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07/07/2012

Je compte retrouver tout très-propre

 ... Mon ami Volti, tu serais effaré si tu voyais l'état de ton parc et tes jardins à Ferney .

Il y a des coups de pied au cul qui se perdent !

Celui qui est censé faire l'entretien est d'une inculture crasse et a hérité des qualités du cheval d'Attila, à ceci près que là où il passe l'herbe envahit les allées pendant qu'il fait crever les buis et les topiaires . Cet individu ne sait pas que des outils de taille (sécateurs et taille-haies ) se désinfectent, sinon vive la contagion des maladies fongiques et bactériennes tueuses d'arbres, ce qui est le cas en ce moment . Il est trop niais pour savoir que le désherbage au chalumeau ne doit pas être fait à proximité immédiate d'arbustes qui cuisent littéralement et irrémédiablement . En un mot comme en cent , c'est ce que mon père appelait un cossard, il n'est bon qu'à se caler le cul sur son mini-tracteur et faire des ronds de jambe à l'administrateur . Voilà, c'est dit, ça me gonflait trop de garder ça sur la patate . Persiste et signe !

 

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 Calme sur fond de colère

 

« A M. COLINI

A Berne 1, 18 mai [1756]

Si vous nous envoyez quelques lettres adressées aux Délices, ne nous en envoyez à Berne qu'une fois, et gardez les suivantes jusqu'à nouvel ordre, mon cher Colini car nous sommes un peu en l'air. Nous irons à Soleure 2, de là nous retournons à Monrion, et nous regagnons ensuite notre lac de Genève.
Je vous prie d'ordonner qu'on refasse le talus que les eaux avaient emporté vers la Brandie, qu'on le sème de fenasse, et qu'on laisse deux petites rigoles pour l'écoulement des eaux à travers les haies; c'est Loup qui doit prendre ce soin. Il faut que les charpentiers fassent en diligence le berceau qui doit être posé vis-à-vis la Brandie, et que l'on prépare des couleurs pour le peindre. Je vous prie d'ordonner aux jardiniers d'arroser les fleurs et les gazons de la terrasse. Je compte retrouver tout très-propre. Il faut que Boësse 3 presse les travailleurs. Voilà de bien menus détails.
Je vous embrasse de tout mon cœur. »

1 Voltaire alla voir à Berne le pasteur Bertrand, les avoyers Steiger et Tiller, ainsi que le banneret Freudenreich. Il descendit à l'auberge du Faucon, rue du Marché. (CL.)

2 Chavigny, ambassadeur de France en Suisse, résidait à Soleure, et ce fut lui que Voltaire alla y voir. Colini, qui parle de ce voyage dans ses Mémoires, n'en connut jamais le motif précis; il dit seulement que Voltaire, en allant à Soleure, devait avoir des vues bien importantes. Je crois que Chavigny proposa à l'ancien ami de Frédéric de retourner à Potsdam pour y négocier secrètement: ce que Voltaire eut la prudence de refuser (voyez lettres du 4 juin à Thieriot et 14 juin à Louis-Eugène prince de Wurtemberg ). (Cr..)
L'ermite des Délices fit un autre voyage à Soleure, comme le prouve la date de sa lettre du 19 août 1758, à l'abbé de Bernis.

3 Valet de chambre de Voltaire. V* sait exactement ce qu'il faut faire . Pour d'autres ordres à propos de divers travaux aux Délices, voir la lettre du 23 mai 1756 à Colini : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/05/23/d-avoir-soin-de-fermer-la-grille-d-entree-de-ma-maison-les-d.html

 

06/07/2012

Je recommande à votre grande industrie la porte grillée qui ne ferme point

 ... Tout comme celle du jardin d'un vieux garçon de mon voisinage .

 

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« A M. COLINI.

