Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/07/2012

Vous voyez, madame, votre consolation devant vos yeux, en voyant votre perte.

... Petit message qui peut tout à fait être de circonstances pour Ségolène, après les déclarations de Thomas Hollande .

Paris vaut bien une messe, disait le Vert Galant, eh ! bien , l'amour filial vaut bien la perte d'un siège de député , non ?

 

amour filial.jpg


 http://www.lefigaro.fr/politique/2012/07/12/01002-20120712ARTFIG00598-thomas-hollande-complique-le-14-juillet-de-son-pere.php

 Famille normale, enquiquinements normaux qui n'empêchent pas la terre de tourner, pas de quoi s'attrister ni compatir .

Plus difficile sera de trouver une consolation après les mises au chômage annoncées .

 

« A madame Louise Dorothée de Saxe-Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA 1

Aux Délices, près de Genève, 26 juin [1756]

Madame, il y a donc des malheurs aussi pour Votre Altesse sérénissime? et il faut que les vertus les plus nobles et les plus pures éprouvent, comme les autres, le sort de l'humanité ! Votre résignation à la Providence, madame, est bien exercée dans la perte d'un fils aîné 2 mais aussi les mêmes vertus qui sont éprouvées dans la douleur de cette perte sont récompensées par les princes qui vous restent. Vous voyez, madame, votre consolation devant vos yeux, en voyant votre perte. Votre Altesse sérénissime doit, pour surcroît d'affliction, être accablée de lettres, je lui demande pardon d'augmenter le nombre de ceux qui l'affligent en la voulant consoler. Mais comment pourrais-je ne pas écouter mon attachement et ma douleur? Il est impossible à mon cœur de retenir ses mouvements.
J'ose me joindre ici à la grande maîtresse des cœurs, à tout ce qui vous entoure, madame, pour pleurer à vos pieds et à ceux de monseigneur le duc , mais aussi je me joins à eux pour voir dans les princes vos enfants (que Dieu conserve!) les plus grandes et les plus chères espérances, comme la meilleure consolation 3.
Quand pourrai-je, madame, venir partager tous ces sentiments, admirer les vôtres, jouir de vos bontés, et renouveler à Votre Altesse sérénissime, à monseigneur, à toute votre auguste maison, tous mes vœux, avec mon tendre et profond respect! »

1 Épouse de Frédéric III, duc de Saxe-Gotha . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric_III_de_Saxe-Gotha-Altenbourg

2 Frédéric , né en 1735 .

3 La copie que nous avons sous les yeux porte éducation. (A. F.)

 

J'espère qu'un jour je ferai aimer la vérité.

 ... Qui selon l'adage, n'est pas touours bonne à dire .

Volti ne se gène pas pour remonter les bretelles du "cher et ancien ami" et c'est normal, comme dirait un président connu . Ce dernier saura-t-il faire aimer la vérité ? J'en doute . Ou alors, il faudra la présenter comme dans le monde allégorique, femme nue sortant du puits, la partie masculine de la population (majoritairement, mais je ne vous exclus pas mesdames )  pourrait alors la trouver aimable .


VRIT_1~1.JPG

 http://elisandre-librairie-oeuvre-au-noir.blogspot.fr/2012/02/entre-femmes-philosophes-et-allegories.html


Sinon, reste l'espoir !



 

« A M. THIERIOT

Aux Délices, 26 juin [1756]

Vous ne savez ce que vous dites, mon cher et ancien ami, et vous faites toujours quelque quiproquo. Vous vous imaginez d'abord qu'il est question d'un intérêt d'argent pour vous, quand je vous mande que, si vous laissez subsister la note sur Bayle, elle pourra faire tort à l'éditeur 1. Il était bien question de cela . Vous allez vous plaindre à M. d'Argental que j'ai supposé que Lambert vous faisait un présent! Quel présent pouvait-il vous faire pour une telle bagatelle ? Et, quand je vous écris que vous n'avez pas entendu le passage de ma lettre, vous me répondez comme si je vous avais écrit que vous n'entendiez pas un passage de mon ouvrage, ayez donc un peu plus d'attention et des idées plus nettes.
Songez bien que je vous demande si Lambert compte ajouter des pièces fugitives, que je n'ai point, à celles que les Cramer ont imprimées. Songez que je vous demande si vous en avez quelques-unes. Songez qu'alors il devrait attendre, et faire à loisir une édition complète à laquelle vous présideriez. En ce cas, vous devriez venir aux Délices, et vous ne vous en repentiriez pas. Vous seriez en quatre jours à Lyon, je vous adresserais à M. Tronchin, le banquier 2, qui vous fournirait une voiture, et nous causerions. Il y a une Histoire générale qui pourrait mériter vos soins, etc.
Je vous répète, mon cher et ancien ami, que je sais, à n'en pouvoir douter, que La Beaumelle est l'auteur du Citoyen de Montmartre 3, et qu'il l'avait communiqué à Fréron.4
Vous avouez donc enfin que cet homme5, qui cherchait à imiter Tacite, n'a imité que Gacon 6. Plus vous avez avancé dans la lecture de ses infâmes rapsodies, plus vous avez dû être indigné. On n'a jamais écrit plus insolemment tant de mensonges et ces mensonges sont d'autant plus dangereux qu'ils sont souvent mêlés avec la vérité. Un mot de Mme de Maintenon lui sert de canevas pour cent impostures. On a mis au pilori des hommes bien moins coupables.
J'ai lu les Mémoires de Dangeau 7 dont vous me parlez, il n'y a pas quatre pages à extraire. J'ai beaucoup retouché le Siècle de Louis XIV; il terminera l'Histoire générale. J'espère qu'un jour je ferai aimer la vérité.
Je vous embrasse. »

