Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/09/2025

Nous sommes en tout sens dans le temps de la plus horrible décadence...Les hommes veulent bien se tromper pour quelque temps, cabaler, en imposer

... On en a quelques spécimens de haut degré , du tonneau d'un Natanyahou, Trump, Poutine et quelques chefs d'Etats en guerre civile dont la liste est longue comme un jour sans pain .

 

 

« A Jean-François de La Harpe

23è avril 1770 1

Mon cher enfant, calmez votre sang, et rengraissez Mme de La Harpe, mais n’espérez pas rétablir le bon goût. Nous sommes en tout sens dans le temps de la plus horrible décadence. Cependant soyez sûr qu’il viendra un temps où tout ce qui est écrit dans le style du siècle de Louis XIV surnagera, et où tous les autres écrits goths et vandales resteront plongés dans le fleuve de l’oubli. Les hommes veulent bien se tromper pour quelque temps, cabaler, en imposer ; mais ils ne veulent point s’ennuyer.

Il est impossible de lire la plupart des ouvrages qu’on fait aujourd’hui ; mais on lira toujours La Religieuse 2. Pourquoi ? parce qu’elle est écrite dans le style de Jean Racine.

Je crois qu’à présent on ne lit guère dans Paris que les arrêts du Conseil . L’auteur a bien senti qu’il fallait intéresser pour être lu, et parler aux passions des hommes . Je suis même persuadé que les écrits de monsieur le contrôleur général ont touché jusqu’aux larmes quatre ou cinq mille pères et mères de famille. Jamais Mlle Clairon ni Mlle Dumesnil n’en ont tant fait répandre . Mais on ne peut pas dire à l’auteur, avec Horace 3 et Boileau :

Pour m’arracher des pleurs, il faut que vous pleuriez.4

Vraiment oui, je ferai parler à la Duchesne .

Celui qui vous a prié, dans sa lettre anonyme, de ne me point ressembler a bien raison ; ne ressemblez jamais qu’à vous-même.

Nous embrassons de tout notre cœur, Mme Denis et moi, le père et la marraine de Mélanie. 

Avez-vous entendu parler de l'aventure de Fréron et de son beau-frère ? Ce beau-frère nommé Royou est avocat au parlement de Rennes 5 . Il prétend que Fréron étant venu à Rennes pendant les troubles en qualité d'espion, l'a déféré au gouvernement . Royou articule expressément que Fréron conduisit les archers chez lui, le fit mettre aux fers et tint lui-même le bout de la chaîne quand il faisait conduire son beau-frère au cachot .»

1Original ; éd. Kehl qui élimine plusieurs passages : voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7861

2 Mélanie ; voir lettre du 26 janvier 1770 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/07/04/l-aventure-de-cette-pauvre-novice-qui-en-se-mettant-une-cord-6553752.html

Sûr de son goût qu'il est dans le Lycée, La Harpe aurait peut-être eu quelque peine à souscrire au jugement de Voltaire . Mais on conçoit que de tels compliments aient pu lui donner une haute opinion de lui-même . Quant à l’affectation de V* de louer La harpe, l'un de ses plus fidèles 'héraults', elle n'avait pas manqué de frapper ses contemporains . On se souvient que V* , qui avait dit le plus grand mal du Gustave Wasa de Piron sans avoir vu ni lu la pièce ( lettre à Thieriot du 24 février 1733 ) avait célébré le médiocre Gustave Wasa de La Harpe, qui échos piteusement en 1766.

3 Horace, Ars poética, vers 102.

4 Boileau, Art poet., ch. III, v. 142.

5V* se garde de faire état de ce que d'Alembert lui a appris de ce Royou par une lettre récente ( 12 avril 1770 : https://www.monsieurdevoltaire.com/2020/06/correspondance... ) ; d'après toutes les informations reçues par Duclos, c'est « un très mauvais sujet » avec lequel on conseille à V* de se conduire « bride en main » ; voir lettre du 18 mars 1770 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/08/31/m-6560967.html