pour vous, le ridicule ne tue pas, en tout cas pas physiquement . Longue vie à vous dont les heurs et malheurs font rire et pleurer dans les chaumières .

 Image associée

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

6è juillet 1763 à Ferney 1

Mes divins anges sauront que je ne sais rien de la Gazette littéraire à laquelle ils s'intéressent ; il est toujours fort singulier qu'après les peines que je me suis données, les auteurs ne m'aient rien fait dire, et ne m'aient pas envoyé une de leurs gazettes : ne trouvez-vous pas cela fort encourageant ? Mes anges servire e non gradire e una costa per far morire 2.

Le président Hénault 3 m'a envoyé une préface anglaise en son honneur, qui est à la tête de la traduction de sa chronologie ; il ne me parle que de cela, et date de Versailles, et moi je ne lui parle point de la traduction anglaise de l'Histoire générale , je ne parle de cette histoire qu'à vous ; nous avons imaginé avec Cramer une tournure, pour que le parlement ne soit pas fâché, et nous vous enverrons incessamment le petit avertissement . Je suis bien aise de ne point parler en mon nom, il y a toujours quelque ridicule à parler de soi .

M. de Thibouville crie toujours après un cinquième acte, vraiment j'ai bien d'autre chose à faire, il faut attendre que l'inspiration vienne ; malheur à qui fait des vers quand il le veut, quiconque n'en fait pas malgré soit , en fait de mauvais .

Mes anges, je veux que vous vous amusiez de ma lettre à M. Hellot 4, elle est historique, et quand vous l'aurez lue, je vous supplie de la lui faire remettre . Toutes ces lettres me font perdre du temps, et vous savez que le temps perdu ne se retrouve jamais .

Permettez encore ce petit billet pour Lekain 5. Il vous apprendra que je suis le plus grand acteur qu'il y ait en Suisse . J'ai joué à l'âge de près de soixante-dix ans Gengis Khan avec un applaudissement universel . Nous avions parmi les spectateurs une espèce de Kalmouk, qui disait que je ressemblais à Gengis Kan comme deux gouttes d'eau, et que j'avais le geste tout à fait tartare, mais Mme Denis jouait encore mieux que moi, s'il est possible .

Je n'ai pas encore le moment de remercier la muse limonadière 6.

Respect et tendresse .

V. »

1 L'édition de Kehl, suivie par les autres, supprime le 4è paragraphe et remplace le dernier et la formule par un morceau emprunté à la lettre du 29 juillet 1763 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-24.html

2 Proverbe italien, enregistré par Gino Capponi dans Raccolta di proverbi toscani, 1891 ; servir sans agréer est pour faire mourir .

3 Des extraits de la lettre du 29 juin 1763 d'Hénault nous sont parvenus ; la traduction en question est A new chronological abridgment of the history of France, translated […] by M. [Thomas] Nugent […], 1762 .

4 Hellot avait adressé à V* , le 28 juin 1763, une longue lettre sur « la princesse veuve du czarevitz, fils de Pierre le Grand », « encore vivante » sous le nom de Mme de Madagne, « au village de Vitry, près Paris » ; la réponse de V* n'est pas connue .