2 Jean-Robert Tronchin , à Lyon .

3 Les Pensées philosophiques d'un citoyen de Montmartre sont de Sennemaud .

5 La Beaumelle.

6 François Gacon, dit « le poète sans fard » : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Gacon

 

14/07/2012

On s'accoutume à bien parler

 ... Et à écouter ceux qui parlent bien, on prend un grand plaisir, même au delà du sujet traité, souvent .

On s'accoutume aussi à mal parler, pire à mal écrire, c'est-à-dire à écrire aussi mal qu'on parle .

Pourquoi faut-il que les jeunes (et moins jeunes aussi) ne se sentent adoptés par les leurs que s'ils adoptent les tics de langage des plus cons* , d'une nullité écrasante ?

Autant j'aime l'argot, autant je me régale des images et inventions verbales d'un (-des deux-) San Antonio , autant je renacle en entendant des interviews d'adolescents qui en sont encore au stade "pipi-caca-popo" (ce qui m'arrange bien car ça peut se dire facilement en verlan), et tirent gloire à la télévision de montrer leurs culs , culs tristes il faut le souligner , faces de pets ! 

 * NDLR - La sincèrité oblige l'auteur de ces lignes à employer les termes propres à sa pensée, sans censure . Il serait paradoxal d'être privé de la liberté de parole le jour du 14 juillet .

Et vers 22h 30 la poudre a parlé -bellement- au château de Voltaire !

 

feux 14 7 2012 8311.JPG

 

« A Mademoiselle *** 1

Aux Délices, près de Genève, 20 juin 1756.

Je ne suis, mademoiselle, qu'un vieux malade, et il faut que mon état soit bien douloureux puisque je n'ai pu répondre plus tôt à la lettre dont vous m'honorez, et que je ne vous envoie que de la prose pour vos jolis vers. Vous me demandez des conseils; il ne vous en faut point d'autre que votre goût. L'étude que vous avez faite de la langue italienne doit encore fortifier ce goût avec lequel vous êtes née, et que personne ne peut donner. Le Tasse 2 et l'Arioste 3 vous rendront plus de services que moi, et la lecture de nos meilleurs poètes vaut mieux que toutes les leçons; mais, puisque vous daignez de si loin me consulter, je vous invite à ne lire que les ouvrages qui sont depuis longtemps en possession des suffrages du public, et dont la réputation n'est point équivoque. Il y en a peu; mais on profite bien davantage en les lisant qu'avec tous les mauvais petits livres dont nous sommes inondés. Les bons auteurs n'ont de l'esprit qu'autant qu'il en faut, ne le recherchent jamais, pensent avec bon sens, et s'expriment avec clarté. Il semble qu'on n'écrive plus qu'en énigmes. Rien n'est simple, tout est affecté; on s'éloigne en tout de la nature, on a le malheur de vouloir mieux faire que nos maîtres.
Tenez-vous-en, mademoiselle, à tout ce qui plaît en eux. La moindre affectation est un vice. Les Italiens n'ont dégénéré, après le Tasse et l'Arioste, que parce qu'ils ont voulu avoir trop d'esprit; et les Français sont dans le même cas. Voyez avec quel naturel Mme de Sévigné 4 et d'autres dames écrivent comparez ce style avec les phrases entortillées de nos petits romans, je vous cite les héroïnes de votre sexe, parce que vous me paraissez faite pour leur ressembler. Il y a des pièces de Mme Deshoulières 5 qu'aucun auteur de nos jours ne pourrait égaler. Si vous voulez que je vous cite des hommes, voyez avec quelle clarté, quelle simplicité notre Racine 6 s'exprime toujours. Chacun croit, en le lisant, qu'il dirait en prose tout ce que Racine a dit en vers. Croyez que tout ce qui ne sera pas aussi clair, aussi simple, aussi élégant, ne vaudra rien du tout.
Vos réflexions, mademoiselle, vous en apprendront cent fois plus que je ne pourrais vous en dire. Vous verrez que nos bons écrivains, Fénelon 7, Bossuet 8, Racine, Despréaux 9, employaient toujours le mot propre. On s'accoutume à bien parler, en lisant souvent ceux qui ont bien écrit on se fait une habitude d'exprimer simplement et noblement sa pensée sans effort. Ce n'est point une étude il n'en coûte aucune peine de lire ce qui est est bon, et de ne lire que cela; on n'a de maître que son plaisir et son goût.
Pardonnez, mademoiselle, à ces longues réflexions; ne les attribuez qu'à mon obéissance à vos ordres.
J'ai l'honneur d'être avec respect, etc. »

