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20/05/2022

Plus la maison est grosse, plus la disette est grande

...  16H 53 . Est-ce la cas après la nomination des ministres ? Vingt-sept ! Est-ce trop ou pas assez ? Plus serait inutile , à mon gré .

https://www.capital.fr/economie-politique/nouveau-gouvern...

Que sera la résolution de la crise actuelle ?

 

 

«  A Pierre-Michel Hennin

28è janvier 1767 à Ferney

M. de Taulès faisait tenir mes lettres à M. Thomas. J’espère, mon cher amateur des arts, que vous aurez la même bonté. Il faut épargner, autant qu’on peut, les ports de lettres aux vrais gens de lettres. M. Thomas l’est, car il a les plus grands talents, et il est pauvre. Tout Paris est enchanté de son discours 1 et de son poème 2. Je vous supplie de lui faire parvenir ma lettre 3 sans qu’il lui en coûte rien. Je n’ose l’affranchir, et je ne veux pas qu’un vain compliment lui coûte de l’argent. Je vous serai très obligé de me rendre ce petit service.

Vous devriez bien, monsieur, représenter fortement à M. le duc de Choiseul l’abondance où nage Genève, et le déplorable état où le pays de Gex est réduit. Comptez que, dans ce pays de Gex, personne ne souffre plus que nous. Plus la maison est grosse, plus la disette est grande. Nous n’avons d’autre ressource que Genève pour tous les besoins de la vie ; les neiges ont bouché les chemins de la Franche-Comté, les voitures publiques n’arrivent plus de Lyon ; nous n’avons aucune provision, aucun secours. Daumart 4, paralytique depuis sept ans, ne peut avoir un emplâtre ; l’abbé Adam se meurt, et ne peut avoir ni médecin ni médecine.

Je quitterai le pays dès que je pourrai remuer, et j’irai mourir ailleurs.

Je ne vous en suis pas moins tendrement attaché.

V. »

1 De réception à l’Académie.

3 Elle manque.

nous serons également satisfaits si vous voulez bien, monsieur, insérer dans les papiers publics un mot qui fasse voir qu'ayant été mieux informé vous rendez justice à la vérité

... 16H 23 . En attendant la proclamation des nouveaux ministres, les déçus et les triomphants .

 

« A Claude-Joseph Dorat

28è janvier 1767 à Ferney 1

La rigueur extrême de la saison, monsieur, a trop augmenté mes souffrances continuelles pour me permettre de répondre, aussitôt que je l’aurais voulu, à votre lettre du 14 de janvier. L’état douloureux où je suis a été encore augmenté par l’extrême disette où la cessation de tout commerce avec Genève nous a réduits. Ma situation, devenue très désagréable, ne m’a pas assurément rendu insensible aux jolis vers dont vous avez semé votre lettre. Il aurait été encore plus doux pour moi, je vous l’avoue, que vous eussiez employé vos talents aimables à répandre dans le public les sentiments dont vous m’avez honoré dans vos lettres particulières. Personne n’a été plus pénétré que moi de votre mérite ; personne n’a mieux senti combien vous feriez d’honneur un jour à l’Académie française, qui cherche, comme vous savez, à n’admettre dans son corps que des hommes qui pensent comme vous. J’y ai quelques amis, et ces amis ne sont pas assurément contents de la conduite de Rousseau, et le sont très peu de ses ouvrages. M. d’Alembert et M. Marmontel n’ont pas à se louer de lui.

Vous savez d’ailleurs que M. le duc de Choiseul n’est que trop informé des manœuvres lâches et criminelles de cet homme ; vous savez que son complice 2 a été arrêté dans Paris. J’ignore, après tout cela, comment vous avez appelé du nom de grand homme un charlatan qui n’est connu que par des paradoxes ridicules et par une conduite coupable.

Vous sentez d’ailleurs la valeur de ces expressions, à la page 8 de votre Avis 3 :

Achevez enfin par vos mœurs
Ce qu’ont ébauché vos ouvrages.

Je n’avais point vu votre avis imprimé ; on ne m’en avait envoyé que les premiers vers manuscrits. Je laisse à votre probité et aux sentiments que vous me témoignez le soin de réparer ce que ces deux vers ont d’outrageant et d’odieux. Pesez, monsieur, ce mot de mœurs. J’ose vous dire que ni ma famille, ni mes amis, ni la famille des Calas, ni celle des Sirven, ni la petite-fille du grand Corneille, ne m’accuseront de manquer de mœurs. Vous conviendrez du moins qu’il y a quelque différence entre votre compatriote, qui a marié un gentilhomme de beaucoup de mérite avec Mlle Corneille, et un garçon horloger de Genève, qui écrit que monsieur le dauphin doit épouser la fille du bourreau 4 si elle lui plaît.

