03/03/2014
Il est vrai qu'on peut ne se pas presser
... Pour remanier le gouvernement de notre France, pour faire savoir à Poutine qu'il faut se modérer, pour se faire des cheveux blancs [sic] , pour apporter son aide aux restos du coeur , mais alors n'arriverons-nous pas trop tard pour bien faire ?
Attendre ne mène à rien
« A Louise-Suzanne Gallatin Vaudenet
à Genève
Aux Délices 9 février [1759]
Je viendrai, madame, dès que je pourrai recevoir la bénédiction de votre incomparable tante 1. Il est vrai qu'on peut ne se pas presser . La manière dont elle pense, dont elle sent, et dont elle s'exprime fait juger qu'elle jouira longtemps de sa jeunesse centenaire . Il ne lui manque que d'être enlevée comme Sara qui le fut à peu près à son âge . Nous avons dans mon petit ermitage une fille qui a aussi cent ans mais je ne ferai jamais de vers pour elle . Je veux en faire pour vous, ma chère et respectable voisine, quand vous aurez l'âge de votre tante . Ne m'oubliez pas quand vous écrirez à Gauffecourt . Je désespère du président 2, j'espère que dans un an nous pourrons marcher sans ses lisières . Baisez pour moi la main de l’incomparable . Mille très humbles obéissances à M. Gallatin .
V. »
1 Ou plutôt grand-tante, Alexandrine Lullin, née Fatio, à qui V* pour son centième anniversaire, dédia le quatrain « Nos grands-pères vous virent belle » : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-poesie-a-madame-lullin-120804824.html , née le 20 janvier 1659 elle mourut le 14 octobre 1761 .
2 De Brosses, au sujet du chemin à refaire ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/02/06/je-peuplerai-le-pays-de-gex-de-perdrix-je-voudrais-le-peuple-5291835.html
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Je vous regarderai, sire, comme le plus grand homme de l'Europe ; mais je n'ai besoin de rien que du souvenir de ce grand homme qui, au bout du compte,... m'a planté là
... Il est des vérités qu'on ne peut contenir et la franchise de Voltaire est ici bien loin de la prétendue flatterie dont on lui fait reproche couramment .
« A Frédéric II, roi de PRUSSE
Aux Délices, près de Genève,
ce [9] février 1759. 1
Il y a longtemps que je vous dis que vous êtes l'homme le plus extraordinaire qui ait jamais été. Avoir l'Europe sur les bras, et faire les vers que Votre Majesté m'envoie, est assurément une chose unique. Moi, que j'en fasse après les vôtres ! Vous vous moquez d'un pauvre vieillard. Il n'y a qu'un frère et qu'un héros capable d'un tel ouvrage ; je ne suis ni l'un ni l'autre. Vous en savez trop pour ne pas savoir que tout sentiment est fade en comparaison de l'enthousiasme de la nature. La place où l'on est ans ce monde ajoute encore beaucoup au sublime, et quand le cœur s'exprime dans un homme de votre rang, il faut être fou pour oser parler après lui. N'insultez point, s'il vous plaît, à la misère de l'imagination paralytique d'un homme de soixante et cinq ans, environné des neiges des Alpes, et devenu plus froid qu'elles. Tout ce qu'il y aurait à faire pour l'édification du genre humain, ce serait de faire imprimer les tendres et sublimes vers qui seront à jamais le plus beau mausolée que vous puissiez élever à votre digne sœur; mais je me donnerai bien de garde d'en lâcher seulement une copie sans la permission expresse de Votre Majesté. Vos victoires, votre célérité à la façon de César, vos ressources de génie dans des temps de malheur, vous feront sans doute un nom immortel ; mais croyez que cet ouvrage du cœur, ces vers admirables qu'aucun autre homme2 ne pourrait faire, ajouteront à votre gloire personnelle autant pour le moins qu'une bataille. Si Votre Majesté dit: « J'ordonne », j'obéirai ; mais je protesterai contre mon ridicule. Encore un mot, sire, sur ce sujet. Une ode régulière, dans ma maudite langue, exige trois mois d'un travail assidu pour être passable.
A l'égard des brimborions 3, dont j'avais parlé, je les aurais surtout demandés si quatre ou cinq cent mille hommes prévalaient contre vous ; si vous étiez seul, réduit à votre courage et à votre supériorité sur les autres hommes ; mais si vous continuez à être la terreur de trois ou quatre nations, à nettoyer en deux mois trois ou quatre provinces d'ennemis, d'être le plus puissant prince de l'Europe par vous-même, alors ce serait à Votre Majesté à me les offrir. Je me suis fait un tombeau entre les Alpes et le mont Jura ; j'y ai deux seigneuries considérables, qui sont, aux yeux d'un roi, des taupinières. Je n'ai nulle envie de briller aux yeux de mes paysans ; mon cœur seul demandait ces marques de votre souvenir, et les méritait . Je vous regarderai, sire, comme le plus grand homme de l'Europe ; mais je n'ai besoin de rien que du souvenir de ce grand homme qui, au bout du compte, m'a arraché à ma patrie, à ma famille, à mes emplois, à mes charges, à ma fortune, et qui m'a planté là.