1 Le contenu de cette lettre prouve que la personne à qui elle est adressée n'était pas encore mariée. Les éditeurs de Kehl l'avaient intitulée A Mme Dupuy, femme du secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.
Mme Dupuy s'appelait Mlle Menon ou Manon. La famille de son mari, ne croyant pas que ce fût son véritable nom, a fait des recherches sans rien découvrir qui pût détruire ou confirmer ses soupçons. Mme Dupuy est nommée Louise Menon dans l'acte mortuaire de son mari. (Beuchot.)

4 Marie de Rabutin-Chantal marquise de Sévigné : http://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_de_Rabutin-Chantal_(ma...)

7 François de Salignac de la Mothe-Fénelon : http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9nelon

 

13/07/2012

sur cent hommes, il y en a au moins quatre-vingt-dix qui sont à plaindre. Tout est bien n'est donc pas fait pour le genre humain

 ... Heureusement chacun peut avoir sa part de bonheur et de misère, malheureusement ce sont les proportions de ces parts qui fait du bien ou du mal . J'ose me placer dans les dix pour cent de ceux qui ne sont pas à plaindre, non pas que je sois riche et beau (ça se saurait !), non que j'aie une santé à faire taire toute la faculté de médecine, non que je sois animé de la foi du charbonnier qui tient son ticket pour le paradis d'une main et sa pelle de l'autre, mais tout simplement chaque jour je peux fréquenter Voltaire, penser à une amie, à des proches, à des projets .

 Et puisque Volti nous donne des statistiques peu joyeuses pour les hommes, il en est d'autres navrantes encore plus pour les femmes , écoutez :

 http://www.youtube.com/watch?v=61klageOn-4

 

 

« A M. DUPONT.

Aux Délices, près de Genève, 20 (juin) 1756 1

Je vous avais envoyé, mon cher ami, deux petits ouvrages assez tristes et assez conformes à l'état où doit être votre âme après la perte d'un jeune homme de si grande espérance, à qui vous étiez tendrement attaché 2. Vous devez avoir reçu mes jérémiades, et vous devez sentir que le Tout est bien de Pope n'est qu'une plaisanterie qu'il n'est pas bon de faire aux malheureux. Or, sur cent hommes, il y en a au moins quatre-vingt-dix qui sont à plaindre. Tout est bien n'est donc pas fait pour le genre humain. Je suis honteux de dater ma lettre des Délices en écrivant à M. de Klinglin. Mais enfin il faut bien que j'aie un port après avoir essuyé tant d'orages. Je suis très-aise d'être loin des jésuites et des médecins de Colmar. Ces charlatans-là nuisent au corps et à l'âme. Nous avons à présent un vrai médecin 3 qui est allé de Genève à Paris apprendre aux Français à préserver leurs enfants de la petite vérole en la leur donnant. Ce ne sont pas là des exemples à remettre devant les yeux de monsieur le premier président, ils redoubleraient trop sa douleur.
Si le Port-Mahon n'est pas pris quand vous recevrez ma lettre, il ne le sera jamais. Mme Denis et moi, nous vous assurons, vous et Mme Dupont, de la plus tendre amitié.
VOLTAIRE »

1 Placée par le premier éditeur et par Beuchot au 20 août, cette lettre, antérieure à la prise de Port-Mahon, ne peut être que du 20 juin au plus tard.

