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28/03/2014

Plus il est occupé des affaires de l'État, plus je sens ce que je dois à l'attention dont il honore l'affaire d'un particulier

... Aurait pu dire ce cher Nanard, roi du bagou et des bonnes affaires . Ah ! qu'il est doux d'être riche, s'offrir de bons avocats et d'avoir des relations haut placées .

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Tout le monde ne peut en dire autant , dans quatre jours recommencent les expulsions , dans quatre jours des milliers de gens vont se retrouver à la rue , ça m'indigne toujours . Ceux qui s'occupent des affaires de l'Etat n'en ont rien à cirer, ils attendent le remaniement ministériel qui va toucher leurs petites personnes, leurs petits conforts de bourgeois nantis .

 

 

 

« A Elie BERTRAND.
A Tournay, par Genève, 20 février [1759]. 1
Mon amitié est enchantée de tous les témoignages de la vôtre ; je les sens, mon cher ami, du fond de mon cœur. Le plus grand service que vous me puissiez rendre est d'entretenir souvent M. le banneret de Freudenreich de ma tendre reconnaissance.
Il daigne entrer avec moi dans des détails qui me font voir à quel point je lui ai obligation. Plus il est occupé des affaires de l'État, plus je sens ce que je dois à l'attention dont il honore l'affaire d'un particulier. Je lui avoue que feu le ministre Saurin a mérité la corde; mais son fils 2, mon ami, le plus honnête homme du monde, avocat estimé, homme de lettres considéré, secrétaire de monseigneur le prince de Conti , mais ses sœurs et leurs enfants, enveloppés dans cet opprobre, ne méritent-ils pas un peu de pitié ? Saurin, le fils infortuné d'un homme qui fit une grande faute, m'écrit des lettres qu'il trempe de ses larmes, et qui vous en feraient verser. Je suis persuadé que son état toucherait les seigneurs curateurs. D'ailleurs plusieurs personnes sont outragées dans ce libelle ; j'y suis traité en vingt endroits de déiste et d'athée. Les pièces qu'on m'y impute sont supposées. Le libelle est anonyme, sans nom de ville, sans date. Il est imprimé furtivement malgré les lois. Une balle que Grasset avait envoyée à Genève y a été saisie par ordre du magistrat ; on en a usé de même à Lyon, et le lieutenant civil de Paris a averti le nommé Tilliard, correspondant de Grasset, qu'il serait puni s'il en recevait, et s'il en débitait un seul exemplaire. Ce concert unanime de tant de magistrats pour supprimer un libelle diffamatoire ne me laisse pas douter que je n'aie la même obligation aux seigneurs curateurs ; et de toutes les bontés dont on m'honore en tant d'endroits, les leurs me seront les plus sensibles. D'Arnay joue un bien indigne rôle dans cette affaire. Comment s'est-il associé avec un laquais des Cramer, décrété de prise de corps, à Genève, pour avoir volé ses maîtres ?
Tout ceci n'est qu'une tracasserie infâme ; mais que dire des jésuites ! Ils assassinent le roi qu'ils ont confessé ; ils font servir tous les mystères de la religion au plus grand des crimes. Nous verrons quelles suites aura cette étrange aventure. Je vous remercie et vous embrasse tendrement.

V.

1 Date portée par Bertrand sur le manuscrit .

2Bernard-Joseph Saurin , connu comme auteur dramatique . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard-Joseph_Saurin

 

 

27/03/2014

Quand on a résolu de finir ses jours à la campagne, il ne faut pas se mettre dans la nécessité d'envoyer tous les jours chercher du poivre et de la cannelle à la ville

... Et si on aime les campagnes électorales, il ne faut pas demander de pimenter le scrutin dans les villes de plus de X milliers d'habitants en flirtant avec des idées d'extrêmistes .

