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07/09/2010

Je bois du vin modérément, et je trouve fort étranges les gens qui mangent sans boire

A boire encore : http://www.deezer.com/listen-700369

A écouter sans modération :

http://www.deezer.com/listen-700369

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Et dédicace à ce vigneron, Volti lui-même, qui ne mentait pas sur sa production  : http://www.deezer.com/listen-1566455

 

 

 

« A Henri-Jean-Baptiste Fabry de Moncault, comte d'Autrey

[i]

6è septembre 1765

 

Ce n'est donc plus le temps, Monsieur, où les Pythagore voyageaient pour aller enseigner les pauvres Indiens [ii]; vous préférez votre campagne à mes masures. Soyez bien persuadé que je mourrai très affligé de ne vous avoir point vu. J'ai eu l'honneur de passer quelque temps de ma vie avec madame votre mère dont vous avez tout l'esprit avec beaucoup plus de philosophie.

 

Si j'avais pu vous posséder cet automne, vous auriez trouvé chez moi un philosophe [iii]qui vous aurait tenu tête, et qui mérite de se battre avec vous. Pour moi, je vous aurais écoutés l'un et l'autre, et je ne me serais point battu. J'aurais tâché seulement de vous faire une bonne chère, plus simple que délicate. Il y a des nourritures fort anciennes et fort bonnes, dont tous les sages de l'Antiquité se sont toujours bien trouvés. Vous les aimez, et j'en mangerais volontiers avec vous. Mais j'avoue que mon estomac ne s'accommode point de la nouvelle cuisine. Je ne peux souffrir un ris de veau qui nage dans une sauce salée, laquelle s'élève quinze lignes au dessus de ce petit ris de veau. Je ne puis manger d'un hachis composé de coq d'Inde, de lièvre, et de lapin qu'on veut me faire prendre pour une seule viande. Je n'aime ni le pigeon à la crapaudine, ni le pain qui n'a pas de croûte. Je bois du vin modérément, et je trouve fort étranges les gens qui mangent sans boire, et qui ne savent pas même ce qu'ils mangent.

 

Je ne vous dissimulerai pas même que je n'aime point du tout qu'on se parle à l'oreille quand on est à table, et qu'on se dise ce qu'on a fait hier, à son voisin qui ne s'en soucie guère ou qui en abuse. Je ne désapprouve pas qu'on dise bénédicité ; mais je souhaite qu'on s'en tienne là, parce que si on va plus loin on ne s'entend plus ; l'assemblée devient cohue, et on dispute à chaque service.

 

Quant aux cuisiniers, je ne saurais supporter l'essence de jambon, ni l'excès des morilles, des champignons, de poivre et de muscade, avec lesquels ils déguisent des mets très sains en eux-même, et que je ne voudrais pas seulement qu'on lardât.

 

Il y a des gens qui vous mettent sur la table un grand surtout où il est défendu de toucher. Cela m'a paru très incivil, on ne doit servir un plat à son hôte que pour qu'il en mange ; et il est fort injuste de se brouiller avec lui parce qu'il aura entamé un cédrat qu'on lui aura présenté. Et puis quand on s'est brouillé pour un cédrat il faut se raccommoder et faire une paix plâtrée, souvent pire que l'inimitié déclarée.

 

Je veux que le pain soit cuit au four, et jamais dans un privé. Vous auriez des figues au fruit, mais dans la saison.

 

Un souper sans apprêts, tel que je le propose, fait espérer un sommeil fort doux et fort plein, qui ne sera troublé par aucun songe désagréable.

 

Voilà, Monsieur, comme je désirerais d'avoir l'honneur de manger avec vous. Je suis un peu malade à présent, je n'ai pas grand appétit mais vous m'en donneriez, et vous me feriez trouver plus de goût à mes simples aliments.

 

Mme Denis est très sensible à l'honneur de votre souvenir. Elle est entièrement à mon régime. C'est d'ailleurs une fort bonne actrice ; vous en auriez été content dans une assez mauvaise pièce à la grecque, intitulée Oreste, et vous l'auriez écoutée avec plaisir, même à côté de Mlle Clairon.

 

Conservez-moi au moins vos bontés si vous me refusez votre présence réelle.

 

V. »

i Auteur du Pyrrhonien raisonnable ; cf.lettres des 15 et 23 mars 1765 à Damilaville : « Je doute que le Pyrrhonien raisonnable fasse une grande fortune, quoique l'auteur ait beaucoup d'esprit. »

ii Cf. l'Aventure indienne de V* ,1764.

iii Damilaville.