J'attends la mort tout doucement. Tracassez bien, sire, votre illustre, et glorieuse, et malheureuse vie, et puissiez-vous enfin goûter le repos, qui est le seul but de tous les hommes, et qui sera mieux employé par un philosophe tel que vous que par aucun de ceux qui croient l'être !
Pour mon respect, Votre Majesté ne s'en soucie guère ; mais il est sans bornes.
Ce fou de Néaulme jadis libraire à Berlin a imprimé dit-on , force lettres sous mon nom 4. Je ne sais ce que c'est . Dieu le bénisse .»
1 Le manuscrit olographe était autrefois dans les archives Stabenrath, au château de Bruquedalle (Seine Maritime), ayant été donné au général de Stabenrath en 1812 par le prince Auguste-Ferdinand , voir Der Freimüthige , oder berlinische Zeitung für gebildete, unbefangene Leser, Berlin, 8 mars 1803, qui data la lettre du 29 février (voir aussi : Une lettre inédite de Voltaire à Frédéric II, Revue belge de philosophie et d'histoire, F. Snieders . Snieders donne la date du 9 février, confirmée par le fait que cette lettre répond à celle du 23 janvier de Frédéric[voir page 18 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f30.image.r=prusse] et que Frédéric répondra le 2 mars 1759
2 A ce sujet, Frédéric répondra le 2 mars : « J'en viens à l'article qui semble vous toucher le plus, et je vous donne toute assurance de ne plus songer au passé, et de vous satisfaire ; mais laissez auparavant mourir en paix un homme que vous avez cruellement persécuté et qui selon toutes apparences n'a plus que peu de jours à vivre . » Cet homme est Maupertuis qui mourra le 27 juillet à Bâle .
3 La clé et la croix de chambellan que V* avait dû rendre à son départ de Berlin ; cette allusion prouve que ce que nous possédons de la correspondance entre ces deux hommes comporte de nombreuses lacunes ; voir lettre à d'Argental du 6 avril1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html
4 Voir lettre du 12 mars 1759 de Frédéric II ; page 59 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f71.image.r=prusse
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02/03/2014
Quiconque s'est emparé d'un coffre sans formalité, l'a gardé chez lui et l'a rendu sans formalité, est tenu de restituer les effets, s'ils sont répétés
... No comment !
« A Cosimo Alessandro Collini
gouverneur
de monsieur le comte de Bauer
à Strasbourg
Je viens d'écrire la lettre la plus pressante et faire votre panégyrique à Mgr l’Électeur palatin .1
Si cela réussit, vous serez encor plus à portée de vous faire rendre justice à Francfort . J'ai consulté beaucoup de gens de loi . Quiconque s'est emparé d'un coffre sans formalité, l'a gardé chez lui et l'a rendu sans formalité, est tenu de restituer les effets, s'ils sont répétés 2. C'est la décision commune, et c'est votre cas . On prétend qu'il n'y a nulle difficulté . Si je pouvais quitter mes ouvriers, j’irais à Francfort avec vous . Je vous embrasse .
V.
9 février [1759] »
1 V* est toujours à la recherche d'une place pour son ancien secrétaire . Le 5 janvier 1759 c'est Mme Denis qui écrit à Collini : « […] mon oncle […] me dit qu'il a écrit plusieurs fois, qu'il ne se lassera point . Mais jusqu'à présent il n'y a point de place vacante chez l'Electeur [ …] . J'avais proposé à mon oncle d'essayer chez Mme de Gotha . Si la guerre finissait peut-être cela deviendrait-il praticable . »
2 Terme juridique pour réclamés .
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01/03/2014
il n'y a rien d'inouï . Il y a seulement des choses un peu rares
... Comme les poissons volants !
« A Jacques-Bernard Chauvelin
Vous pardonnerez, monsieur, à un ignorant cette seconde requête . Je pourrais dire qu'il est inouï qu'on demande le centième denier d'une chose qui ne le doit pas , avant même qu'on soit en possession . Mais il n'y a rien d'inouï . Il y a seulement des choses un peu rares . Je mets de ce nombre votre équité et les bontés dont vous avez toujours honoré le vieux Suisse V... qui vous sera toujours attaché avec un tendre respect .
Aux Délices route de Genève 9 février [1759] »1
1 Chauvelin a noté sur le manuscrit : « Bourgogne » et « à M. Vincent communiquer et m'en parler ». Les premières éditions fusionnent cette lettre avec celle du 15 février 1759 .Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/18/abusant-d-autant-plus-de-son-emploi-5325318.html
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