 

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« A Jean-Robert Tronchin

Aux Délices 17 février 1759

J'étais si honteux des détails de mes petits besoins, mon cher monsieur, qu'en vérité je n'osais vous envoyer cette liste sans votre permission . Quand on a résolu de finir ses jours à la campagne, il ne faut pas se mettre dans la nécessité d'envoyer tous les jours chercher du poivre et de la cannelle à la ville . J'aime les provisions . Horace dit qu'il en faut pour deux ans 1 . D'ailleurs j'ai vos treillages à peindre .

Je frémis des dépenses de cette année mais aussi quand j'aurai de beaux blés je serai grand seigneur . Je ne mériterai pas avec ma nouvelle charrue la gloire que monsieur votre frère acquiert par le zèle et les lumières qu'il emploie dans cette étonnante affaire du fameux vol de Genève 2. Mais je tiens que c'est un très beau métier de cultiver la terre . Je voudrais qu'il y eût à Lisbonne des juges aussi éclairés que monsieur votre frère et qui tirassent au clair l'aventure des jésuites . Il est tout simple qu'ils aient encouragé un assassinat et qu'ils aient prié Dieu pour le succès de cette sainte action . Mais qu'on les ait portés en prison dans des coffres comme des ballots de linge cela me parait suspect , et me fait trembler pour la vérité de ce qu'on leur impute . Si vous avez quelque nouvelle, faites-m'en part je vous en prie ; si vous n'en avez pas demandez-en à vos correspondants avec votre prudence ordinaire .

Avouez que le roi de Prusse a le diable au corps de m'envoyer deux cents vers de sa façon dans le temps qu'il se prépare à faire marcher deux cent mille hommes . On dit que nous n'avons plus de nègres pour travailler à nos sucreries . J'ai bien fait de me pourvoir . Si les annuités étaient approchant du pair dans quelque temps ne ferais-je pas bien de vendre les miennes ? Voilà encore 14000 livres ou environ en lettres sur vous pour le prêtre Deodati . Je ris de transiger avec des prêtres et d'avoir le théologien Vernet pour mon vassal à Tournay . C'est un tour d'espiègle que je lui ai joué .

Je vous embrasse du meilleur de mon cœur .

V. »

1 En réalité Horace se satisfait d'avoir une année de provisions ; voir Epîtres, I,xviii,109-110 : « quels sont, penses-tu, ô mon ami, mes sentiments, quels sont mes vœux ? D’avoir ce que j'ai, et moins encore ; de vivre pour moi ce qui me reste à vivre, si les dieux me réservent d'autres jours ; d'être assuré pour une année de ma provision de livres et de blé, de ne point laisser flotter mes espérances au gré d'un douteux avenir. Mais ne demandons à Jupiter que ce qu'il donne, ce qu’il retire, la vie, le bien ; pour la paix de l’âme, c'est à nous de nous le procurer. » ; http://www.espace-horace.org/trad/patin/epitres1.htm#xviii

 

26/03/2014

comme il y est parlé de vous, c'est à vous à vous défendre, si vous croyez qu'on le puisse

... Ce qui concerne un certain nombre de personnages publics qui font la une des journaux , à tort ou à raison .

 Jean-Noël Guérini  et Jean-David Ciot, par exemple, pour coller à l'actualité de ces deux personnages politiques répréhensibles .

 

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« A Frédéric II, roi de Prusse 1

[17 février 1759]

[Lui envoie son ode à Wilhelmine et s'informe de ce que Néaulme imprime à son sujet .]

1Cette lettre est du même ordre que celle du 17 février 1759, en même temps qu'il envoyait son ode sur la mort de Wilhelmine au mari de celle-ci ( voir lettre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/25/elle-vous-aimait-monseigneur-5331640.html ), d'où la date proposée . Le roi de Prusse répondit le 12 mars 1759 : « J'ai reçu cette ode qui vous a si peu coûté, qui est très belle, et certainement ne vous fera pas déshonneur . C'est le premier moment de consolation que j'ai eu depuis cinq mois . Je vous prie de la faire imprimer, et de la répandre dans les quatre parties du monde . Je ne tarderai pas longtemps à vous en témoigner ma reconnaissance . Je vous envoie une vieille épître [Épître sur le hasard à ma sœur Amélie , Œuvres de Frédéric , XII, 67-79 : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/12/64/text/] que j'ai faite il y a un an ; et comme il y est parlé de vous, c'est à vous à vous défendre, si vous croyez qu'on le puisse […]. Vous voulez savoir ce que Néaulme imprime ; vous me le demandez à moi qui ne sait pas si Néaulme est encore au monde, qui n'ai pas mis près de trois ans le pied à Berlin […]. »

 

25/03/2014

Elle vous aimait, monseigneur

...