2 Le second fils de M. de Klinglin, attaqué d'une paralysie depuis longtemps.

3 Le docteur Théodore Tronchin .

 

Le mensonge n'a jamais parlé avec tant d'impudence. Cela est fait pour être lu des ignorants oisifs, méprisé des sages, et pour indigner les gens en place

 ... Comme en ce moment en Syrie ! Bachar et Asma, beau couple de tyrans, unis dans le mensonge aussi fermement que par les liens du mariage . Luxe, calme et volupté, déclinés à la Assad se traduisent par misère, guerre et assassinat pour les opposants . Et ces pignoufs de Russes ( je veux dire Poutine et ses séïdes) qui, au mieux jouent les Ponce Pilate, au pire se réjouissent que pendant ce temps on oublie la Tchétchénie . 

http://tempsreel.nouvelobs.com/topnews/20120713.AFP2680/syrie-apres-treimsa-l-opposition-denonce-un-massacre-et-appelle-l-onu-a-agir.html

 

 

 

« A M. THIERIOT.

Aux Délices, 16 juin [1756]

Je ne suis pas étonné qu'on dévore ce ramas d'anecdotes où, parmi quelques vérités indifférentes, tirées des Mémoires de Dangeau, de Huber, etc., tout fourmille de faussetés, de contradictions, et d'impostures. Le mensonge n'a jamais parlé avec tant d'impudence. Cela est fait pour être lu des ignorants oisifs, méprisé des sages, et pour indigner les gens en place. De quel front ce malheureux 1 ose-t-il assurer que Monseigneur épousa Mlle Choin, et que Mme de Berry se maria au comte de Riom?
Quand on avance de tels faits, il faut avoir ses garants. Il était réservé à ce siècle qu'un gredin parlât de la cour comme s'il y avait joué un rôle. Il prend la peine de combattre de temps en temps le Siècle de Louis XIV, et il porte la démence jusqu'à citer des passages qui n'y ont jamais été.
Je suis bien aise que ce soit un pareil coquin qui ait écrit contre vous. Il se dit citoyen de Montmartre 2, il mérite d'être citoyen d'une chiourme. Que comptez-vous faire, mon ancien ami, de l'édition de mes bagatelles? Vous devriez bien venir voir l'auteur, et joindre votre portefeuille au mien. Nous pourrions faire quelque chose ensemble. Les Cramer ne se repentent pas de leur édition, quoiqu'il y en ait tant d'autres. Ils l'ont presque toute débitée en trois semaines, je ne m'y attendais pas. L'Histoire générale mérite un peu plus d'attention; on y joint le Siècle de Louis XIV, avec des additions et des notes qui sont assez curieuses. Vous ne nuiriez pas à cet ouvrage, nous le reverrions ensemble. Mes nièces auraient soin de vous rendre votre séjour aux Délices digne du nom que ma maison ose porter. J'y jouis de la paix, j'y travaille à loisir: ce sont là les vraies délices. Je serais trop heureux si j'avais de la santé et l'ami Thieriot. Vale.

P. S. La lettre à M. le maréchal de Richelieu 3 n'était pas assurément pour le public. Je ne l'ai communiquée à personne. S'il a fait voir mes prophéties, il les accomplira. »

 

12/07/2012

Il a trouvé le vrai secret d'être lu et d'être méprisé.

 ... Ou plutôt "vu" et méprisé quand il s'agit du peuple taliban d'Afghanistan . Sans commentaire, l'exposé de leur barbarie au quotidien suffit . Soutenons les femmes qui se révoltent .

http://madame.lefigaro.fr/societe/pour-najiba-22-ans-victime-talibans-110712-269352

 

 

 

« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 15 juin [1756]

Mon cher ange, nos amours sont furieusement traversées. Je ne pourrai, de plus de trois mois, travailler à cette tragédie 1 que vous voulez avec tant d'obstination, et que j'ai déjà esquissée pour vous plaire. Vous savez que Villars ne peut être partout. On va imprimer une nouvelle édition du Siècle de Louis XIV, à la suite d'une espèce d'Histoire universelle. Je crois vous l'avoir déjà mandé. Je lis cette compilation des Mémoires de Mme de Maintenon, et j'admire comment un homme 2 a l'audace de publier tant de sottises, tant de mensonges et de contradictions, d'insulter tant de familles, de parler si insolemment de tout ce qu'il ignore, et comment on a la bonté de le souffrir. Il est assez singulier que cet homme soit à Paris, et que je n'y sois pas. Il a eu quelques bons mémoires, il a noyé le peu de vérités inutiles que contiennent les Mémoires de Dangeau, de Nébert, de Mlle d'Aumale, dans un fatras d'impostures de sa façon. Il a trouvé le vrai secret d'être lu et d'être méprisé.
Il avance hardiment que le premier dauphin épousa Mlle Choin. J'ai toujours entendu dire à ceux qui ont vécu avec elle, et surtout à Mme de Villefranche et à Mme de Bolingbroke 3, que c'était un conte ridicule 4. Si vous avez pu, mon cher et respectable ami, déterrer un peu de vérité parmi les anecdotes d'erreur dont le monde est plein, daignez, à vos heures perdues, vous amuser à m'instruire, afin que je sorte au plus tôt du bourbier désagréable de l'histoire, pour me donner tout entier aux choses que vous aimez.
Vous n'aurez de moi que ce feuillet, une bouteille d'encre est tombée sur l'autre. Mme Denis et Mme de Fontaine vous embrassent. Cette Fontaine, la ressuscitée 5, est tout étonnée de ma maison et de mes jardins. Elle dit que cela serait bien beau auprès de Paris; mais je ne le crois pas. »