A Monrion, 15 mai [1756]

La bise nous a retenus; nous ne partons pour Berne que demain dimanche, au matin. Je suis très-sensible à tous vos soins. Je recommande à votre grande industrie la porte grillée qui ne ferme point. Si vous en venez à bout, je vous croirai un grand architecte. Pourriez-vous vous amuser à faire un nouveau plan du jardin des Délices, où il n'y eût que des points en crayon? Nous le remplirons ensemble à mon retour.
Je compte sur les coups de ciseaux des fratelli Cramer; je voudrais aussi qu'ils allassent lentement avec Louis XIV, à qui j'ai encore quelques coups de pinceau à donner 1.
Mme Denis vous a demandé un manteau fourré qui deviendra inutile, il ne le sera pas d'avoir nos lettres. Je crois qu'on pourrait les adresser à Berne, où nous resterons quatre ou cinq jours au moins.
Allez un peu aux nouvelles chez le résident 2. Il faut savoir se i Francesi abbiano battuto, o lo siano stati.
Mme Denis, notre surintendante, approuve beaucoup le marché de la paille.
Addio, caro.

V. »

1 Le Siècle de Louis XIV faisait partie de l'édition de 1756 de l'Essai sur l'Histoire générale devenu Essai sur les Mœurs.

 

Je vous prie d'ordonner qu'on fasse travailler les chevaux, sans les trop fatiguer

... Consigne qui s'applique aussi à ceux qui restent au travail pendant que les autres vont se mettre les doigts de pieds en éventail ?

Et puisque Volti est propriétaire, proche de la cité de Calvin ...

 

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« A M. COLINI.

A Monrion, jeudi au soir, 13 mai [1756]

Mon cher Colini, je vous suis obligé de toutes vos attentions. Mme Denis répondra sur l'article de Palais 1. Pour moi, j'ai à cœur que Loup fasse un marché avec le batelier, et qu'il vous en instruise avant de conclure.
Je crois qu'il faudra que vous changiez de chambre, pendant que l'on mettra en couleur le vestibule de l'escalier. Il faudra aussi que les filles, qui logent en haut, mettent leurs lits dans l'ancienne maison, ou ailleurs. Ce sera l'affaire de peu de jours. J'ai extrêmement à cœur ce petit ouvrage, qui rendra la maison plus propre. Je vous prie d'ordonner qu'on fasse travailler les chevaux, sans les trop fatiguer. Nous ne partons pour Berne que samedi matin.
Je ne puis trop vous remercier de l'attention que vous avez eue de faire observer à MM. Cramer qu'il faut donner un coup de ciseau à tous les cartons. Ayez, je vous prie, le soin de les engager à n'y pas manquer.
Je vous embrasse; j'ai grande envie de vous revoir. »

1 Voltaire entend parler ici d'une provision de paille à prendre probablement à Plain-Palais, quartier voisin des murs de Genève. Loup était un domestique de Voltaire agriculteur. (CL.)

 

05/07/2012

chers électeurs est le mot propre ... et on est trop heureux quand le mot propre devient une plaisanterie

... Surtout quand les "chers" électeurs sont ceux d'un certain Nicolas Sarkozy, premier du nom, en 2007 . Chers, mais pas au point de n'avoir pas de prix, n'est-ce pas Liliane  ? A suivre ...

 

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« A M. THIERIOT

Aux Délices, 8 mai [1756]

Votre lettre du 27 avril, mon ancien ami, a croisé la mienne. Je ne sais si Lambert a imprimé les sermons en question, mais j'ai toujours sur les remarques les mêmes scrupules. J'en ai aussi beaucoup sur les deux vers qu'on a substitués. Les chers électeurs est le mot propre 1. C'est le terme dont se servent toujours les empereurs en leur écrivant; et on est trop heureux quand le mot propre devient une plaisanterie. Avec ses électeurs est d'une platitude extrême. Le Père Berruyer peut trouver fort bon qu'on le brûle mais je vous demande en grâce qu'on ne me mutile point. Je sais bien que de la grâce ardent à se toucher 2 est une expression un peu hardie; mais elle est plus supportable que le vers qu'on a mis à la place 3, par la raison que mon vers dit quelque chose, et que l'autre ne dit rien. Je vous prie d'avoir égard à toutes mes requêtes, si vous faites imprimer ma rapsodie.
Je voudrais bien avoir les Pensées du citoyen de Montmartre 4; vous êtes à portée de me les envoyer. Je ne sais point encore quand les Cramer mettront en vente leur édition. Je vais passer quelques jours à mon ermitage, au bord du lac. Je vais de retraite en retraite. Vous qui êtes dans le fracas de Paris, au milieu de ce qu'il y a de bon et de mauvais, vous devriez bien me mander ce que vous croyez digne de l'être.
Bonsoir, mon cher ami portez-vous mieux que moi je serais trop heureux si j'avais de la santé 5. »

 

3 Tandis qu'à ce bourreau loin d'oser l'arracher.

5 Ce dernier alinéa est de la main de Voltaire.

 

les plaisirs ne naissent que des besoins

 ... Satisfaits !

