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04/01/2014

je prends mon temps tout juste pour vous souhaiter l'année la plus heureuse, la plus pacifique, la moins ruineuse

... A vous tous hommes de bonne volonté, et femmes de bonne composition .

 Que les grincheux se dérident, les soupe-au-lait se calment, le pape François guide benoitement (en évitant l'article XVI) son troupeau, les milliardaires dépensent sans compter, et que les jeunes trouvent enfin du boulot sans avoir à trop le chercher .

Soyons chaleureux !

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« Au baron Heinrich Anton von Beckers

Aux Délices route de Genève

20 décembre 1758 1

Monsieur, vous recevrez ma lettre vers le jour de l'an . Ainsi je prends mon temps tout juste pour vous souhaiter l'année la plus heureuse, la plus pacifique, la moins ruineuse, et pour vous supplier de me mettre aux pieds de leurs Altesses électorales . Vous savez avec quel tendre respect je leur suis attaché . Je voudrais pouvoir passer ma vie à la cour de monseigneur l'Électeur, mais, monsieur il faut que je laboure mes terres dans le temps qu'on ravage celles des autres . J'ai acheté deux assez belles seigneuries aux portes de Genève . Je les aurais mieux aimées dans le voisinage de votre Excellence . Je tâcherai de venir vous voir après la récolte . Nous autres laboureurs nous ne pouvons guère disposer de notre temps , mais je serai tout le temps de ma vie avec les sentiments les plus respectueux et le plus sincère attachement

monsieur

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

Vous me feriez un très sensible plaisir de daigner monsieur envoyer une lettre de change de 6 500 livres au laboureur qui doit acheter des bœufs et des charrues . »

1 Sur le manuscrit il est noté : expédition par la poste ce 27è, répondu le 2è de l'an 1759 .

 

03/01/2014

j'aime mieux cent fois labourer mes terres, comme je fais, que de me voir exposé à l'humiliation d'être corrigé et gâté par des comédiens

... Admirez le travail !

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 19 décembre [1758]

Mon cher ange, vous étendez les deux bouts de vos ailes sur tous mes intérêts. Vous voulez que je vous voie et qu'Oreste réussisse ce seraient là deux résurrections dont la première me serait bien plus chère que l'autre. Je suis un peu Lazare dans mon tombeau des Alpes. Je vous ai envoyé mon visage de Lazare, il y a un an, et si vous tardez à le faire placer à l'Académie, sous la face grasse de Babet 1, bientôt je n'en aurai plus du tout à vous offrir. Je deviens plus que jamais pomme tapée. Ne comptez jamais de ma part sur un visage, mais sur le cœur le plus tendre, toujours vif, toujours neuf toujours plein de vous.

Oui, sans doute, la scène de l'urne est très-changée et très grecque et croyez-moi, les Français, tout Français qu'ils sont, y reviendront, comme les Italiens et les Anglais. Ce n'est qu'à la longue que les suffrages se réunissent sur certains ouvrages et sur certaines gens.

Il n'y avait, à mon sens, autre chose à reprendre que l'instinct trop violent de la nature, dans la scène de reconnaissance et pour rendre cet instinct plus vraisemblable et plus attendrissant il n'y a qu'un vers à changer.2 Électre dit

D'où vient qu'il s'attendrit ? je l'entends qui soupire.

Voici ce qu'il faut mettre à la place

ORESTE.

0 malheureuse Électre!

ÉLECTRE.

Il me nomme, il soupire,

Les remords en ces lieux ont-ils donc quelque empire, etc.?

A l'égard de la fin, plus j'y pense, plus je crois qu'il faut la laisser comme elle est et je suis très-persuadé, étant hors de l'ivresse de la composition, de l'amour-propre, et de la guerre du parterre, que cette pièce, bien jouée, serait reçue comme Sémiramis, qui manqua d'abord son coup, et qui fait aujourd'hui son effet. Ce serait une consolation pour moi, et de la gloire pour vous, si vous forciez le public à être juste.

Pour Fanime, il y a longtemps que j'y ai donné les coups de pinceau que vous vouliez, et je vous l'enverrais sur-le-champ si vous me promettiez que les comédiens n'auraient pas l'insolence d'y rien changer. Ils furent sur le point de faire tomber l'Orphelin de la Chine, en retranchant une scène nécessaire qu'ils ont été obligés de remettre. Ils allèrent jusqu'à donner à un confident un nom qui est hébreu 3 vous sentez combien cela irrite et décourage. La Femme qui a raison est dans le même cas; mais je vous avoue que j'aime mieux cent fois labourer mes terres, comme je fais, que de me voir exposé à l'humiliation d'être corrigé et gâté par des comédiens.

Quand je parle de labourer la terre, je parle très à la lettre. Je me sers du nouveau semoir 4 avec succès, et je force notre mère commune à donner moitié plus qu'elle ne donnait. Vous souvenez-vous que, quand je me fis Suisse, le président de Brosses vous parla de me loger dans un château qu'il a entre la France et Genève ? Son château était une masure faite pour des hiboux, un comté mais à faire rire, un jardin, mais où il n'y avait que des colimaçons et des taupes, des vignes sans raisin, des campagnes sans blé, et des étables sans vaches. Il y a de tout actuellement, parce que j'ai acheté son pauvre comté par bail emphytéotique, ce qui, joint à Ferney, compose une grande étendue de pays qu'on peut rendre aisément fertile et agréable. Ces deux terres touchent presque à mes Délices. Je me suis fait un assez joli royaume dans une république. Je quitterai mon royaume pour venir vous embrasser, mon cher et respectable ami mais je ne le quitterais pas assurément pour aucun autre avantage, quel qu'il pût être.