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« A Frédéric-Wilhelm,
margrave de BAIREUTH. 1
Au château de Tournay, 17 février [1759].
Monseigneur, mon cœur remplit un bien triste devoir en envoyant à Votre Altesse sérénissime, ainsi qu'au roi votre beau- frère, cet ouvrage, que ce monarque m'a encouragé de composer.
Ma vieillesse, mon peu de talent, ma douleur même, ne m'ont pas permis d'être digne de mon sujet; mais j'espère qu'au moins le dernier vers ne vous déplaira pas.
Elle vous aimait, monseigneur, et, après vous, son cœur était à son frère. Ce souvenir, quoique très-douloureux, vous est cher, et peut mêler quelque douceur à son amertume.
Que Votre Altesse sérénissime daigne recevoir avec indulgence ce faible tribut d'un attachement que j'aurai jusqu'au tombeau. Puissiez-vous ajouter à de longs jours tous ceux que cette auguste princesse devait espérer de passer avec vous!
Je suis avec le plus profond respect,

monseigneur

de votre Altesse sérénissime

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire

de Sa Majesté très chrétienne .

 

Ode

sur la perte que l’Allemagne a faite de

Son Altesse Royale Mme la margrave de Bareith 2

1

Lorsqu'en des tourbillons de flamme et de fumée

Cent tonnerres d'airain précédés des éclairs

De leurs globes brûlants écrasent une armée,

Quand de guerriers mourants les sillons sont couverts,

Tous ceux qu'épargna la foudre

Voyant rouler dans la poudre

Leurs compagnons massacrés,

Sourds à la pitié timide

Marchent d'un pas intrépide

Sur leurs membres déchirés .

 

2

Ces féroces humains, plus durs, plus inflexibles

Que de l’acier qui les couvre au milieu des combats

S'étonnent à la fin de se trouver sensibles,

D'éprouver la pitié qu'ils ne connaissaient pas,

Quand la mort, qu'ils ont bravée

Dans cette foule abreuvée

Du sang qu'ils ont répandu,

Vient d’un pas lent et tranquille

Seule aux portes d'un asile

Où repose la vertu .

 

3

Une famille entière, interdite, éplorée

Voit ce spectre avancer vers un lit de douleurs ;

La victime l'attend, pâle, défigurée,

Tendant une main faible à ses amis en pleurs ;

Tournant en vain la paupière

Vers un reste de lumière

Qu'elle gémit de trouver,

Elle présente sa tête.

La faux redoutable est prête

Et la mort va la lever .

 

4

A cette heure prescrite, à ce moment terrible

Où d'un froid éternel ce beau corps est glacé,

Où ce souffle de l'âme, être incompréhensible,

Des sens qu'il anima s'est enfin dispersé,

Ce spectacle lamentable,

Cette perte irréparable

Vous frappe d'un coup plus fort

Que cent mille funérailles

De ceux qui dans les batailles

Donnaient et souffraient la mort .

 

5

Ô Bareith ! Ô vertus ! Ô grâces adorées !

Femme sans préjugé, sans vice et sans erreur,

Quand la mort t'enleva des sanglantes contrées

Théâtre de combats, de rapine et d'horreur,

Les nations acharnées

De leurs haines forcenées

Suspendirent les fureurs .

Les discordes s'arrêtèrent,

Tous les peuples s'accordèrent

Pour t'honorer de leurs pleurs .