 

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http://reussir-en-famille.com/connaissez-vous-vraiment-les-besoins-de-votre-enfant-1re-partie/

 

 

«  A madame la marquise du DEFFANT.

Aux Délices, 5 mai [1756]

Madame, je suis rempli d'étonnement et de reconnaissance à la lecture de votre lettre, et j'ai, de plus, bien des remords. Comment ai-je pu être si longtemps sans vous écrire 1, moi qui ai encore des yeux? et comment avez-vous fait, vous qui n'en avez plus? Vous avez donc de petites parallèles que vous appliquez sur le papier, et qui conduisent votre main? Vous n'avez plus besoin de secrétaire avec ce secours; il ne vous faut plus qu'un lecteur. Je ne lui ai donné guère d'occupation depuis longtemps; mais je n'en ai pas été moins occupé de vous, moins touché de votre état. Je m'étais interdit presque tout commerce, n'écrivant que de loin en loin des réponses indispensables. Accablé une année entière, sans relâche, de travaux sous lesquels ma santé succombait, et ayant de plus l'occupation d'une maison et d'un jardin, et même de l'agriculture, enseveli dans les Alpes, dans les livres, et dans les ouvrages de la campagne, je me sentais incapable de vous amuser, et encore plus de vous consoler: car, après avoir dit autrefois assez de bien des plaisirs de ce monde,2 je me suis mis à chanter ses peines. J'ai fait comme Salomon, sans être sage j'ai vu que tout était à peu près vanité et affliction 3, et qu'il y a certainement du mal sur la terre.
Vous devez être de mon avis, madame, dans l'état où vous êtes; et je crois qu'il n'y a personne qui n'ait senti quelquefois que j'ai raison. Des deux tonneaux de Jupiter, le plus gros est celui du mal or, pourquoi Jupiter a-t-il fait ce tonneau aussi énorme que celui de Citeaux 4 ? ou comment ce tonneau s'est-il fait tout seul ? Cela vaut bien la peine d'être examiné. J'ai eu cette charité pour le genre humain; car pour moi, si j'osais, je serais assez content de mon partage.
Le plus grand bien auquel on puisse prétendre est de mener une vie conforme à son état et à son goût. Quand on en est venu là, on n'a point à se plaindre et il faut souffrir ses coliques patiemment. Je présume, madame, que vous tirez un bien meilleur parti encore de votre situation que moi de la mienne. Vous êtes faite pour la société, la vôtre doit être recherchée par tous ceux qui sont dignes de vivre avec vous. La privation de la vue vous rend le commerce de vos amis plus nécessaire, et par conséquent plus agréable car les plaisirs ne naissent que des besoins. Il vous fallait absolument Paris, vous auriez péri de chagrin à la campagne et moi, je ne peux plus vivre que dans la retraite où je suis. Nos maux sont différents, et il nous faut de différents remèdes.
Il est vrai qu'il est triste d'achever sa vie loin de vous, et c'est une des choses qui me font conclure que tout n'est pas bien. Tout doit être bien pour M. le président Hénault. S'il y a quelqu'un pour qui le bon tonneau soit ouvert, c'est lui. M. le maréchal de Richelieu en boira sa bonne part, s'il prend les forts de Port-Mahon. Cette île de Minorque s'appelait autrefois l'île de Vénus; il est juste que ce soit à M. de Richelieu qu'elle se rende. Adieu, madame; soyez sûre que le bord du lac Léman n'est pas l'endroit de la terre où vous êtes le moins chérie et respectée. »


1 La dernière lettre de Voltaire à Mme du Deffant était du 2 juillet 1754.

4 Rabelais, dans son Gargantua, livre Ier, chap. xxxviii, parle de la tonne de Citeaux; mais Le Duchat observe qu'il y a méprise, et qu'il fallait citer la tonne de Clairvaux. (Beuchot.) : http://fr.wikisource.org/wiki/%C5%92uvres_de_Rabelais/%C3...

 

04/07/2012

Le grand homme échappe au vulgaire

... Ce qui vaut  pour le président en activité.