Ne pensez-vous pas que, vu le temps qui court, il vaut mieux avoir de beaux blés, des vignes, des bois, des taureaux et des vaches, et lire les Géorgiques, que d'avoir des billets de la quatrième loterie, des annuités premières et secondes, des billets sur les fermes, et même des comptes à faire à Cadix ? Qu'en dites-vous ? Et de Babeta, quid ? et quid de rege hispano?5 et des nouvelles destructions qu'on nous promet pour l'année prochaine ? Prenez du lait, madame, engraissez, dormez, et que tous les anges se portent bien .

V.

Je fais tout ce que M. le comte de La Marche exige, j'écrirai à Monin. J'écris en droiture à SAS 6, qui a daigné m'écrire. Je vous remercie tendrement . »

2 La correction fut effectuée : Oreste, acte IV, scène iv.

3 Sans doute le nom d'Azir au lieu de celui d'Étan.

4 Celui de Michel Lullin de Chàteauvieux .Voir : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F26045.php

5 Et quelles nouvelles de Babet ? Et quelles nouvelles du roi d'Espagne ?

6 Ces deux lettres ne sont pas connues . Ces dernières lignes étant serrées en bas de page, la copie Beaumarchais-Kehl lit 545 au lieu de SAS, ainsi que les éditions suivantes ; Beuchot copié par Moland ajoutera cette note : « 545 désigne le maréchal de Richelieu ». V* , par ailleurs, n'a jamais utilisé de code avec d'Argental .

02/01/2014

Qui terre a, guerre a

...Vieux proverbe dont use Volti et que je n'ai pas eu l'occasion de vérifier par moi-même .

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« A François Tronchin

conseiller d'Etat

La copie de ma lettre à l'évêque d'Annecy 1 vous fera voir mon cher ami de quoi il est question .

Il est de la plus grande importance qu'on ait la bonté de me communiquer les titres par lesquels la Seigneurie 2 est en possession de la dîme de Collovrex 3 conjointement avec les habitants nommés les pauvres de Ferney . Ces habitants de Ferney ont perdu leur procès en qualité de pauvres, et Genève pourrait bien être attaqué en qualité de riche . Agissez mon cher ami soit auprès du conseil, soit auprès de la chambre des comptes pour m'obtenir des copies de tous les titres de vos droits de l'ancien dénombrement . Je jouirai de ces droits dans Tournay, mais j'aurai bien des affaires sur les bras dans Ferney . Qui terre a guerre a . Mais je suis trop heureux puisque mes intérêts se trouvent liés avec ceux de la république . Je n'avais pas besoin de ce nouveau motif pour lui être respectueusement attaché ainsi qu'à vous .

V.

17 décembre [1758] »

2 La seigneurie de Genève .

 

01/01/2014

Votre livre est dicté par la saine raison; Partez vite, et quittez la France

... 70 109 titres en 2011, 72 139 titres édités en 2012, donc environ 74 000 en 2013 si j'ose espèrer une telle croissance, tout ceci devrait donc correspondre à une émigration massive pour autant que ces livres et brochures soient dictés « par la saine raison » .

Faut-il en conclure que toutes les reconduites à la frontière sont la conséquence de livres trop raisonnables dont les auteurs, in-compris deviennent illico in-désirables ?

Non, pas encore .

Sur les 70 000 titres, combien sont sains et raisonnables ? Citez m'en cinquante et je vous donne mon poids en cacahuètes, et je veux bien les lire en pénitence ( les livres, pas les cacahuètes ! ).

Au fait, aux dernières nouvelles, il y a environ 200 000 émigrants qui quittent notre mère patrie annuellement, sont-ce tous de possibles bons auteurs en veine de bons écrits ? Too bad !

Bonne année à ceux qui restent, good luck à ceux qui partent .

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« A Claude -Adrien HELVÉTIUS.

A Ferney pays de Gex

17 décembre [1758] 1

Vos vers semblent écrits par la main d'Apollon;

Vous n'en aurez pour fruit que ma reconnaissance.

Votre livre est dicté par la saine raison;

Partez vite, et quittez la France.

J'aurais pourtant, monsieur, quelques petits reproches à vous faire mais le plus sensible, et qu'on vous a déjà fait sans doute, c'est d'avoir mis l'amitié parmi les vilaines passions 2; elle n'était pas faite pour si mauvaise compagnie. Je suis plus affligé qu'un autre de votre tort. L'amitié, qui m'a accompagné au pied des Alpes, fait tout mon bonheur, et je désire passionnément la vôtre. Je vous avoue que le sort de votre livre dégoûte d'en faire. Je m'en tiens actuellement à être seigneur de paroisse, laboureur, maçon, et jardinier cela ne fait point d'ennemis. Les poèmes épiques, les tragédies, et les livres philosophiques, rendent trop malheureux. Je vous embrasse je vous estime infiniment je vous aime de même, et je présente mes respects à la digne épouse d'un philosophe aimable . »

1 La première copie Beaumarchais est datée du 13 décembre mais à cette date V* est aux Délices ; l'éditeur hésite sur l'année, 1760 sur une copie, 1761 sur l'autre, toutes deux changées en 1758 d'après la mention de Condorcet : « Reporter en 1758 [bien qu'ayant d’abord noté 1757 ou 1759] année où le livre De l'Esprit a paru. »

2 L'avarice, l'ambition, l'orgueil, le despotisme. Voir De l'Esprit, III,xiv ( http://www.corpus-philo.fr/helvetius-de-l-esprit.html ) : http://pedagogie.ac-toulouse.fr/philosophie/textes/helvetiusesprit.htm