 

6

Des veuves, des enfants sur ces rives funestes,

Au milieu des débris des murs et des remparts,

Cherchent de leurs parents les pitoyables restes

Ramassant en tremblant leurs ossements épars .

Ton nom seul est dans leur bouche

C'est ta perte qui les touche,

Ta perte est leur seul effroi ;

Et ces familles errantes

Dans la misère expirantes

Ne gémissent que sur toi .

 

7

De la douce vertu tel est le sûr empire,

Telle est la digne offrande à tes mânes sacrés ;

Vous , qui n'êtes que grands, vous, qu'un flatteur admire,

Vous traitons-nous ainsi lorsque vous expirez ?

La mort que Dieu vous envoie

Est le seul moment de joie

Qui console nos esprits ;

Emportez, âmes cruelles,

Ou nos haines éternelles,

Ou nos éternels mépris .

 

8

Mais toi dont la vertu fut toujours secourable,

Toi dans qui l'héroïsme égale la bonté,

Qui pensais en grand homme, en philosophe aimable,

Qui de ton sexe enfin n'avais que la beauté,

Si ton insensible cendre

Chez les morts pouvait entendre

Tous ces cris de notre amour,

Tu dirais dans ta pensée,

Les dieux m'ont récompensée

Quand ils m'ont ôté le jour .

 

9

C'est nous, tristes vivants, nous qui sommes à plaindre,

Dans nos champs désolés et sous nos boulevards,

Condamnés à souffrir, condamnés à tout craindre

Des serpents de l'envie ou des fureurs de Mars.

Les peuples foulés gémissent ;

Les arts, les vertus périssent ;

On assassine les rois ;

Tandis que l'on ose encore

Dans ce siècle que j'abhorre

Parler de meurs et de lois .

 

10

Beaux-arts, où fuirez-vous ? Troupe errante et céleste,

De l'Olympe usurpé chassés par des titans,

Beaux-arts, elle adoucit votre destin funeste :

Puisqu'elle eut du génie, elle aima les talents .

Mais la stupide insolence,

Et l'orgueilleuse ignorance

De nos modernes Midas

Confond , d'un œil imbécile,

Un Homère avec Zoïle

Ou ne le regarde pas .

 

11

Hélas ! qui désormais dans une cour paisible

Retiendra sagement la superstition,

Le sanglant fanatisme et l'athéisme horrible

Enchainés sous les pieds de la religion ?

Qui prendre pour son modèle

La loi pure et naturelle

Que Dieu grava dans nos cœurs ?

Loi sainte, aujourd'hui proscrite

Par une foule hypocrite

D'ignorants persécuteurs ?

 

12

Mais qui célèbrera l'amitié courageuse,

Première des vertus, passion des grands cœurs,

Feu sacré dont brûla cette âme généreuse

Qui s'épurait encore au creuset des malheurs ?

Rougissez, âmes communes,

Dont les diverses fortunes

Gouvernent les sentiments,

Frêles vaisseaux sans boussole

Qui tournez au gré d’Éole

Plus légers que de ses enfants .

 

13

Auguste et cher objet d’intarissables larmes,

Une main plus illustre, un crayon plus heureux

Peindra tes grands talents, tes vertus, et tes charmes

Et te fera régner chez nos derniers neveux .

Pour moi dont la voix tremblante

Dans ma vieillesse pesante

Peut à peine s'exprimer,

Ma main tombante , accablée,

Écrit sur ton mausolée :

Ci-git qui savait aimer . »

 

1 Frédéric-Guillaume de Brandebourg-Baireuth, né en 1711; marié, le 20 novembre 1731, à Wilhelmine, sœur du roi de Prusse.

2 Nous avons ici la retranscription de la version primitive de cette ode qui a été fortement modifiée après 1759 .

 

24/03/2014

Les principaux membres du gouvernement ont mis à ma disposition un exemplaire du libelle qu'ils ont fait saisir

...

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Aleria ?