Les mœurs, monsieur, n’ont rien de commun avec les querelles de littérature ; mais elles sont liées essentiellement à l’honnêteté et à la probité dont vous faites profession. C’est à vos mœurs mêmes que je m’adresse. Les deux lettres que vous avez eu la bonté de m’écrire, l’amitié de M. le chevalier de Pezay, la vôtre, que j’ambitionne, et dont vous m’avez flatté, me donnent de justes espérances. Ce sera pour moi la plus chère des consolations de pouvoir me livrer sans réserve à tous les sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

Ma famille, mes amis et moi nous serons également satisfaits si vous voulez bien, monsieur, insérer dans les papiers publics un mot qui fasse voir qu'ayant été mieux informé vous rendez justice à la vérité . »

1 L'édition de Kehl, suivant la copie Beaumarchais, et suivie par toutes les éditions, omet la formule et le post-scriptum à partir de votre très humble ...

4 Voir le cinquième livre de l'Émile de J.  J. Rousseau.

Cette affaire peut avoir les suites les plus funestes, puisqu’on a manqué d’arrêter le mal dans son principe

... On peut le dire de toutes ces guerres qui dévastent notre monde et qui n'ont en réalité pour cause que l'appât du gain camouflé sous des prétextes idéologiques flatteurs . Que tous ces tueurs, sous toutes les latitudes, aillent au diable au plus tôt .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

28è janvier 1767 1

Quoi que vous en disiez, mon cher ami, et quoi qu’on en dise, nous serons toujours dans des transes cruelles. Cette affaire 2 peut avoir les suites les plus funestes, puisqu’on a manqué d’arrêter le mal dans son principe. Je m’abandonne à la destinée : c’est tout ce qu’on peut faire quand on ne peut remuer, et qu’on est dans son lit, entouré de soldats et de neige.

M. de Chardon me mande qu’il a trouvé le mémoire de M. de Beaumont pour les Sirven bien faible. Vous étiez de cet avis . Il est triste que vous ayez raison. Vous aurez incessamment Les Scythes ; j'y travaille encore .

On dit des merveilles de mon confrère Thomas . Je vous supplie d'envoyer l'incluse 3 à votre ami . Je souffre beaucoup mais je vous aime davantage . »

 

1 L'édition de Kehl, suivant la copie Beaumarchais et suivie de toutes les éditions amalgame des versions abrégées e cette lettre et de la lettre du 30 janvier 1767 sous la date 30 janvier 1767 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/04/correspondance-annee-1767-partie-10.html

2 Toujours l’affaire Lejeune.

3 Non pas la préface des Scythes avec l'hommage rendu à Diderot , comme le pensait Besterman, car l'envoi n'eut lieu que le 30 janvier 1767, mais bien la lettre à d'Alembert du même 28 janvier 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/20/l-esprit-malin-s-est-empare-de-notre-petit-pays-c-est-la-dis-6382785.html

l’esprit malin s’est emparé de notre petit pays : c’est la discorde en Laponie

... L'ours russe pousse ses voisins dans les bras de l'OTAN . Il est regrettable d'en arriver là . Au fait, qui dans l'OTAN est prêt à faire la guerre ?

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

À Ferney, 28 janvier [1767]

Mon cher philosophe, je vous ai déjà mandé qu’il y a cent lieues entre Ferney et Genève ; rien ne peut passer en France, pas même un problème de géométrie. J’éprouve la guerre et la famine. Les maux causés par la rigueur de la saison me tiennent lieu de peste ; il ne me manque plus rien 1. On dit que vous avez été comparé à Socrate 2 ; mais Socrate n’écrivit rien, et vous écrivez des choses charmantes. Vous n’avez point eu d’Alcibiade, et vous ne boirez point de ciguë. Je vous comparerais plutôt à Pascal vivant dans le monde.

Il y a deux mois que je n’ai vu Cramer ; l’esprit malin s’est emparé de notre petit pays : c’est la discorde en Laponie.

Est-il vrai que le secrétaire 3 est en Italie ? Je me flatte que notre nouveau confrère va bien vous seconder dans votre dessein de rendre la littérature libre et respectable.

Je suis bien content de votre correspondant berlinois 4; s’il persévère, il faut tout oublier. »

1 Ce résumé des lettres antérieures est très approximatif . Voir lettre du 18 janvier 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/10/nous-avons-une-guerre-cruelle-avec-les-genevois-notre-armee-6381246.html

2 C’est Thomas qui avait fait cette comparaison dans son discours de réception à l’Académie française. Voir lettre du 20 décembre 1766 à Marmontel : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/03/20/m-6372387.html

Voir « Un roi appelle Socrate à sa cour ; et Socrate reste pauvre dans Athènes », page 21 . Les allusions à V* sont moins flatteuses , page 29 : https://www.academie-francaise.fr/discours-de-reception-dantoine-leonard-thomas

3 Duclos, secrétaire perpétuel de l’Académie française, a quitté Paris le 16 novembre 1766 et doit y revenir le 17 juin 1767 .

4 Frédéric II, roi de Prusse. La phrase suivante montre un nouveau progrès des sentiments de V* à son égard .