"Vous me paraissez bien plus grand,
Puisque vous êtes plus aimable."

Ce fut loin, oh ! bien loin d'être la première qualité de feu Sarko que j'ai trouvé d'une vulgarité crasse ( à nettoyer au Kärcher ! et à la paille de fer )  qui, elle, n'a pas eu besoin de perquisitions pour être mise au jour .

J'ai vu en page titre aujourd'hui que Carla, -oui, LA Carla !-, est atteinte de douleurs effroyables qui l'empêchent même de porter sa petite Giulia , que faire ? En aurait-elle plein le dos, déjà, de son vibrionnant époux déçu*/déchu* (Note * : ce qui est équivalent pour un Auvergnat ! fouchtra !! ) ? Si je puis me permettre, il est un remède facile à trouver : travailler pour gagner son pain, ça fait oublier ses maux  .

 Et comme une "mauvaise" nouvelle ne vient jamais seule, peut-être, je dis bien peut-être , arrivera ceci ?

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« A M. le maréchal duc de RICHELIEU

Aux Délices, 3 mai [1756]

Mon héros, recevez mon petit compliment, il aura du moins le mérite d'être le premier 1. Je n'attends pas que les courriers soient arrivés. Il n'y aurait pas grand mérite à vous envoyer de mauvais vers quand tout le monde vous chantera. Je m'y prends à l'avance; c'est mon droit de vous deviner. Je vous crois à présent dans Port-Mahon, je crois la garnison prisonnière de guerre et si la chose n'est pas faite quand j'ai l'honneur de vous écrire, elle le sera à la réception de mon petit compliment. Une flotte anglaise peut arriver. Eh bien elle sera le témoin de votre triomphe. Enfin pardonnez-moi si je me presse. Vous vous pressez encore plus d'achever votre expédition. Il y a longtemps que je vous ai entendu dire que vous étiez primesautier 2.

Depuis plus de quarante années
Vous avez été mon héros;
J'ai présagé vos destinées.
Ainsi quand Achille à Scyros
Paraissait se livrer en proie
Aux jeux, aux amours, au repos,
Il devait un jour sur les flots
Porter la flamme devant Troie .
Ainsi quand Phryné dans ses bras
Tenait le jeune Alcibiade,
Phryné ne le possédait pas,
Et son nom fut dans les combats
Égal au nom de Miltiade.
Jadis les amants, les époux,
Tremblaient en vous voyant paraître
Près des belles et près du maitre
Vous avez fait plus d'un jaloux;
Enfin c'est aux héros à l'être.
C'est rarement que dans Paris,

Parmi les festins et les ris,
On démêle un grand caractère;
Le préjugé ne conçoit pas
Que celui qui sait l'art de plaire
Sache aussi sauver les États
Le grand homme échappe au vulgaire.
Mais lorsqu'aux champs de Fontenoi
Il sert sa patrie et son roi
Quand sa main des peuples de Gènes
Défend les jours et rompt les chaines;
Lorsque, aussi prompt que les éclairs,
Il chasse les tyrans des mers
Des murs de Minorque opprimée,
Alors ceux qui l'ont méconnu
En parlent comme son armée.
Chacun dit Je l'avais prévu.

 

Le succès fait la renommée.
Homme aimable, illustre guerrier,
En tout temps l'honneur de la France,
Triomphez de l'Anglais altier,
De l'envie, et de l'ignorance.
Je ne sais si dans Port-Mahon
Vous trouverez un statuaire;
Mais vous n'en avez plus affaire
Vous allez graver votre nom
Sur les débris de l'Angleterre;
Il sera béni chez l'Ibère,
Et chéri dans ma nation.
Des deux Richelieu sur la terre
Les exploits seront admirés;
Déjà tous deux sont comparés,
Et l'on ne sait qui l'on préfère.
Le cardinal affermissait
Et partageait le rang suprême
D'un maître qui le haïssait;
Vous vengez un roi qui vous aime.
Le cardinal fut plus puissant,
Et même un peu trop redoutable
Vous me paraissez bien plus grand,
Puisque vous êtes plus aimable.


Pardon, monseigneur, d'un si énorme bavardage vous avez bien autre chose à faire. »

1 Richelieu était entré à Port- Mahon vers le 20 avril; mais il ne parvint à s'emparer du fort Saint-Philippe que le 28 juin suivant.