 

« A Jean-Alphonse Rosset de Rochefort

[16 february 1759 1

Sir, the letter with wich you honour me does not permit me to doubt for an instant that you will conform, like your confrères, to the wise and peaceful views of the lords curators and of the sovereign council . The principal members of the state have placed at my disposal a copy of the libel wich they caused to be seized at Lausanne . I consider it to be a defamatory and punishable libel, since it has been printed without the name of the bookseller and without permission, and attacks the reputation of several persons . I am in my right in instuting criminal proceedings against the publisher for having frequently mentioned my name in this libel , for having imputed to me works wich I never composed, and for having lavished on me the most scurrilous insults and the most infamous calumnies .

It is obvious that the aim of the miserable publisher of this insolent libel is to bring out, under cover of several pieces already printed, a new letter on Saurin, wich letter the Mercure Suisse wisely refused to insert .

The question ,sir, is not to know whether the minister Saurin, who died so long ago, merited the hangman's rope or not ; but it is necessary not to endeavour to defame by every means an innocent family at present comprising eleven members ; and the council of Berne will not permit it . You have too much reason, justice, and humanity to wish to defend a punishable libel printed by a scondrel who is decreed at Geneva to be liable to arrest for a public theft .

I hope that the sentiments of friendship wil be joined to the pressing motives of religion, peace, honesty, and decency . I have the honour to be, etc .]

1Comme la lettre du 11 février 1759 [http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/10/your-prudence-seconds-the-governement-perfectly-i-do-not-dou-5318498.html], celle-ci n'est connue que par sa traduction anglaise publiée par Read qui avait eu la connaissance du manuscrit alors en possession de la famille Grenier .

« Monsieur, la lettre dont vous m'honorez ne me permet pas de douter un moment que vous vous conformiez , comme vos confrères, aux sages et paisibles vues des Curateurs et du Souverain Conseil . Les principaux membres du gouvernement ont mis à ma disposition un exemplaire du libelle qu'ils ont fait saisir à Lausanne . Je le considère comme diffamatoire et punissable, puisqu'il a été imprimé sans nom de libraire et sans permission, et qu'il attaque la réputation de plusieurs personnes . Je suis fondé à entamer des poursuites criminelles contre l'éditeur pour avoir fréquemment mentionné mon nom dans ce libelle, pour m'avoir imputé des œuvres que je n'ai jamais composées, et pour m'avoir prodigué les insultes les plus grossières et les calomnies les plus infâmes . Il est clair que le but du misérable éditeur de cet insolent libelle est de publier, à la faveur de plusieurs pièces déjà imprimées, une nouvelle lettre sur Saurin, lettre que le Mercure suisse a sagement refusé d'insérer . La question , monsieur, n'est pas de savoir si le ministre Saurin , qui est mort depuis si longtemps, méritait ou non la corde . Mais il faut qu'on ne s’efforce pas de diffamer par tous les moyens une famille innocente qui compte actuellement onze personne ; et le Conseil de Berne ne le permettra pas . Vous avez trop de raison, de justice et d'humanité pour vouloir protéger un libelle punissable, imprimé par un coquin qui est décrété d'arrestation à Genève pour un vol public . J'espère que vos sentiments d'amitié s'ajouteront à de pressants motifs de religion, de paix , d'honnêteté et de décence . J'ai l'honneur d'être, etc. »

 

23/03/2014

M. Sinner peut mériter beaucoup de louanges, quoique son libraire mérite la corde

... Tout comme certains élus municipaux feront du bon travail bien qu'appartenant à des partis dont les chefs sont discutables .

 

 

 

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

Capitaine aux gardes, etc.

à La Haye

16 février 1759, à Genève à Tournay 1

Je ne peux écrire de ma main, ainsi, monsieur, pardonnez .