1 Zulime, que l'auteur s'occupait à corriger, et dont il reparle dans sa lettre à d'Argental, du 20 décembre 1756.

2 La Beaumelle .

3 Née Deschamps de Marsilly; mariée d'abord au marquis de Villette-Murçai, père de Mme de Caylus; et ensuite à Bolingbroke.

4 Ce fut toujours l'opinion de Voltaire. Mais M. Monmerqué, éditeur des Souvenirs de Mme de Caylus (en 1828), n'est pas de cette opinion; il s'appuie sur les Mémoires complets et authentiques de Saint-Simon, tels qu'ils ont été publiés depuis (1829-30, en vingt-un volumes in-8°), et sur les Mémoires de Mlle d'Aumale.

5 Fort malade, cette nièce de V* a bénéficié des soins du Docteur Théodore Tronchin .

 

... ce fantôme de la vie. On s'en plaint, on la maudit, on la prodigue, on l'aime, et elle s'évanouit comme une ombre.

 ... Eh ! Dieu merci, nous ne sommes pas immortels .

 

fantomes 7246.JPG

 

 

« A M. de BRENLES.

Aux Délices, 15 juin [1756]

On dit le colonel Constant mort 1. Si cela est, j'en suis très- affligé, et je suis étonné de vivre. Voilà donc, mon cher ami, ce que c'est que ce fantôme de la vie. On s'en plaint, on la maudit, on la prodigue, on l'aime, et elle s'évanouit comme une ombre.
Puisse madame votre femme avoir fait un heureux! Je suis bien sûr au moins qu'elle aura fait un honnête homme et un homme d'esprit.
Toutes vos nouvelles sont aussi fausses que le beau conte qu'on faisait des catholiques qui ne voulaient point d'un catholique à Échallens 2. Je voudrais bien que la nouvelle touchant le colonel Constant fût aussi fausse. Mille tendres respects à l'accouchée et à tous nos amis. »

1 Il est probablement question ici de Philippe-Germain Constant, colonel dans le régiment de Chambrier, au service de Hollande, et second des quatre flls du lieutenant général Constant de Rebecque. Le colonel Constant n'était âgé que de vingt-huit ans quand il mourut, c'était un jeune homme de beaucoup d'esprit. Le lieutenant général Constant, que Voltaire, dans sa lettre du 27 janvier 1765, à Richelieu, appelle gros diable de général au service de Hollande, avait cinq enfants, savoir

1° Constant d'Hermenches, appelé bel Orosmane, dans la lettre du 6 février 1757, à d'Argental;
2° Philippe-Germain Constant, dont il s'agit dans la lettre ci-dessus;
3° Juste-Louis Constant de Rebecque, mort le 3 février 1812 à Brevans près de Dôle; père de Henri-Benjamin Constant, né à Lausanne le 25 octobre 1767;

4° Samuel Constant de Rebecque, né en 1729, mort en octobre 180U; il était major, au service de Hollande, dans le régiment Cornabé, qu'il quitta un an après son mariage avec Charlotte Pictet, fille du professeur en droit avec lequel Voltaire fut en correspondance; il était homme de lettres, et Benjamin Constant lui a consacré un article dans la Biographie universelle; après son mariage on l'appela Constant-Pictet, pour le distinguer de ses autres frères;
5° La marquise de Gentil, qui demeurait à Mon-Repos, dans un faubourg de Lausanne, et chez laquelle Voltaire eut une salle de théâtre où il jouait avec ses acteurs de société.

La famille Constant de Rebecque est originaire d'Aire en Artois, ou Aire-sur-la-Lys, petite ville du département du Pas-de-Calais. (CL.)

2 Bourg à trois lieues de Lausanne.