2 Montaigne, Les Essais livre II, chapitre x  : Des livres : http://www.bribes.org/trismegiste/es2ch10.htm

« ...car j'ay un esprit primesautier …. Je ne fay rien sans gayeté ... »

 

03/07/2012

Il n'y a que le cœur qui soit inépuisable. Je voudrais bien que les talents fussent comme l'amitié, qu'ils augmentassent avec les années.

 ... Et cet homme génial a prouvé jusqu'à son dernier souffle sa fidèlité en amitié et la qualité de ses talents .

Si mes talents sont relatifs, avec ce qu'on peut appeler une bonne marge de croissance, mon amitié affectueuse pour Mam'zelle Wagnière se confirme à chaque rencontre , et je la crois bien inépuisable.

 

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« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 3 mai [1756]

Thieriot me mande, mon divin ange, que vous avez été content de l'édition de mes sermons, que ma morale vous a plu, que les Notes ont eu votre approbation mais vous saviez l'affront qu'on venait de faire au père de l'Église des sages, à Bayle 1. On venait de le traiter comme le père Berruyer et comme la Christiade; on l'associait à l'évêque de Troyes. On bullait tout, et Ancien et Nouveau Testament, et mandements, et philosophie. Cette capilotade est assez singulière, et le discours de M. Joly peu courtois pour le philosophe de Rotterdam. Mon mauvais ange voulut que, précisément dans ce temps-là, il se soit glissé au bout de mon Petit Carême une note sur Bayle qui devient tout juste la satire d'un jugement que j'ignorais, et du discours éloquent de M. Joly de Fleury, que je n'avais pu deviner. Je n'ai été informé que par les gazettes de l'arrêt contre l'Écriture sainte et contre Bayle. J'ai écrit aussitôt à Thieriot, l'éditeur; je l'ai prié de réformer ma scandaleuse note faite si innocemment. Je ne veux pas être brûlé avec la Bible; à moi n'appartient tant d'honneur. Il est certain qu'il y a deux ou trois petits mots qui doivent déplaire beaucoup à M. Joly de Fleury « Que ceux qui se déchainent contre Bayle apprennent de lui à raisonner et à être modérés » et, à la fin de la note: « C'est qu'ils sont injustes. » Encore une fois, je ne pouvais deviner que des hommes qui raisonnent, qui sont modérés et justes, traitassent Bayle comme ils l'ont fait; mais je ne dois pas le leur dire. Vous venez toujours à mon secours, mon ange; mais en est-il temps? et Thieriot n'a-t-il pas déjà fait imprimer ma bévue? Je vous supplie aussi de ne pas permettre qu'on gâte ce vers
L'empereur ne peut rien sans ses chers électeurs 2.
Le mot de cher est celui dont il se sert en leur écrivant. Ce sont ces mots propres et caractéristiques qui font le mérite d'un vers. Qu'avec ses électeurs est dur et faible. Je voudrais bien n'être ni brûlé ni mutilé.
Je mérite ces grâces de vous, puisque je vous fais faire deux tragédies à la fois sous mes yeux. La première est ce Botoniate, ce Nicéphore, que le conseiller 3 genevois raccommode, la seconde est Alceste, à laquelle votre très-humble servante, ma nièce, travaille tout doucement. Il ne reste plus que moi mais je vous ai déjà dit qu'il me fallait du temps, de la santé, et flatus divinus 4. J'attends le moment de la grâce. Si mon état continue, je serai un juste à qui la grâce aura manqué. Je ne peux d'ailleurs songer à présent qu'à Port-Mahon. Je me flatte que vous apprendrez bientôt la réduction de toute l'île. Ce sera là un beau coup de théâtre, un beau dénoûment; mais, en vérité, il est plus aisé de prendre Minorque que de faire une bonne tragédie à mon âge. Je ne connais plus les acteurs, je suis loin de vous. Les sujets sont épuisés, et moi aussi. Il n'y a que le cœur qui soit inépuisable. Je voudrais bien que les talents fussent comme l'amitié, qu'ils augmentassent avec les années. Adieu mille tendres respects à tous les anges. »

 

2 La Loi naturelle, seconde partie, v. 19, page 378, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80005b/f384.tableDesMatieres

3 François Tronchin

4 Souffle divin