Le libelle diffamatoire a été saisi à Genève où Grasset en avait envoyé quelques exemplaires ; il y a ordre de le saisir à Paris, où il en fait passer une balle par un libraire nommé Tillard 2; ce libelle insolent rédigé par un prêtre fanatique a pour but principal de renouveler l'opprobre de la famille Saurin composée de onze personnes, qui crient miséricorde au conseil de Berne ; il n'est pas seulement farci d'injures grossières, il est souillé d'accusations aussi absurdes que criminelles, de déisme et d'athéisme, et ne peut faire qu'un très mauvais effet ; le profond mépris qu'il inspire, et 3

 

à tous les devoirs de l'honneur et de la société en tâchant de favoriser le misérable auteur de cette rapsodie . Je vous supplie de dire à M. Sinner 4 que je lui serai très obligé de m'envoyer son ouvrage . Grasset a été décrété de prise de corps à Genève, pour avoir volé les cousins germains de Mme Constant 5 ; mais il peut malgré cella avoir imprimé un bon livre à Lausanne, et M. Sinner peut mériter beaucoup de louanges, quoique son libraire mérite la corde . Les jésuites méritent pis s'ils ont ourdi la conspiration de Portugal , et s'ils ont donné une belle absolution aux [assass]ins du roi ; mais quand on aura brûlé la moitié de 6

 

moins du monde contre moi un libelle punissable ; ce serait bien là le cas où les battus paieraient l'amende . Je me flatte que notre ami , M. de Brenles, vous secondera de tout son pouvoir . Vous sentez, monsieur, que la plus grande obligation que je puisse vous avoir, est de me procurer le moyen de venir jouir des douceurs de votre amitié . Je voudrais bien vous envoyer ce que vous me demandez 7, mais le roi de Prusse m'a défendu expressément de le laisser sortir de mes mains ; et on dit qu'il a deux cent mille hommes .

A tout jamais votre très humble et très obéissant serviteur

V.

gentilhomme ordinaire du roi. »

1 La moitié inférieure de la lettre est déchirée et le texte de la première et de la seconde page manque à partir de là . La troisième page n'était qu'à moitié remplie et se retrouve donc ici retranscrite entière s'il n'y a pas eu de post scriptum.

2 On ne connait pas de libraire de ce nom .

3 Lacune jusqu'au bas de la première page .

4 Johann Rudolf Sinner , auteur de Extraits de quelques poésies du XIIè, XIIIè et XIVè siècle, 1759 à Lausanne.Voir : http://books.google.fr/books?id=4TcUAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

5 Les frères Cramer ; la mère de Charlotte de Constant était la petite fille de Jacques Cramer, dont le frère Jean-Antoine était le grand-père deGabriel et Philibert Cramer, les libraires .

6 Lacune correspondant au bas de la seconde page .

7 Il s'agit des vers composés par Frédéric II à l'occasion de la mort de sa sœur Wilhelmine .

 

22/03/2014

il est contre les mœurs d'imprimer les lettres des particuliers

... Mais il est légal d'écouter des particuliers un peu particuliers .

Il est contre les moeurs d'enregistrer frauduleusement ses concitoyens, encore plus d'en faire choses publiques .

Il est effarant de voir de quelle faune détestable a été capable de s'entourer sire Sarko : tant vaut le valet, tant vaut le maître . Et dire qu'il a le front de briguer les suffrages !

 Un buisson , aussi fleuri soit-il, n'est pas toujours promesse de bons fruits

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« A Élie BERTRAND, premier

pasteur de l’Église française

à Berne
A Tournay, par Genève, 16 février 1759.
Mon cher ami, le voleur Grasset, imprimeur du libelle diffamatoire, et le prétendu bel esprit rédacteur de cet infâme ouvrage, trouvent dans Lausanne de la protection, et surtout auprès des examinateurs de l'Académie, dont un membre 1 est associé avec Grasset. Ils remuent ciel et terre, et font servir, selon l'usage, le prétexte de la religion pour justifier leur brigandage.
Je me flatte qu'ils ne trouveront pas la même faveur auprès des esprits désintéressés, nobles et éclairés, des seigneurs de Berne leurs maîtres. J'ai lu ce libelle, déjà proscrit à Genève et en France, et dont deux ballots ont été saisis. J'envoie un nouveau Mémoire 2 aux seigneurs avoyers et aux seigneurs curateurs, et surtout à notre respectable M. de Freudenreich. L'Académie de Lausanne lui manque formellement de respect en protégeant un libelle contre moi, malgré la bonté qu'il a eue de me recommander à Lausanne, quand il est venu dans ce pays, au nom de l'État. Je vous prie de lire mon Mémoire, qui est entre les mains de M. Freudenreich, et de mettre dans cette affaire toute l'activité de votre zèle prudent et de votre amitié.
Si les jésuites ont comploté, comme on l'assure, l'assassinat du roi de Portugal, ils sont un peu plus coupables que vos gens de Lausanne.