 

Une curiosité : http://www.deezer.com/listen-721717

 

 

06/09/2010

Quoique je ne lise jamais les journaux

 Effectivement, les journaux peuvent faire peur : http://www.deezer.com/listen-554658 ; http://www.deezer.com/listen-2310619 ; http://www.deezer.com/listen-3367441 

Plus romantique ? http://www.deezer.com/listen-5418095

 Signé Furax ! http://www.deezer.com/listen-235888 , que j'ai écouté aussi souvent que possible en rentrant du lycée ... Humour et délire !

Sarclo, Sarcloret, ce genre de Suisse qui me plait : http://www.deezer.com/listen-5573946

 

Parfois je me demande si la seule information exacte d'un journal n'est pas la date !

Ce qui est essentiel, n'est-il pas ? http://www.deezer.com/listen-2715607 parole de Philéas Fogg !

 

 

 « A Isaac Le Fort

 

Au Chêne à Lausanne 6 septembre [1757]

 

Monsieur,

 

Je vous renouvelle mes remerciements de la bonté que vous avez eue de me communiquer les Mémoires concernant monsieur votre oncle, le célèbre général Le Fort [i]. J'en ai tiré tout ce qui peut servir à sa gloire et à celle de votre famille, et j'ai déjà envoyé à Pétersbourg une partie de l'ouvrage [ii].

 

Uniquement occupé de cette entreprise dans laquelle votre nom est si fort intéressé, permettez que je m'adresse à vous comme au doyen du consistoire pour vous prier de vouloir bien détourner tout ce qui pourrait retarder le travail auquel je me suis consacré.

 

J'ai appris que quelques personnes avaient fait imprimer dans un Mercure de Neuchâtel une dissertation en forme de lettre sur un point historique du XVIè siècle [iii]. Je n'ai point lu cette dissertation. J'apprends aussi que quelques pasteurs de Suisse répondent à cet écrit [iv]. Je n'entre en aucune manière dans cette dispute critique et historique. Elle est absolument étrangère aux travaux que l'impératrice de Russie a daigné me prescrire, et que le nom de Le Fort me rend si chers.

 

Je sais que ces petites disputes ont pris leur origine dans je ne sais quelle lettre qu'on a imprimée sous mon nom dans le Mercure de France du mois de mars ou d'avril [v].

 

Quoique je ne lise jamais les journaux, cependant on m'a fait voir cette lettre il y a deux mois. Je n'y ai retrouvé ni mes expressions, ni mes sentiments sur bien des articles [vi]. Cette lettre a été très infidèlement copiée et on m'en a fait même des excuses de Paris [vii].

 

Au reste, Monsieur, je vous prie de vouloir bien communiquer cette lettre à votre illustre Compagnie ainsi que ma vénération pour vous et pour elle.

 

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux

Monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur.

 

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi,

de l'Académie française. »

i C'étaient des manuscrits que V* utilisait pour l'Histoire de l'Empire de Russie.

ii Huit chapitres le 7 août ; cf. lettre à Schouvalov.

iii C'est la Lettre à M. de Voltaire à Lausanne , non signée mais certainement de Jacob Vernet, datée de Genève le 30 mai 1757, publiée dans le Journal helvétique de Neuchâtel de juin ; elle concerne la controverse sur Calvin et Servet.

iv Dans le même journal en août le pasteur Bertrand a fait une réponse ; V* le remerciera le 9 en ajoutant que Polier de Bottens en « méditait » une « de son côté ».

v Sa lettre à Thiriot datée du 26 mars et imprimée en mai : en fait lettre du 20 mai: « Ce n'est pas une petite preuve du progrès de la raison humaine qu'on ait imprimé à Genève, dans mon Essai sur l'Histoire, avec l'approbation publique, que Calvin avait une âme atroce aussi bien qu'un esprit éclairé. Le meurtre de Servet paraît aujourd'hui abominable ».

vi C'est ce qu'il a écrit à Élie Bertrand le 4 septembre et à Jacob Vernes le 15 mai, ajoutant : «  Comment aurais-je pu écrire que j'ai fait imprimer ici dans mon Histoire que Calvin avait une âme atroce puisque cela ne se trouve pas dans mon Histoire ? » C'est vrai, cette expression n'est pas employée dans l'Histoire (éd. 1756) mais V* y blâme très vertement Calvin d'avoir fait brûler Servet, parle de sa « dureté », de sa « haine théologique, la plus implacable de toutes les haines », de sa « barbarie ». A Jacob Vernes le 13 janvier : « ...Servet était un sot, et Calvin un barbare. »

vii Cf. lettre à Thiriot du 20 mai où il fait à peu près cette demande.