Felices nimium, sua cum bona norint,
Agricolae, etc
.3 

V.»

1D'Arnay .

2 Requête aux magnifiques seigneurs Curateurs de l'Académie de Lausanne

Étant informé que les professeurs de Lausanne croient devoir favoriser le sieur d'Arnay, leur concitoyen et Grasset l'imprimeur, je présente cette requête aux Magnifiques Seigneurs Curateurs et les supplie de me pardonner si elle n'est pas dans les formes que j'ignore .

1° Je déclare et proteste que dans ce libelle infâme il n'y a de toutes choses qu'on m'impute, aucune pièce qui soit de moi, excepté ma déclaration en faveur de la famille Saurin, qui m'a priée de prendre sa défense, et qui conjure très humblement leurs Excellences de daigner empêcher qu'on la couvre d'opprobre , qu'on renouvelle encore dans des libelles anonymes des plaies faites depuis soixante et dix ans, qu'on fasse valoir contre leur père une lettre à lui imputée, que la famille jure n'avoir jamais été écrite .

2° Les cent douze premières pages de ce libelle sont tirées à la vérité de pièces anonymes, ramassées dans d'anciens journaux de Hollande ; je ne les avais jamais lues, et je suis aussi surpris qu'indigné qu'on m'impute dans ces fatras des opinions que je n'ai jamais professées . Ces cent douze pages sont pleines d'injures que je dois pardonner mais que le bon ordre ne peut permettre . On imprime impunément en Hollande, mille scandales que le sage gouvernement de Berne ne souffre pas .

3° La Défense de milord Bolingbroke n'est point de moi mais d'un homme très supérieur à moi, et à qui on doit du respect . Cet écrit n'est point l'ouvrage qu'on m'avait annoncé d'abord ; et quel qu'il soit, je me plains qu'on m'attribue ce que je déclare n'avoir point fait .

Il est dit page 26 de la partie du libelle imprimée en petits caractères, que le roi de Prusse m'a chassé de ses États ; cela est faux ; j'en atteste Sa Majesté le roi de Prusse .

Je proteste et je fais serment qu'une lettre à moi imputée page 17 écrite à M. Thieriot à Paris est falsifiée , et je m'en rapporte au témoignage du sieur Thieriot . J'ajoute qu'il est contre les mœurs d'imprimer les lettres des particuliers .

Je persiste à dire que la prétendue lettre d'une société de Genève est un libelle infâme qu'il est défendu d'imprimer à Genève et qu'il n'y a jamais paru .

Je pourrais demander justice des injures grossières qu'on vomit contre moi dans trente pages de ce libelle, des termes de déiste et d'athée dont on ose se servir ; mais il ne m'appartient que de demander la suppression de cette infamie, et d'attendre le jugement avec confiance et respect.

Voltaire.

N.B.- Deux professeurs de Lausanne liés avec le sieur d'Arnay et Grasset , disent dans leur rapport, qu'il n'y a rien dans le libelle contre l’État et la religion . Vraiment on le croit bien, si le libelle était contre Dieu et l’État, l'auteur mériterait le dernier supplice, mais ce libelle diffame des particuliers qui implorent la justice et la bonté des Magnifiques Seigneurs Curateurs . »

3 Heureux les laboureurs, puisqu'ils connaissent leur bonheur ! Virgile, Georgiques, II,458-459 .